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ACJC/994/2025 du 21.07.2025 sur JTPI/7653/2025 ( SML )
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/25614/2024 ACJC/994/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU LUNDI 21 JUILLET 2025 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par la 16ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 20 juin 2025, représenté par Me Olivier SEIDLER, avocat, SEIDLER LAW, rue du Mont-Blanc 9, 1201 Genève,
et
Madame B______, domiciliée ______, Italie, intimée, représentée par
Me Josef ALKATOUT, avocat, Borel & Barbey, rue de Jargonnant 2, case postale 6045, 1211 Genève 6.
Attendu, EN FAIT, que le 18 mars 2016, les époux A______ et C______ ont conclu un accord de séparation prévoyant notamment le versement par A______ d'une contribution d'entretien de 10'000 fr. par mois en faveur de sa fille B______, née le ______ 2003, la contribution étant due jusqu'à ce que celle-ci atteigne la majorité ou l'âge de 25 ans pour autant qu'elle suive une formation ou des études de manière régulière; que l'accord était soumis au droit suisse;
Que le 2 décembre 2016, A______ et C______ ont conclu un nouvel accord de séparation, annulant et remplaçant le précédent, portant la contribution due à l'entretien de B______ à 12'500 fr. par mois, le terme du versement demeurant inchangé;
Que le 22 décembre 2016, le tribunal moscovite du district de D______ (Russie) a prononcé le divorce de A______ et C______, après avoir constaté qu'il existait un accord entre ceux-ci tant sur la séparation des biens des époux que sur les questions de la résidence, de l'entretien et de l'éducation de B______;
Que par jugement du 24 octobre 2022, le Tribunal de première instance a déclaré irrecevable la demande en complément du jugement de divorce formée par C______ le 29 juin 2017;
Que par arrêt du 23 mai 2023, la Cour de justice a confirmé ce jugement; qu'elle a considéré, à titre préjudiciel, que le jugement de divorce prononcé par les autorités moscovites le 22 décembre 2016 pouvait être reconnu en Suisse;
Qu'en septembre 2023, B______ a initié une poursuite à l'encontre de A______ pour un montant de 275'000 fr., intérêts en sus, à titre d'arriérés de contributions d'entretien pour les mois de décembre 2021 à septembre 2023;
Que par arrêt ACJC/1173/2024 du 24 septembre 2024, la Cour a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition faite à cette poursuite; qu'elle a retenu que la détermination du caractère approprié de la formation suivie par l'enfant devenu majeur excédait – sauf situations manifestes – le pouvoir de cognition du juge de la mainlevée; qu'en l'espèce, la formation suivie par B______ n'était pas manifestement inappropriée; qu'en outre, la convention du 2 décembre 2016 ne prévoyait pas que la rupture des relations personnelles entre le père et sa fille constituerait une condition mettant un terme au versement de la contribution d'entretien; qu'en conséquence, la question de savoir si le prétendu refus de B______ d'entretenir des relations avec son père mettait fin à l'obligation d'entretien de ce dernier relevait de la compétence du juge du fond;
Qu'en octobre 2024, B______ a fait notifier à A______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, pour un montant de 175'000 fr., intérêts en sus, à titre d'arriérés de contributions d'entretien pour les mois de septembre 2023 à octobre 2024, auquel le précité a fait opposition;
Que le 31 octobre 2024, B______ a requis du Tribunal le prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition faite à cette poursuite;
Que par jugement JTPI/7653/2025 du 20 juin 2025, le Tribunal a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 1______, à hauteur de 137'500 fr. correspondant aux contributions d'entretien dues pour la période allant de septembre 2023 à juillet 2024 (ch. 1 du dispositif), statué sur les frais et dépens (ch. 2 et 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4);
Que par acte déposé à la Cour de justice le 7 juillet 2025, A______ a formé recours contre ce jugement, concluant principalement à son annulation et, subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants;
Qu'en substance, il a fait valoir que la requête de mainlevée aurait dû être rejetée par le premier juge dans la mesure où B______ ne suivait pas une formation appropriée au sens de l'art. 277 al. 2 CC et qu'elle refusait tout contact avec lui sans motif valable;
Qu'à titre préalable, il a conclu à la suspension du caractère exécutoire du jugement attaqué, exposant qu'il lui serait impossible de recouvrer le montant de 137'500 fr. dans la mesure où l'intimée n'avait ni revenu ni fortune et qu'elle était domiciliée à l'étranger, "visiblement en Italie";
Que l'intimée a conclu au rejet de la demande d'effet suspensif;
Considérant, EN DROIT, que le recours ne suspend pas la force jugée et le caractère exécutoire de la décision attaquée (art. 325 al. 1 CPC); que l'instance de recours peut, sur demande, suspendre le caractère exécutoire si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable (art. 325 al. 2 CPC);
Que, saisie d'une demande d'effet suspensif, l'autorité de recours doit faire preuve de retenue et ne modifier la décision de première instance que dans des cas exceptionnels (arrêt du Tribunal fédéral 5A_206/2024 du 7 juin 2024 consid. 3.1.1);
Qu'elle procédera à une pesée des intérêts en présence et mettra en balance les inconvénients qui résulteraient pour le recourant d'une exécution immédiate de la décision avec ceux qu'un effet suspensif causerait à l'intimée; qu'elle prendra également en considération les chances de succès du recours, l'effet suspensif ne pouvant être accordé que si elles n'apparaissent pas ténues (arrêts du Tribunal fédéral 4A_674/2014 du 19 février 2015 consid. 5; 4A_337/2014 du 14 juillet 2014 consid. 3.1);
Qu'en principe, le fait d'être exposé au paiement d'une somme d'argent n'entraîne aucun préjudice irréparable, dans la mesure où l'intéressé peut s'acquitter du montant et pourra en obtenir la restitution s'il obtient finalement gain de cause (arrêt du Tribunal fédéral 5A_708/2013 du 14 mai 2014 consid. 1. 1; 138 III 333 consid. 1.3.1);
Que la suspension de l'exécution d'une décision condamnant la partie recourante au paiement d'une somme d'argent ne se justifie que si ce paiement expose cette partie à d'importantes difficultés financières ou si, en cas d'admission du recours, le recouvrement de cette somme est aléatoire en raison de la solvabilité douteuse de la partie adverse, ou de son domicile à l'étranger, dans un Etat qui n'est pas lié avec la Suisse par un traité sur la reconnaissance et l'exécution des jugements civils (arrêts du Tribunal fédéral 5A_357/2019 du 27 août 2021 consid. 2.2 et les ordonnances citées);
Considérant, par ailleurs, que le jugement qui condamne le poursuivi au versement de contributions d'entretien au-delà de la majorité (art. 277 al. 2 CC) est conditionnellement exécutoire, en ce sens qu'il soumet cet entretien à la condition résolutoire de l'achèvement de la formation dans un délai raisonnable (ATF 144 III 193 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_720/2019 du 23 mars 2020 consid. 3.3);
Que dans le cas d'un jugement condamnant au paiement de contributions d'entretien au-delà de la majorité dont l'effet cesse si la condition n'est pas réalisée, il appartient au débiteur d'apporter la preuve stricte par titre de la survenance de la condition résolutoire, sauf si cette dernière est reconnue sans réserve par le créancier ou si elle est notoire (ATF 144 III 193 consid. 2.2; 143 III 564 consid. 4.2.2);
Que la question de savoir si la formation a été ou non achevée dans des "délais normaux" dépend des circonstances du cas concret, dont l'examen – sous réserve de situations manifestes – excède la cognition du juge de la mainlevée définitive, auquel il n'appartient pas de trancher des questions délicates de droit matériel ou pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation joue un rôle important; qu'une telle question relève de la compétence du juge du fond (juge de la modification du jugement de divorce, respectivement de la modification de la contribution d'entretien fixée après la majorité) (arrêts du Tribunal fédéral 5A_810/2023 du 1er février 2024 consid. 4.1.3.3; 5A_349/2019 du 26 juillet 2019 consid. 3.2);
Qu'en l'espèce, le recourant reconnaît expressément que le versement de la somme de 175'000 fr. n'est pas susceptible de l'exposer à des difficultés financières;
Que le fait que l'intimée soit domiciliée en Italie – à savoir dans un Etat lié avec la Suisse par un traité sur la reconnaissance et l'exécution des jugements civils (i.e. la Convention de Lugano du 30 octobre 2007) – ne saurait justifier l'octroi de l'effet suspensif;
Que, par ailleurs, les chances de succès du recours, prima facie et sans préjudice de la décision à rendre sur le fond, paraissent limitées, au vu des décisions déjà rendues par les instances genevoises dans le cadre du litige opposant les parties, et compte tenu des griefs soulevés par le recourant, dont l'examen excède – sauf situations manifestes – la cognition du juge de la mainlevée définitive;
Qu'en conséquence, la suspension de l'effet exécutoire du jugement litigieux sera refusée;
Qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :
Statuant sur requête de suspension de l'effet exécutoire du jugement entrepris :
Rejette la requête de A______ tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement JTPI/7653/2025 rendu le 20 juin 2025 par le Tribunal de première instance en la cause C/25614/2024.
Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond.
Siégeant :
Madame Nathalie RAPP, présidente ad interim; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.
La présidente ad interim : Nathalie RAPP |
| La greffière : Marie-Pierre GROSJEAN |
Indication des voies de recours :
La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1) est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss LTF), les griefs pouvant être invoqués étant limités (art. 93 et 98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure à 30'000 fr.