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ACJC/1090/2025 du 13.08.2025 sur OTPI/783/2024 ( SP ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/22681/2024 ACJC/1090/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MERCREDI 13 AOÛT 2025 |
Entre
A______ FOUNDATION, sise c/o B______ Treuhand Anstalt, ______ (Liechtenstein), appelante d'une ordonnance rendue par la 2ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 12 décembre 2024, représentée par Me Giorgio CAMPA, avocat, avenue Pictet-de-Rochemont 7, 1207 Genève,
et
Madame C______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par
Me Elie ELKAIM, avocat, rue du Lion d'Or 2, case postale 925, 1001 Lausanne.
A. Par ordonnance OTPI/783/2024 du 12 décembre 2024, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal), statuant sur mesures provisionnelles, a, préalablement, déclaré recevables les pièces 2, 3, 20, 22, 25 et 26 produites par A______ FOUNDATION (ch. 1 du dispositif), cela fait, rejeté la requête [de A______ FOUNDATION] (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 1'500 fr. (ch. 3), mis à la charge de A______ FOUNDATION et les a compensés avec l'avance de frais fournie par cette dernière (ch. 4), condamnée à verser à C______ un montant de 1’500 fr. TTC à titre de dépens (ch. 5) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).
B. a. Par acte expédié le 26 décembre 2024 à la Cour de justice, A______ FOUNDATION (ci-après: l'appelante ou la Fondation) a formé appel de cette ordonnance, concluant à son annulation, et cela fait, à ce qu'il soit fait interdiction à C______ d'aliéner les bijoux, tableaux et sculptures visés dans sa requête de mesures provisionnelles du 2 octobre 2024, sous la menace de la peine d'amende prévue à l'art. 292 CP, à ce que soit ordonné le séquestre conservatoire, à ses frais, des bijoux, tableaux et sculptures précités en mains d'un huissier judiciaire à désigner par la Cour, à la condamnation de C______ à une peine d'amende de 1'000 fr. pour chaque jour d'inexécution dès le troisième jour suivant la notification du prononcé [du séquestre conservatoire], ainsi que l'enlèvement par la force publique desdits biens en cas d'inexécution de C______, à ce que lui soit imparti un délai pour introduire une demande au fond, et à être dispensée de la fourniture de sûretés, sous suite de frais et dépens.
Elle a allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles (pièces 27 à 30), soit un courrier de D______ du 23 décembre 2024 par lequel celui-ci se détermine sur les points qui le concernent de l'ordonnance querellée (27), la requête unilatérale en divorce du précité du 29 juin 2022 (28), les déterminations de C______ du 13 mai 2024 dans le cadre de la procédure de divorce (29) et des avis de crédit en sa faveur comprenant la mention "remboursements D______" (30).
b. Par réponse du 24 janvier 2025, C______ (ci-après: l'intimée) a conclu à la confirmation de l'ordonnance entreprise, avec suite de frais et dépens. Elle a contesté la recevabilité des allégués (n. 48 à 52) et pièces (27 à 30) nouveaux de l'appelante.
c. Par réplique du 7 février 2025, l'appelante a persisté dans ses conclusions, et produit des pièces nouvelles (31 à 36).
d. Par déterminations du 24 février 2025, l'intimée a persisté dans ses conclusions. Elle a produit des pièces nouvelles.
e. Le 13 mars 2025, l'appelante a retiré les pièces 31, 32, 33 et 35 de son chargé du 7 février 2025, alléguées être des faux par l'intimée.
f. L'intimée s'est encore déterminée par courrier du 27 mars 2025.
g. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 14 avril 2025 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure.
a. D______, fils de E______, décédé le ______ 1998, et de F______, décédée le ______ 2007, et C______, née [C______], se sont mariés le ______ 1994 à G______ (Etats-Unis). Aucun enfant n'est issu de cette union.
Les époux ont vécu dans une villa sise route 1______ no. ______ à H______ [GE], propriété de D______.
Ils ont conclu un contrat de mariage de séparation de biens, autorisant D______ à vendre à la A______ FOUNDATION (voir infra) dite villa, sans avoir à recueillir à nouveau l'accord de son épouse, moyennant la conclusion d'un bail par A______ FOUNDATION en faveur des époux.
Les époux se sont séparés le 15 décembre 2019, date à laquelle D______ a quitté le domicile conjugal, dans lequel C______ est restée.
b. A______ FOUNDATION est une fondation de droit liechtensteinois, fondée en 1987 par feu E______.
En 1989, A______ FOUNDATION a ouvert un compte référence "2______" dans les livres de [la banque] I______, devenue J______.
L'identité des bénéficiaires de la FONDATION a évolué au fil du temps. Ainsi, notamment, le 3 décembre 2004, les statuts de la FONDATION ont fait l'objet d'une "modification complémentaire", dont il ressort qu'à cette date F______, veuve de E______, était la première bénéficiaire. Selon l'art. 1, l'administrateur et gestionnaire de l'ensemble du patrimoine de la FONDATION était D______, en fonction aussi longtemps qu'il serait en vie, sous réserve du droit de révocation par le Conseil de fondation pour des motifs graves. L'art. 3 disposait qu'en cas de décès de la première bénéficiaire, les seconds bénéficiaires de la FONDATION seraient D______ à concurrence de 70% et K______ (neveu de E______) pour le solde de 30%.
Dès le 26 juin 2004, D______ a été Président du Conseil de fondation, d'abord avec pouvoir de signature individuelle jusqu'au 12 septembre 2017, puis collective à deux. F______ était membre du Conseil de fondation, également avec signature individuelle, également depuis le 26 juin 2004 jusqu'à son décès en 2007.
C______ a été membre du Conseil de fondation du 17 octobre 2007 au 14 mars 2017.
c. Dans un courrier du 21 décembre 2015 à la Division affaires pénales et enquêtes de l'Administration fédérale des contributions (AFC), D______, sous la plume de son conseil, a allégué avoir bénéficié de prêts et autres avances de la part de A______ FOUNDATION, qu'il avait régulièrement remboursés. Il a exposé que les bijoux achetés par A______ FOUNDATION, pour un montant de 1'929'942 fr., entre 2004 et 2006, l'avaient été par sa mère, qui en était propriétaire. La succession de celle-ci n'avait pas encore été partagée. L'administration fiscale ne pouvait dès lors lui en attribuer la propriété. Il avait notamment veillé au paiement des primes d'assurance de la collection d'œuvres d'art de la FONDATION, assurée auprès de L______ Assurance. A ce titre il avait avancé 101'824 fr. entre 2005 et 2009 à A______ FOUNDATION, qui lui avait reversé 448'000 fr. entre 2002 et 2014, montant concernant d'autres avances qu'il avait consenties.
d. Le 20 avril 2016, D______ a conclu auprès de M______, une police d'assurance portant sur des montres et bijoux pour une somme de 13'184'245 fr. Les primes devaient être payées par A______ FOUNDATION (pièce 17).
Dès le 1er janvier 2019, un contrat identique a été conclu par A______ FOUNDATION, l'adresse mentionnée étant "c/o D______" à H______ (pièce 17).
Figure au dossier un document non daté intitulé "Appraisal for Mr. & Mrs. C______/D______, H______", comprenant une liste de 73 objets (montres et bijoux) pour une valeur estimée de 13'471'570 fr., correspondant aux valeurs assurées (pièce 19, correspondant à la pièce 27 produite dans le cadre de la procédure de divorce, voir infra).
Le 9 août 2022, A______ FOUNDATION, "c/o D______, route 1______ no. ______", a signé un avenant à la police "3______", portant sur la somme de 29'224'625 fr., dont 22'024'625 fr. correspondant à des "Collections", se trouvant dans la villa de H______, les autres objets étant situés en Italie ou en France ou à la rue 4______ à Genève. Figure en pièce 24 produite par la FONDATION dans la présente procédure une liste de 56 tableaux et 6 sculptures, pour une valeur totale de 22'024'625 fr., faisant référence à la "Police Nr. 5______".
e. La fortune mobilière mentionnée dans les déclarations fiscales 2021 et 2022 de C______ est composée de titres et liquidités pour respectivement 1'057'936 fr. et 698'759 fr.
f. Par jugement du Tribunal du 6 août 2020 (C/6______/2020), confirmé sur ce point par la Cour le 2 mars 2022, C______ s'est vu attribuer, sur mesures protectrices de l'union conjugale, la jouissance exclusive du domicile conjugal sis route 1______ no. ______, à H______, ainsi que du mobilier le garnissant. Le Tribunal a également ordonné à C______ de donner accès à D______ au domicile conjugal afin qu'il récupère ses effets personnels et documents administratifs, à l'exclusion de tout autre bien.
g. Le 16 décembre 2021, D______ a déposé une demande unilatérale en divorce (C/7______/2021), concluant notamment à ce qu'il soit ordonné à C______ de lui restituer la villa de H______ et le mobilier qui s'y trouve, ainsi que tous les montres et bijoux "selon inventaire établi par l'assurance le 30 novembre 2015". Il a à cet égard produit (i) une police d'assurance pour l'année 2022 conclue par A______ FOUNDATION (police n° 8______), (ii) une liste de bijoux (en pièce 27, correspondant à la pièce 19 versée à la présente procédure) et (iii) la police d'assurance pour l'année 2019 conclue par A______ FOUNDATION (police n° 8______) (pièce 17). Il a allégué que ces biens appartenaient à A______ FOUNDATION, laquelle les lui avait confiés, raison pour laquelle il en réclamait la restitution.
Dans son mémoire de duplique du 12 décembre 2023 déposé dans la cause C/7______/2021, C______ a soutenu que tous les bijoux visés dans la pièce 27 (respectivement 19 dans la présente cause), produite par D______ lui appartenaient, car il s'agissait de bijoux que ce dernier lui avait offerts, qu'elle avait achetés elle-même ou qui lui appartenaient déjà avant le mariage.
h. Par acte du 2 octobre 2024, A______ FOUNDATION a formé une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles concluant, sous suite de frais, sur mesures superprovisionnelles, à ce qu'il soit fait interdiction à C______ d'aliéner les bijoux, tableaux et sculptures visés dans sa requête sous chiffres 34, 37 et 39, sous la menace de la peine prévue par l'article 292 CP et, sur mesures provisionnelles, à ce que cette interdiction soit confirmée, à ce que soit ordonné le séquestre conservatoire des mêmes bijoux, tableaux et sculptures en mains d'un huissier judiciaire désigné par le Tribunal, à ce que C______ soit condamnée à une amende de 1'000 fr. par jour d'inexécution dès le troisième jour suivant la notification de l'ordonnance et à ce que soit ordonné l'enlèvement des biens par la force publique si C______ ne s'exécutait pas dans un délai de dix jours suivant la notification de l'ordonnance.
Sous chiffre 19 de la requête, A______ FOUNDATION a détaillé plusieurs bijoux (désignés comme boucles d'oreilles, collier, bagues, ou bijoux sans autres détails que leur marque - N______ et O______), alléguant en être propriétaire, et produisant à cet égard des avis de débits du compte "2______", entre 2004 et 2006, pour un montant total de 1'966'000 fr.
Sous chiffre 34 de la requête, A______ FOUNDATION a repris la liste des montres et bijoux de sa pièce 19 (correspondant à la pièce 27 de la procédure de divorce), à l'exclusion de ceux figurant sous n° 14, 16, 17,18, 21, 23, 33, 39, 58, 61, 70 à 73, alléguant en être propriétaire. Elle a produit à cet égard, outre la pièce 19, la police d'assurance auprès de M______ pour l'année 2016 adressée à D______, en qualité de preneur d'assurance (voir supra let. e, pièce 17), la police pour l'année 2019 adressée à "A______ FOUNDATION (idem, pièce 17) et un avis de débit de 25'000 fr. du compte "2______" en faveur de P______ avec la référence "couverture frais assurance L______" (pièce18).
Sous chiffres 37 et 38 de la requête, A______ FOUNDATION a repris la liste des tableaux et sculptures figurant sous pièce 24 (voir let. e supra), à l'exclusion des n° 6, 8, 10, 13 à 15, 28, 30 à 32, 36, 38, 39, 43 à 46, 48 à 56, et 5 et 6, alléguant en être propriétaire.
Elle a fait valoir que dans la mesure où il n'était pas fait mention des bijoux et œuvres d'art litigieux dans les déclarations fiscales 2021 et 2022 de C______, celle-ci n'en était pas propriétaire.
Enfin, il était urgent de prononcer les mesures provisionnelles requises dans la mesure où il existait un risque que C______, ayant allégué "dans la procédure de divorce" que les bijoux et œuvres d'art lui appartenaient, ne les soustraie ou ne les aliène, ce d'autant plus vu les relations particulièrement tendues entre les époux C______/D______.
i. Par ordonnance provisoire du 2 octobre 2024, le Tribunal a rejeté la requête sur mesures superprovisionnelles.
j. Dans ses déterminations écrites du 11 novembre 2024, C______ a conclu au rejet de la requête, sous suite de frais.
Elle a exposé que A______ FOUNDATION fonctionnait comme "porte-monnaie" de D______. C'était ainsi qu'avait principalement été financé leur train de vie, du temps de la vie commune. Le fait que A______ FOUNDATION ait financé l'acquisition de bijoux et œuvres d'art pour des raisons fiscales ne signifiait pas pour autant que cette dernière en était propriétaire.
Elle a produit à cet égard le courrier du 21 décembre 2015 à la Division affaires pénales et enquêtes de l'Administration fédérale des contributions (AFC) (voir let. d supra), une attestation de sa cousine, de décembre 2023, selon laquelle des bijoux O______ avaient été acquis par D______ en vue de les lui offrir, de nombreux certificats de bijoux à son nom ou celui de D______ à l'exclusion de A______ FOUNDATION, ainsi qu'un message audio de son époux du 24 avril 2021 (traduction libre) dans lequel il avait indiqué: "j'ai dit alors ne touchez à rien parce que tout cela appartient à C______. (…) Si tu décides de vendre les bijoux, tu peux aller directement chez Q______ [maison de vente aux enchères]. S'ils ont besoin de preuve de véracité, je peux les apporter et leur confirmerai que tout t'appartient. Le produit net de la vente t'appartient et ne sera jamais contesté."
C______ a en outre précisé contester la validité du contrat de mariage prévoyant le régime de la séparation de biens, soutenant qu'elle pensait être soumise au régime de la communauté de biens, raison pour laquelle elle ne s'était pas souciée de savoir par quels biais les avoirs appartenant aux époux avaient été acquis, respectivement assurés. D'ailleurs, les biens n'avaient été assurés que récemment, à la suite d'un cambriolage.
Enfin, elle a requis la production de plusieurs pièces.
k. Lors de l'audience du 25 novembre 2024, A______ FOUNDATION a allégué, sous forme de nova, pièces (25 et 26 – écritures dans la procédure de divorce) à l'appui, que C______ avait déposé, le 17 octobre 2024, une "requête de nova" dans le cadre de la procédure de divorce C/7______/2021 dans laquelle elle avait allégué être propriétaire de bijoux et œuvres d'art d'une valeur de plus de 10'000'000 fr. et qu'elle avait par ailleurs formé une requête de provisio ad litem le 12 février 2024 dans laquelle elle avait chiffré les éléments de sa fortune à moins de 500'000 fr. à fin 2023.
C______ a conclu à l'irrecevabilité des pièces nouvelles déposées par A______ FOUNDATION ainsi que des pièces n° 2, 3, 20 et 22 produites par celle-ci, s'agissant d'éléments de la procédure de divorce soumise au huis clos.
Les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives; sur quoi la cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.
D. Dans l'ordonnance entreprise, le Tribunal a notamment considéré que les pièces 2, 3, 20 et 22 produites par A______ FOUNDATION (issues de la procédure de divorce) étaient recevables, C______ faisant valoir que la précitée servait de "porte-monnaie" à son époux, de sorte qu'il existait une perméabilité certaine entre le patrimoine du précité et celui de la FONDATION. Les pièces 25 et 26 de la FONDATION l'étaient également car produites lors de l'audience du 25 novembre 2024, soit durant la phase d'administration des preuves.
La FONDATION n’avait pas rendu vraisemblable qu'elle était propriétaire des bijoux et œuvres d'art litigieux. Les bijoux prétendument acquis entre 2004 et 2006, par débit du compte de la FONDATION pour un total de 1'966'000 fr. ne correspondaient pas à ceux figurant dans la pièce 19, sur laquelle se fondait la requête. Cette pièce était identique à la pièce 27 produite par D______ dans la procédure de divorce à l'appui de sa demande de restitution.
Certains des tableaux et sculptures revendiqués sous chiffres 37 et 39 de la requête ne figuraient pas dans la liste produite en pièce 24 à titre de preuve de la propriété de la FONDATION sur ces objets. Par ailleurs, le fait que la FONDATION paie des primes d'assurance pour des bijoux et œuvres d'art ne suffisait pas à rendre vraisemblable qu'elle en était propriétaire. De plus, D______ s'était vu octroyer des prêts et autres avances de la FONDATION, qu'il aurait par hypothèse pu utiliser pour se procurer ces objets.
Il n'était pas non plus rendu vraisemblable que les objets revendiqués étaient en possession de C______, les tableaux et sculptures assurés se trouvant, selon le contrat d'assurance du 9 août 2022 (pièce 23), non seulement à H______, mais aussi en Italie, en France et à la rue 4______ à Genève.
Le fait que C______ n'ait pas déclaré en 2021 et 2022 les biens revendiqués, tout comme celui qu'elle ait déposé une requête de provisio ad litem dans la procédure de divorce, ne suffisaient pas à démontrer que A______ FOUNDATION en était propriétaire.
La question de savoir qui était propriétaire des biens revendiqués (D______, C______, A______ FOUNDATION ou la succession de F______) devait être tranchée par le juge du divorce après un examen approfondi.
Le fait que C______ se prétende, dans le cadre de la procédure de divorce, propriétaire des biens revendiqués ne signifiait pas encore qu'elle entendait en disposer avant l'issue de celle-ci.
Enfin, la condition de l'urgence n'apparaissait pas réalisée. En effet, C______ était en possession des objets revendiqués, restés dans la villa de H______ depuis 2019, date de séparation des parties. La FONDATION savait à tout le moins depuis le 12 décembre 2023 (date du mémoire de duplique de C______) que la précitée se prétendait propriétaire des bijoux revendiqués. Or, elle n'avait déposé la requête de mesures provisionnelles que dix mois plus tard.
1. 1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de 10 jours (art. 248 let. d, 249 let. d ch. 11 et 314 al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) à l'encontre d'une décision sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC), qui statue sur une contestation de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 2 et 308 al. 2 CPC).
1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).
Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. d CPC), la cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 131 III 473 consid. 2.3; 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_293/2019 du 29 août 2019 consid. 4.2).
Les maximes des débats (art. 55 al. 1 et 255 CPC a contrario) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC) sont applicables.
2. Les parties ont produit des pièces nouvelles.
2.1 Aux termes de l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux sont admissibles en appel pour autant qu'ils soient invoqués ou produits sans retard (let. a) et avec la diligence requise (let. b).
Cependant, les faits qui sont immédiatement connus du Tribunal ("gerichtsnotorische Tatsachen"), notamment parce qu'ils ressortent d'une autre procédure entre les mêmes parties, constituent des faits notoires qui n'ont pas à être allégués ni prouvés (art. 151 CPC; ATF 143 II 224 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_252/2021 du 8 novembre 2021 consid. 2.3).
2.2 S'agissant des pièces produites par l'appelante devant la Cour, les déterminations de D______, sur les points le concernant dans la procédure (pièce 27), auraient pu être sollicitées et produites en première instance déjà, de sorte qu'elles sont irrecevables, tout comme les faits auxquels elles se rapportent. La pièce 28 (requête de divorce) figure au dossier du Tribunal (pièce 29 intimée), elle n'est pas nouvelle. La pièce 29, datée du 13 mai 2024, aurait également pu être produite devant le premier juge, avant que la cause ne soit gardée à juger; elle n'est pas recevable, pas plus que les faits qu'elle contient. La recevabilité de la pièce 30 (remboursements de D______ à l'appelante) peut demeurer indécise, car non pertinente pour l'issue du litige. La pièce 34, datée de 2007, est irrecevable, ainsi que les faits qu'elle contient, car produite tardivement. La pièce 36 n'est pas déterminante pour l'issue du litige; sa recevabilité peut demeurer indécise.
Les pièces 41 à 44 produites par l'intimée sont irrecevables, car auraient pu être versées devant le premier juge, sans préjudice de leur pertinence.
3. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir constaté les faits de manière inexacte.
L'état de faits ci-dessus a été modifié dans la mesure utile, sur la base des éléments recevables figurant au dossier.
4. L'appelante fait grief au premier juge d'avoir considéré qu'elle n'avait pas rendu vraisemblable sa qualité de propriétaire des biens revendiqués, ni la possession de l'intimée des biens litigieux. Elle soutient que la condition de l'urgence serait réalisée, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal.
4.1.1 Le juge ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC).
Le tribunal peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice et notamment prononcer une interdiction (art. 262 let. a CPC).
Le requérant doit rendre vraisemblable tant l'existence de sa prétention matérielle de nature civile que sa mise en danger ou atteinte par un préjudice difficilement réparable, ainsi que l'urgence (Huber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3ème éd. 2016, n. 23 ad art. 261 CPC). Ainsi, le requérant doit rendre vraisemblable que le droit matériel invoqué existe et que le procès a des chances de succès, la mesure provisionnelle ne pouvant être accordée que dans la perspective de l'action au fond qui doit la valider (cf. art. 263 et 268 al. 2 CPC; ATF 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1016/2015 du 15 septembre 2016 consid. 5.3; Bohnet, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 7 ad art. 261 CPC). Il doit en outre rendre vraisemblable une atteinte au droit ou son imminence, sur la base d'éléments objectifs (Bohnet, op. cit., n. 10 ad art. 261 CPC).
Doit également être rendue vraisemblable l'existence d'un préjudice difficilement réparable, qui peut être de nature patrimoniale ou immatérielle (Message relatif au CPC, FF 2006 p. 6961; Bohnet, op. cit., n. 11 ad art. 261 CPC; Huber, op. cit., n. 20 ad art. 261 CPC). Le requérant doit rendre vraisemblable qu'il s'expose, en raison de la durée nécessaire pour rendre une décision définitive, à un préjudice qui ne pourrait pas être entièrement supprimé même si le jugement à intervenir devait lui donner gain de cause. En d'autres termes, il s'agit d'éviter d'être mis devant un fait accompli dont le jugement ne pourrait pas complètement supprimer les effets (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1).
Le risque de préjudice difficilement réparable implique l'urgence (Bohnet, op. cit., n. 12 ad art. 261 CPC). L'urgence est une notion relative qui comporte des degrés et s'apprécie moins selon des critères objectifs qu'au regard des circonstances. Elle est en principe admise lorsque le demandeur pourrait subir un dommage économique ou immatériel s'il devait attendre qu'une décision au fond soit rendue dans une procédure ordinaire (ATF 116 Ia 446 consid. 2 = JdT 1992 I p. 122; Bohnet, op. cit., n. 12 ad art. 261 CPC).
4.1.2 Rendre vraisemblable signifie qu'il n'est pas nécessaire que le juge soit convaincu de l'exactitude de l'allégué présenté, mais qu'il suffit que, sur la base d'éléments objectifs, le fait en cause soit rendu probable, sans qu'il doive pour autant exclure la possibilité que les faits aient aussi pu se dérouler autrement (ATF 130 III 321 consid. 3.3, JdT 2005 I 618, SJ 2005 I 514; ATF 120 II 393 consid. 4c; ATF 104 Ia 408).
La vraisemblance requiert plus que de simples allégués: ceux-ci doivent être étayés par des éléments concrets ou des indices et être accompagnés de pièces (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2 et 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_893/2013 du 18 février 2014 consid. 3).
4.1.3 L’action en revendication permet au propriétaire de réclamer la restitution du bien qui fait l’objet de son droit (Foëx, Commentaire romand, Code civil II, 2016, n. 28 ad art. 641 CC). L’action est subordonnée à la réalisation de deux conditions matérielles, à savoir que le demandeur est propriétaire de la chose et que le défendeur la détient sans droit (Foëx, op. cit., n. 31 ad art. 641 CC).
Lorsque ces conditions sont réunies, le demandeur peut obtenir que le défendeur soit condamné à lui restituer la chose (Foëx, op. cit., n. 35 ad art. 641 CC).
4.1.4 Le possesseur d’une chose mobilière en est présumé propriétaire (art. 930 al. 1 CC).
Le possesseur d’une chose mobilière peut opposer à toute action dirigée contre lui la présomption qu’il est au bénéfice d’un droit préférable; demeurent réservées les dispositions concernant les actes d’usurpation ou de trouble (art. 932 CC).
4.2.1 En l'espèce, comme l'a justement retenu le premier juge, le fait que les primes des assurances couvrant les objets litigieux aient été payées par l'appelante, ne suffit pas à rendre vraisemblable qu'elle en serait propriétaire, d'autres éléments du dossier permettant par ailleurs d'en douter.
Ainsi, tout d'abord, dans son courrier du 21 décembre 2015 à l'AFC, D______ a affirmé qu'il avait assuré le paiement des primes d'assurance de la collection d'art de la FONDATION, auprès de L______. Le contrat y relatif n'est pas produit, de sorte qu'on ignore à quelle date et au nom de qui il l'a été. En revanche, est produit un contrat souscrit auprès de M______, portant sur des "Collections" se trouvant notamment dans la villa de H______ pour 22'024'625 fr., sur les quelque 29 millions assurés. Le numéro de cette police (3______) ne correspond pas à celui (5______) figurant dans la liste (pièce 24) de l'appelante, à l'appui de son allégation de propriété sur les œuvres d'art, et certaines de celles-ci, pourtant portées dans dite liste, ne sont pas revendiquées. A cet égard, l'appelante explique qu'il s'agirait de biens ne se trouvant pas en mains de l'intimée. Pourtant, la valeur totale des biens de cette liste correspond au montant, figurant dans le contrat, des œuvres d'art assurées se trouvant dans la maison de H______.
Ensuite, s'agissant des montres et bijoux, ceux-ci ont été assurés auprès de M______, d'abord le 20 avril 2016 au nom de D______, les primes devant être payées par l'appelante, puis le 9 août 2022 (soit postérieurement à la séparation des parties et après l'introduction de la procédure de divorce), au nom de l'appelante. Aucune explication n'est donnée quant à cette modification.
Il ressort encore du courrier du 21 décembre 2015 à l'AFC, d'une part, qu'entre 2004 et 2006, des bijoux ont été acquis au moyen des fonds de l'appelante, mais que F______, alors première bénéficiaire, en était propriétaire; d'autre part, que D______ aurait bénéficié de prêts de la part de l'appelante (considérés comme des revenus par l'AFC), qu'il aurait remboursés, mais qu'il aurait aussi avancé des sommes à l'appelante, laquelle les lui aurait reversées. Ces différents éléments permettent de retenir, à tout le moins au stade de la vraisemblance, que l'appelante constituait bien "le porte-monnaie" des époux C______/D______, comme affirmé par l'intimée, ce qui rend la question de la propriété des biens acquis délicate à trancher sans instruction approfondie.
Aucun argument ne saurait non plus être tiré du fait que l'intimée a siégé au conseil de l'appelante durant plusieurs années. Il ne peut en effet en être déduit qu'elle était informée précisément des mouvements de fonds entre l'appelante et son époux, et de l'utilisation effective de ceux-ci.
Le fait que D______ se déclare, dans la procédure de divorce, dépositaire des objets revendiqués par l'appelante, mais qu'il en réclame restitution, démontre encore les liens étroits existant entre l'appelante et le précité, et la confusion qui peut en résulter entre leurs patrimoines respectifs.
La question de la validité du contrat de séparation de biens n'est dès lors pas pertinente à ce stade.
Il est vrai que ni les montres et bijoux ni les œuvres d'art revendiqués ne figurent dans les déclarations d'impôt de l'intimée. Cela étant, l'appelante ne rend pas vraisemblable qu'ils figureraient dans les siennes. A cela s'ajoute qu'il ressort du courrier du 21 décembre 2015 à l'AFC susmentionné, que D______ est en litige avec l'administration fiscale quant à la propriété de certains biens, de sorte qu'il ne saurait être donné une force probante déterminante au contenu des déclarations fiscales.
La provisio ad litem sollicitée par l'intimée dans le cadre de la procédure de divorce ne saurait non plus conduire à retenir que celle-ci n'est pas propriétaire des biens revendiqués. L'appelante requérant qu'il soit fait interdiction à la précitée de disposer de ces biens, elle serait malvenue à se plaindre de ce que l'intimée ne veuille pas les vendre pour assurer le paiement de ses honoraires d'avocat.
C'est ainsi à bon droit que le premier juge a considéré que l'appelante n'avait pas rendu vraisemblable qu'elle était propriétaire des biens revendiqués.
Au vu de ce qui précède, il n'y pas lieu de se pencher plus avant sur la question de savoir si tous les biens revendiqués par l'appelante se trouvent effectivement dans la villa de H______, sous la maîtrise de l'intimée.
4.2.2 S'agissant de la condition de l'urgence, c'est également à bon droit que le Tribunal a retenu que celle-ci n'était pas donnée. Contrairement à ce que tente de soutenir l'appelante, il est peu probable qu'elle n'ait eu connaissance des prétentions de l'intimée sur les biens objets de sa requête que "lors d'une séance du Conseil de fondation du 23 septembre 2024", allégation au demeurant nouvelle (et donc irrecevable) et non documentée. En effet, les liens étroits qu'elle entretient avec D______, membre du Conseil de fondation, permettent de retenir qu'elle a vraisemblablement été régulièrement tenue informée de l'évolution de la procédure de divorce et en particulier du mémoire de duplique de l'intimée du 12 décembre 2023, dans lequel celle-ci fait valoir des prétentions sur les bijoux visés par la présente procédure.
5. Les frais de la procédure d'appel, arrêtés à 1'200 fr. (art. 26 et 37 RTFMC), seront mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).
L'appelante sera en outre condamnée à verser à l'intimée 3'000 fr. à titre de dépens d'appel, compte tenu du travail de l'avocat (art. 84, 85, 88, 90 RTFMC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté par A______ FOUNDATION contre l'ordonnance OTPI/783/2024 rendue le 12 décembre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/22681/2024-2 SP.
Au fond :
Confirme l'ordonnance entreprise.
Déboute les parties de toute autre conclusion.
Sur les frais :
Arrête les frais d'appel à 1'200 fr., les met à la charge de A______ FOUNDATION, et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.
Condamne A______ FOUNDATION à verser à C______ 3'000 fr. à titre de dépens d'appel.
Siégeant :
Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.
La présidente : Pauline ERARD |
| La greffière : Marie-Pierre GROSJEAN |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.