Décisions | Sommaires
ACJC/1341/2025 du 30.09.2025 sur JTPI/9134/2025 ( SML ) , RENVOYE
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE C/8146/2025 ACJC/1341/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 30 SEPTEMBRE 2025 | ||
Entre
A______, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 25ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 24 juillet 2025,
et
Monsieur B______, domicilié ______ [GE].
A. Par jugement JTPI/9134/2025 du 4 août 2025, reçu par [la banque] A______ le 5 août 2025, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a rejeté la requête de mainlevée de l'opposition déposée par A______ à l'encontre de B______ (ch. 1 du dispositif), mis à sa charge les frais judiciaires en 1'500 fr. et les a compensés avec l'avance fournie par ses soins (ch. 2 et 3).
B a. Le 14 août 2025, A______ a formé recours contre ce jugement, concluant principalement à ce que la Cour de justice l'annule et prononce la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite
n° 1______, avec suite de frais et dépens. Subsidiairement, elle a conclu à ce que la Cour renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision.
b. B______ n'a pas répondu au recours.
c. Les parties ont été informées le 18 septembre 2025 de ce que la cause était gardée à juger par la Cour.
C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.
a. Le 19 juin 2018, A______ a octroyé à C______SA, dont B______ est administrateur, deux prêts hypothécaires de respectivement 510'000 fr.
(n° 3______) et 768'000 fr. (n° 4______).
En garantie de ceux-ci, D______, tiers constituante de gage, a cédé à A______ la cédule hypothécaire au porteur n° 5______ en 1'500'000 fr. grevant en 5ème rang les parcelles n° 6______ et n° 7______ de la commune de G______ [GE].
b. Par courrier du 8 février 2023 adressé à C______SA, A______ a dénoncé au remboursement avec effet immédiat le prêt hypothécaire en 510'000 fr., étant précisé que l'autre prêt avait été intégralement remboursé.
Par lettre du même jour, adressée à D______, A______ a dénoncé au remboursement la cédule hypothécaire précitée pour le 31 août 2023.
c. Le 15 septembre 2023, A______ a fait notifier à D______ un commandement de payer pour la poursuite en réalisation d'un gage immobilier portant sur la somme de 1'500'000 fr. avec intérêts à 12% dès le 1er septembre 2023 au titre de la cédule hypothécaire au porteur n° 5______. Un exemplaire de ce commandement de payer a été notifié à son conjoint, B______.
Les précités ont tous deux fait opposition aux commandements de payer qui leur ont été notifiés, lesquels portent le n° 1______.
d. Le 7 décembre 2023, A______, d'une part, et C______SA et D______, d'autre part, ont signé un document intitulé "Convention de reconnaissance de dette et remboursement", par lequel E______ SA reconnaissait devoir à A______ le solde en 444'000 fr. du prêt hypothécaire n° 3______ et s'engageait à le rembourser selon un échéancier. D______ s'engeait pour sa part à retirer l'opposition qu'elle avait formée au commandement de payer précité.
e. Par courrier du 20 décembre 2023, D______ a déclaré retirer l'opposition qu'elle avait formée au commandement de payer, poursuite
n° 1______.
f. Par requête du 3 avril 2025, dirigée contre B______, la A______ a conclu à ce que le Tribunal prononce la mainlevée provisoire de l'opposition formée par ce dernier, en sa qualité de conjoint de la débitrice, au commandement de payer poursuite n° 1______ notifié le 15 septembre 2023.
Elle a fait valoir que D______ lui avait cédé en pleine propriété la cédule hypothécaire au porteur n° 5______ et qu'elle avait reconnu être débitrice de la créance incorporée dans le titre, de sorte qu'elle disposait d'un titre de mainlevée de l'opposition. L'opposition formée par B______, conjoint de la débitrice, devait être levée.
1. 1.1 En matière de mainlevée d'opposition, seule la voie du recours est ouverte
(art. 309 let. b ch. 3 CPC).
Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).
Interjeté dans le délai et selon la forme prévus par la loi, le recours est recevable.
1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (HOHL, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., Berne, 2010, n° 2307).
Le recours est instruit en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC), la preuve des faits allégués devant être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et
art. 58 al. 1 CPC).
2. Le Tribunal a considéré que la poursuite était périmée car le commandement de payer avait été notifié plus d'un an avant le dépôt de la requête de mainlevée.
"La partie citée" avait en outre retiré son opposition, de sorte que la recourante n'avait plus d'intérêt à l'action. La requête, "irrecevable et mal fondée", devait dès lors être rejetée d'entrée de cause, sans qu'il ne soit nécessaire d'interpeller l'intimé.
La recourante fait valoir que le délai de péremption pour une poursuite en réalisation de gage est de deux ans, et non d'un an. Elle avait intérêt à l'action, car celle-ci était dirigée contre B______ qui n'avait pas retiré l'opposition formée au commandement de payer.
2.1.1 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (art. 82 al. 1 LP).
Par reconnaissance de dette au sens de l'article 82 al. 1 LP, il faut entendre notamment l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; 136 III 624 consid. 4.2.2; 136 III 627 consid. 2).
Dans la poursuite en réalisation de gage immobilier pour la créance abstraite, la cédule hypothécaire au porteur est une reconnaissance de dette au sens de
l'art. 82 al. 1 LP et vaut titre de mainlevée pour la créance instrumentée dans le titre (ATF 134 III consid. 3).
Pour qu'il puisse valablement se prévaloir de la créance abstraite dans une poursuite en réalisation de gage immobilier, le créancier poursuivant doit être le détenteur de la cédule hypothécaire. Lorsque celle-ci ne comporte pas l'indication du débiteur, le créancier pourra obtenir la mainlevée provisoire s'il produit la convention de sûretés contresignée dans laquelle le poursuivi se reconnait débiteur de la cédule cédée à titre de sûretés (ATF 140 III 36 consid. 4).
2.1.2 Selon l'art. 153 al. 2 let. b LP, dans la poursuite en réalisation de gage,
un exemplaire du commandement de payer est également notifié au conjoint du débiteur ou du tiers lorsque l’immeuble grevé est le logement de la famille
(art. 169 CC). Le conjoint peut former opposition au même titre que le débiteur. Les art. 71 à 86 ss LP sont applicables (art. 153 al. 4 LP).
A teneur de l'art. 154 al. 1 LP, le créancier peut requérir la réalisation d’un gage immobilier six mois au plus tôt et deux ans au plus tard après la notification du commandement de payer. Si opposition a été formée, ces délais ne courent pas entre l’introduction de la procédure judiciaire et le jugement définitif.
La poursuite tombe si la réquisition n’a pas été faite dans le délai légal ou si, retirée, elle n’est pas renouvelée dans ce délai (al. 2).
2.2 En l'espèce, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, la poursuite n'est pas périmée puisque la requête de mainlevée a été déposée le 14 août 2025, soit dans le délai de deux ans dès la notification du commandement de payer, intervenue le 15 septembre 2023.
En outre, la recourante conserve son intérêt à l'action puisque l'intimé, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, n'a pas retiré son opposition.
Le jugement querellé sera dès lors annulé.
La cause n'est pas en état d'être jugée car l'intimé n'a pas été entendu et le Tribunal n'a pas statué sur le fond du litige. La cause sera dès lors renvoyée à ce dernier pour qu'il instruise le dossier et rende une nouvelle décision (art. 327 al. 3 CPC).
3. Les frais judiciaires de recours, arrêtés à 2'250 fr., seront laissés à la charge de l'Etat de Genève (art. 107 al. 2 CPC; 48 et 61 OELP).
L'avance versée par la recourante lui sera restituée.
Il ne sera pas alloué de dépens de recours, la recourante plaidant en personne et n'ayant pas effectué de démarches justifiant l'allocation de dépens
(art. 95 al. 3 let. c CPC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 14 août 2025 par A______ contre le jugement JTPI/9134/2025 rendu le 4 août 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/8146/2025–25 SML.
Au fond :
Annule ce jugement.
Renvoie la cause au Tribunal pour instruction de la cause et nouvelle décision.
Sur les frais :
Laisse les frais judiciaires de recours, arrêtés à 2'250 fr., à la charge de l'Etat de Genève.
Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à la A______ l'avance du même montant qu'elle a versée.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.
Siégeant :
Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN, Mme Nathalie RAPP, juges; Madame Barbara NEVEUX, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.