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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1939/2020

ATA/140/2021 du 09.02.2021 sur JTAPI/728/2020 ( DOMPU ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1939/2020-DOMPU ATA/140/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 février 2021

2ème section

 

dans la cause

 

Mme A______

contre

COMMUNE DE B______

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 septembre 2020 (JTAPI/728/2020)


EN FAIT

1) Le 22 juin 2020, la commune de B______ (ci-après : la commune) a infligé à Mme A______ une amende de CHF 300.- pour avoir déposé sur le territoire de la commune des déchets sans y être domiciliée.

2) Le 1er juillet 2020, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

3) Par courrier recommandé du 6 juillet 2020, le TAPI a imparti à Mme A______ un délai échéant au 5 août 2020 pour verser une avance de frais de CHF 150.-, sous peine d'irrecevabilité.

4) Ce courrier a été retourné par la Poste au TAPI avec la mention « non réclamé », Mme A______ ayant disposé d'un délai au 14 juillet 2020 pour le retirer au guichet.

5) Par jugement du 3 septembre 2020, le TAPI a déclaré le recours irrecevable, l'avance de frais n'ayant pas été effectuée dans le délai imparti.

6) Par acte remis à la poste le 18 septembre 2020, Mme A______ a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative).

Si elle n'avait pas « récupéré le courrier en plein mois de juillet », c'est qu'elle était en vacances. Elle n'avait pas fait garder le courrier car « à l'âge de l'écologie », elle recevait la plupart de sa correspondance par courriel et non par poste.

Les preuves de ses agissements devaient être présentées, notamment avec des images de sa voiture ou d'elle-même se rendant aux abords de B______ pour y jeter un carton. On ne pouvait écarter l'idée que c'était un camion de la poste qui avait perdu le colis « ou autre ». La déchetterie de C______ pourrait confirmer qu'elle était trieuse et écologiste. Elle vivait dans un immeuble écologique.

7) Le 3 novembre 2020, la commune a remis copie du rapport de renseignement établi le 22 juin 2020 par un agent d'exploitation assermenté, qui relevait qu'un colis en carton vide portant l'adresse de Mme A______, ainsi qu'un bulletin de livraison du 5 juin 2020 à son nom et désignant un produit de
« D______ », avait été trouvé le 10 juin 2020 à 10h10 dans une poubelle à côté d'un banc le long d'un dégagement au bord de la route de l'E______.

8) Le 8 novembre 2020, Mme A______ a répliqué.

Le reproche évoquait des déchets sur la voie publique et le carton était dans une poubelle. Elle pouvait fournir son planning de travail prouvant qu'elle travaillait à Nyon les 9 et 10 juin 2020. Son mari se rappelait avoir emmené ce carton à la déchetterie de C______, et il était possible que quelqu'un l'ait pris là-bas pour l'utiliser à des fins personnelles, ou alors le carton avait pu tomber du camion. Elle ne se rendait jamais dans cette région et il n'y avait pas de preuve que son véhicule y avait été vu.

9) Le 13 novembre 2020, les parties ont été avisées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente
(art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ -
E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon l'art. 65 al. 1 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions de la personne recourante. En outre, il doit contenir l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose la personne recourante doivent être jointes. À défaut, un bref délai pour satisfaire à ces exigences est fixé à la personne recourante, sous peine d'irrecevabilité (art. 65 al. 2 LPA).

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions de la personne recourante. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est pas en soi un motif d'irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins de la personne recourante. Une requête en annulation d'une décision doit par exemple être déclarée recevable dans la mesure où la personne recourante a de manière suffisante manifesté son désaccord avec la décision, ainsi que sa volonté qu'elle ne développe pas d'effets juridiques (ATA/721/2020 du 4 août 2020 consid. 2b).

c. En l'espèce, le recours ne contient pas de conclusions formelles en annulation de la décision de la commune. On comprend toutefois de l'acte de recours que la recourante est en désaccord avec l'irrecevabilité prononcée par le TAPI ainsi qu'avec l'existence d'une faute et le principe d'une sanction.

Le recours est ainsi recevable.

3) Seule est litigieuse la question de savoir si le TAPI pouvait déclarer le recours irrecevable faute pour la recourante d'avoir payé l'avance de frais dans le délai imparti.

a. L'exigence de l'avance de frais et les conséquences juridiques en cas de
non-paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Par conséquent, les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid. 2a et jurisprudence citée).

Selon l'art. 86 LPA, la juridiction saisie d'un recours invite le recourant à payer une avance de frais destinée à couvrir les frais et émoluments de procédure présumables. À cette fin, elle lui fixe un délai suffisant (al. 1). Si l'avance de frais n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

Les juridictions administratives disposent d'une grande liberté d'organiser la mise en pratique de cette disposition et peuvent donc opter pour une communication des délais de paiement par pli recommandé (ATA/916/2015 précité consid. 2b et jurisprudence citée). La référence au « délai suffisant » de l'art. 86 al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d'appréciation à l'autorité judiciaire saisie (ATA/916/2015 précité consid 2c ; ATA/881/2010 du 14 décembre 2010 consid. 4a).

b. La notification d'un acte soumis à réception, comme une décision ou une communication de procédure, est réputée faite au moment où l'envoi entre dans la sphère de pouvoir de son destinataire (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, p. 302 s n. 2.2.8.3). Il suffit que celui-ci puisse en prendre connaissance (ATF 137 III 308 consid. 3.1.2 ; 118 II 42 consid. 3b ; 115 Ia 12 consid. 3b ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.1 ; 2A.54/2000 du 23 juin 2000 consid. 2a et les références citées). La preuve de la notification d'un acte et de la date de celle-ci incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L'autorité qui veut contrer le risque d'un échec de la preuve de la notification peut communiquer ses décisions par pli recommandé. En tel cas, lorsque le destinataire de l'envoi n'est pas atteint et qu'un avis de retrait est déposé dans sa boîte aux lettres ou dans sa case postale, l'envoi est considéré comme notifié au moment où il est retiré. Si le retrait n'a pas eu lieu dans le délai de garde, il est réputé notifié le dernier jour de celui-ci (ATF 134 V 49 consid 4 ; 130 III 396 consid. 1.2.3).

c. À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti. Toutefois, selon la jurisprudence, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé. Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/916/2015 précité consid 2c).

A été considéré comme un cas de force majeure donnant lieu à restitution de délai le fait qu'un détenu, qui disposait d'un délai de recours de trois jours, n'ait pu expédier son recours dans ce délai, du fait qu'il ne pouvait le poster lui-même et qu'en outre ce pli avait été soumis à la censure de l'autorité (ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 consid. 6). Il en allait de même du recourant qui se voyait impartir, par pli recommandé, un délai de quinze jours pour s'acquitter d'une avance de frais alors que le délai de garde pour retirer le pli en question était de sept jours, de sorte qu'il ne restait qu'une semaine au justiciable pour s'exécuter (ATA/477/2009 du 20 septembre 2009 consid. 5).

En revanche, le fait d'avoir été absent ou en vacances pendant la période de distribution ne constitue pas une telle circonstance. La maladie ne constitue un motif d'excuse que si elle empêche le recourant d'agir par lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place (ATA/50/2009 du 27 janvier 2009 consid. 3c). Dès lors qu'un administré a déposé un recours, il se doit de prendre toutes les dispositions utiles afin de réceptionner les communications qui vont immanquablement lui parvenir en rapport avec ce contentieux. Il lui incombe d'avertir l'autorité de son absence, ou de prendre des dispositions pour faire réceptionner son courrier de façon à être averti de l'arrivée, pendant cette période, d'une décision le concernant. Dans ce sens, un ordre de retenue du courrier à la poste n'est pas suffisant, dans la mesure où, malgré cela, à l'échéance du délai de dépôt de l'avis de pli recommandé, la décision est malgré tout considérée comme notifiée à l'échéance du délai de garde. Si le recourant a omis de prendre les dispositions nécessaires pour que les envois postaux lui soient transmis, il ne peut se prévaloir de son absence lors de la tentative de notification d'une communication officielle à son adresse habituelle s'il devait s'attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une telle communication (ATF 134 V 49 consid. 4 ; 130 III 396 consid. 1.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_549/2009 du
1er mars 2010 consid. 3.2.1 et les références citées ; ATA/177/2015 du 6 octobre 2015 ; ATA/2653/2010 du 20 avril 2010).

d. Le formalisme excessif, prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2 ; 130 V 177
consid. 5.4.1 ; 128 II 139 consid. 2a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1 ; 2C_133/2009 du 24 juillet 2009 consid. 2.1 ; ATA/836/2014 du 28 octobre 2014 consid. 7a).

Il n'y a pas de rigueur excessive à ne pas entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d'une avance de frais dans un délai déterminé. Il faut cependant que son auteur ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le paiement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (ATF 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 précité consid. 3.1 ; 2C_645/2008 du 24 juin 2009 consid. 2.2 ; 2C_250/2009 du
2 juin 2009 consid. 5.1). La gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_703/2009 du 21 septembre 2010 consid. 4.4.2 ; 2C_645/2008 précité consid. 2.2 ; 2C_450/2008 du 1er juillet 2008 consid. 2.3.4).

4) En l'espèce, la recourante s'est vu impartir le 6 juillet 2020 un délai expirant au 5 août 2020 pour payer une avance de frais.

Il n'est pas contesté que la recourante n'a pas payé l'avance de frais dans le délai.

Le délai d'un mois imparti à la recourante apparaît suffisant, même au coeur de l'été et en période de vacances scolaires.

La recourante explique qu'elle était en vacances et n'a ni retiré ni fait retirer le courrier. Elle n'indique pas quand exactement elle aurait été en vacances. Quoi qu'il en soit, elle méconnaît qu'il lui appartenait de s'organiser, y compris durant son absence pour cause de vacances, pour recevoir les communications du TAPI, dès lors qu'elle avait formé son recours le 1er juillet 2020 et devait s'attendre à recevoir des actes de procédure ou de la correspondance en relation avec la procédure.

La recourante ajoute qu'elle ne reçoit pour l'essentiel que des courriels. Son argument ne peut être suivi. La communication par voie postale est la règle en matière administrative et judiciaire. La communication électronique n'est le plus souvent pas admise. La recourante devait ainsi s'attendre à recevoir un courrier et non un courriel du TAPI. Elle avait d'ailleurs elle-même adressé son recours au TAPI par la poste, et elle a déposé son recours sous forme de courrier devant la chambre administrative.

La recourante n'invoque aucun autre motif d'empêchement. Aucun cas de force majeure n'est établi.

C'est ainsi conformément à la loi et à la jurisprudence constante que le TAPI a constaté que l'avance de frais n'avait pas été payée et a prononcé l'irrecevabilité du recours.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5) Le recours devant le TAPI ayant été déclaré à juste titre irrecevable, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur les griefs relatifs au bien-fondé de l'amende développés par la recourante dans son recours devant la chambre administrative.

6) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 150.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 septembre 2020 par Mme A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
3 septembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Mme A______ un émolument de CHF 150.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Mme A______, à la commune de B______ ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :