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C/11873/2023

ACJC/763/2024 du 13.06.2024 sur JTPI/543/2024 ( SCC ) , JUGE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11873/2023 ACJC/763/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 13 JUIN 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ (GE), appelant et recourant d'un jugement rendu par la 16ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 12 janvier 2024, représenté par Me Alexia MOREL, avocate, BORY & ASSOCIES AVOCATS, cour de Saint-Pierre 7, 1204 Genève,

et

Madame B______ et Monsieur C______, domiciliés ______ (VD), intimés, représentés par Me D______, avocate,

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/543/2024 du 12 janvier 2024, reçu par A______ le 15 janvier 2024, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure sommaire, a déclaré irrecevable la requête en protection des cas clairs formée par le précité le 8 juin 2023 (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 2'400 fr., compensés avec l'avance fournie par A______ et laissés à la charge de celui-ci (ch. 2), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B.            a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 24 janvier 2024, A______ a formé appel contre ce jugement, concluant à son annulation. Cela fait, il a conclu à ce que la Cour condamne B______ et C______ à évacuer immédiatement de leur personne, de leurs biens, ainsi que de tout tiers, l'appartement d'environ 176.4 m2 et la cave y afférente, sis no. ______ chemin 1______, [code postal] E______ [GE], bâtiment n° 2______, feuillet n° 3______ de la parcelle n° 4______ de la commune de E______, ainsi qu'à lui restituer les clés dès l'entrée en force de la décision, et l'autorise à requérir l'évacuation de B______ et C______ par la force publique dès l'entrée en force de la décision, le tout sous suite de frais et dépens.

Il a allégué des faits nouveaux et produit une pièce nouvelle.

b. Dans leur réponse du 13 février 2024, B______ et C______ ont déclaré "réaffirmer" les griefs soulevés devant le Tribunal concernant la régularité de la vente aux enchères du bien immobilier concerné, et demandé à la Cour "de [leur] nommer une représentation juridique pour sauvegarder [leurs] intérêts, compte tenu de la gravité des violations perpétrées tant par l'Office des poursuites que par A______".

En parallèle, ils ont sollicité l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure d'appel.

c. Le 20 mars 2024, Me D______, avocate, a informé la Cour avoir été nommée d'office pour la défense des intérêts de B______ et C______, selon décision du Service de l'assistance juridique du 14 mars 2024. Compte tenu de sa récente constitution, elle sollicitait qu'un délai soit octroyé à ses mandants afin de compléter leur mémoire-réponse du 13 février 2024.

d. Par décision du 26 mars 2024, la Cour a admis cette requête, traitée comme une requête en restitution de délai (art. 148 CPC), et imparti à B______ et C______ un délai de dix jours pour compléter leur réponse à l'appel.

e. Par écriture du 8 avril 2024, les précités ont conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement attaqué, sous suite de frais et dépens.

Ils ont allégué des faits nouveaux.

f. A______ a répliqué le 16 avril 2024, persistant dans ses conclusions.

g. La cause a été gardée à juger le 8 mai 2024, ce dont les parties ont été avisées le jour même.

C.           Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants :

a. La parcelle n° 4______ de la commune de E______, d'une surface de 2'588 m2, comprend notamment les bâtiments nos 5______ (garage privé), 6______ et 2______ (habitations à plusieurs logements).

Les époux B______ et C______ étaient les copropriétaires d'une part de propriété par étages (PPE) se trouvant dans le bâtiment n° 2______ susvisé, à savoir le feuillet n° 3______ de la parcelle n° 4______ de la commune de E______. Cette part conférait un droit exclusif sur les lots PPE nos 7______ et 8______, correspondant à un appartement de 5.5 pièces d'une surface d'environ 176.4 m2 situé dans les combles de l'immeuble sis no. ______ chemin 1______, [code postal] E______, ainsi qu'à une cave (ci-après : l'appartement).

Bien qu'officiellement domiciliés à F______ (VD), B______ et C______ résident à E______, dans l'appartement concerné, depuis l'été 2022.

b. A______ a exercé la profession d'avocat avant d'être élu à un poste de procureur à compter du ______ 2022. Il a, durant une période non spécifiée, été le conseil des précités.

c. A la date du 18 octobre 2022, C______ et B______ cumulaient des dettes pour un montant totalisant plus de 3'500'000 fr. A la suite de plusieurs poursuites en réalisation de gage, l'Office des poursuites de Genève (ci-après : l'Office) a mis l'appartement en vente aux enchères publiques.

L'Office a estimé la valeur du bien à 1'465'000 fr. Selon les conditions de vente, l'appartement pouvait être adjugé au plus offrant à condition que son offre soit supérieure au prix minimum d'adjudication de 600'000 fr.

La vente aux enchères a eu lieu le 13 décembre 2022 et le bien a été adjugé à A______ pour le prix de 950'000 fr. Le jour même, le précité a informé C______ que l'appartement avait été vendu et qu'il s'en était porté acquéreur.

d. En ______ 2023, A______ a été inscrit au Registre foncier de Genève en qualité de propriétaire de l'appartement.

e. Le 8 juin 2023, A______ a formé devant le Tribunal, par la voie de la procédure en protection des cas clairs, une action en revendication avec requête d'évacuation et mesures d'exécution directe, dirigée contre B______ et C______.

Il a allégué avoir valablement acquis l'appartement lors de la vente aux enchères du 13 décembre 2022 et en être devenu seul propriétaire, le transfert de propriété ayant été inscrit au Registre foncier le ______ 2023. B______ et C______ ne disposaient d'aucun droit à occuper l'appartement et devaient donc l'évacuer.

f. Dans leur réponse du 3 octobre 2023, les précités ont déclarer "faire opposition à la demande d'expulsion".

En substance, ils ont fait valoir que la vente aux enchères de l'appartement était entachée de nombreuses irrégularités. D'une part, l'appartement avait été vendu à un prix significativement inférieur à l'estimation officielle de l'Office et celui-ci ne les avait pas informés des conditions exactes de la vente. D'autre part, l'appartement avait été vendu à A______, ce qui soulevait, selon eux, un problème de conflit d'intérêts, du fait que le précité avait été leur avocat, qu'il connaissait parfaitement leur situation financière pour les avoir, dans un premier temps, lui-même représentés auprès de l'Office, et qu'il disposait d'informations privilégiées les concernant. A cela s'ajoutait qu'à l'époque où il était leur avocat dans le cadre d'une procédure pénale, A______ avait exigé d'eux une garantie financière pour le paiement de ses honoraires par la cession d'une cédule hypothécaire au porteur de 150'000 fr. grevant l'appartement, tout en sollicitant pour leur compte l'octroi de l'assistance judiciaire. Ils ont par ailleurs allégué ce qui suit : "Nous avons adressé une opposition à l'Office des Poursuites de Genève concernant la vente de l'appartement en question. Cette opposition a été envoyée en réponse à une lettre officielle datée du 28 août 2023, que nous avons reçue le 31 août 2023. Cependant, malgré nos efforts pour faire valoir nos droits légaux, nous n'avons reçu aucune réponse de la part de l'Office des Poursuites de Genève jusqu'à ce jour".

A l'appui de leur réponse, B______ et C______ ont produit diverses correspondances en lien avec leur requête d'assistance judiciaire du 14 août 2023, qui a été rejetée par décision du Service de l'assistance juridique du 12 septembre 2023, ainsi qu'un courrier de l'Office du 29 avril 2019 informant B______ que l'appartement avait été expertisé à 1'465'000 fr., qu'une nouvelle estimation pouvait être requise auprès de l'autorité de surveillance dans un délai de dix jours, et qu'une fois "cette décision […] devenue définitive, la procédure de vente suivr[ait] son cours, soit en particulier les opérations de vente proprement dites".

g. Par réplique spontanée du 23 octobre 2023, A______ a contesté les allégations de B______ et C______. Il a relevé que ceux-ci étaient informés de la vente de l'appartement à tout le moins depuis avril 2019 et qu'il avait lui-même informé C______ de la vente le jour même des enchères. Selon les art. 132a LP et 230 al. 2 CO, la réalisation ne pouvait être attaquée que par le biais d'une plainte contre l'adjudication ou l'acte de vente de gré à gré dans le délai de dix jours prévu à l'art. 17 al. 2 LP, lequel courait dès que le plaignant avait connaissance de l'acte attaqué et pouvait connaître le motif de la contestation (art. 132a al. 2 LP). En l'occurrence, le délai de dix jours pour contester les modalités de la vente était très largement échu, de sorte que les objections soulevées par B______ et C______ étaient vouées à l'échec.

h. Lors de l'audience du Tribunal du 1er novembre 2023, A______ a persisté dans ses conclusions. Il a produit des pièces complémentaires en lien avec la vente aux enchères, à savoir : (i) le courrier adressé par l'Office à B______ le 22 septembre 2022, par pli recommandé et par pli simple, indiquant la date de la visite de l'immeuble et la date de la vente aux enchères, avec le placard de vente en annexe; (ii) le même courrier adressé par l'Office à C______ le même jour, par pli recommandé et par pli simple, avec son annexe; (iii) les publications parues dans la Feuille d'avis officielle du canton de Genève (FAO) les ______, ______ et ______ 2022, communicant la date de la vente aux enchères ainsi que le dépôt de l'état des charges et des conditions de vente auprès de l'Office dès le 21 novembre 2022; (iv) les courriers adressés par l'Office à B______ et C______ le 21 novembre 2022, par plis recommandés distribués le lendemain au guichet postal, comprenant la communication de l'état des charges et des conditions de la vente aux enchères (avec la mention que les conditions de vente et l'adjudication pouvaient être contestées par la voie de la plainte auprès de l'autorité de surveillance dans les dix jours).

C______ a déclaré qu'il occupait actuellement l'appartement litigieux avec sa famille. Le logement situé à F______ [VD] se trouvait en sous-sol et n'était pas adapté pour héberger une famille. Il a produit divers messages WhatsApp échangés avec A______ en mai et juin 2023 en lien avec la vente de l'appartement.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

i. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu qu'il n'était pas contesté que l'appartement avait été adjugé à A______ lors de la vente aux enchères du 13 décembre 2022, que le précité avait été inscrit au Registre Foncier comme propriétaire et que B______ et C______ occupaient encore ledit appartement. Les précités formulaient différents griefs à l'encontre de A______, lui reprochant de se trouver dans un conflit d'intérêts vis-à-vis d'eux, dès lors qu'il avait été leur avocat et les avait représentés, obtenant ainsi des informations qu'il avait pu utiliser à son avantage dans le contexte de l'achat de l'appartement. Dès lors toutefois que ces griefs n'étaient pas du ressort du Tribunal mais, le cas échéant, de celui des autorités disciplinaires, ils ne faisaient pas obstacle au prononcé de l'expulsion par la voie de la procédure applicable aux cas clairs.

Cela étant, B______ et C______ alléguaient avoir contesté la régularité de la vente de l'appartement auprès de l'Office, après avoir reçu, le 31 août 2023, un courrier officiel les informant de ladite vente. Selon eux, l'Office ne s'était pas encore déterminé à ce sujet. A______, de son côté, soutenait que le délai pour déposer plainte était échu, au motif que les précités avaient été informés de la vente aux enchères le jour même de l'adjudication. Or, sans autres éléments à ce stade, l'on ne pouvait d'emblée exclure que la question de la régularité de la vente fasse actuellement l'objet d'une procédure auprès de l'Office, laquelle serait susceptible d'avoir une incidence sur l'issue de la requête d'expulsion. Des éléments de faits apparaissaient dès lors litigieux et la situation juridique présentait encore des zones d'ombre, lesquelles devraient être éclaircies dans le cadre d'une procédure ordinaire. Dans ces circonstances, le cas n'était pas clair, ce qui devait entraîner l'irrecevabilité de la requête.

EN DROIT

1. 1.1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

En revanche, seule la voie du recours est ouverte contre les décisions du tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

Si un appel est interjeté en lieu et place d'un recours, ou vice-versa, et si les conditions de l'acte qui aurait dû être formé sont remplies, une conversion de l'acte déposé en acte recevable est en principe possible s'il n'en résulte aucune atteinte aux droits de la partie adverse (JEANDIN, in CR CPC, 2019, n. 7a ad art. 308-334 CPC; REETZ/THEILER, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], 2016, n. 26 et 51 ad art. 308-318 CPC).

1.1.2 En l'espèce, l'action tend au prononcé de l'expulsion des intimés de l'immeuble revendiqué, avec mesures d'exécution directe.

Compte tenu de la valeur vénale de cet immeuble, respectivement de la valeur que son usage représente pendant la période nécessaire à l'expulsion de ses occupants par la force publique (cf ATF 144 III 346 consid. 1.2.1), la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est donc ouverte sur la question du prononcé de l'évacuation.

L'appel, interjeté dans les formes et délais prévus par la loi, est recevable (art. 311 al. 1 et 2, 314 al. 1 CPC).

En tant qu'il porte sur les mesures d'exécution directe requises devant le Tribunal, l'appel sera converti en recours, dès lors qu'il respecte les exigences de forme et le délai prescrits par la loi (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

1.2 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. Elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Le recours peut être formé pour violation du droit (art. 320 let. a CPC) et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 let. b CPC).

1.3 La procédure de protection dans les cas clairs est soumise à la procédure sommaire des art. 248 ss CPC, plus particulièrement aux art. 252 à 256 CPC. La maxime des débats est applicable (art. 55 al. 1 CPC), de même que le principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC).

1.4 Les parties ont allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles devant la Cour.

1.4.1 Lorsque la valeur litigieuse de 10'000 fr. est atteinte et que la décision rendue en procédure sommaire de l'art. 257 CPC peut faire l'objet d'un appel au sens des art. 308 ss CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont recevables qu'aux conditions de l'art. 317 al. 1 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 4A_470/2022 du 4 janvier 2023 consid. 4.1 et les références citées).

Les nova improprement dits (pseudo nova) - à savoir les faits et moyens de preuves qui étaient déjà survenus à la fin de l'audience des débats principaux de première instance - ne sont recevables qu'à deux conditions : (1) la partie qui s'en prévaut ne pouvait les invoquer avant, malgré sa diligence, et (2) elle les présente sans retard. Ainsi, ne sont pas recevables les contestations et objections que la partie intimée soulève pour la première fois en instance d'appel, comme par exemple - s'agissant d'une action en expulsion dirigée contre un locataire ayant accumulé du retard dans le paiement du loyer -, le fait que celui-ci a payé l'arriéré dans le délai de sommation de 30 jours (art. 257 d al. 1 CO) ou qu'il a obtenu du bailleur un sursis au paiement. La partie intimée doit invoquer ces moyens de défense en temps utile, conformément au principe de la simultanéité des moyens d'attaque et de défense (maxime éventuelle ou maxime de concentration), qui vaut aussi bien en procédure ordinaire (art. 219 ss, art. 229 al. 1 et art. 317 al. 1 CPC), qu'en procédure simplifiée, ou qu'en procédure sommaire de protection dans les cas clairs soumise à la maxime des débats. Tel est le cas de l'extinction de la dette ou de la compensation, faits destructeurs. Le fait que ces moyens de défense reposent sur des faits notoires ne dispense pas la partie intimée de les invoquer devant le premier juge (Ibidem.).

En ce qui concerne les vrais nova, le Tribunal fédéral a jugé que le requérant qui a succombé en première instance et a vu sa requête déclarée irrecevable ne peut pas produire en appel des pièces nouvelles, même s'il ne lui était pas possible de les produire devant le premier juge. Il lui est par contre loisible d'introduire une nouvelle fois sa requête en cas clair devant le premier juge. En revanche, cette interdiction ne saurait concerner la partie intimée, qui n'a pas introduit la requête en cas clair. L'art. 317 al. 1 CPC s'applique donc pleinement à celle-ci (Ibidem).

1.4.2 En l'occurrence, les allégués et moyens de preuve nouveaux dont se prévalent les parties se rapportent à des faits survenus avant le 1er novembre 2023, date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger, sans que celles-ci explicitent en quoi elles auraient été empêchées de s'en prévaloir en première instance.

Ces nova sont donc irrecevables.

2. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir déclaré sa requête en cas clair irrecevable. Il soutient que les moyens de défense soulevés par les intimés devant le premier juge étaient manifestement mal fondés et, partant, ne pouvaient pas faire obstacle au prononcé de leur évacuation, avec mesures d'exécution directe.

2.1.1 La procédure sommaire prévue par l'art. 257 CPC est une alternative aux procédures ordinaires et simplifiées normalement disponibles, destinée à offrir une voie particulièrement simple et rapide à la partie demanderesse, dans les cas dits clairs. Cette voie suppose que l'état de fait ne soit pas litigieux ou qu'il soit susceptible d'être immédiatement prouvé (al. 1 let. a) et que la situation juridique soit claire (al. 1 let. b). Le juge n'entre pas en matière si l'une ou l'autre de ces hypothèses n'est pas vérifiée (al. 3); il ne peut alors que prononcer l'irrecevabilité de la requête; il est en effet exclu que la procédure puisse aboutir au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 140 III 315 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 4A_574/2022 du 23 mai 2023 consid. 3.2.1).

Selon la jurisprudence, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée : le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes, qui ne peuvent pas être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure des cas clairs est irrecevable. A l'inverse, le cas clair doit être retenu lorsque sont émises des objections manifestement mal fondées ou inconsistantes sur lesquelles il peut être statué immédiatement (ATF 138 III 620 consid. 5.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_835/2023 du 20 février 2024 consid. et les arrêts cités).

La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvée (ATF 144 III 462 consid. 3.1).

Si le tribunal parvient à la conclusion que les conditions du cas clair sont réalisées, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire (ATF 144 III 462 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_422/2020 du 2 novembre 2020 consid. 4.1).

2.1.2 Selon l'art. 641 CC, le propriétaire d'une chose a le droit d'en disposer librement, dans les limites de la loi (al. 1); il peut la revendiquer contre quiconque la détient sans droit et repousser toute usurpation (al. 2).

L'action en revendication permet au propriétaire de réclamer la restitution du bien qui fait l'objet de son droit. L'action est subordonnée à la réalisation de deux conditions matérielles, à savoir que le demandeur est propriétaire de la chose et le défendeur la détient sans droit. Lorsque ces conditions sont réunies, le demandeur peut obtenir que le défendeur soit condamné à lui restituer la chose (FOËX, in CR CC II, 2016, n. 28, 31 et 35 ad art. 641 CC).

2.1.3 Selon l'art. 229 al. 1 CO, le contrat de vente en cas d'enchères forcées est conclu par l'adjudication que le préposé aux enchères fait de la chose mise en vente.

Selon l'art. 230 CO, les enchères dont le résultat a été altéré par des manœuvres illicites ou contraires aux mœurs peuvent être attaquées, dans les dix jours, par tout intéressé (al. 1). Dans les enchères forcées, l'action est portée devant l'autorité de surveillance en matière de poursuites et de faillite; dans les autres cas, devant le juge (al. 2).

Aux termes de l'art. 656 CC, l'inscription au registre foncier est nécessaire pour l'acquisition de la propriété foncière (al. 1). Celui qui acquiert un immeuble par occupation, succession, expropriation, exécution forcée ou jugement en devient toutefois propriétaire avant l'inscription, mais il n'en peut disposer dans le registre foncier qu'après que cette formalité a été remplie (al. 2).

2.1.4 Selon l'art. 132a al. 1 LP, applicable à la réalisation des immeubles (art. 143a et 156 al. 1 LP), la réalisation ne peut être attaquée que par le biais d'une plainte contre l'adjudication ou l'acte de gré à gré. Cette compétence exclusive de l'autorité de surveillance vaut quels que soient les griefs invoqués, qu'ils relèvent du droit de la poursuite ou du droit matériel. Le délai de plainte de dix jours prévu par l'art. 17 al. 2 LP court dès que le plaignant a eu connaissance de l'acte attaqué et pouvait connaître le motif de la contestation (art. 132a al. 2 LP). Le droit de plainte s'éteint un an après la réalisation (art. 132a al. 3 LP) (arrêt du Tribunal fédéral 5A_464/2023 du 31 août 2023 consid. 3.1.1 et les références citées).

La voie de la plainte aux autorités de surveillance n'est pas seulement ouverte contre les irrégularités commises lors des opérations de la réalisation forcée elle-même, mais aussi contre celles commises dans la procédure préparatoire, telle que définie par les art. 25 ss ORFI. Il peut aussi concerner des manœuvres illicites ou contraires aux mœurs altérant le résultat des enchères (art. 230 al. 1 CO) (Ibidem).

Conformément à l'art. 134 al. 1 LP, applicable aux poursuites en réalisation de gage par renvoi de l'art. 156 al. 1 LP, l'office des poursuites arrête les conditions des enchères immobilières d'après l'usage des lieux et de la manière la plus avantageuse. Les conditions de vente, y compris l'état des charges, constituent le fondement de toute vente aux enchères d'immeubles; elles en déterminent les formalités, notamment les modalités de l'adjudication. Les conditions de vente ne sont pas notifiées selon l'art. 34 al. 1 LP - ni même publiées - mais déposées au moins dix jours avant les enchères au bureau de l'office où chacun peut en prendre connaissance (art. 134 al. 2 LP). La date du dépôt des conditions de vente doit être communiquée; elle figure dans la publication des enchères (art. 138 al. 2 ch. 2 LP, applicable par renvoi de l'art. 156 LP) (arrêt du Tribunal fédéral 5A_464/2023 précité consid. 3.1.2 et les références citées).

Les conditions de vente peuvent être attaquées, par la voie de la plainte, soit parce qu'elles n'ont pas été arrêtées d'après l'usage des lieux et ne permettraient pas d'escompter le résultat le plus avantageux, soit parce qu'elles violeraient une disposition explicite ou l'esprit de la loi (cf. art. 134 LP). Selon la jurisprudence, le délai de plainte court du jour du dépôt des conditions de vente au bureau de l'office des poursuites. Le premier jour compté est ainsi le lendemain du jour du dépôt (art. 31 LP en relation avec l'art. 142 al. 1 CPC) (Ibidem).

Selon l'art. 66 al. 1 ORFI, le préposé est tenu de requérir d'office l'inscription au registre foncier du transfert de propriété résultant de l'adjudication, aussitôt qu'il est constant que l'adjudication ne pourra plus faire l'objet d'une plainte ou que la plainte portée a été définitivement écartée.

2.1.5 L'avocat autorisé à pratiquer doit respecter les règles professionnelles énoncées à l'art. 12 LLCA. Ces règles professionnelles sont des normes destinées à réglementer, dans l'intérêt public, la profession d'avocat, afin d'assurer son exercice correct et de préserver la confiance du public à l'égard des avocats (ATF 144 II 473 consid. 4.1; 135 III 145 consid. 6.1).

L'art. 12 LLCA prévoit notamment, à sa lettre c, que l'avocat évite tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé.

L'art. 17 LLCA prévoit des mesures disciplinaires en cas de violation par l'avocat des règles professionnelles visées à l'art. 12 LLCA. Chaque canton désigne une autorité chargée de la surveillance des avocats qui pratiquent la représentation en justice sur son territoire (art. 14 LLCA). A Genève, la Commission du barreau exerce les compétences dévolues à l'autorité de surveillance des avocats par la LLCA (art. 14 LPAv).

2.2 En l'espèce, il est constant que l'appelant a bénéficié d'une adjudication par l'Office portant sur le bien immobilier en cause, à la suite de laquelle il en est devenu propriétaire, qu'il est inscrit au Registre foncier en cette qualité depuis le mois de juin 2023 et que les intimés se sont maintenus dans les locaux au-delà de cette date. Devant le Tribunal, ceux-ci ont formulé des objections en lien avec la vente aux enchères du 13 décembre 2022, faisant valoir que cette vente serait entachée de plusieurs irrégularités (prix d'adjudication inférieur à l'estimation de l'Office, non-communication des conditions exactes de la vente, conflit d'intérêts lié à la personne de l'adjudicataire, etc.) et qu'ils se seraient adressés à l'Office, à une date non spécifiée, pour "s'opposer" à la vente de l'appartement, en réponse à une lettre officielle datée du 28 août 2023 - laquelle n'a pas été versée au dossier.

Contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, ces d'objections sont manifestement mal fondées et peuvent être immédiatement écartées.

En premier lieu, les intimés n'ont pas établi ni même rendu vraisemblable qu'ils se seraient effectivement adressés à l'Office en août ou septembre 2023 pour contester l'adjudication et/ou les conditions de vente, étant précisé que les irrégularités susmentionnées devaient, le cas échéant, être soulevées dans le cadre d'une plainte formée en temps utile devant l'autorité de surveillance en matière de poursuites et faillites (art. 17 LP).

En second lieu, il ressort sans équivoque des pièces produites que les intimés - qui avaient accumulé d'importantes dettes (environ 3'500'000 fr. à la date de la vente) et faisaient l'objet de plusieurs poursuites en réalisation de gage - n'ignoraient pas, à tout le moins depuis avril 2019, que l'appartement allait être vendu aux enchères dans un avenir plus ou moins proche. Il est par ailleurs établi que l'Office a dûment communiqué l'état des charges et les conditions de vente aux intimés, en précisant la date de la vente aux enchères et les voies de droit à disposition, par plis recommandés que les intimés ont retirés au guichet postal le 21 novembre 2022. Il est en outre constant que l'appelant a personnellement informé les intimés de l'adjudication le 13 décembre 2022, soit le jour même de la vente. Il est ainsi manifeste que le délai de plainte de l'art. 17 al. 2 LP était largement échu en août ou septembre 2023, date à laquelle les intimés allèguent - sans aucunement le démontrer - s'être adressés à l'Office pour s'opposer à la vente de l'appartement.

Or, faute d'avoir remis en cause l'adjudication et/ou les conditions de vente par la voie de la plainte en temps utile, les intimés sont désormais forclos à se prévaloir d'éventuelles irrégularités survenues lors de vente aux enchères du 13 décembre 2022. Il suit de là que l'adjudication est entrée en force et que l'appelant a été valablement inscrit en qualité de propriétaire du bien immobilier au Registre foncier. Au surplus, les intimés n'allèguent pas - et a fortiori ne démontrent pas - qu'ils disposeraient d'un titre juridique les autorisant à demeurer dans l'appartement.

L'appelant est donc fondé réclamer la restitution du bien qui fait l'objet de son droit, de sorte que l'évacuation des intimés doit être prononcée. Ceux-ci n'ayant, à juste titre, pas sollicité l'octroi d'un sursis à l'évacuation, celle-ci sera ordonnée avec les mesures d'exécution directe requises par l'appelant.

Le jugement attaqué sera ainsi annulé, et il sera statué à nouveau dans le sens de ce qui précède (art. 318 al. 1 let. b CPC).

3. 3.1 Les frais judiciaires de première instance, arrêtés à 2'400 fr. (art. 13 et 26 RTFMC), seront mis à la charge des intimés, qui succombent (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance du même montant versée par l'appelant, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Les intimés verseront à l'appelant 2'400 fr., à titre de remboursement des frais judiciaires susvisés, et 3'000 fr., à titre de dépens de première instance, débours et TVA compris (art. 85 et 88 CPC; art. 23, 25 et 26 LaCC).

3.2 Les frais judiciaires d'appel et de recours, arrêtés à 2'400 fr. (art. 13, 26, 35 et 38 RTFMC), seront mis à la charge des intimés, qui succombent (art. 106 al. 1 CPC). Vu que ceux-ci plaident au bénéfice de l'assistance judiciaire devant la Cour, ces frais seront provisoirement laissés à la charge de l'Etat de Genève qui pourra en solliciter le remboursement selon l'art. 123 CPC. L'appelant se verra restituer son avance de frais en 2'400 fr.

Les intimés verseront en outre à l'appelant 1'500 fr., débours et TVA compris, à titre de dépens d'appel et de recours (art. 85, 88 et 90 RTFMC; art. 23, 25 et 26 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevables l'appel et le recours interjetés le 24 janvier 2024 par A______ contre le jugement JTPI/543/2024 rendu le 12 janvier 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11873/2023.

Au fond :

Annule ce jugement et, cela fait :

Condamne B______ et C______ à évacuer immédiatement de leur personne, de leurs biens, ainsi que de tout tiers faisant ménage commun avec eux, l'appartement d'environ 176.4 m2 et la cave y afférente, sis no. ______ chemin 1______, [code postal] E______, bâtiment n° 2______, feuillet n° 3______ de la parcelle n° 4______ de la commune de E______, et à restituer les clés à A______ dès l'entrée en force de la présente décision.

Autorise A______ à requérir l'évacuation de B______ et C______ par la force publique dès l'entrée en force de la présente décision.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 2'400 fr., les met à la charge de B______ et C______, solidairement entre eux, et les compense avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ et C______, solidairement entre eux, à verser à A______ 2'400 fr., à titre de remboursement des frais judiciaires de première instance, et 3'000 fr., à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel et de recours à 2'400 fr., les met à la charge de B______ et C______, solidairement entre eux.

Dit que ces frais sont laissés provisoirement à la charge de l'Etat de Genève.


 

Invite les Services financiers du pouvoir judiciaire à restituer à A______ l'avance versée en 2'400 fr.

Condamne B______ et C______, solidairement entre eux, à payer 1'500 fr. à A______ à titre de dépens d'appel et de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.