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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/595/2023

ATA/259/2023 du 14.03.2023 sur JTAPI/221/2023 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/595/2023-MC ATA/259/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 mars 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Rocio Gonzalez, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 février 2023 (JTAPI/221/2023)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1985, est originaire du Nigéria.

2) Le 20 septembre 2017, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé à son encontre une interdiction d’entrée en Suisse (ci-après : IES) valable jusqu’au 19 septembre 2020, laquelle lui a été notifiée le 3 juillet 2020.

3) Le 15 octobre 2018, M. A______ a déposé une demande d'asile en Suisse.

4) Par décision du 15 novembre 2018, le SEM a refusé d'entrer en matière sur cette demande et a prononcé son renvoi de Suisse à destination de l'Italie, État compétent pour l'examen de sa demande de protection internationale en vertu des accords Dublin.

5) La prise en charge de M. A______ et l'exécution de son renvoi ont été confiées au canton de Fribourg, lequel n’a pas réussi à transférer le précité en Italie dans le délai prévu par les accords Dublin, au vu de sa disparition dans la clandestinité.

6) Le 13 août 2020, le Ministère public du canton de Genève a condamné M. A______ à une peine privative de liberté de six mois pour infractions à l'art. 19 al. 1 let. c et d de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121). Il lui était notamment reproché d'avoir vendu à Genève quinze boulettes de cocaïne entre les mois de décembre 2019 et juin 2020, et d’avoir détenu, dans l'appartement qu'il occupait à Carouge, vingt-quatre boulettes de cocaïne et deux parachutes de cette drogue destinés à la vente.

7) Le 25 mars 2021, M. A______ a été interpellé par les services de police au 24, route des Acacias pour infractions à la LStup et à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 - séjour illégal).

Selon le rapport d'arrestation, il avait été observé en train de procéder à une transaction douteuse avec un tiers, lequel avait reconnu lui avoir acheté une demi-boulette de cocaïne (0,62 gr) pour une valeur de CHF 27.-. Il disposait d’un document intitulé « carta d’identità », délivré par la commune de Frassinelle Polesine (Italie), valable du 18 septembre 2018 au 12 décembre 2028. Il était précisé sur ce document qu’il était citoyen nigérian.

Conduit dans les locaux de la police, il a nié se livrer au trafic de cocaïne sur le territoire genevois. Il a précisé fumer de la marijuana environ deux fois par semaine. S’agissant de sa situation personnelle, il était venu avec sa fiancée et leur fille à Genève en 2018, depuis l'Italie. Il séjournait à une adresse qu'il ne souhaitait pas divulguer et travaillait dans un salon de coiffure au sujet duquel il ne voulait pas donner de détails.

8) Le 26 mars 2021, M. A______ a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public genevois pour les faits ayant conduit à son arrestation à une peine privative de liberté de cent dix jours et à une amende de CHF 500.-, puis a été remis en mains des services de police.

9) Le même jour, en application de l’art. 74 al. 1 let. a LEI, le commissaire de police lui a fait interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois et M. A______ a été acheminé par Jail-Transport-System dans le canton de Fribourg.

10) Le 1er décembre 2021, M. A______, de retour à Genève, a été appréhendé par les services de police genevois, dans le quartier des Eaux-Vives.

Il ressort notamment du rapport de police établi à cette occasion qu’il avait été formellement reconnu par une femme comme étant son vendeur de cocaïne ; elle avait indiqué qu’il lui avait vendu environ treize boulettes de cette drogue.

Lors de son audition par la police, il a nié s’adonner au trafic de cocaïne, mais a reconnu qu’il savait ne pas être autorisé à séjourner en Suisse et à Genève, en particulier au vu de l’interdiction d’y pénétrer dont il faisait l’objet.

Prévenu d'infractions à la LStup (trafic de cocaïne) et à la LEI, dont l’art. 119 LEI, M. A______ a été mis à disposition du Ministère public sur ordre du commissaire de police, puis maintenu en détention provisoire dans l'attente de son jugement, étant précisé qu’il faisait également l’objet d’un mandat d’arrêt pour une peine privative de liberté pour une durée de cent dix jours, sous déduction d’un jour de détention avant jugement.

11) Par jugement du 28 avril 2022, le Tribunal de police a déclaré M. A______ coupable d'infractions à la LStup (art. 19 al. 1 let. c et d) et à la LEI (art. 115 al. 1 let. a LEI, entrée illégale ; art. 115 al. 1 let. b LEI , séjour illégal) et de non-respect d’une assignation à un lieu de résidence ou d’une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI) et l’a notamment condamné à une peine privative de liberté de quatre mois, sous déduction de cinquante-neuf jours de détention avant jugement (art. 40 et 51 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; CP - RS 311.0). Le Tribunal de police a également ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de trois ans, selon l’art. 66a bis CP.

12) Le 5 octobre 2022, M. A______ a été libéré conditionnellement par le Tribunal d’application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) et remis entre les mains des services de police.

13) Le même jour, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à son encontre pour une durée de deux mois, en application des art. 76 al. 1 let. b ch.1 LEI en lien avec 75 al. 1 let. b et g LEI. Il devait être auditionné par les membres d’une délégation du Nigéria, dans les locaux du SEM, à Berne, le 18 octobre 2022.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu’il s'opposait à son renvoi au Nigéria car il était italien.

14) Entendu le 7 octobre 2022 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), M. A______ a indiqué qu'il n'était pas d'accord d'être renvoyé au Nigéria car il n'était pas originaire de ce pays. Il était en revanche d'accord d'être renvoyé en Italie. Il disposait d'une carte d'identité depuis dix ans dans ce pays. Il contestait que la carte d'identité fournie ne serait pas un titre de séjour valable. Il souhaitait retourner immédiatement en Italie et s’engageait à le faire s’il était remis en liberté. Il avait de l'argent pour acheter son billet de retour. Son avocate en Italie, Me B______, pourrait confirmer au TAPI la validité de son titre de séjour. Il disposait d'économies, soit CHF 864.- et EUR 1'500.-.

La représentante du commissaire de police a indiqué que les autorités n'avaient pas entrepris de démarche en vue du renvoi de M. A______ en Italie car le document intitulé carte d'identité dont il disposait n'était pas considéré comme un titre de séjour. C'était un document qui avait été émis dans le cadre de la procédure Dublin, laquelle était désormais close. Les autorités suisses n'avaient pas d'autre choix que de faire des démarches en vue d'un renvoi au Nigéria, à condition bien sûr que l'intéressé soit identifié comme ressortissant de ce pays. M. A______ était toujours inscrit à l'audition du 18 octobre 2022. Dans ce cadre, il serait ou non reconnu. Ensuite, elles entreprendraient les démarches en vue de l'obtention d'un laissez-passer et la réservation d'un vol, ou présenteraient l’intéressé à la délégation d'un autre pays, selon les pistes qui leur seraient données. C'était aussi pour cette raison qu’elles avaient demandé une détention administrative de deux mois.

M. A______ a conclu à sa mise en liberté immédiate. L'ordre de mise en détention pris à son encontre n'était pas nécessaire, était inadéquat et ne tenait pas compte du préavis favorable pour bonne conduite prononcé dans le cadre de sa détention pénale, de ses économies, du fait qu'il possédait une carte d'identité lui permettant de séjourner en Italie et de son engagement à y retourner immédiatement, par ses propres moyens, s'il venait à être libéré.

15) Par jugement du 7 octobre 2022, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de deux mois.

M. A______ faisait l'objet d'une décision d'expulsion pénale prononcée par le Tribunal de police le 28 avril 2022 pour une durée de trois ans. Il avait été reconnu coupable à plusieurs reprises, la dernière fois par le jugement précité, notamment d’infractions à l'art. 19 al. 1 LStup et de non-respect d'une mesure d'assignation territoriale. Il était démuni de toutes ressources financières légales et n’en était pas à sa première condamnation pour trafic de drogue. En conséquence, il pouvait être retenu qu’il aurait sans aucun doute poursuivi cette activité s'il n'avait pas été interpellé par la police. Sa détention administrative était ainsi justifiée sur la base des art. 76 al. 1 let. b ch. 1 et 75 al. 1 let. b et g LEI, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si elle pouvait l’être également en application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI.

L’assurance de son départ de Suisse répondait à un intérêt public certain et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où il devrait monter dans l’avion devant le reconduire au Nigéria, étant relevé que l’intéressé n’avait ni résidence fixe, ni source légale de revenu en Suisse et que les autorités suisses devaient s'assurer du fait qu'il quitterait effectivement le territoire. Il ne pourrait ainsi pas, comme il le souhaitait, être simplement remis en liberté pour se rendre en Italie par ses propres moyens. Sa mise en détention respectait donc le principe de la proportionnalité et l'autorité chargée du renvoi avait agi avec diligence et célérité.

16) Lors d’une audition centralisée avec les autorités du Nigéria du 18 octobre 2022, M. A______ n’a pas été reconnu en tant que ressortissant nigérian.

17) Par arrêt du 27 octobre 2022, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours interjeté par M. A______ le 17 octobre 2022 contre le jugement du 7 octobre 2022.

18) Le 4 novembre 2022, M. A______ a refusé de participer à l'entretien avec un expert LINGUA du SEM prévu le même jour par téléphone.

19) Par requête motivée du 22 novembre 2022, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois, cette mesure constituant en effet l’unique moyen de mener à terme le rapatriement de ce dernier à destination de son pays d’origine.

20) Devant le TAPI, lors de l'audience du 29 novembre 2022, M. A______ a déclaré qu'il n'était pas originaire d'un pays d'Afrique, mais qu'il venait de Haïti. À la question du TAPI de savoir s'il était venu directement d'Haïti en Italie, il a refusé de répondre. Il n'avait aucun document attestant de sa nationalité haïtienne et refusait de répondre à la question de savoir s'il avait encore de la famille en Haïti. Il avait refusé l'entretien téléphonique du 4 novembre 2022 car il n'avait pas compris son but et ne l'avait d'ailleurs toujours pas compris. Son avocate en Italie lui avait dit que son renvoi vers ce pays était possible. En cas de remise en liberté, il repartirait en Italie : elle l'y attendait. Il avait des économies et pouvait repartir en Italie par ses propres moyens. Il refusait tout entretien avec un expert LINGUA afin de déterminer sa nationalité. Il refusait d'être présenté une nouvelle fois devant une délégation du Nigéria.

La représentante de l'OCPM a indiqué que l'entretien avec un expert LINGUA organisé le 4 novembre 2022 avait pour but de déterminer par une reconnaissance de la langue la nationalité de M. A______ afin de pouvoir le présenter devant une délégation d'un autre pays africain. Le renvoi en Italie n'était plus possible : les autorités suisses, eu égard à leurs engagements internationaux, ne pouvaient pas remettre M. A______ en liberté et lui permettre de repartir en Italie. Elle a demandé la confirmation de la demande de prolongation pour une durée de trois mois, précisant que selon les informations en sa possession, le SEM pourrait demander que M. A______ soit à nouveau présenté devant une délégation nigériane car il pouvait arriver que, suivant les experts, la reconnaissance se fasse ou non. Selon l'issue des futures démarches, il se pourrait qu'une détention pour insoumission soit prononcée à l'encontre de M. A______.

Le Conseil de M. A______ a déposé copie du chargé de pièces déposé dans le cadre du recours à la chambre administrative, ainsi qu'une attestation du Conseil italien de son client relative au recours pendant devant les autorités italiennes. Il a confirmé qu’il n'y avait pas de décision des autorités italiennes autorisant son client à être renvoyé en Italie. Il a conclu au rejet de la demande de prolongation et à ce que son client soit remis en liberté le 5 décembre 2022, subsidiairement à ce que son renvoi en Italie se fasse dans un délai de cinq jours.

21) Par jugement du 29 novembre 2022, le TAPI a prolongé la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 3 mars 2023 inclus.

22) Par requête du 23 janvier 2023 reçue le lendemain par le TAPI, M. A______ a déposé une demande de mise en liberté, rappelant qu'il se trouvait en détention administrative depuis le 5 octobre 2022 et que malgré ses demandes répétées de libération et le droit de séjour dont il disposait en Italie, il demeurait encore détenu. Il souhaitait pouvoir rapidement quitter la Suisse et se rendre par ses propres moyens en Italie.

23) Lors de sa comparution devant le TAPI, le 31 janvier 2023, M. A______ a en premier lieu souhaité corriger une erreur dans sa demande de mise en liberté. Il n'était pas ressortissant du Nigéria, contrairement à ce que les services sociaux de Frambois avaient indiqué par erreur. Il avait une avocate en Italie, Me B______, qui s'occupait de son dossier sur place. Il avait eu un rendez-vous avec elle en octobre 2021 et il était établi dans son dossier italien qu'il devait avoir un rendez-vous avec les autorités italiennes en 2025. Sur question du TAPI de savoir s'il maintenait être originaire de Haïti, il ne pouvait pas répondre. Pour lui, la question était de savoir s'il pouvait être renvoyé en Italie car il avait le droit d'y résider. Il a expliqué qu'il n'avait pas parlé avec la délégation nigériane et qu'il n'était pas ressortissant de ce pays. Il a répété que son avocate en Italie lui avait dit que tout ceci était faux car il avait un droit d'asile en Italie et pouvait légitimement y retourner. Il était en contact régulier avec son avocate et il avait parlé avec elle pour la dernière fois environ deux semaines auparavant. Elle était très fâchée d'entendre ce qu'il lui disait sur son renvoi ailleurs qu'en Italie. Elle lui avait envoyé son dossier qui démontrait tout ceci, mais ce dossier était passé entre les mains des services sociaux qui l'avaient remis à la police. Sur question de son conseil, il allait de soi qu'en cas de libération, il était prêt à coopérer avec les autorités suisses pour assurer son retour en Italie.

La représentante de l'OCPM a signalé au TAPI que l'audition de M. A______ par une délégation nigériane avait eu lieu en date du 25 janvier 2023 et qu'il avait été reconnu en tant que ressortissant nigérian. Suite à cela, un vol à destination de Lagos au départ de Genève avait été réservé pour le 23 février 2023, cette réservation entraînant la possibilité de la délivrance d'un laissez-passer par les autorités nigérianes. Sur question du conseil de M. A______, il n'y avait pas eu véritablement de refus des autorités italiennes concernant la reprise de M. A______, mais les délais de reprise selon les accords Dublin étaient dépassés, de sorte que les autorités suisses avaient tourné leurs efforts vers le renvoi de M. A______ dans son pays d'origine. À sa connaissance, la police n'avait reçu aucun dossier concernant la procédure italienne de M. A______.

Le conseil de M. A______ a produit un chargé de pièces contenant notamment une attestation rédigée le 28 novembre 2022 par Me B______, dont il résultait que M. A______, né à Portacourt (recte : Port Harcourt) River State au Nigéria, était en procédure de recours contre la décision prise en Italie de ne pas lui accorder la protection internationale, la protection subsidiaire et la protection humanitaire, une audience étant fixée dans cette procédure pour le 13 février 2025. Le conseil de M. A______ a plaidé et conclu principalement à la mise en liberté immédiate de son mandant et subsidiairement à ce que des mesures subsidiaires soient prononcées, notamment une assignation à un lieu de résidence.

24) Par jugement du 31 janvier 2023, le TAPI a rejeté la demande de mise en liberté formée le 24 janvier 2023 par M. A______ et a confirmé en tant que de besoin la détention administrative jusqu'au 3 mars 2023.

25) Par requête motivée du 21 février 2023, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois. Dans l'éventualité où il refuserait de quitter la Suisse à bord du vol DEPU prévu le 23 février 2023, un vol avec accompagnement policier serait organisé.

26) Le 23 février 2023, M. A______ a refusé de prendre le vol DEPU.

27) Le 27 février 2023, devant le TAPI, la représentante de l'OCPM a confirmé qu'au vu du refus de M. A______ de prendre le vol DEPU qui était prévu le 23 février dernier, un vol DEPA avec escorte policière était prévu le 13 mars 2023.

M. A______ a indiqué ne pas être originaire du Nigéria. Son père venait du Biafra – soit une partie du Nigéria qui luttait pour l'obtention de son indépendance – et sa mère venait de Haïti. Sa vie était en danger s'il retournait au Biafra. Il l'avait dit à son avocate et cela ressortait des documents qu'elle avait transmis au tribunal.

La représentante de l'OCPM a demandé la confirmation de la demande de prolongation pour une durée de quatre mois. Le conseil de M. A______ a conclu au rejet de la demande de prolongation et à la mise en liberté de son client au 3 mars 2023.

28. Par jugement du 27 février 2023, le TAPI a prolongé la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu’au 3 juillet 2023 inclus.

28) Par acte remis à la poste le 9 mars 2023, M. A______ a recouru contre ce jugement, concluant à son annulation et à sa mise en liberté immédiate, assortie d’un délai de départ d’un jour. Subsidiairement, sa détention administrative devait être réduite à un maximum de cinq jours en vue de son renvoi en Italie.

À titre préalable, l’effet suspensif devait être accordé à son recours et l’exécution de son vol prévue le 13 mars 2023 devait être suspendue.

Il était un participant actif en tant que leader et porte-parole d’un mouvement politique séparatiste dans la région du Biafra, au Nigeria. En 2016, la police avait lancé contre lui un avis de recherche, relayé par la télévision, afin de l’arrêter. Il risquait la peine de mort et avait dû fuir le pays.

Un titre de séjour lui avait été délivré en Italie le 18 septembre 2018. Il était valable jusqu’en 2028. Il était convoqué au Tribunal de Venise le 13 février 2025 pour qu’il soit statué sur son recours contre le refus de l’Italie de lui accorder l’asile et la protection subsidiaire.

Son renvoi au Nigeria était illicite et violait les art. 83 al. 2 et 3 LEI et 2 et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). La décision était par ailleurs disproportionnée et arbitraire et violait l’art. 69 al. 2 LEI. Enfin, les autorités suisses n’avaient pas pris contact avec les autorités italiennes pour s’assurer de son droit de séjour.

29) Le 10 mars 2023, l’OCPM a conclu au rejet de la demande d’effet suspensif et au rejet du recours.

30) Le 10 mars 2023, la présidence de la chambre administrative a rejeté la demande d’effet suspensif.

M. A______ ne rendait nullement vraisemblables ses allégations sur les risques qu’il disait courir au Nigeria en cas de renvoi. Il n’établissait pas disposer en Italie d’un droit de séjour, et la carte d’identité italienne qu’il invoquait n’incorporait pas un tel droit ni ne permettait de lever la détention administrative. C’était le permis de séjour qui était prévu pour prouver le droit de séjour en Italie. Sa reprise par l’Italie dans le cadre des accords de Dublin n’était plus possible. Les autorités helvétiques pouvaient le renvoyer dans le pays de leur choix. La nouvelle demande d’asile qu’il avait formée en Suisse le 3 mars 2023 était sans portée sur la détention administrative.

31) Le 13 mars 2023, M. A______ a persisté dans ses conclusions au fond.

32) Le 13 mars 2023 également, l’OCPM a informé la chambre de céans que M. A______ avait embarqué le même jour dans un vol à destination du Nigeria.

33) Le 13 mars 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 10 mars 2023 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

En outre, à teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l'étranger (al. 3 1ère phr.).

3) Bien que le recourant ait été libéré le 13 mars 2023 pour embarquer à bord d’un avion à destination du Nigeria, son recours n’a pas perdu son objet dès lors qu’il s’est plaint de ce que sa détention violait la CEDH.

4) La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale.

a. En vertu de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l'art. 75 al. 1 LEI, après notification d'une décision de première instance d'expulsion au sens de la LEI ou des art. 66a ou 66abis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, notamment mettre en détention la personne concernée pour les motifs notamment cités à l’art. 75 al. 1 let. b LEI, soit qu’elle ait pénétré dans une zone qui lui était interdite en application de l’art. 74 LEI, ou qu’elle menace sérieusement d’autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et a été condamnée pour ce motif (art. 75 al. 1 let. g LEI).

b. En l'espèce, le TP a prononcé le 28 avril 2022 l’expulsion pénale du recourant (art. 66abis CP). L’intéressé a été condamné à trois reprises pour des infractions à la LStup, soit les 13 août 2020 pour délit (art. 19 al. 1 let. c et d), le 26 mars 2021 pour délit (art. 19 al. 1 let. c) et contravention à l’art. 19a ainsi que par jugement du TP du 28 avril 2022 pour infraction à l’art. 19 al. 1 let. c et d. Les faits portaient sur de la vente de cocaïne, soit une drogue dite dure. Il a par ailleurs été reconnu coupable de non-respect d’une interdiction de pénétrer sur le territoire genevois du 26 mars 2021, notifiée le même jour. Les conditions d'une mise en détention administrative en application des art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l'art. 75 al. 1 let. b et g LEI sont donc remplies, ce que le recourant ne remet, au demeurant, pas en cause.

5) Le recourant invoque une violation du principe de la proportionnalité.

a. Ce principe, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

Conformément à l'art. 76 al. 4 LEI, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder.

b. En l'espèce, le recourant soutient qu’il pourrait être renvoyé vers l’Italie, où il disposerait d’un droit de séjour. Il affirme qu’il s’y rendrait sans attendre s’il était remis en liberté.

Il ne peut être suivi.

Les autorités suisses pouvaient le renvoyer dans le pays de leur choix pour autant qu’il puisse y séjourner et dispose des titres de transport nécessaires (art. 69 al. 2 LEI ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_285/2013 du 23 avril 2013 consid. 7 ; A/3257/2022 du 27 octobre 2022 consid. 5). Le renvoi ou l'expulsion dans un pays tiers du choix de l'étranger constitue par ailleurs seulement une faculté de l'autorité compétente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_285/2013 du 23 avril 2013 consid. 7 ; 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 6 ; 2C_393/2009 du 6 juillet 2009 consid. 3.4 ; ATA/646/2020 du 6 juillet 2020 consid. 5b).

Cela étant, le recourant n’établit pas qu’il aurait le droit de séjourner en Italie.

L’OCPM a exposé sans être contredit que le droit de le faire reprendre par les autorités italiennes en vertu de l’accord de réadmission de Dublin était périmé.

Le recourant prétend que sa carte d’identité lui conférerait un droit de séjour. Tel n’est toutefois pas le cas : ce document n’incorpore pas un tel droit et n’en atteste pas non plus, mais établit seulement son identité, sa nationalité et son lieu de résidence.

En application notamment de l’art. 3 al. 1 et 2 de l’accord de réadmission, la seule détention d’une carte d’identité italienne ne suffit pas à lever une détention administrative, en l’absence de l’accord des autorités italiennes d’accepter la réadmission de l’intéressé (ATA/1273/2019 du 23 août 2019 consid. 5 ; A/3257/2022 précité consid. 5).

En droit italien, c’est le permis de séjour, soit le document prévu par l'art. 23 du decreto legislativo n. 251 du 19 novembre 2007, qui est déterminant pour prouver le droit de séjourner en Italie (ATA/1347/2019 du 9 septembre 2019 consid. 7).

Même si le recourant avait le droit de séjourner en Italie, il ne pourrait être envisagé de le libérer. Il fait en effet l'objet de plusieurs condamnations pénales et revenu à Genève alors qu’il savait ne pas y être autorisé. Il est par ailleurs déjà disparu en 2018 alors que les autorités suisses tentaient de le renvoyer en Italie. Ces éléments sont suffisants pour rendre très vraisemblable qu’en cas de mise en liberté il se soustrairait à nouveau à toute mesure de refoulement. On ne peut ainsi le suivre lorsqu'il fait valoir qu'une mesure moins incisive que la détention permettrait de sauvegarder le but recherché par la mesure.

Les autorités compétentes ont entrepris avec célérité les démarches nécessaires en vue de son renvoi, conformément à l'art. 76 al. 4 LEI, notamment en organisant des auditions et des vols. Ces démarches ont d’ailleurs été couronnées de succès puisque le recourant s’est envolé pour le Nigeria le 13 mars 2023.

Aucune autre mesure moins incisive que la mise en détention administrative n'était ainsi apte à garantir la présence du recourant jusqu’à l'exécution du renvoi, celui-ci ayant clairement affirmé sa volonté de ne pas être renvoyé vers le Nigéria, et plus largement son refus de coopérer aux démarches en ce sens.

La détention était apte à atteindre le but voulu par le législateur, s'avérait nécessaire compte tenu de l'attitude adoptée par le recourant et proportionnée au sens étroit, dès lors que conformément à la jurisprudence, si l'intérêt du recourant est grand à ne pas être renvoyé, l'intérêt public au respect des décisions de justice doit primer. La détention est en conséquence proportionnée.

Le grief sera écarté.

6) Le recourant se plaint d’une violation des art. 83 al. 2 et 3 LEI et 2 et 3 CEDH.

a. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

L'art. 83 al. 3 LEI vise notamment l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou l'art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture - RS 0.105 ; ATA/801/2018 7 août 2018 consid. 10c ; ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a). L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, 2017, p. 949). En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATA/1004/2021 précité ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).

Selon l’art. 2 CEDH, le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi (§ 1). La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire : (a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale, (b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue et (c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection (§ 2).

Selon l’art. 3 CEDH, nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

b. En l’espèce, le recourant fonde ses allégations au sujet des dangers qu’il courrait au Nigeria sur les seules affirmations contenues dans le recours formé le 8 juillet 2019 par son avocate italienne contre le refus des autorités italiennes, le 24 octobre 2018, de lui reconnaître la protection internationale, la protection subsidiaire et la protection humanitaire. Il ne documente pas les procédures, les poursuites ou les menaces dont il serait l’objet au Nigeria.

Alors même qu’il avait déjà fait valoir en Italie les menaces dont il affirme être l’objet, le recourant n’avait pas même mentionné le 7 octobre 2022 les risques qu’il courrait au Nigéria, affirmant d’ailleurs ne pas être nigérian. Le 29 novembre 2022, il a refusé devant le TAPI tout entretien avec un expert pour déterminer sa nationalité. Il a également refusé d’être présenté à une délégation nigériane et refusé de fournir des précisions sur la nationalité haïtienne qu’il dit avoir.

Or, on comprend mal que le recourant, s’il était persécuté ou devrait craindre pour sa vie au Nigeria, n’ait pas soulevé un grief si important plus tôt ou justifié son refus de coopérer par sa crainte des autorités nigérianes.

La chambre de céans observe encore que les autorités nigérianes n’ont pas reconnu le recourant lors de l’audition centralisée du 18 octobre 2022, ce qui suggère que son identité n’était pas diffusée en vue de recherche, contrairement à ce qu’il affirme.

La chambre de céans parvient à la conclusion que le recourant n’a pas rendu vraisemblable qu’il serait menacé dans sa liberté, son intégrité corporelle ou sa vie en cas de retour au Nigeria et que ses affirmations s’inscrivent en réalité dans une stratégie faite de refus de coopérer visant à empêcher son renvoi de Suisse.

Le grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

7) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA) et, vu l'issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 mars 2023 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 février 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Rocio Gonzalez, avocate du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :