Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/719/2025 du 10.09.2025 sur ONMMP/2240/2025 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/26598/2024 ACPR/719/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 10 septembre 2025 |
Entre
A______, représentée par Me Didier BOTTGE, avocat, BOTTGE & Associés SA, place de la Fusterie 11, case postale, 1211 Genève 3,
recourante,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 11 mai 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 26 mai 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 11 mai 2025, notifiée le 14 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 31 octobre 2024.
La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public pour ouverture d'une instruction.
b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'500.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______ est la directrice générale de la ______ B______/C______ SA ainsi que la présidente du conseil d'administration de B______/D______ SA, société faîtière du groupe ______.
En ces qualités, elle soutient être une personnalité publique de premier ordre, connue de la population suisse et étrangère, son patronyme étant notoirement rattaché aux domaines ______ et ______, et, de ce fait, une cible exposée à de nombreuses atteintes.
Elle est en outre maman de quatre filles, soit E______, F______, G______ et H______, enfants issus de son union avec feu I______.
b. Le 19 novembre 2024, A______ a transmis au Ministère public une plainte pénale, datée du 31 octobre 2024, contre inconnus des chefs d'usurpation d'identité (art. 179decies CP) et de tentative d'escroquerie, voire d'escroquerie (art. 146 CP).
Les différentes entités du groupe ______ B______ étaient régulièrement la cible "d'usurpations frauduleuses".
Une récente révision des multiples usurpations de sa propre identité sur les réseaux sociaux avait permis de mettre en lumière l'existence de nombreux comptes illicites, [soit notamment 16 comptes Instagram, dont 13 avaient été désactivés suite à l'intervention des équipes informatiques du Groupe B______ et deux avaient déjà fait l'objet de dénonciations pénales de sa part les 17 janvier et 13 septembre 2024; 79 comptes Facebook, dont 74 avaient été désactivés; trois comptes X/Twitter et sept comptes TikTok].
En outre, d'autres comptes usurpaient l'identité de son défunt époux [deux comptes Instagram et cinq comptes Facebook, tous désactivés suite à l'intervention des équipes précitées] ainsi que celle de ses filles G______ [un compte Facebook, désactivé, ainsi que trois comptes X/twitter], H______ [un compte Facebook, désactivé] et F______ [un compte Facebook, désactivé].
Enfin, plusieurs comptes usurpaient également l'identité du Groupe B______ [huit comptes Facebook, tous désactivés].
À l'évidence, le but de ces comptes était d'obtenir des avantages patrimoniaux, moyennant le versement préalable de "frais". De tels procédés avaient, d'ores et déjà, fait l'objet de plusieurs plaintes déposées pour son compte, les potentiels lésés/dupes l'informant, malheureusement souvent trop tard, de leur existence. L'astuce était réalisée par l'emploi d'une fausse identité, d'une personne notoirement connue et animant un groupe ______ de renom, et par les propositions faites aux personnes dupées au travers d'un canal de contact privilégié.
Quand bien même plusieurs des comptes précités avaient été désactivés grâce à la diligence des équipes informatiques du Groupe B______, il y avait tout lieu de craindre que les animateurs qui se trouvaient derrière ces usurpations n'ouvrent de nouveaux comptes, aux contenus similaires, à court terme.
Aussi, il convenait d'obtenir des sociétés propriétaires desdits réseaux sociaux, à savoir META PLATEFORMS INC. [pour Instagram et Facebook], X CORP. [pour X/Twitter] et TIKTOK INC. [pour Tiktok], les éléments des comptes ouverts auprès de leurs plateformes respectives, soit notamment les identifiants de connexion, les adresses e-mail et numéros de téléphone communiqués lors de l'inscription des comptes, les messages échangés, voire les copies des contenus des comptes, sous forme, par exemple, de captures d'écran.
c. D'après le rapport de la Brigade des Cyber Enquêtes (ci-après: BCE) du 16 décembre 2024, à l'issue des différentes recherches entreprises par la brigade du renseignement criminelle suite à la plainte de A______, aucun des faux profils détectés n'avait pu être raccroché à une escroquerie commise au détriment de victimes en Suisse.
À ce stade, rien n'indiquait que les auteurs agissaient depuis la Suisse. Afin de faire supprimer les faux comptes en question et d'identifier les personnes les mettant en lignes, des commissions rogatoires devaient être adressées aux entités concernées.
C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public a observé qu'en dépit de ses griefs, la recourante n'indiquait pas avoir personnellement, ou une tierce personne, subi un quelconque dommage en lien avec les faits exposés. D'après ses explications, la majorité des comptes litigieux avaient par ailleurs pu être désactivés.
Au surplus, l'enquête menée par la BCE n'avait pas permis l'identification formelle des auteurs, aucun des faux profils n'ayant pu être raccroché à une escroquerie commise au détriment de victimes se trouvant en Suisse. Le résultat d'une commission rogatoire auprès des autorités américaines, afin d'obtenir des informations de la part des sociétés propriétaires des plateformes numériques en question, n'était nullement garanti. Il existait un sérieux doute quant au fait que les informations sollicitées soient à même d'orienter les soupçons sur un ou plusieurs auteurs précis. Au vu des intérêts en jeu et en l'absence de tout dommage, de tels actes seraient au demeurant disproportionnés, de sorte qu'il pouvait y être renoncé.
Dans ces conditions, ne disposant d'aucun élément susceptible d'orienter des soupçons sur un ou des auteurs, il ne pouvait procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP).
D. a. Dans son recours, A______ observe que le Ministère public ne contestait pas la matérialité des très nombreuses usurpations d'identité dénoncées dans sa plainte. Contrairement à ce que ce dernier avait retenu, il était indifférent qu'une partie des comptes litigieux ait pu être désactivée, dès lors que cela ne réduisait en rien l'illicéité de la création de ces derniers. Au demeurant, les comptes désactivés étaient rapidement recréés, 187 nouveaux comptes du même type [au nom de A______, de B______, du Groupe B______, de H______, de G______ et de I______] ayant notamment été remis en ligne après le dépôt de sa plainte [pièce no 3 du chargé de pièces].
En outre, une absence d'escroquerie menée depuis les comptes dénoncés ne pouvait être déduite du seul fait qu'aucune plainte n'avait été déposée en Suisse. En dépit de ce que le Ministère public avait considéré, l'envoi d'une commission rogatoire aux États-Unis était une mesure courante, qui ne revêtait pas de complexité particulière, celle-ci devant être exécutée au regard des conventions internationales applicables en matière de cybercriminalité et d'entraide judiciaire. Le Ministère public ne pouvait en aucun cas préjuger de leur résultat, sous peine de violer la maxime d'instruction. Ces commissions rogatoires devaient notamment permettre d'obtenir les données communiquées lors de l'inscription des comptes en question ainsi que leur contenu. Une fois nanti de ces informations, le Ministère public pourrait entreprendre d'autres actes d'instruction pour identifier les auteurs de ces usurpations, telle que la mise en œuvre d'investigations secrètes.
À ce stade, le Ministère public ignorait si des tiers avaient subi un dommage patrimonial, étant relevé que les usurpations de son identité dénoncées avaient vraisemblablement pour but l'obtention d'un avantage financier. Quand bien même elle n'avait, en l'état, pas supporté de dommage de nature strictement pécuniaire, elle subissait une atteinte d'une grave ampleur à sa personnalité et à sa réputation, ce qui suffisait pour matérialiser l'infraction à l'art. 179decies CP, la simple intention de nuire suffisant.
Les constats de la BCE n'étaient pas déterminants. On ne pouvait pas en déduire qu'aucune escroquerie n'avait été commise à l'aide des comptes visés par la plainte, mais seulement qu'aucune plainte n'avait été déposée en Suisse. Il était manifeste que l'usurpation de son identité n'avait pas été entreprise aux seules fins de jouir d'une notoriété volée sur les réseaux sociaux, mais relevait d'une volonté patente de tromper des tiers sur l'identité de leur contrepartie, et ce, avec les possibles avantages financiers que cela comportait. Il incombait au Ministère public de mener des investigations visant à identifier les usurpateurs et les victimes, sous peine de violer le principe in dubio pro duriore et de rendre inefficace l'art. 179decies CP.
b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
2. 2.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP). Il concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).
2.2. Seule la personne qui a un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée dispose de la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP).
Tel est, en particulier, le cas du lésé qui s'est constitué demandeur au pénal (art. 104 al. 1 let. b cum art. 118 al. 1 CPP). La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP. Il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction. En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 143 IV 77 consid. 2.2;
141 IV 454 consid. 2.3.1).
2.3. En vertu de l'art. 30 CP, si une infraction n'est punie que sur plainte, toute personne lésée peut porter plainte contre l'auteur.
2.4. L'art. 179decies CP protège, sur plainte, l'usurpation de son identité.
2.5. En l'espèce, s'agissant des faits dénoncés en lien avec d'éventuelles atteintes à l'identité de tiers [notamment I______, G______, H______ et F______ et le Groupe B______], la recourante n'est pas directement lésée par ceux-ci. Il n'apparaît par ailleurs pas qu'elle soit habilitée à déposer plainte pénale pour autrui, étant observé qu'elle est seule signataire de la plainte transmise.
S'agissant par contre des faits qui la toucheraient elle personnellement, elle est habilitée à s'en plaindre.
Le recours est dès lors recevable à cette aune.
3. La recourante reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.
3.1. Selon l'art. 310 al. 1 let. b CPP, le prononcé d'une non-entrée en matière s'impose lorsqu’il existe des empêchements de procéder.
3.2. Des motifs de fait peuvent également justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le Ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le Ministère public doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le Ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. L’impossibilité d'identifier l'auteur constitue également un motif de fait justifiant la non-entrée en matière (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE [éds], Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9a ad art. 310). Tel est le cas lorsque l'identité de l'auteur de l'infraction ne peut vraisemblablement pas être découverte et qu'aucun acte d'enquête raisonnable ne serait à même de permettre la découverte des auteurs de l'infraction. Il en va ainsi, par exemple, si les investigations possibles doivent se dérouler, sur commissions rogatoires, dans un pays étranger pour tenter de découvrir les auteurs de l'infraction. Cela pourrait concerner notamment des détenteurs d'adresses IP, celles-ci pouvant vraisemblablement être localisées dans d'autres contrées, voire ne plus exister actuellement. Il sied dans un tel cadre de mettre en balance les intérêts en jeu (arrêt du Tribunal fédéral 1B_67/2012 du 29 mai 2012 consid. 3.2; ACPR/402/2019 du 31 mai 2019 consid. 3.1 et 3.2; ACPR/472/2021 du 14 juillet 2021 consid. 5.4).
Lorsque, pour tenter d’identifier l'auteur de l’infraction, des actes d’instruction doivent se dérouler, sur commissions rogatoires, à l’étranger, les critères à prendre en compte dans la pesée des intérêts sont les suivants : la perspective que la demande d’entraide internationale aboutisse (ACPR/434/2023 du 9 juin 2023 consid. 3.3, ACPR/251/2023 du 6 avril 2023 consid. 2.3, ACPR/195/2023 du 16 mars 2023 consid. 2.4 ainsi qu’ACPR/888/2021 précité consid. 3.3, rendus en matière de crypto-monnaies; ACPR/838/2024 du 12 novembre 2024 consid. 3.4, en matière d'attaque informatique contre une société de négoce international de matières premières, laquelle avait pu déceler la fraude avant qu'il ne fût procédé à des transferts frauduleux équivalant à plusieurs millions de francs suisses); l’utilité des informations susceptibles d’être obtenues pour découvrir l’auteur (ibidem); la quotité du dommage subi par le plaignant, étant relevé que des préjudices de CHF 12'000.- (arrêt du Tribunal fédéral 1B_67/2012 précité) et CHF 61'450.- (ACPR/888/2021 précité, consid. 3.3) ont été jugés insuffisants pour justifier, à eux seuls, l’envoi de commissions rogatoires.
Il en découle que le principe de la proportionnalité a une portée en la matière, lui qui s'applique à toutes les activités de l'État (art. 5 al. 2 Cst.), y compris à l'activité du ministère public et donc aux investigations pénales (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE [éds], op.cit., n. 10d ad art. 310). Le caractère proportionné de l'enquête à mener est aussi reconnu par la jurisprudence relative à l'art. 4 CEDH qui impose "une exigence de célérité et de diligence raisonnable" (CourEDH Rantsev c. Chypre et Russie du 7 janvier 2010, requête no 25965/04).
3.3. L'art. 179decies CP, entré en vigueur le 1er septembre 2023, punit, sur plainte, le comportement de quiconque utilise l’identité d’une autre personne sans son consentement dans le dessein de lui nuire ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite.
Selon le Message du Conseil fédéral du 15 septembre 2017 concernant la loi fédérale sur la révision totale de la loi fédérale sur la protection des données et sur la modification d’autres lois fédérales (FF 2017 6565, pp. 6741 et 6742), cette disposition protège la personnalité, à savoir le droit de la personne au respect de son identité, et punit toute usurpation de cette identité en tant qu’élément de la personnalité. Il n’est pas question de punir le fait de s’affubler de l’identité d’un tiers dans un élan d’exubérance ou d’espièglerie, ni celui d’utiliser une identité inventée. Cela serait disproportionné d’un point de vue pénal. La disposition ne doit s’appliquer qu’à l’auteur qui agit dans l’intention de causer un dommage ou d’obtenir un avantage. La disposition ne s’applique pas uniquement aux usurpateurs qui utilisent un ordinateur ou un téléphone. La nuisance causée par l’usurpation d’identité peut être de nature matérielle ou immatérielle et doit atteindre un certain degré pour que la disposition s’applique. La seule intention de causer de graves ennuis peut déjà être considérée comme une nuisance suffisante. Lorsque l’usurpation d’identité a pour but de causer une nuisance ou d’obtenir un avantage illicite, il y a lieu de se demander si d’autres dispositions pénales ne s’appliquent pas (par ex. escroquerie, faux dans les titres ou infraction contre l’honneur). Dans les cas où le bien juridique touché (l’atteinte à la personnalité) ne coïncide pas entièrement avec les faits constitutifs de l’infraction (l’usurpation d’identité), on admet l’existence d’un concours parfait, et les deux dispositions s’appliquent. Si l’usurpation d’identité sert à commettre une escroquerie pour obtenir un avantage illicite, l’infraction d’escroquerie peut également englober celle d’usurpation (commise normalement en premier), de sorte que la sanction ordonnée couvre également cette dernière.
3.4. Aux termes de l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.
Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier
(ATF 143 IV 302 consid. 1.3; 142 IV 153 consid. 2.2.2; 135 IV 76 consid. 5.2).
Enfin, pour que le crime d'escroquerie soit consommé, l'erreur dans laquelle la tromperie astucieuse a mis ou conforté la dupe doit avoir déterminé celle-ci à accomplir un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers. L'escroquerie ne sera consommée que s'il y a un dommage (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1141/2017 du 7 juin 2018 consid. 1.2.1).
Il y a tentative lorsque l'auteur a réalisé tous les éléments subjectifs de l'infraction et manifesté sa décision de la commettre, alors que les éléments objectifs font, en tout ou en partie, défaut (ATF 140 IV 150 consid. 3.4).
3.5. En l'espèce, la recourante fait grief au Ministère public de ne pas avoir poussé davantage ses investigations, en ordonnant plus particulièrement des commissions rogatoires auprès des autorités américaines – tel que suggéré par la BCE ‒, afin d'identifier le ou les auteur(s) des multiples comptes ouverts, usurpant son identité sur divers réseaux sociaux en vue d'obtenir des avantages patrimoniaux indus.
Cela étant, il ressort également dudit rapport que, d'après les différentes recherches effectuées, aucun des faux profils détectés ne peut être raccroché à une tentative d'escroquerie, voire une escroquerie consommée, au détriment de victimes en Suisse. En outre, si l'existence de faux profils de la recourante peut certes être désagréable et constituer un inconvénient pour elle, il n'apparaît pas, en l'état, que ceux-ci auraient généré ou génèreraient des nuisances matérielles ou immatérielles (par ex. dégât d'image) telles qu'elles justifieraient la poursuite d'investigations de plus grande ampleur sur le plan pénal. Au demeurant, il est constant que la majorité des comptes en question ont pu être désactivés. Aussi, il n'apparaît nullement garanti que les commissions rogatoires requises par la recourante apportent des éléments utiles à la poursuite d'une instruction par les autorités pénales suisses, de sorte que le Ministère public pouvait y renoncer.
En tout état de cause, aucun préjudice financier avéré ne peut être, en l'état, corrélé à ces faux profils, ce que la recourante ne prétend du reste pas. Le seul fait qu'une personne pourrait être amenée à procéder à un versement indu d'argent sur la base d'un faux profil ne permet par ailleurs pas encore de suspecter l'existence d'une tromperie astucieuse. L'existence de faux profils est en effet notoire et ne dispense pas la personne concernée de procéder aux vérifications d'usage (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1315/2020 du 3 décembre 2020). Une éventuelle intention de nuire du ou des auteur(s) n'apparaît en outre pas suffisamment palpable, à ce stade.
La pondération de ces éléments conduit à la conclusion que la poursuite de la procédure s'avèrerait disproportionnée.
Dans ces conditions, c'est à juste titre que le Ministère public n'est pas entré en matière sur la plainte.
3.6. La cause pourra toutefois être reprise (art. 323 CPP cum art. 310 al. 2 CPP) en cas de moyens de preuve ou de faits nouveaux (arrêts du Tribunal fédéral 6B_638/2021 du 17 août 2022 consid. 2.4 et 1B_67/2012 précité).
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
5. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, arrêtés à CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).
6. Corrélativement, il n'y a pas lieu de lui octroyer une indemnité pour ses frais d'avocat (art. 433 al. 1 CPP a contrario).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'500.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, ainsi qu'au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/26598/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 1'415.00 |
Total | CHF | 1'500.00 |