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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3992/2021

ATA/1125/2022 du 08.11.2022 sur JTAPI/310/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3992/2021-PE ATA/1125/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 novembre 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pierre Ochsner, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 mars 2022 (JTAPI/310/2022)

 


EN FAIT

1) Monsieur A______, ressortissant togolais né le ______ 1968 à Lomé (Togo), est arrivé en Suisse le 1er décembre 2001. Il a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour pour études, régulièrement renouvelée jusqu’au 30 novembre 2004.

2) Le 23 mars 2004, il a épousé Madame B______, ressortissante suisse.

Suite à ce mariage, il a été mis au bénéfice d’une autorisation de séjour au titre du regroupement familial, régulièrement renouvelée jusqu’au 22 mars 2009.

3) Le 7 janvier 2009, M. A______ a obtenu la nationalité suisse par naturalisation facilitée, après avoir cosigné avec son épouse une déclaration du 30 septembre 2008 confirmant la stabilité et l'effectivité de leur communauté conjugale.

4) Par décision du 9 novembre 2013, l’office fédéral des migrations (actuellement : secrétariat d'État aux migrations ; ci-après : SEM) a annulé la naturalisation de M. A______ aux motifs que celle-ci avait été acquise sur la base de déclarations mensongères et par dissimulation de faits essentiels. Il était en effet notamment apparu que les époux n'avaient plus, durant la procédure de naturalisation, la volonté de fonder une communauté conjugale effective, qu'ils vivaient séparés de fait depuis juillet 2010 et que l'intéressé avait eu une fille adultérine née au Togo en février 2005.

Cette décision a été confirmée par arrêt du Tribunal administratif fédéral
(ci-après : le TAF) du 3 février 2015 (C-462/2014), puis par arrêt du Tribunal fédéral du 20 août 2015 (
1C_136/2015).

5) Par jugement du 10 novembre 2014, le Tribunal de première instance de Genève (ci-après : TPI) a prononcé le divorce de M. A______ et de Mme B______.

6) En réponse à une demande de renseignements de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), l'Hospice général
(ci-après : l’hospice) a indiqué avoir versé à M. A______, entre 2010 et 2015, des prestations d'aide financière pour un montant total de CHF 119'634.60.

7) Par décision du 9 octobre 2019, l’OCPM a refusé de délivrer une autorisation de séjour à M. A______ et a prononcé son renvoi de Suisse.

L'intéressé ne pouvait se prévaloir d’une intégration réussie au sens de l’art. 50 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) malgré ses nombreuses recherches d’emploi et les diplômes obtenus. La durée de son séjour devait par ailleurs être relativisée puisqu’il n’était arrivé en Suisse qu’à l'âge de 33 ans. Il avait en outre gardé des attaches avec son pays où résidaient notamment sa mère, deux frères, deux sœurs ainsi que sa fille et la mère de celle-ci.

8) Selon une attestation d’aide financière établie en novembre 2019, l’hospice a fait état d’une aide d’un montant de CHF 136'263.35 entre le 1er mars 2015 et le 30 novembre 2019.

9) a. Par jugement du 12 mai 2020 (JTAPI/368/2020), le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) a rejeté le recours formé par M. A______ contre la décision de l'OCPM du 9 octobre 2019. Ce jugement a été confirmé par la chambre administrative de la Cour de Justice (ci-après : la chambre administrative) par arrêt du 18 août 2020 (ATA/778/2020).

Ayant obtenu la nationalité suisse de manière frauduleuse, M. A______ ne pouvait se prévaloir des droits prévus à l'art. 50 LEI, conformément à
l'art. 51 al. 2 LEI. Par ailleurs, malgré sa formation, il n'était, depuis plusieurs années, pas en mesure de trouver un emploi lui permettant de subvenir à ses besoins. De ce fait, il avait fait l'objet de poursuites depuis 2010 ayant abouti à des actes de défaut de biens pour environ CHF 6'000.- et à des poursuites en cours de CHF 1'330.- en novembre 2019. Par ailleurs, il percevait de l'aide financière de l'hospice depuis le 1er novembre 2010, soit depuis près de dix ans. S'agissant de l'emploi envisagé en octobre 2019, il ne pouvait être retenu qu'il aurait certainement débouché sur un emploi stable, permettant à l’intéressé de subvenir à ses besoins. Il exposait que sa participation à Genève à des manifestations dénonçant les violations des droits humains par son pays et les circonstances suspectes du décès de son cousin lui faisaient craindre d'être « indésirable » dans son pays d'origine. Or, il ne faisait pas valoir qu'il aurait déployé une activité politique dans son pays d'origine ni n'apportait d'éléments précis permettant de retenir qu'il encourrait un risque concret pour sa liberté ou son intégrité physique en retournant au Togo. Au vu de l'ensemble de ces circonstances, l'autorité intimée avait considéré à juste titre qu’il ne pouvait se prévaloir de circonstances personnelles majeures justifiant l'octroi d'une autorisation de séjour.

b. Le 18 mars 2021, le Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté par M. A______ contre cet arrêt (2C_814/2020).

10) Le 31 mai 2021, M. A______ a sollicité auprès de l'OCPM la délivrance d'une autorisation de séjour en vue de mariage.

11) Par courriel du 11 juin 2021, l'OCPM a refusé de donner suite à la demande de M. A______ du 31 mai 2021 au motif que l'intéressé faisait l'objet d'une décision définitive et exécutoire de renvoi confirmée par le Tribunal fédéral le 18 mars 2021. Or, après enquête, il avait été constaté que M. A______ n'avait pas quitté la Suisse et travaillait illégalement sur le territoire helvétique.

Les services compétents allaient prochainement être mandatés pour procéder à son refoulement.

12) Par courrier du 13 septembre 2021 adressé à l'OCPM, M. A______ a fait valoir que son renvoi ne pouvait être exécuté en raison de son état de santé.

À l'appui de ses déclarations, il a produit un certificat médical du 3 septembre 2021 établi par la Dre C______, médecin interne auprès des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), indiquant qu'il était suivi au Centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie intégrée (CAPPI) des HUG pour un « épisode dépressif moyen » qui nécessitait la poursuite d'un suivi ambulatoire et d'un traitement médicamenteux. Sa prise en charge devait se poursuivre en Suisse étant donné les difficultés d'accès aux soins au Togo, et un arrêt des soins dans le contexte actuel mettrait sa santé en danger.

13) Par courriel du 16 septembre 2021, l'OCPM lui a demandé si son mariage était toujours d'actualité et, dans la négative, sur quelle base légale il sollicitait une autorisation de séjour.

14) Par courriel du 20 septembre 2021, M. A______ a répondu que ses projets de mariage n'étaient plus d'actualité, notamment à cause de son grave état de santé et de la situation incertaine liée à son séjour.

Il sollicitait toutefois la délivrance d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur (art. 30 al. 1 let. b LEI) au vu de la longue durée de son séjour en Suisse, de son parcours académique, de son parcours professionnel et de son état de santé. Subsidiairement, invoquant l'art. 83 LEI, il a fait valoir que son renvoi n'était pas exigible compte tenu de son état de santé.

15) Par décision du 18 octobre 2021, déclarée exécutoire nonobstant recours, l'OCPM, considérant que la requête de M. A______ était une demande de reconsidération de sa décision du 9 octobre 2019, a refusé d'entrer en matière sur cette demande et confirmé ladite décision.

Aucun fait nouveau et important au sens de l'art. 80 let. a et b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) n'avait été allégué et la situation de l'intéressé ne s'était pas modifiée de manière notable depuis le prononcé de la décision de refus et de renvoi, entrée en force, dont il faisait l'objet. En particulier, les faits allégués à l'appui de la demande avaient déjà été analysés dans la décision du 9 octobre 2019 et également pris en considération dans le cadre des recours déposés auprès du TAPI, de la chambre administrative et du Tribunal fédéral. Les circonstances ne s'étaient pas non plus modifiées de manière notable depuis l'entrée en force de sa décision.

De plus, ses problèmes psychiques apparaissaient étroitement liés à son statut administratif et à la perspective d'un renvoi. Le trouble dépressif était en effet une réaction couramment observée chez les personnes ayant l'obligation de quitter la Suisse après y avoir séjourné durant plusieurs années, sans qu'il faille pour autant y voir un obstacle sérieux à l'exécution du renvoi. En outre, il appartenait à son médecin traitant, dans le cadres de ses séances de psychothérapie, de le préparer à la perspective d'un retour dans son pays. Enfin, selon les informations officielles disponibles, les affectations psychologiques et psychiatriques dont il souffrait étaient connues au Togo où des traitements étaient proposés.

16) Par acte du 19 novembre 2021, M. A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du TAPI, concluant principalement à son annulation, au prononcé d'une admission provisoire et à la délivrance d'une autorisation de séjour en sa faveur. À titre préalable, il a sollicité son audition.

Vu son grave état de santé et l'impossibilité de suivre un traitement approprié dans son pays, son renvoi était inexigible. Pour ces motifs, il devait être mis au bénéfice d'une admission provisoire au sens de l'art. 83 LEI et une autorisation de séjour devait lui être délivrée sur cette base.

À l’appui de son recours, il a notamment produit un certificat médical du Dr D______, psychiatre FMH, daté du 4 octobre 2021, indiquant en substance qu'il souffrait d'un « trouble dépressif chronique ancien », récemment réactivé par un divorce compliqué, son épouse ayant déclaré leur mariage comme blanc dans le but de se venger de lui, ce qui avait entrainé la mise en route d'une procédure administrative d'expulsion. Il nécessitait une prise en charge bifocale (médicamenteuse et psychothérapeutique) sans laquelle un risque de passage à l'acte suicidaire existait. Compte tenu des infrastructures médicales limitées au Togo (qui ne comptait que deux psychiatres pour l'ensemble du pays), une mesure d'expulsion l'exposerait à des graves conséquences pour sa santé.

17) Par jugement du 30 mars 2022, le TAPI a rejeté le recours.

Ni la durée du séjour, ni l’intégration socio-professionnelle de M. A______, qui résultaient avant tout de l’écoulement du temps, ne pouvaient être qualifiées de notables au sens de l’art. 48 al. 1 let. b LPA. Son état de santé psychique ne constituait pas non plus une modification importante de l’état de fait, dans la mesure où il ne s’opposait pas à son renvoi. Le psychiatre avait du reste précisé qu’il s’agissait d’un trouble dépressif ancien, réactivé par son divorce, de sorte qu’il ne constituait pas un fait nouveau.

L’exécution du renvoi était en outre raisonnablement exigible. Ses troubles psychiques pouvaient être pris en charge dans son pays, notamment à Lomé. Ses médecins traitants n’étaient manifestement pas bien informés, ni d’ailleurs compétents, pour se déterminer sur les possibilités de soins psychiatriques existant au Togo.

18) Par acte du 16 mai 2022, M. A______ a interjeté recours par-devant la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation, au prononcé d'une admission provisoire et à la délivrance d'une autorisation de séjour en sa faveur. À titre préalable, il a sollicité son audition.

Son renvoi était inexigible. Il souffrait d’un trouble dépressif et la poursuite de son suivi médical en Suisse était une nécessité. Ce n’était pas parce qu’il existait des institutions au Togo que sa prise en charge effective était assurée. L’instance précédente avait fait fi de la situation actuelle du Togo et des contre-indications claires des médecins au sujet de son renvoi de Suisse.

À l’appui de son recours, il a notamment produit :

-          un avis médical du Dr D______ du 12 avril 2022, attestant que M. A______ souffrait d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, sans symptômes psychotiques, nécessitant un traitement médicamenteux antidépresseur par miansérine à une posologie de 60 mg, ainsi qu’un suivi psychothérapeutique bimensuel et précisant que l’arrêt de son traitement exposerait le patient à une rechute dépressive franche avec un risque de passage à l’acte suicidaire et que les facteurs déclencheurs et d’entretien du trouble étaient les diverses procédures judiciaires dans lesquelles M. A______ était impliqué ;

-          une consultation de suivi de proctologie des HUG du 2 mars 2021, attestant de ce que M. A______ présentait une maladie hémorroïdaire ;

-          une attestation du Dr D______, spécialiste FMH en médecine interne, du 11 octobre 2021, selon laquelle M. A______ était traité pour une hypertension artérielle et nécessitait une surveillance médicale suite à un choc septique survenu le 22 décembre 2020 sur ingestion d’une grosse arête de poisson ; un retour au Togo pouvait s’avérer risqué étant donné la difficulté d’accès aux soins ;

-          un article de presse sur l’encadrement médical au Togo des personnes souffrant dans leur santé mentale.

19) Par réponse du 8 juin 2022, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

20) Le 8 juillet 2022, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Sa demande de reconsidération était étroitement liée à son état médical qui s’était dégradé dans une mesure notable depuis la dernière décision. L’instance précédente n’avait pas tenu compte de la réalité factuelle des traitements psychiatriques au Togo.

21) Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) Le recourant sollicite son audition.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l'espèce, le recourant a eu l’occasion de s’exprimer devant l’OCPM, le TAPI et la chambre de céans, et de produire toute pièce utile. Il n’expose pas quels éléments supplémentaires son audition apporterait à l’instruction de la cause. La chambre de céans dispose dès lors d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause. Il ne sera donc pas donné suite à sa demande d'audition.

3) Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l’OCPM d’entrer en matière sur la demande de reconsidération.

a. L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'elle ou il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible
(ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1301/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si une recourante ou un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, elle ou il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1301/2020 précité consid. 2b).

Ainsi, l'autorité de recours n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction (ATA/1390/2021 du 21 décembre 2021 consid. 2a et les références citées).

b. Les conclusions du recourant tendant à l’octroi d’une admission provisoire et d’une autorisation de séjour sont exorbitantes au présent litige. Celui-ci concerne en effet uniquement la question de l'entrée en matière sur la demande de reconsidération de la décision du 19 octobre 2019.

4) a. Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 -
LaLEtr - F 2 10, a contrario ; ATA/12/2020 du 7 janvier 2020 consid. 3).

b. L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 5b).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision
(art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux » ou novae véritables, c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1244/2019 du 13 août 2019 consid. 5 ; ATA/830/2016 du 4 octobre 2016 consid. 2a).

Bien que l'écoulement du temps et la poursuite d'une intégration socioprofessionnelle constituent des modifications des circonstances, ces éléments ne peuvent pas être qualifiés de notables au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA lorsqu'ils résultent uniquement du fait que l'étranger ne s'est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1244/2019 précité consid. 5b).

c. Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1 [arrêt du Tribunal fédéral 2C_883/2018 du 21 mars 2019 consid. 4.3]) ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 1417). C'est pourquoi, en principe, l'administré n'a aucun droit à ce que l'autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l'autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées
(ATF 120 Ib 42 consid. 2b ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1417).

d. Saisie d'une demande de reconsidération, l'autorité examine préalablement si les conditions de l'art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n'est pas le cas, elle rend une décision de refus d'entrer en matière qui peut faire l'objet d'un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition
(ATF 117 V 8 consid. 2 ; 109 Ib 246 consid 4a). Si lesdites conditions sont réalisées, ou si l'autorité entre en matière volontairement sans y être tenue, et rend une nouvelle décision identique à la première sans avoir réexaminé le fond de l'affaire, le recours ne pourra en principe pas porter sur ce dernier aspect. Si la décision rejette la demande de reconsidération après instruction, il s'agira alors d'une nouvelle décision sur le fond, susceptible de recours. Dans cette hypothèse, le litige a pour objet la décision sur réexamen et non la décision initiale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_319/2015 du 10 septembre 2015 consid. 3 ; 2C_406/2013 du 23 septembre 2013 consid. 4.1).

e. L'autorité administrative n'est ainsi tenue d'entrer en matière sur une nouvelle demande que lorsque les circonstances ont subi des modifications notables ou lorsqu'il existe un cas de révision, c'est-à-dire lorsque l'étranger se prévaut de faits importants ou de preuves dont il n'avait pas connaissance dans la procédure précédente, qu'il lui aurait été impossible d'invoquer dans cette procédure pour des motifs juridiques ou pratiques ou encore qu'il n'avait alors pas de raison d'alléguer (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_556/2018 du 14 novembre 2018 consid. 3 et les références citées).

f. En droit des étrangers, le résultat est identique que l'on parle de demande de réexamen ou de nouvelle demande d'autorisation : l'autorité administrative, laquelle se base sur l'état de fait actuel, qui traiterait une requête comme une nouvelle demande, n'octroiera pas une autorisation de séjour dans un cas où elle l'a refusée auparavant si la situation n'a pas changé ; et si la situation a changé, les conditions posées au réexamen seront en principe remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_715/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.2 ; ATA/1620/2019 précité consid. 3e ; ATA/1244/2019 précité consid. 5b).

g. Selon l’art. 48 al. 2 LPA, les demandes de reconsidération n’entraînent ni interruption de délai ni effet suspensif.

5) En l’espèce, le recourant ne critique pas le fait que sa demande d’autorisation de séjour du 31 mai 2021 ait été traitée comme une demande de réexamen. Il fait toutefois valoir qu’il remplit les conditions de l’art. 48 al. 1 LPA puisque son état de santé psychologique s’est dégradé dans une mesure notable depuis la dernière décision.

Il est vrai, comme l’a retenu l’autorité intimée, que les certificats médicaux attestant d’un trouble dépressif récurrent ont été établis après le prononcé de la décision du 19 octobre 2019. Cela ne signifie toutefois pas pour autant que cet élément constitue une modification notable de la situation du recourant. Comme l’a relevé à juste titre le TAPI, il s’agit d’un trouble dépressif « chronique » et « ancien », activé par le divorce compliqué. Or, le divorce a été prononcé cinq ans avant la décision du 19 octobre 2019, de sorte que l’état dépressif du recourant ne saurait être qualifié de fait nouveau. À cela s’ajoute que, selon son psychiatre traitant, les facteurs déclencheurs et d’entretien de ce trouble psychiatrique sont les procédures judiciaires dans lequel le recourant est impliqué, notamment en lien avec son titre de séjour. Or, selon la jurisprudence, les problèmes psychiques engendrés par la crainte de voir définitivement perdues ses perspectives d'avenir en Suisse ou l'imminence d'un renvoi ne sont pas susceptibles de justifier la reconnaissance d'un cas de rigueur (arrêt du TAF F-6322/2016 du 1er mai 2018 consid. 5.4). On relèvera au surplus que même une grave maladie ne saurait justifier, à elle seule, la reconnaissance d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 5.4 ; arrêts du TAF F-4125/2016 du 26 juillet 2017 consid. 5.4.1 ;
C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; C-5450/2011 du 14 décembre 2012 consid. 6.4). C’est partant à juste titre que l’OCPM a considéré que ces troubles psychiques n’étaient pas à ce point importants qu’ils justifieraient de revenir sur sa décision du 19 octobre 2019.

Le recourant se prévaut également de documents médicaux attestant d’une maladie hémorroïdaire ainsi que d’une hypertension artérielle. Or, selon les pièces produites, l’hypertension artérielle nécessite un traitement basé essentiellement sur une surveillance médicale. Quant à la maladie hémorroïdaire, les médecins des HUG avaient recommandé, en janvier 2021, une colonoscopie, suivie d’une éventuelle résection hémorroïdaire. On ignore si le recourant a suivi le protocole proposé puisqu’il ne se prévaut pas de cette affection comme fait nouveau dans ses écritures. En tout état, et dans la mesure où de tels traitements n’apparaissent pas particulièrement complexes, on ne saurait qualifier ces nouvelles circonstances de notables au sens de la jurisprudence précitée.

Pour le reste, le recourant n’invoque aucune autre circonstance nouvelle ou importante qui serait intervenue depuis la décision du 19 octobre 2019. C’est partant à juste titre que tant l'autorité intimée, qui n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation, que le TAPI, ont retenu que les conditions d'entrée en matière sur la demande de reconsidération n'étaient pas réalisées.

À titre superfétatoire et pour répondre à l’argumentation du recourant, il convient de relever que, contrairement à ce que prétend le recourant, son renvoi n’est pas inexigible au sens de l’art. 83 al. 1 LEI. Comme l’a rappelé encore récemment le TAF, même si l'encadrement et le suivi des personnes présentant des pathologies semblables à celles de l'intéressé ne correspondent pas, au Togo, à ceux disponibles en Suisse, les traitements médicaux indispensables pour un suivi adéquat des affections psychologiques existent dans ce pays. Les structures médicales à disposition sont suffisantes, en particulier à Lomé, sa ville natale, qui dispose d'établissements psychiatriques publics pouvant lui assurer des soins appropriés, en particulier le Centre hospitalier universitaire (CHU) Sylvanus Olympio de Lomé ou encore le CHU Campus ou la clinique Barruet (notamment arrêts du TAF E-7281/2018 du 19 décembre 2019 consid. 7.2.3 ; D-1601/2018 du 3 mai 2018 consid. 8.5 ; E-3520/2016 du 7 août 2017 consid. 7.3.3 et les arrêts cités). Ainsi que l’a retenu l’autorité intimée, le fait que les médecins traitants du recourant estiment qu’un retour au Togo serait risqué compte tenu de ses affections médicales ne change rien à ce qui précède, étant précisé que de telles appréciations ne relèvent pas de leur domaine d’expertise.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité ne sera alloué (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 mai 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 mars 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Ochsner, avocat du recourant, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Marmy

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.