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Décisions | Sommaires

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C/25032/2023

ACJC/1342/2024 du 28.10.2024 sur JTPI/9208/2024 ( SML ) , MODIFIE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25032/2023 ACJC/1342/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 28 OCTOBRE 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, Singapour, recourant contre un jugement rendu par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 26 juillet 2024, représenté par Me Bénédict FONTANET, avocat, Fontanet & Associés, Grand-Rue 25, case postale 3200, 1211 Genève 3,

et

ETAT DE GENEVE, SOIT POUR LUI L'AFC-GE, Direction des affaires juridiques, sise rue du Stand 26, 1204 Genève, intimée.

 


EN FAIT

A. a. Par jugement JTPI/9208/2024 du 26 juillet 2024, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal), statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la mainlevée définitive de l’opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 1______, qui lui a été notifié par l’Office des poursuites de Genève, pour l’intégralité du poste 1 et à concurrence de 314'814’840 fr. 26 pour le poste 2 (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 2'000 fr., compensés avec l’avance fournie par l’Etat de Genève, mis à la charge de A______, condamné celui-ci à les payer à celui-là (ch. 2), condamné A______ à payer à l’Etat de Genève la somme de 20'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

S'agissant des dépens, le Tribunal a retenu que ceux-ci comprenaient les débours nécessaires et le défraiement du conseil [de la requérante] (art. 95 al. 3 CPC;
art. 20 LaCC), et précisé que le montant tenait compte du fait que la procédure, malgré son importante valeur litigieuse, n'avait requis qu'un travail d'une ampleur réduite.

B. a. Par acte expédié le 16 août 2024 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre le chiffre 3 du dispositif de ce jugement, en tant qu'il le condamne à payer à l'Etat de Genève la somme de 20'000 fr. à titre de dépens, à ce qu'il soit dit et constaté qu'il ne saurait être condamné à des dépens en lien avec le jugement entrepris et à la condamnation de l'Etat de Genève aux frais judiciaires et dépens.

b. Par réponse du 16 septembre 2024, l'Administration fiscale cantonale (AFC) a relevé que le juge de première instance avait agi de sa propre initiative en lui octroyant des dépens, de sorte qu'elle n'avait aucune observation particulière à formuler. Pour le surplus elle s'opposait à la conclusion du recourant tendant à sa condamnation aux frais et dépens.

c. Par réplique du 27 septembre 2024, A______ a persisté dans ses conclusions.

d. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du
15 octobre 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure.

a. Le 13 novembre 2024, l'Etat de Genève, soit pour lui l'Administration fiscale cantonale, représentée par la Direction des affaires juridiques, a conclu au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 1______, en prestation de sûretés à hauteur de 224'161'858 fr. 40 avec intérêts à 3% dès le 13 février 2023 et de 338'804'402 fr. 80, dans le cadre de la validation du séquestre fiscal
n° 2______ du 23 février 2023, ainsi qu'à la condamnation du précité en tous les frais et dépens.

Elle n'a pas motivé cette dernière conclusion.

b. Dans sa réponse du 23 février 2024, A______ a conclu au déboutement de l'AFC, sous suite de frais judicaires et dépens. Subsidiairement, il a conclu au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition à concurrence de
224'161'858 fr. 40 avec intérêts à 3% dès le 13 février 2023 et de 314'814'840 fr., sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Par réplique du 13 mars 2024, l'AFC a réduit ses conclusions, conformément aux conclusions subsidiaires de A______, et persisté pour le surplus.

 

EN DROIT

1. Selon l'art. 110 CPC, la décision sur les frais ne peut être attaquée séparément que par un recours.

Déposé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 321 al. 1 CPC et art. 142 al. 3 CPC), le recours est recevable.

2. Le recourant fait grief au Tribunal d'avoir alloué des dépens à l'intimée, qui n'était pas représentée par un conseil, contrairement à ce qui a été retenu, mais agissait par son service juridique, et qui n'aurait fait valoir aucun argument justifiant l'allocation de dépens, en application de l'art. 95 al. 3 let. c CPC.

2.1 Lorsqu'une partie procède sans représentant professionnel, elle n'a droit à une indemnité équitable pour ses démarches, en sus du remboursement de ses débours nécessaires (art. 95 al. 3 lit a CPC), que dans les cas où cela se justifie
(art. 95 al. 3 let. c CPC; cf. arrêt du Tribunal fédéral
5D_229/2011 du
16 avril 2012 consid. 3.3 s'agissant d'éventuels dépens alloués à un canton). Selon le Message du Conseil fédéral (FF 2006 6905), l'art. 95 al. 3 let. c CPC vise notamment la perte de gain d'un indépendant. Le fait que l'activité déployée par une partie non assistée d'un avocat lui occasionne des frais susceptibles d'indemnisation est exceptionnel et nécessite une motivation particulière (arrêts du Tribunal fédéral 4A_355/2013 du 22 octobre 2013 consid. 4.2).

2.2 En l'espèce, il est acquis que l'intimée n'était pas assistée d'un représentant professionnel devant le Tribunal, contrairement à ce que celui-ci a retenu.

Dans sa requête de mainlevée définitive de l'opposition, l'intimée a certes conclu à la condamnation de l'appelant en tous les frais et dépens. Elle n'a cependant fourni aucune motivation à cet égard.

Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal a alloué des dépens à l'intimée. Le chiffre 3 du dispositif du jugement entrepris sera en conséquence annulé.

3. 3.1 Les frais judiciaires qui ne sont pas imputables aux parties ni aux tiers peuvent être mis à la charge du canton si l'équité l'exige (art. 107 al. 2 CPC);

L'application de cette disposition se justifie lorsque les frais judiciaires sont dus à une erreur manifeste du tribunal, qui n'est en rien imputable à l'une des parties (Rüegg, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2013, n. 11
ad art. 107 CPC).

En l'espèce, les frais judiciaires du recours seront laissés à la charge de l'Etat de Genève, vu l'issue du litige (art. 107 al. 2 CPC). L'avance fournie par le recourant lui sera restituée.

3.2 Il ne peut être mis de dépens à la charge du canton (ATF 140 III 385
consid. 4.1), de sorte qu'il ne sera pas alloué de dépens au recourant. Il serait de surcroît inéquitable de condamner l'intimée à en verser au recourant, qui certes obtient gain de cause, mais suite à une erreur du premier juge. Le fait que l'intimée ait conclu en première instance à la condamnation du recourant aux frais et dépens, sans aucune motivation, est insuffisant pour aboutir à une autre solution.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 16 août 2024 par A______ contre le chiffre 3 du dispositif du jugement JTPI/9208/2024 rendu le 26 juillet 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25032/2023–17 SML.

Au fond :

Annule le chiffre 3 du dispositif de ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Laisse les frais du recours à la charge de l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ son avance de frais de 1'000 fr.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.