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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4179/2020

ATA/1195/2021 du 09.11.2021 sur JTAPI/661/2021 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4179/2020-PE ATA/1195/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 novembre 2021

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 juin 2021 (JTAPI/661/2021)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______1966, est ressortissant du Kosovo.

2) Par décision du 9 novembre 2020, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de soumettre son dossier avec un préavis positif au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) et prononcé son renvoi de Suisse. Il était tenu de quitter le territoire des États membres de l'Union européenne et des États associés à Schengen, à moins qu'il ne soit titulaire d'un permis de séjour valable émis par l'un de ces États et que celui-ci consente à le réadmettre sur son territoire.

Il avait été interpellé le 7 août 2015, puis condamné le 12 août suivant par le Ministère public du canton de Genève pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation. Une interdiction d'entrée en Suisse avait été prononcée à son encontre le 15 octobre 2015, déployant ses effets jusqu'au 14 octobre 2018. Le 3 décembre 2015, l'OCPM l'avait informé de son intention de prononcer à son encontre une décision de renvoi de Suisse. Ce courrier était revenu à son expéditeur avec la mention « introuvable à l'adresse ». Le 28 décembre 2017, il avait été appréhendé par les gardes-frontières, lesquels lui avaient notifié l'interdiction d'entrée du 15 octobre 2015.

Une décision de renvoi de Suisse, avec un délai au 12 mars 2018 pour quitter le territoire, lui avait été adressée le 12 février 2018 par courrier A+.

M. A______ avait adressé le 22 octobre 2019 à l'OCPM une demande d'autorisation de séjour et de travail. Il y avait indiqué être arrivé à Genève en 2013. Il avait joint à sa requête un formulaire M, complété par l'entreprise
B______, un contrat de travail, divers documents d'état civil, un abonnement TPG pour les années 2014 à 2019, des fiches de salaire pour les années 2013 et 2019, un extrait de son compte individuel AVS couvrant les années 2014 à 2017, des attestations de l'Hospice général et de l'office des poursuites, ainsi qu'un extrait de casier judiciaire et une copie de son passeport. Invité à se prononcer sur l'intention de l'OCPM de refuser sa demande, il avait indiqué le 13 octobre 2020 souhaiter demeurer à Genève afin d'y vivre et d’y travailler. Il n'avait pas été en mesure de passer le test de français A2 à cause de la pandémie.

L'OCPM retenait qu'il était arrivé en Suisse en 2013, soit sept ans auparavant, ce qui était une courte durée, laquelle devait être de plus relativisée vu les quarante-six années passées dans son pays d'origine. Il n'avait pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle, étant relevé que son épouse et ses enfants y vivaient.

3) Par acte du 10 décembre 2020, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision en concluant principalement à son annulation et à ce que la cause soit renvoyée à l'OCPM afin qu'il transmette sa requête au SEM avec un préavis positif. À titre préalable, il demandait l'audition de trois témoins en mesure d'attester de sa parfaite intégration à Genève.

Sous l'angle de l'opération Papyrus et quand bien même son séjour était inférieur à dix ans, sa situation devait être considérée comme un cas individuel d'extrême gravité. Sous l'angle des dispositions légales relatives à un tel cas, l'OCPM avait oublié qu'il travaillait en Suisse depuis huit ans, disposait d'une situation personnelle et professionnelle stable. Il n'avait plus la possibilité de se réintégrer au Kosovo, dans la mesure où il était âgé de 54 ans et n'avait plus aucun contact professionnel ou social sur place.

4) L'OCPM a conclu le 9 février 2021 au rejet du recours.

5) Le TAPI a, par jugement du 28 juin 2021, rejeté le recours de M. A______.

Il ne se justifiait pas d'entendre les témoins mentionnés par M. A______. Les qualités attribuées par des personnes proches, comme d'être une personne honnête, généreuse et travailleuse, ne faisaient pas partie des critères à prendre en considération s'agissant de l'analyse d'un cas individuel d'extrême gravité. Il en allait de même du sentiment subjectif de la personne concernée d'appartenir désormais davantage à la communauté vivant en Suisse qu'à celle de son propre pays.

M. A______ avait déposé sa demande d'autorisation de séjour au-delà de la date limite du 31 décembre 2018 fixée comme fin de l'opération Papyrus. Il n'y avait donc pas lieu de traiter sa demande sous cet angle.

Au moment de la décision litigieuse, son séjour en Suisse, à compter de l'année 2013, d'environ sept ans, était insuffisamment long pour considérer qu'il aurait établi avec la Suisse des liens si profonds qu'un retour dans son pays constituerait un véritable déracinement. M. A______ n'avait pas fait preuve d'une ascension professionnelle hors norme ni n'occupait un emploi si spécifique qu'il lui serait impossible d'utiliser ses compétences dans son pays d'origine. Sur le plan social, il ne faisait état d'aucun engagement particulier qui traduirait un profond enracinement dans la vie de la cité. Bien que l'on puisse comprendre son souhait de demeurer en Suisse, où il bénéficiait sans doute de meilleures opportunités professionnelles et économiques, il n'expliquait pas en quoi ses conditions d'existence, à son retour dans son pays, seraient soumises à des difficultés nettement supérieures à celles de la population restée sur place.

6) M. A______ a formé recours contre ce jugement, reçu le 30 juin 2021, par acte expédié le 30 août 2021 à la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative), concluant principalement à son annulation, de même qu'à celle de la décision de l'OCPM du 9 novembre 2020 et à l'octroi d'un titre de séjour avec prise d'emploi, subsidiairement au renvoi de la cause à l'OCPM pour nouvelle décision et plus subsidiairement encore qu'il soit ordonné à l'OCPM qu'il renvoie son dossier au SEM avec un préavis favorable.

La rumeur véhiculée dans son pays faisait état pour les ressortissants de son pays d'origine, en particulier après la fin des guerres en ex-Yougoslavie, de chances de pouvoir s'établir en Suisse et même d'y faire venir épouse et enfants. Il se disait également que les autorités suisses se montraient tolérantes avec les clandestins travaillant dans la construction, tolérance qui s'était toutefois amoindrie les années passant. Bien entendu, un travail immédiat et très bien rémunéré les attendait à leur arrivée. C'était avec ces certitudes et après avoir perdu son emploi au Kosovo que lui-même avait décidé de venir seul en Suisse, triste de laisser sa femme et ses enfants au pays.

Ses revenus, sans commune mesure à ceux qu'il pouvait réaliser au Kosovo, lui permettaient d'aider sa famille restée au pays. Il avait appris qu'en définitive les ressortissants du Kosovo n'étaient pas payés à la juste mesure de leur travail et qu'ils n'étaient pas valablement assurés au niveau des diverses couvertures sociales. Les responsables de ces « réseaux mafieux », laissaient le moins de traces possibles, de sorte que les preuves des premières années passées en Suisse à travailler n'étaient pas disponibles.

Il avait été conforté dans la régularité de son séjour par les différentes administrations. Le département fédéral, pour commencer, n'informait pas les potentiels migrants kosovars quant à l'impossibilité de rester en Suisse. Les autorités fiscales et sociales avaient en quelque sorte validé son séjour pour les années déclarées par ses employeurs, en encaissant tous les mois des retenues ou des cotisations. L'OCPM n'avait engagé aucune mesure à son encontre entre son courrier du 3 décembre 2015, jusqu'à sa décision de renvoi du 12 février 2018. Malgré l'entrée en force de cette décision, il lui avait délivré des attestations de résidence et même un visa de retour. Les autorités pénales semblaient être le seul garde-fou de cette machine bien huilée qui semblait satisfaire tant les autorités kosovares que suisses. Par ce système, des milliers d'enfants étaient privés de leur père pendant plusieurs années avec des conséquences tragiques et irrémédiables sur leur développement psychique. Il était du devoir des autorités suisses d'aviser haut et fort les ressortissants du Kosovo que l'eldorado suisse de l'après-guerre n'était plus qu'une illusion et que la quasi-totalité des demandeurs se verrait refouler et ne rentrerait qu'avec la blessure d'une longue et vaine séparation. Les tribunaux, notamment au nom de l'intérêt majeur des milliers d'enfants concernés, avaient le devoir d'intervenir en envoyant un message fort.

En conséquence, la chambre administrative devait directement déduire son droit au séjour avec prise d'emploi du principe de la bonne foi et de l'intérêt supérieur de l'enfant, tel que protégé par l'art. 2 al. 2 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996 ; instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107).

7) L'OCPM a conclu le 21 septembre 2021 au rejet du recours.

M. A______ ne pouvait pas se prévaloir de l'opération Papyrus, puisqu'il avait déposé sa demande après la fin de ladite opération. Au regard de son comportement, il était malvenu de reprocher à l'autorité une quelconque violation du principe de la bonne foi, alors même qu'il était entré en Suisse et y avait travaillé illégalement, avait fait l'objet d'une condamnation pénale pour ces faits et n'avait jamais communiqué sa véritable adresse en Suisse. L'envoi des décisions de renvoi et de l'interdiction d'entrer en Suisse démontraient que les autorités n'entendaient pas tolérer son séjour en Suisse.

L'OCPM se référait au jugement entrepris pour le surplus.

8) M. A______ n'a pas fait usage de son droit à la réplique.

9) Les parties ont été informées le 26 octobre 2021 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieuse la question de savoir si l’OCPM a, à juste titre, refusé de transmettre le dossier du recourant avec un préavis favorable au SEM et prononcé son renvoi de Suisse.

Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

3) a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration de l’art. 58a
al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

c. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

S'agissant de l'intégration professionnelle, celle-ci doit être exceptionnelle : le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 précité consid. 6c et l'arrêt cité).

La question est de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (ATA/353/2019 précité consid. 5d ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

d. L'opération Papyrus, développée par le canton de Genève et qui a pris fin le 31 décembre 2018, a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l'Union européenne et de l'Association économique de
libre-échange bien intégrées et répondant à différents critères. Pour pouvoir bénéficier de cette opération, les critères étaient les suivants, conformément au livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » :

- avoir un emploi ;

- être indépendant financièrement ;

- ne pas avoir de dettes ;

- avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; le séjour doit être documenté ;

- faire preuve d'une intégration réussie (minimum niveau A2 de français du cadre européen commun de référence pour les langues et scolarisation des enfants notamment) ;

- absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal ; (ATA/88/2021 précité consid. 8a).

Cette opération n'emportait aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/121/2021 précité consid. 8a ; ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

4) C'est à juste titre que le recourant ne se prévaut plus dans son recours de l'opération Papyrus à laquelle il n'est pas éligible pour la double raison qu'il a déposé sa demande d'autorisation de séjour près d'une année après l'échéance pour le faire et qu'il ne réalisait le 22 octobre 2019, considérant une arrivée en Suisse en 2013, nullement la condition d'un séjour en Suisse de dix ans au minimum.

Quant à l'examen de l'existence d'un cas de rigueur, il a été fait de manière détaillée et circonstanciée par le TAPI, pour la nier, dans son jugement dont le recourant ne remet nullement en cause le bienfondé, se bornant dans son recours à émettre des considérations générales de politique migratoire entre le Kosovo et la Suisse.

Ainsi il ne peut se prévaloir, depuis désormais environ huit ans qu'il réside en Suisse, d'une longue durée de séjour, laquelle doit de plus être relativisée pour l'avoir été en l'absence d'autorisation de séjour, puis à la faveur d'une tolérance de l'OCPM à compter du dépôt en octobre 2019 d'une demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative.

Les critères d'évaluation autres que la seule durée du séjour ne sont pas non plus de nature à faire admettre qu'un départ de Suisse le placerait dans une situation extrêmement rigoureuse. En effet, même s'il n'émarge pas à l'aide sociale, qu'il n'a pas de poursuites et que l'extrait de son casier judiciaire ne fait état d'aucune autre condamnation que celle du mois d'août 2015 liée à son statut illégal en Suisse, il n'apparaît pas que son intégration socio-professionnelle, dans le domaine de la construction, serait exceptionnelle au point de justifier une exception aux mesures de limitation, ce qu'il ne prétend pas, se bornant dans son recours à alléguer qu'un retour dans son pays serait inimaginable. Ses connaissances professionnelles acquises, notamment dans le domaine du bâtiment, n'apparaissent, en outre, pas spécifiques à la Suisse et il sera en mesure de les utiliser au Kosovo. À défaut d'éléments concrets indiquant une forte intégration sociale en Suisse, celle-ci ne peut être retenue.

Le recourant a séjourné en Suisse depuis ses 46 ans. Il a ainsi passé son enfance, son adolescence et bonne partie de sa vie d'adulte au Kosovo, soit les périodes déterminantes pour le développement de la personnalité. Il connaît les us et coutumes de son pays et en maîtrise la langue. Sa femme et ses enfants y vivent. Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que sa réintégration soit fortement compromise ni qu’un départ de Suisse constituerait un déracinement. Nonobstant son âge actuel, soit 55 ans, son bon état de santé et le bagage acquis en Suisse constituent des éléments qui lui permettront de se réintégrer dans son pays. À cet égard, il ne fait pas valoir, à part son âge, de circonstances particulières qui permettraient de retenir que tel serait le cas, étant rappelé qu'il a passé la plus grande partie de sa vie au Kosovo. Il traversera une nécessaire phase d’adaptation, inhérente à toute personne devant quitter le territoire suisse du fait qu’elle n’en remplit pas les conditions de séjour.

Au vu de ce qui précède, le recourant ne se trouve pas dans une situation d’extrême gravité au sens de la loi. L'OCPM n'a donc pas violé la loi ni consacré un excès ou un abus de son pouvoir d'appréciation en refusant de préaviser favorablement auprès du SEM une autorisation de séjour en sa faveur.

5) Le recourant se plaint de violations du principe de la bonne foi par les autorités et prétend en faire découler le droit à une autorisation de séjour.

a. Selon l’art. 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), les organes de l’État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Selon l’art. 9 Cst., toute personne a le droit d’être traitée par les organes de l’État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. Le principe de la bonne foi comprend notamment l’interdiction des comportements contradictoires (ATF 143 IV 117 consid. 3.2 ; 136 I 254 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_342/2018 du 6 février 2019 consid. 4.1 ; ATA/240/2017 du 28 février 2017 consid. 6b ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., Zurich 2018, p. 207, § 580 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II – Les droits fondamentaux, 3ème éd., Berne 2013, p. 547, § 1171). L’interdiction des comportements contradictoires ne concerne que la même autorité, agissant à l’égard des mêmes justiciables, dans la même affaire ou à l’occasion d’affaires identiques (ATF 111 V 81 consid. 6 ; Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, 2013, n. 1172).

b. En l'espèce, le recourant ne soutient à juste titre pas avoir reçu à un quelconque moment des autorités de migration suisses, depuis son arrivée en 2013, de quelconque assurance formelle qu'il recevrait une autorisation de séjour (voir à cet égard l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_326/2019 du 3 février 2020 consid. 2.3.1).

Il a au contraire reçu de ces dernières des signaux négatifs à compter de sa condamnation par le Ministère public le 12 août 2015 pour séjour illégal et activité sans autorisation. Le 3 décembre 2015, l'OCPM lui a fait part de son intention de prononcer son renvoi, courrier qui n'a pu toutefois lui être délivré faute pour le recourant de vivre à l'adresse qu'il lui connaissait. Il s'est aussi vu notifier le 28 décembre 2017, par les gardes-frontière, la décision d'interdiction d'entrer en Suisse du 15 octobre 2015, valable jusqu'au 14 octobre 2018. Le 12 février 2018, l'OCPM a rendu à son encontre une décision de renvoi, avec délai au 12 mars 2018 pour quitter la Suisse. Il n'allègue pas que l'un et/ou l'autre de ces trois documents ne lui auraient pas été valablement notifiés. En tout état, ils démontrent l'intention ferme des autorités suisses, pénale et administrative, de ne pas tolérer son séjour en Suisse, quand bien même la décision de renvoi de 2018 n'a pas été exécutée, pour une raison qu'il n'y a pas lieu d'instruire. La délivrance à la demande du recourant d'attestations de résidence et d'un visa de retour n'y change rien.

Dans ces circonstances, le recourant ne saurait se prévaloir d'une violation du principe de la bonne foi et ce grief sera écarté.

6) Le recourant invoque l'art. 2 al. 2 CDE pour fonder son droit à un titre de séjour.

a. Selon l'art. 2 al. 1 CDE, les États parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans cette Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation.

Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l’enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille (art. 2 al. 2 CDE).

Selon l’art. 3 CDE, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs (al. 1). Par ailleurs, les États parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées (al. 2).

L'art. 27 al. 1 CDE précise encore que les États parties reconnaissent le droit de tout enfant à un niveau de vie suffisant pour permettre son développement physique, mental, spirituel, moral et social.

b. Les dispositions de la CDE ne posent que des principes dont les autorités législatives, exécutives et judiciaires des États parties doivent s'inspirer. Ces dispositions ne font d'ailleurs pas de l'intérêt de l'enfant un critère exclusif, mais un élément d'appréciation dont l'autorité doit tenir compte lorsqu'il s'agit de mettre en balance les différents intérêts en présence (ATF 139 I 315 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_927/2011 du 9 janvier 2013 consid. 5.2).

c. En l'espèce, les enfants du recourant vivent au Kosovo avec leur mère et n'ont jamais résidé en Suisse. La CDE n'impose nullement que les autorités d'un État cocontractant assurent à des enfants ne vivant pas sur son territoires les moyens de substance nécessaires et réguliers en imposant au pays de résidence de leur père et/ou de leur mère la délivrance d'un titre de séjour pour assurer cet entretien à distance, sous une forme financière. Le parent qui prend la décision de s'éloigner de ses enfants durant des années pour leur assurer une vie meilleure, ce que le recourant reconnaît, ne peut pour autant se voir assurer un titre de séjour pour que cette situation perdure, pas plus qu'il ne peut se prévaloir de possibles souffrances psychologique d'un enfant dû à cet éloignement d'avec l'un et/ou l'autre de ses parents.

Ce grief est également infondé.

7) a. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation (ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 6 et les arrêts cités). Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée
(art. 83 al. 1 LEI).

b. En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l'intimé devait prononcer son renvoi. Pour le surplus, aucun motif ne permet de retenir que son renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé ; celui-ci ne le fait d'ailleurs pas valoir.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

8) Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 août 2021 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 juin 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

M. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.