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Décisions | Sommaires

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C/634/2024

ACJC/1044/2024 du 22.08.2024 sur JTPI/7082/2024 ( SFC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/634/2024 ACJC/1044/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 22 AOÛT 2024

 

Pour

1)   A______ LIMITED, sise ______, Bahamas,

2)   B______ SA, en liquidation, anciennement sise c/o C______ SA, ______ [GE], actuellement sise c/o D______ SA, ______ [GE], appelantes d'un jugement rendu par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 10 juin 2024, représentées par Me Julien TRON, avocat, MLL LEGAL SA, rue du Rhône 65, case postale 3199, 1211 Genève 3,


 

EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/7082/2024 du 10 juin 2024, expédié pour notification le même jour, le Tribunal de première instance a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, la requête en annulation/modification du jugement JTPI/2528/2024 du 15 février 2024 formée par A______ LTD et B______ SA (ch. 1), arrêté les frais à 600 fr. compensés avec l'avance opérée, et mis à la charge des précitées (ch. 2), dit qu'il ne serait pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B.            Par acte du 21 juin 2024, A______ LTD et B______ SA ont formé appel contre ce jugement. Elles ont conclu à l'annulation de celui-ci, cela fait à l'annulation du jugement JTPI/2528/2024 rendu par le Tribunal le 15 février 2024, subsidiairement à la modification de celui-ci, et à ce que soit révoquée la dissolution de B______ SA, subsidiairement à ce que soit imparti à celle-ci un ultime délai pour rétablir une situation conforme au droit en requérant l'inscription de la nouvelle adresse et des nouveaux administrateurs au Registre du commerce, sous peine de dissolution.

A titre provisionnel, ainsi que superprovisionnel, elles ont requis la suspension du caractère exécutoire des jugements susmentionnés, ce qui a été rejeté par arrêt de la Cour du 24 juin 2024.

Elles ont produit des pièces nouvelles, soit les comptes de B______ SA pour l'exercice 2023, un extrait du Registre des poursuites, vierge, du 20 juin 2024, et un courriel dont résulte que l'ancienne administratrice E______ a été entièrement rémunérée pour ses services.

Elles ont notamment, dans le corps de leur appel, qualifié la société de services auprès de laquelle elles allèguent que B______ SA s'est domiciliée de "société de services fiduciaires de renom". Elles allèguent nouvellement que les administrateurs qui auraient été nommés le 29 janvier 2024 en seraient les collaborateurs.

Par avis du 4 juillet 2024, la cause a été gardée à juger.

C.           Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants:

a.    B______ SA en liquidation (ci-après : B______ SA) est une société anonyme inscrite au Registre du commerce genevois depuis le ______ 2011. Elle a pour but les investissements financiers, soit notamment achat, construction, exploitation, vente de tous immeubles; opérations dans le domaine immobilier, dans le respect de la LFAIE. Son capital-actions est de 100'000 fr.

De juin 2019 à décembre 2022, elle a eu pour seule administratrice E______. Depuis cette dernière date, aucun administrateur ni aucune adresse ne figurent au Registre du commerce.

b.   Le 9 janvier 2024, le Registre du commerce a porté à la connaissance du Tribunal, en application des art. 731b et 939 al. 2 CO, la situation de B______ SA et l'a prié de prendre les mesures nécessaires, B______ SA présentant des carences dans son organisation, à savoir l'absence d'administrateur avec pouvoir de représentation (art. 718 al. 3 CO) et l'absence de signataire domicilié en Suisse (art. 718 al. 4 CO).

A l'audience du Tribunal du 15 février 2024, à laquelle B______ SA a été convoquée par voie édictale, personne n'a comparu.

Par jugement JTPI/2528/2024 non motivé du 15 février 2024, publié dans la FAO du ______ février 2024, le Tribunal a ordonné la dissolution de B______ SA et sa liquidation selon les dispositions applicables à la faillite, et condamné B______ SA aux frais judiciaires arrêtés à 780 fr.

c.    Selon un extrait de registre des actions, daté du 6 mai 2024 et portant la signature de deux membres du "conseil d'administration", B______ SA a pour actionnaire unique A______ LTD, entité incorporée aux Bahamas (dont l'administratrice unique est une autre entité bahaméenne).

d.   A______ LTD affirme avoir tenu une assemblée générale de B______ SA le 29 janvier 2024, en un lieu indéterminé, au cours de laquelle F______ et G______, domiciliés respectivement à I______[GE] et à J______[GE], ont été désignés administrateurs de B______ SA avec signature collective à deux, et un domicile social constitué auprès de D______ SA à Genève.

Le procès-verbal de cette assemblée générale a été signé par l'administratrice unique de la société bahaméenne qui est administratrice unique de A______ LTD, ainsi qu'une tierce personne.

e.    Après qu'une réquisition d'inscription des nouveaux administrateurs de B______ SA avait été adressée le 4 mars 2024 au Registre du commerce, celui-ci a fait connaître le jugement du Tribunal du 15 février 2024.

f. Le 16 mai 2024, B______ SA et A______ LTD ont saisi le Tribunal d'une requête en modification du jugement JTPI/2528/2024 précité, fondée sur l'art. 256 al. 2 CPC. Elles ont conclu principalement à la modification de ce jugement, subsidiairement à la modification dudit jugement en ce sens qu'un ultime délai soit imparti à celles-ci pour rétablir une situation conforme au droit en requérant l'inscription de la nouvelle adresse et des nouveaux administrateurs, et à la révocation de la dissolution et liquidation de B______ SA.

Elles ont notamment allégué que A______ LTD avait, entre septembre 2013 et juin 2015, prêté à B______ SA 17'300'000 USD, selon un contrat du 30 septembre 2013 qu'elles ont produit, et que B______ SA détenait une créance de 15'100'100 USD en vertu d'un prêt consenti, ce même 30 septembre 2013, à H______ LLC, entité soumise au droit de la République du Kazakhstan, selon un contrat qu'elles ont produit.

Elles ont ajouté que les administrateurs désignés le 29 janvier 2024 avaient cru bénéficier d'un délai de deux mois pour pallier les carences dont souffrait B______ SA, à compter d'un échange de courriels intervenu le 15 janvier 2024 avec l'Administration fiscale, portant sur la nécessité d'une "adresse valide pour la société".

Elles ont soutenu que les carences organisationnelles avaient été corrigées le 29 janvier 2024, soit avant le jugement dont l'annulation était requise (lequel était donc incorrect), qu'aucun acte de liquidation n'avait été entrepris et que la dissolution n'avait pas été prononcée à la suite d'un avis de surendettement ou à l'initiative d'un créancier, étant relevé que B______ SA n'avait pas de poursuites en cours. Elles ont dans le même temps fait valoir que la décision de dissolution ferait abstraction de la qualité de créancière de B______ SA envers la société kazakhe au détriment de ses potentiels créanciers. La sécurité du droit ne s'opposait donc pas à l'annulation de la décision.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence, une contestation relative à la dissolution d'une société est de nature pécuniaire; la valeur litigieuse se détermine au regard du capital nominal de la société (arrêt du Tribunal fédéral du 22 juin 2010 4A_106/2010 du 22 juin 2010 consid. 6 non publié aux ATF 136 II 369).

En l'espèce, le capital-actions de l'appelante B______ SA s'élève à 100'000 fr., de sorte que la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr.

1.2 Aux termes de l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée. Si la procédure sommaire est applicable, comme c'est le cas en l'espèce (art. 250 let. c ch. 11 CPC), le délai d'appel est de dix jours (art. 314 al. 1 CPC), étant admis que les voies de droit, dans le cadre de procédures fondées sur l'art. 256 al. 2 CPC, sont identiques à celles ouvertes pour contester la décision dont la modification est requise.

En l'occurrence, l'appel a été interjeté devant l'autorité compétente et dans la forme et le délai prévus par la loi. Il est recevable, en tant qu'il émane des administrateurs supposément désignés, s'agissant de l'appelante B______ SA puisque l'objet de la procédure tient à cette existence ou à cette carence d'administrateurs.

En revanche, l'appelante A______ LTD n'est pas légitimée à recourir, pas plus qu'elle n'était au demeurant légitimée à agir (question non examinée par le premier juge) puisque la procédure fondée sur l'art. 256 al. 2 CPC ne peut intervenir que d'office ou sur réquisition d'une partie [à la décision dont l'annulation est requise] (arrêt du Tribunal fédéral 5A_570/2017 du 27 août 2018 consid. 5.2); or, A______ LTD ne prétend à raison pas qu'elle aurait été partie à la procédure ayant abouti au jugement JTPI/2528/2014.

L'appel de A______ LTD n'est donc pas recevable.

2. En ce qui concerne les pièces nouvellement produites, rien n'indique que l'attestation relative à l'ancienne administratrice n'aurait pas pu être établie, partant produite, avant le dépôt de la requête de première instance, et il en va de même pour les comptes 2023, non datés, dont il n'a pas été allégué qu'ils auraient été dressés postérieurement audit dépôt. Seuls sont donc recevables, au regard de l'art. 317 al. 1 CPC, les extraits de Registre des poursuites actualisés.

3. L'appelante B______ SA fait grief au Tribunal de ne pas avoir fait droit à sa requête. Elle lui reproche notamment d'avoir tenu un raisonnement erroné en lien avec la portée d'une décision de liquidation conformément aux dispositions de la faillite et l'applicabilité en l'occurrence de l'art. 256 al. 2 CPC, et d'avoir retenu que la situation légale n'était pas rétablie à la date du jugement dont l'annulation était requise en méconnaissant le caractère déclaratif de l'inscription des administrateurs.

3.1 L'art. 256 al. 2 CPC prévoit, pour des raisons pratiques et par analogie aux décisions administratives auxquelles elles peuvent être assimilées, une possibilité facilitée de rectification, sans obligation de procéder par les recours aux voies de droit habituelles, des décisions prises dans une procédure relevant de la juridiction gracieuse, telle la correction d'un certificat d'héritier erroné (ATF 141 III 43 consid. 2.5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_143/2013 du 30 septembre 2013 consid. 2.3). La rectification, ne peut concerner qu'une décision qui, rétrospectivement, s'est révélée être incorrecte, ce qui peut être le cas même si l'erreur existait dès l'origine ou qu'elle a été découverte durant le délai de recours. Les principes de la sécurité du droit et de la protection de la bonne foi limitent la portée de l'art. 256 al. 2 CPC, puisqu'une reconsidération ne doit en principe être prononcée d'office que si la confiance placée par un justiciable dans une décision prise en sa faveur n'est pas digne d'être protégée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_570/2017 du 27 août 2018 consid. 5.2).

3.2 L'art. 731b al 1bis ch. 3 CO prévoit que le tribunal peut prononcer la dissolution de la société et ordonner sa liquidation selon les dispositions applicables à la faillite.

Dans certains cas (où une manifestation de volonté n'est pas suffisante) et pour autant qu'il y ait une base légale en ce sens, la modification d'un droit ou d'un rapport de droit suppose un jugement, lequel a un effet formateur (cf arrêt du Tribunal fédéral 5A_702/2016 consid. 2.2).

3.3. En l'occurrence, il est constant que le jugement du 15 février 2024 dont l'annulation, respectivement la modification, a été requise n'est pas motivé, de sorte qu'il paraît plus qu'hasardeux de déterminer ce qui a conduit le Tribunal à le rendre, partant d'apprécier si cette décision se révèle incorrecte, au sens de l'art. 256 al. 2 CPC.

Au demeurant, les pièces invoquées par les appelantes pour soutenir que ce jugement, prononcé après transmission du Registre du commerce au Tribunal selon l'art. 939 al. 1 et 2 CO (carences dans l'organisation), serait incorrect ne sont guère probantes.

En effet, l'allégué selon lequel de nouveaux administrateurs auraient été valablement désignés avant le jugement de dissolution du 15 février 2024 (soit lors d'une assemblée générale du 29 janvier 2024, tenue dans un lieu indéterminé), ne repose que sur une attestation d'une représentante d'un administrateur de l'entité qui se présente comme actionnaire unique, aux termes d'un extrait de registre des actionnaires signé en mai 2024 par les supposés nouveaux administrateurs.

Par ailleurs, s'il fallait admettre que ces deux administrateurs, dont il est nouvellement affirmé en appel qu'ils sont employés d'une "société de services fiduciaires de renom" à Genève, étaient réellement entrés en fonction à compter du 29 janvier 2024, il aurait été attendu d'eux qu'ils prennent connaissance de la parution FAO du ______ février 2024 faisant état de la dissolution et de la liquidation de l'appelante B______ SA et s'empressent d'en requérir la motivation. Leur abstention ne tend donc pas à accréditer la nomination et l'entrée en fonction alléguées. Il en va de même de la confusion évoquée en raison d'une correspondance de l'Administration fiscale portant sur l'adresse de la société, dont le lien avec une carence d'administrateurs n'est pas apparent.

Ainsi, quoi qu'il en soit des développements consacrés par le Tribunal à l'applicabilité ou non de la procédure fondée sur l'art. 256 al. 2 CPC à une dissolution fondée sur l'art. 939 al. 2 CO, ou au caractère déclaratif ou constitutif d'une inscription au Registre du commerce, les faits allégués, censés révéler le caractère incorrect du jugement JTPI/2528/2014, ne sont pas établis à satisfaction.

Les appelantes ne critiquent pour le surplus pas en tant que tel le raisonnement du premier juge, conforme au droit, selon lequel un jugement de dissolution et de liquidation selon les règles de la faillite, rendu en application de l'art. 721b al. 1bis ch. 3 CO, a un effet formateur. Celui-ci, sous l'angle de la sécurité du droit, s'oppose à toute annulation ou modification en l'occurrence de la décision judiciaire de dissolution de l'appelante B______ SA, sur le vu de pièces non concluantes. Peu importe à cet égard que résulte du Registre des poursuites l'absence de poursuites en cours, qu'aucun acte de l'Office des faillites n'ait supposément été entrepris, ou que l'actionnaire allégué de B______ SA connaisse par hypothèse des difficultés de recouvrement.

Au vu de ce qui précède, fondé dans son résultat, le jugement attaqué sera confirmé.

4. Les appelantes, qui succombent, supporteront les frais judiciaires de la procédure d'appel (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 1'000 fr. (y compris l'arrêt sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles), compensés avec l'avance opérée, acquise à l'ETAT DE GENEVE.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare irrecevable l'appel formé par A______ LTD et recevable l'appel formé par B______ SA en liquidation contre le jugement JTPI/7082/2024 rendu le 10 juin 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/634/2024–5 SFC .

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais d'appel à 1'000 fr., compensés avec l'avance opérée, acquise à l'ETAT DE GENEVE.

Les met à la charge de A______ LTD et de B______ SA, solidairement entre elles.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Barbara NEVEUX, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Barbara NEVEUX

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.