Décisions | Sommaires
ACJC/1456/2024 du 19.11.2024 sur JTPI/18/2024 ( SEX ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/16004/2022 ACJC/1456/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 19 NOVEMBRE 2024 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ (Espagne), recourant contre un jugement rendu par la 15ème Chambre du Tribunal de première instance du canton de Genève le
8 janvier 2024, représenté par Me Damien MENUT, avocat, Menut Winiger Revelo Avocats, rue des Glacis-de-Rive 23, 1207 Genève,
et
Madame B______, domiciliée ______ (Espagne), intimée, représentée par
Me Sébastien DESFAYES, avocat, De Boccard Associés SA, rue du Mont-Blanc 3, 1201 Genève,
C______, sise ______ [GE], autre intimée, représentée par Me Emma LOMBARDINI, avocate, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale, 1211 Genève 4.
A. Par jugement JTPI/18/2024 du 8 janvier 2024, notifié à A______ le lendemain, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a reconnu et déclaré exécutoire en Suisse le Freezing Injunction Order rendu par la Central Family Court de D______ (Royaume-Uni) le 6 avril 2022 dans la cause 1______ entre B______ et A______ (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 2'400 fr., compensés avec l'avance de frais fournie par B______, A______ étant condamné à rembourser ce montant à B______ (ch. 2), ainsi que 2'000 fr. à titre de dépens (ch. 3), et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).
Au pied de jugement, celui-ci mentionne qu'il est susceptible de faire l'objet d'un appel à la Cour de justice dans les 10 jours qui suivent sa notification.
B. a. Par acte expédié le 19 janvier 2024 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a formé un appel contre ce jugement, dont il a sollicité l'annulation.
Il a conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens, à ce que la demande tendant à reconnaître et déclarer exécutoire ladite décision anglaise soit rejetée, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pour nouvelle décision.
b. Dans sa réponse, B______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions et au rejet de l'appel, avec suite de frais judiciaires et dépens.
c. [La banque] C______ s'en est rapportée à justice, sollicitant qu'il ne soit pas mis à sa charge de frais judiciaires ni de dépens.
d. Par répliques et dupliques spontanées des 19 mars, 3 et 29 avril, 20 juin, 3 et 29 juillet, 12 août et 9 septembre 2024, A______ et B______ ont persisté dans leurs conclusions respectives.
e. A l'appui de leurs écritures, A______ et B______ ont produit des pièces nouvelles et ont allégué de nouveaux faits.
f. Les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par courriers du greffe du 2 octobre 2024.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :
a. B______ et A______ se sont mariés le ______ 2005 à E______ (Espagne).
De leur union sont issus F______ et G______, nés respectivement les ______ 2005 et ______ 2008.
b. Le couple s'est séparé à une date sur laquelle les époux ne s'accordent pas.
c. Alors que la famille était domiciliée en Espagne, A______ a pris domicile au Royaume-Uni en 2018. B______ est demeurée en Espagne avec les enfants. A______ a gardé son domicile à D______ jusqu'en mars 2020 selon lui, respectivement jusqu'en mars 2022 selon B______, puis s'est à nouveau installé en Espagne.
d. Par acte déposé le 28 janvier 2022 à la Central Family Court de D______ (Grande-Bretagne), B______ a formé une demande en divorce.
e. Le contexte de la séparation a amené B______ à s'inquiéter du devenir des avoirs de A______ déposés sur le compte ouvert par ce dernier à Genève dans les livres de C______ (ci-après : "la banque").
f. A______ ayant refusé de s'engager par écrit à ne pas disposer de ces avoirs dans l'attente du règlement de leur divorce, B______ a, dans le cadre de la procédure en divorce pendante au Royaume-Uni, saisi le juge d'une requête urgente de gel des avoirs de A______ au Royaume-Uni et à l'étranger.
Une première audience − à laquelle A______ n'a pas comparu − s'est tenue le 3 mars 2022.
g. Le même jour, la Central Family Court de D______ a rendu une décision, dont la teneur est la suivante : "Until the return date or further order of the court, the respondent must not in any way dispose of, deal with or diminish the value of the following assets wheter they are in or outside England and Wales, namely (…) the respondent's assets with C______ including but not only limited to account number 2______".
h. Une audience "de date de retour" a eu lieu le 6 avril 2022, à laquelle A______ a été dûment convoqué et a assisté (selon la teneur de la décision rendue ci-après). Il a, à cette occasion, contesté la compétence des tribunaux britanniques pour connaître de la procédure en divorce, au motif qu'il était domicilié en Espagne.
A l'issue de cette audience, la Central Family Court de D______ a rendu une nouvelle décision intitulée "Freezing injunction order", dont la teneur est, à nouveau, la suivante : "The respondent must not in any way dispose of, deal with or diminish the value of the following assets whether they are in or outside England and Wales, namely (…) the respondent's assets with C______ including but not limited to account number 2______".
i. Dans le courant de l'année 2022 − après la saisie des autorités britanniques −, A______ a formé une demande en divorce en Espagne, en se fondant sur le droit espagnol, à teneur duquel la compétence des tribunaux est donnée pour la procédure en divorce lorsque le défendeur est domicilié en Espagne.
j. En ce qui concerne la procédure britannique, il ressort également ce qui suit :
j.a. Par décisions rendues les 5 et 28 octobre 2022, la Central Family Court de D______ s'est déclarée compétente ratione loci.
j.b. Le divorce des parties a été prononcé le 11 janvier 2023.
j.c. Les effets financiers du divorce ont été réglés par "Final order" du 27 février 2023.
j.d. Il ressort, notamment, de cette décision que A______ a assisté personnellement et/ou a été représenté légalement aux audiences du 6 avril, des 23 et 26 mai 2022 et du 16 septembre 2022.
Il a informé les autorités judiciaires [de] D______ de ce qu'il renonçait à participer à la procédure par courrier du 25 septembre 2022. Dûment convoqué, il ne s'est plus présenté aux audiences ultérieures et n'a pas contesté les décisions qui ont suivi.
k. S'agissant de la présente procédure, par requête déposée le 19 août 2022 au Tribunal, B______ a sollicité à l'encontre de A______ et de C______, préalablement, le prononcé de mesures conservatoires (soit l'interdiction faite à A______ et à la banque de disposer des avoirs en compte de ce dernier; C/3______/2022) et, principalement, la reconnaissance et l'exequatur du Freezing Injunction Order rendu par la Central Family Court de D______ le 6 avril 2022 (C/16004/2022).
Elle a produit ledit Freezing Injunction Order du 6 avril 2022, suivi d'un document informant B______ des conséquences en cas de non-respect de ses engagements envers la Cour, signé à la même date par ladite partie, document sur lequel sont apposés les tampons de l'autorité judiciaire et, au verso, l'apostille.
B______ a allégué que cette décision n'avait pas fait l'objet d'un appel et était exécutoire; à titre de justificatif, elle a produit un affidavit de Me H______.
A l'appui de sa requête, B______ a fait valoir qu'au moment de l'ouverture de l'action en divorce au Royaume-Uni, elle était domiciliée en Espagne avec ses enfants et que A______ était domicilié à D______. Pour étayer ses allégations, elle a, notamment, produit les titres suivants:
- un document émanant des autorités [de] E______, intitulé "Registre municipal des habitants/certificat d'enregistrement" concernant A______, sur lequel il est mentionné qu'il est destiné à "certifier la résidence habituelle" de la personne et indiqué ce qui suit : "Inscription pour changement de résidence – 02-03-2022 / Inscrit à E______ [Espagne] le 02-03-2022",
- plusieurs contrats de bail conclus par A______ pour un logement à D______, dont les deux derniers conclus respectivement, entre le 2 novembre 2021 et le 1er février 2022, et dès le 19 janvier 2022 pour une durée de 18 mois,
- une "autorisation de séjour limitée"/"autorisation d'entrée limitée" (selon si l'intéressé se trouve ou non déjà sur sol britannique) datée du 2 juillet 2021 permettant, notamment, à A______ de s'installer au Royaume-Uni, d'y travailler et de bénéficier de la sécurité sociale (NHS), cette autorisation étant valable à partir de la date de la lettre et pour une durée de cinq ans, et donnant la possibilité de demander, au terme de cette période, le "statut de résident permanent",
- un courriel que A______ lui avait envoyé le 29 juillet 2021, dans lequel il indiquait : "hay une excepcion ano por el virus ademas yo tengo la carte oficial des gobierno de UK que yo SOY RESIDENTE PERMANENTE en UK" (en cualquier posible juicio, esa carta vale mas)", que B______ a traduit comme l'affirmation de son ex-époux que celui-ci détenait une lettre du gouvernement du Royaume-Uni attestant qu'il était un résident permanent au Royaume-Uni,
- plusieurs documents bancaires (un formulaire d'ouverture de compte bancaire, une déclaration, un contrat de prêt, un "deed of adherence", un "drawdown notice", un formulaire de renseignements) signés par A______ entre le 19 septembre 2021 et le 9 février 2022, dans lesquels il indiquait être domicilié à D______,
- une lettre adressée le 14 décembre 2020 à une assurance, par laquelle A______ rappelait être résident britannique depuis début 2017, et
- un courriel que lui avait adressé A______ le 30 juin 2022, dans lequel il indiquait vivre No. ______ Paseo 4______ à E______ à partir du 1er juin précédent,
- une lettre établie le 16 février 2023 par l'Administration fiscale [de] E______ selon laquelle A______ était fiscalement domicilié à D______ entre le 6 avril 2018 et le 28 avril 2022, et
- une "Council Tax demande notice 2021/2022", dont il ressort que A______ a payé la taxe d'habitation au Royaume-Uni entre avril et janvier 2022.
l. Invitée à répondre à la requête, la banque s'en est rapportée à justice.
m. A______ a conclu à ce que B______ soit déboutée de toutes ses conclusions.
Il a, notamment, fait valoir qu'il avait résidé au Royaume-Uni entre janvier 2018 et mars 2020 pour des motifs uniquement professionnels. Depuis le mois de mars 2020, il était à nouveau domicilié en Espagne, où il passait la plus grande partie de son temps. En février 2022, B______ avait changé les serrures du domicile commun, de sorte qu'il s'était logé, en premier lieu, au No. ______ Calle 5______, puis au No. ______ Paseo 4______ à partir du mois de juin suivant. Dans un courriel du 29 août 2021, B______ se référait d'ailleurs au fait que de décembre 2020 à août 2021, il avait été "tout le temps à E______ (celle-ci lui ayant écrit : "Mais où as-tu dépensé les EUR 60'000 restant quand tu étais tout le temps à E______"). Selon un décompte fiscal daté du 8 avril 2022, il n'avait payé aucun impôt au Royaume-Uni pour l'année fiscale se terminant le 5 avril 2022 (il ressort néanmoins de ce document qu'il a fait l'objet d'une taxation pour cette année fiscale). Il a relevé avoir été vacciné contre le COVID-19 à E______ à trois reprises (les 1er et 22 juin 2021, ainsi que le 9 janvier 2022), alors que la vaccination n'était accessible qu'aux résidents espagnols.
Il a également produit le témoignage d'un voisin (I______) habitant à la même adresse actuelle que la sienne et daté du 11 mars 2022, attestant de sa présence constante à l'ancien domicile conjugal à partir de la moitié de l'année 2020. Ce voisin est également son ami et associé d'affaires.
Dans cette écriture, A______ a admis les allégués de B______ selon lesquels il avait assisté à l'audience du 6 avril 2022 devant les autorités britanniques (ad. all. no 25) et le jugement étranger n'avait pas fait l'objet d'un appel et était exécutoire (ad. all. no 32).
n. Par jugement JTPI/13252/2022 rendu le 8 novembre 2022 (dans la cause C/3______/2022), le Tribunal a, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, fait interdiction à A______, ainsi qu'à la banque de disposer, engager ou diminuer, de quelque manière que ce soit, la valeur des avoirs de celui-ci auprès de cet établissement, notamment le compte No 2______.
o. Dans le cadre de la présente procédure, les parties ont répliqué et dupliqué à plusieurs reprises, après quoi la cause a été gardée à juger.
D. Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal, après avoir admis sa compétence ratione loci au motif que l'exécution requise visait, notamment, un compte bancaire ouvert dans les livres d'une banque genevoise (art. 29 al. 1 LDIP) et ratione materiae (art. 86 LOJ), a relevé que A______ ne contestait ni que la décision litigieuse était définitive ni qu'elle était compatible avec l'ordre juridique suisse, mais qu'il soulevait l'incompétence des tribunaux britanniques, faute d'être domicilié dans cet Etat lors du dépôt de la demande en divorce.
Le premier juge a considéré que la condition de la compétence indirecte des tribunaux [de] D______ au sens de l'art. 25 let. a LDIP devait être admise, de sorte que la décision litigieuse devait être reconnue. En effet, à la date du 28 janvier 2022, A______ travaillait au Royaume-Uni, disposait du statut de résident dans cet Etat (ce dont il s'était d'ailleurs vanté auprès de B______ dans un courriel), était titulaire d'un contrat de bail pour un logement à D______ et était soumis aux autorités fiscales britanniques, ces éléments tendant à démontrer qu'il avait son centre de vie dans cet Etat.
De plus, selon les documents officiels émanant des autorités [de] E______, son installation à E______ datait du 2 mars 2022. Il n'avait apporté aucune preuve sérieuse qu'il résidait de manière durable et régulière à E______, dans l'intention reconnaissable de s'y établir, avant cette date. Il n'avait, en particulier, pas produit de pièces (contrat de bail, permis de conduire ou de circulation, contrat d'assurance maladie notamment) concrétisant une résidence effective dans cette ville en janvier 2022. Ni le témoignage de son ami – qui ne constituait pas un moyen de preuve recevable (art. 168 CPC) – ni le courriel que B______ lui avait adressé le 29 août 2021 ni même les vaccinations à E______ n'étaient de nature à prouver qu'il n'était pas domicilié en Grande-Bretagne en janvier 2022.
Enfin, vu le domicile de B______ en Espagne, l'existence d'une procédure en divorce en Espagne n'était pas non plus de nature à démontrer, même sous l'angle de la vraisemblance, l'existence d'un domicile de A______ à E______ en date du 28 janvier 2022.
Concernant l'exécution de la décision britannique, une freezing injunction prononcée inter partes était une décision susceptible d'exequatur, pour autant que l'autre partie ait eu la possibilité d'être entendue. De plus, la requête était accompagnée d'une expédition complète et authentique de la décision étrangère, munie de l'Apostille selon la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 et la requérante avait produit des titres attestant du caractère définitif et exécutoire de la décision, ce qui n'était d'ailleurs pas contesté.
1. 1.1 Selon l'art. 319 let. a CPC, le recours est recevable contre les décisions finales et provisionnelles de première instance qui ne peuvent faire l'objet d'un appel.
L'appel étant irrecevable contre les décisions du tribunal de l'exécution (art. 309 let. a CPC), seule la voie du recours est ouverte, et ce indépendamment de l'indication erronée figurant au pied de la décision, celle-ci ne pouvant créer une voie de droit inexistante (ATF 129 III 88 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 4D_82/2012 du 30 octobre 2012 consid. 2.2; 5A_545/2012 du 21 décembre 2012 consid. 4.2.1).
La procédure sommaire est applicable, de sorte que le délai de recours est de dix jours (art. 321 al. 2 et 339 al. 2 CPC).
Interjeté en temps utile et selon la forme requise par la loi (art. 130 al. 1, 131 et 321 al. 1 CPC), l'acte du 19 janvier 2024 est recevable en tant que recours, en dépit de sa dénomination.
1.2 Saisie d'un recours, le pouvoir de cognition de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).
L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).
1.3 Les conclusions, allégations de fait et preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours (art. 326 al. 1 CPC).
Partant, les pièces nouvelles produites par les parties dans le cadre du recours, ainsi que les allégués de faits nouvellement formulés sont irrecevables.
2. En vertu de l'art. 335 al. 3 CPC, la reconnaissance, la déclaration de force exécutoire et l'exécution des décisions étrangères sont régies par art. 335 à 346 LDIP, à moins qu'un traité international ou la LDIP n'en dispose autrement.
En présence d'un litige revêtant un caractère international, la Loi fédérale sur le droit international (LDIP) s'applique, sous réserve des traités internationaux (art. 1 LDIP).
La convention de Lugano n'étant plus applicable au Royaume-Uni depuis le 1er janvier 2021, seules les dispositions de la LDIP trouvent application en l'espèce.
3. Le recourant reproche au Tribunal d'avoir violé les art. 27 et 29 al. 1 let. a et b LDIP.
3.1.1 La reconnaissance d’une décision doit être refusée si une partie établit qu’elle n’a été citée régulièrement, ni selon le droit de son domicile, ni selon le droit de sa résidence habituelle, à moins qu’elle n’ait procédé au fond sans faire de réserve (art. 27 al. 2 let. a LDIP).
3.1.2 Selon l'art. 29 al. 1 LDIP, la requête doit être accompagnée d'une expédition complète et authentique de la décision (let. a), d'une attestation constatant que la décision n'est plus susceptible de recours ordinaire ou qu'elle est définitive (let. b) et, en cas de jugement par défaut, d’un document officiel établissant que le défaillant a été cité régulièrement et qu’il a eu la possibilité de faire valoir ses moyens (let. c).
Il convient d'éviter tout formalisme excessif dans l'application de cette disposition. Les exigences visées ont pour seul but de fournir, par un moyen de preuve formel, la certitude que la décision est authentique et qu'elle a acquis force de chose jugée; leur absence n'entraîne toutefois pas le refus de l'exequatur, si l'authenticité de la décision et le fait qu'elle est passée en force ne sont pas contestés ou ressortent des autres pièces du dossier (arrêts du Tribunal fédéral 5A_17/2022 du 4 août 2022 consid. 5.3.1, 5A_712/2018 du 20 novembre 2018 consid. 232, 5A_355/2016 du 21 novembre 2016 consid. 1.2, 5A_344/2012 du 18 septembre 2012 consid. 4.3; ACJC/355/2023 du 10 mars 2023 consid. 4.3.2).
L'autorité requise peut renoncer à la production de l'attestation de la force exécutoire lorsque la preuve ressort d'autres pièces au dossier (arrêt du Tribunal fédéral 5A_840/2009 du 30 avril 2010 consid. 2.3; Bucher, CR-LDIP/CL, 2011, n. 8 ad art. 29 LDIP; ACJC/511/2022 du 8 avril 2022 consid. 4.1.4).
3.1.3 Le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst. Il est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et empêche ou complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel (ATF 142 IV 299 consid. 1.3.2; 142 I 10 consid. 2.4.2; 135 I 6 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_630/2021 du 26 novembre 2021 consid. 3.3.2.1).
3.1.4 En vertu de la maxime des débats, seuls les faits contestés doivent être prouvés - sous réserve de l'art. 153 al. 2 CPC -, de sorte que l'aveu judiciaire est exclu de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 5A_641/2019 du 30 juin 2020 consid. 3.1.2 et les réf. cit.).
3.2.1 Dans un premier grief, le recourant soutient que le jugement étranger litigieux ne serait pas muni de l'apostille et que la condition posée par l'art. 29 al. 1 let. a LDIP ne serait pas remplie. Selon lui, l'apostille serait apposée sur le document produit en annexe du jugement informant B______ des conséquences en cas de non-respect de ses engagements envers la Cour (cf. supra EN FAIT let. C.k), à savoir sur un "document indépendant", qui ne ferait pas partie dudit jugement, alors qu'elle devrait être apposée directement à la suite de ladite décision, plus précisément directement après le dernier paragraphe de celle-ci.
3.2.2 En l'espèce, la condition posée par l'art. 29 al. 1 let. a LDIP a pour but de vérifier l'authenticité du jugement étranger. Or, le recourant n'a pas contesté l'authenticité de la décision britannique en première instance. A titre superfétatoire, on peine à comprendre pour quelle raison l'intimée aurait fait apostiller le document produit en annexe du jugement étranger si ce n'est parce qu'il fait partie de ce dernier. De même, le fait que l'apostille se trouve au verso de la dernière page du jugement plutôt qu'à son recto n'est pas de nature à remettre en cause la validité de cette apostille.
Par conséquent, ce grief est mal fondé.
3.3.1 Dans un deuxième grief, le recourant fait valoir que l'intimée n'a pas joint à sa requête une attestation constatant que la décision n'était plus susceptible de recours ordinaire ou qu'elle était définitive tel que prévu par l'art. 29 al. 1 let. b LDIP, que l'affidavit produit à cet égard - qui n'est qu'un allégué - n'est pas un moyen de preuve, et que son contenu n'était pas de nature à attester que la décision étrangère n'était plus susceptible de recours ordinaire.
3.3.2 In casu, point n'est besoin d'examiner plus avant ce grief, dès lors que, devant le premier juge, le recourant a expressément admis que le jugement étranger n'avait pas fait l'objet d'un appel et était exécutoire.
Ce grief n'est dès lors pas fondé.
3.4.1 Dans un troisième grief, le recourant soutient que l'intimée n'avait ni prouvé ni même allégué que l'acte introductif d'instance britannique lui avait été notifié régulièrement et en temps utile.
3.4.2 En l'occurrence, le recourant n'a pas allégué en première instance qu'il n'aurait pas été cité régulièrement par les autorités britanniques. Il a expressément admis, devant le Tribunal, avoir assisté à l'audience tenue le 6 avril 2022 par les autorités britanniques à l'issue de laquelle le jugement étranger litigieux a été prononcé. Il a par ailleurs participé à la procédure [de] D______ jusqu'en septembre 2022.
Ce grief est donc vain.
4. Le recourant conteste avoir été domicilié au Royaume-Uni au moment de la saisine des juridictions britanniques et, partant, la compétence ratione loci de celles-ci.
Il reproche au Tribunal de ne s'être fondé que sur deux éléments pour retenir ce domicile britannique, à savoir le courriel du 29 juillet 2021 qu'il a adressé à l'intimée (dont il propose une traduction différente et soutient qu'il n'y n'évoquait pas une qualité de résident permanent au Royaume-Uni, mais simplement une hypothèse "sauf si j'ai une lettre du gouvernement qui dit que JE SUIS RESIDENT PERMANENT au RU"), et la conclusion d'un contrat de bail conclu au début de l'année 2022 (qui n'était qu'un pied à terre pour déployer son activité professionnelle à D______ et ne serait qu'un "maigre indice"). Il soutient que le premier juge aurait dû tenir compte du fait que ses enfants et ses amis étaient domiciliés à E______ et qu'il avait été vacciné contre le COVID en Espagne, et qu'il aurait dû examiner s'il avait son domicile au Royaume-Uni (condition objective) et s'il avait l'intention de s'y établir et d'y créer son centre de vie (condition subjective).
Il reproche également au premier juge d'avoir inversé le fardeau de la preuve en considérant qu'il n'avait "apporté aucune preuve sérieuse qu'il résidait de manière durable à E______", alors qu'il n'avait pas la charge de prouver qu'il n'habitait pas au Royaume-Uni.
4.1.1 La compétence des autorités étrangères est l'une des conditions posées par l'art. 25 LDIP à la reconnaissance en Suisse de décisions étrangères (art. 25 let. a LDIP). Elle ne porte pas sur la compétence directe, soit l'application, par l'autorité étrangère, de ses propres règles de compétence, mais uniquement sur la compétence indirecte, à savoir l'existence d'un lien juridictionnel suffisant pour fonder la reconnaissance dans l'Etat requis de la décision étrangère (Bucher, op. cit., n° 1 ad art. 26 LDIP).
Selon l'art. 26 let. a LDIP, cette compétence indirecte est donnée lorsqu'elle résulte d'une disposition de la LDIP ou, en l'absence d'une telle disposition, si le défendeur était domicilié dans l'Etat dans lequel la décision a été rendue.
Selon l'art. 65 al. 1 LDIP, les décisions étrangères de divorce sont reconnues en Suisse lorsqu'elles ont été rendues dans l'Etat du domicile ou de la résidence habituelle, ou dans l'Etat national de l'un des époux, ou si elles sont reconnues dans un de ces Etats. Toutefois, selon l'art. 65 al. 2 LDIP, la décision rendue dans un Etat dont aucun des époux ou seul l'époux demandeur a la nationalité n'est reconnue en Suisse que lorsque, au moment de l'introduction de la demande, au moins l'un des époux était domicilié ou avait sa résidence habituelle dans cet Etat et que l'époux défendeur n'était pas domicilié en Suisse (let. a); lorsque l'époux défendeur s'est soumis sans faire de réserve à la compétence du tribunal étranger (let. b), ou lorsque l'époux défendeur a expressément consenti à la reconnaissance de la décision en Suisse (let. c).
L’art. 65 LDIP ne précise pas les solutions à retenir au sujet de la reconnaissance des mesures provisoires ordonnées par le tribunal étranger saisi de l’action en divorce. L’unité de la procédure étrangère milite en faveur de l’application de l’art. 65 à de telles mesures (Bucher, op. cit., n. 41 ad art. 65 LDIP).
4.1.2 Selon l'art. 20 al. 1 let. a LDIP, une personne physique a son domicile dans l'Etat dans lequel elle réside avec l'intention de s'y établir.
La notion de domicile - qui correspond à celle de l'art. 23 CC (FF 1983 I 255 p. 307 et 308) - comporte deux éléments : l'un objectif, la présence physique en un lieu donné; l'autre subjectif, l'intention d'y demeurer durablement (ATF 137 II 122 consid. 3.6; 137 III 593 consid. 3.5; 136 II 405 consid. 4.3; 135 III 49 consid. 6.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_270/2012 du 24 septembre 2012 consid. 4.2). Pour savoir si une personne réside dans un lieu avec l'intention de s'y établir, ce n'est pas la volonté interne de l'intéressé qui est déterminante, mais les circonstances objectives, reconnaissables pour les tiers, qui permettent d'en déduire une pareille intention (ATF 120 III 7 consid. 2a; 119 II 167 consid. 2b). En d'autres termes, il faut pouvoir objectivement inférer de l'ensemble des circonstances qu'une personne a fait d'un endroit (ou a l'intention d'en faire) le centre de ses intérêts personnels, sociaux et professionnels (arrêts du Tribunal fédéral 4A_588/2017 du 6 avril 2018 consid. 3.2.1 et 5A_278/2017 du 19 juin 2017 consid. 3.1.1.1).
Pour déterminer le domicile d'une personne, il faut tenir compte de l'ensemble de ses conditions de vie. Le "centre de gravité" de son existence se trouve à l'endroit où se focalisent un maximum d'éléments concernant sa vie personnelle, sociale et professionnelle, de sorte que l'intensité des liens avec ce centre l'emporte sur les liens existant avec d'autres endroits (arrêts du Tribunal fédéral 4A_588/2017 précité consid. 3.2.1 et 5A_757/2015 du 15 janvier 2016 consid. 4.2, in SJ 2016 I 265).
Des éléments administratifs tels que le dépôt des papiers d'identité, des attestations émanant de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales, ou encore un permis de circulation ou un permis de conduire sont des indices sérieux de l'existence du domicile, mais pas nécessairement déterminants; la présomption de fait qu'ils créent peut être renversée par des preuves contraires. Ces indices ne sauraient l'emporter sur le lieu où se concentrent un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 125 III 100 consid. 3; 136 II 405 consid. 4.3; arrêt du Tribunal 5A_812/2015 du 6 septembre 2016 consid. 5.1.2).
Lorsqu'une personne séjourne en deux endroits différents et qu'elle a des relations avec ces deux endroits, le domicile se trouve au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances (ATF 125 III 100 consid. 3, 120 III 7 consid. 2b).
4.2 En l'espèce, le raisonnement du Tribunal est exempt de toute critique. En effet, à la date du dépôt de la demande le 28 janvier 2022, le recourant travaillait à D______, y était titulaire d'un contrat de bail pour un logement, disposait du statut de résident au Royaume-Uni, ce qu'il semble lui-même avoir confirmé à son épouse dans son courriel du 29 juillet 2021 (la traduction dont cette dernière se prévaut apparaissant plus correcte que celle proposée par l'ex-époux dans son recours), y bénéficiait du système de santé, était soumis aux autorités fiscales britanniques, et est officiellement revenu s'installer en Espagne en mars 2022. A l'instar du premier juge, il convient de retenir que le recourant était physiquement présent à D______ (condition objective) et que ces circonstances plaident en faveur d'un centre de vie dans cet Etat (condition subjective).
Il appartenait dès lors au recourant d'établir la preuve du contraire. Or ni le témoignage de son voisin ni les vaccinations dont il a bénéficié en Espagne durant la pandémie ni le courriel de l'intimée du 29 août 2021 (dans lequel elle lui demande comme il a pu dépenser 60'000 euros alors qu'il avait été "tout le temps à E______") ne sont de nature à affaiblir les éléments précités, dans la mesure où le recourant ne conteste pas que le témoignage de son voisin ne constitue pas un moyen de preuve recevable, qu'il n'a pas justifié avoir bénéficié du système de santé espagnol quand bien même il aurait réussi à se faire vacciner en Espagne et que l'intimée a expliqué - sans être contredite - que le recourant avait passé beaucoup de temps à E______ durant les vacances d'été 2021 (soit pendant une période déterminée) pour voir sa famille.
Par ailleurs, le recourant ne saurait être suivi lorsqu'il prétend que la présence de ses enfants et de ses amis en Espagne est un élément déterminant, dès lors qu'il admet lui-même avoir été domicilié au Royaume-Uni entre 2018 et 2020 alors même que sa famille était demeurée à E______.
C'est ainsi à raison que le Tribunal a retenu que le recourant était domicilié au Royaume-Uni au moment de l'introduction de la procédure de divorce à D______ et que la compétence indirecte des tribunaux [de] D______ était donnée.
Le grief du recourant est ainsi dépourvu de fondement.
5. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.
6. Les frais judiciaires du recours seront arrêtés à 2'400 fr. (art. 13, 26 et 38 RTFMC) et mis à la charge du recourant qui succombe dans ses conclusions (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront entièrement compensés avec l'avance de frais d'un montant correspondant, fournie par ce dernier, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).
Le recourant sera, par ailleurs, condamné à verser 2'000 fr. à l'intimée à titre de dépens d'appel, débours compris, au regard de l'activité déployée par le conseil de la partie adverse (art. 106 al. 1 CPC; art. 20, 25 et 26 al. 1 LaCC; art. 86 et 88 RTFMC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 19 janvier 2024 par A______ contre le jugement JTPI/18/2024 rendu le 8 janvier 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/16004/2022-15.
Au fond :
Le rejette.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires du recours à 2'400 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance de frais fournie, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.
Condamne A______ à verser à B______ 2'000 fr. à titre de dépens du recours.
Siégeant :
Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.
La présidente : Pauline ERARD |
| La greffière : Mélanie DE RESENDE PEREIRA |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.