Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/668/2025 du 21.08.2025 sur OMP/25836/2024 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/25205/2018 ACPR/668/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 21 août 2025 |
Entre
A______, représentée par Me B______, avocat,
recourante,
contre l'ordonnance de refus de statut de partie plaignante rendue le 2 décembre 2024 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 12 décembre 2024, [la banque] A______ recourt contre l'ordonnance du 2 précédent, notifiée le jour même, par laquelle le Ministère public lui a refusé le statut de partie plaignante.
La recourante conteste cette ordonnance.
b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a.a. À la suite d'une dénonciation du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (ci-après: MROS), le Ministère public mène une instruction à l'encontre de C______, soupçonné d'avoir procédé au blanchiment d'environ EUR 5 millions, provenant d'un vaste trafic de stupéfiants, par le biais de transferts d'argent transfrontaliers entre des sociétés basées en France et en Suisse.
a.b. Plus particulièrement, il lui est reproché d'avoir encaissé, auprès d'une agence de la banque A______, quatorze chèques, d'un montant total de EUR 326'285.-, émis sans provision, pour le compte de la société française D______ et d'avoir immédiatement transféré cette somme auprès de sociétés sises en Suisse pour empêcher tout recouvrement.
b. Parmi la documentation accompagnant la communication du MROS figure une plainte de A______ du 28 décembre 2017 pour les faits susmentionnés, déposée auprès des autorités françaises, sous la plume de Me B______, avocat basé à E______ (France).
Afin "de déterminer avec le plus d'exactitude possible sur quelles opérations cette escroquerie aurait porté", la police a pris contact avec A______, en vue d'organiser l'audition d'un représentant de la banque "au courant du dossier" [rapport de renseignements du 3 août 2020].
c. Par courrier du 11 février 2020 [joint avec le recours mais qui ne figure pas au dossier du Ministère public], Me B______ a expliqué à la police que A______ souhaitait pleinement collaborer à l'enquête mais que, "pour des raisons pratiques", elle souhaitait "répondre par son intermédiaire" (à lui).
d. Le 29 mai 2020, la Brigade financière a reçu en ses locaux Me B______, en qualité de "représentant légal" de A______.
À l'issue de son audition, durant laquelle il a précisé certains points relatifs à la plainte de A______, le prénommé a derechef déposé plainte pour le compte de la banque précitée, du chef de blanchiment d'argent. Par la suite, malgré son engagement à le faire, il n'a pas communiqué d'élection de domicile en Suisse pour la banque, ni fourni de procuration en sa faveur (à lui).
e. Sur invitation du Ministère public à justifier ses pouvoirs de représentation, Me B______ a, le 15 octobre 2021, transmis un courrier du 12 mars 2020 de A______, avec comme objet: "Mandat de représentation" dont la teneur était la suivante :
"Cher maître, Faisant suite à nos échanges, nous souhaiterions vous mandater afin que vous représentiez A______ dans le cadre de la plainte liée à l'affaire D______, auprès des autorités helvétiques, et plus particulièrement auprès de la brigade financière de GENEVE. Vous remerciant par avance de votre confirmation".
f. Par lettres des 14 juillet 2022, 17 juillet 2023 et 8 avril 2024, le Ministère public a expliqué à Me B______ que le document du 12 mars 2020 ne suffisait pas pour attester de ses pouvoirs de représentation dans le cadre du dépôt de plainte. Il était en outre nécessaire de déterminer à quel titre (représentant de A______ ou avocat de celle-ci) il était intervenu lors de son audition à la police.
Ces demandes sont restées sans réponse.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public constate l'absence de plainte de A______ dans le cadre de la présente procédure. Celle déposée par Me B______ à la police le 29 mai 2020 n'était pas valable, dès lors que ce dernier n'avait jamais justifié à satisfaction de droit de ses pouvoirs de représentation. Il appartenait, en outre, à A______ de ratifier ladite plainte, ce qu'elle n'avait pas fait.
D. a. À l'appui de son recours, Me B______ explique agir pour le compte de A______ en qualité d'avocat. Il soutient que cette dernière avait explicitement exprimé sa volonté de lui confier le pouvoir de la représenter, notamment au travers des correspondances des 11 février 2020 et "29 septembre 2021" [aucun courrier de Me B______ ou de A______ daté de ce jour ne figure au dossier]. Il avait d'ailleurs rencontré la police "afin de lui fournir toutes les indications souhaitées" par celle-ci.
b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et semble émaner – a priori – de la personne morale qui s'est vu refuser le statut de partie plaignante, laquelle a ainsi un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La recourante reproche au Ministère public de lui avoir dénié la qualité de partie plaignante.
2.1. Selon l'art. 118 al. 1 CPP, on entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil. Une plainte pénale équivaut à une telle déclaration (art. 118 al. 2 CPP).
2.2. Le droit de déposer plainte est de nature strictement personnelle (ATF 141 IV 380 consid. 2.3.4; arrêt du Tribunal fédéral 6B_139/2021 du 9 juin 2021 consid. 3.1).
2.3.1. Le lésé peut néanmoins désigner un représentant et lui déléguer son droit de porter plainte (ATF 122 IV 207 consid. 3c; L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 34 ad art. 30). Une procuration générale peut suffire dans les cas où la violation de biens matériels est en jeu (arrêt du Tribunal fédéral 6B_139/2021 du 9 juin 2021 consid. 3.1).
2.3.2. L'exercice du droit de porter plainte nécessite que le lésé manifeste sa volonté de déposer une plainte pénale. S'il veut agir par l'entremise d'un représentant, cette manifestation de volonté doit ressortir des pouvoirs conférés au représentant et, dès lors, être au moins contemporaine de l'octroi de ces pouvoirs, si elle ne lui est pas antérieure. Elle peut également ressortir de la ratification des actes d'un représentant sans pouvoir, la ratification constituant alors la manifestation de volonté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_139/2021 du 9 juin 2021 consid. 3.1).
2.3.3. Dans l'arrêt susmentionné, le Tribunal fédéral a retenu qu'en l'absence de toute manifestation de volonté claire de porter plainte du client, figurant à la procédure – les seules procurations produites octroyant à l'avocat le mandat de le représenter dans l'affaire ou les affaires contre les personnes dénoncées, avec la mention de la possibilité d'"adresser au besoin toutes plaintes au pénal" –, il appartenait au mandant de ratifier les plaintes déposées par son conseil afin de manifester sa volonté de porter plainte, ce qu'il n'avait pas fait (consid. 3.2).
2.4. En l'espèce, sur invitation de la police à répondre à des questions au sujet de sa plainte du 28 décembre 2017, la recourante s'est dite prête à collaborer mais a requis, pour des "raisons pratiques", de pouvoir intervenir par le biais d'un intermédiaire, à savoir Me B______. Bien qu'entendu comme "représentant légal" de la banque, ce dernier ne revêt toutefois pas cette qualité, ce qui n'est pas contesté. Enfin, à teneur de son courrier du 12 mars 2020, la recourante a conféré au précité le pouvoir de la représenter auprès de la police à Genève.
En résumé, l'intervention de Me B______ du 29 mai 2020 auprès de la Brigade financière se voulait avant tout informative et rien au dossier ne permet d'établir que la recourante souhaitait déposer, à cette occasion, une nouvelle plainte en Suisse, en sus de celle déjà déposée en France.
Une telle volonté ne ressort en particulier pas du courrier du 12 mars 2020 et, malgré les relances du Ministère public, le dossier est resté vierge de tout document permettant de confirmer que Me B______ aurait déposé plainte en Suisse au nom et pour le compte de A______, conformément aux intentions de cette dernière. Même dans son recours, lequel n'est d'ailleurs pas accompagné d'une procuration en bonne et due forme, la recourante n'indique pas avoir voulu déposer une nouvelle plainte mais avoir valablement mandaté son conseil pour intervenir, à sa place, auprès de la police. On ne décèle donc ici aucune ratification éventuelle de la banque.
Or, la validité ou la portée du mandat conféré par la recourante à Me B______ est sans pertinence en l'occurrence, dès lors que celle-là n'a jamais exprimé – ou confirmé – son souhait de déposer plainte auprès des autorités suisses. C'est ainsi à raison que le Ministère public a constaté l'absence de plainte par-devant son autorité et nié, par extension, la qualité de partie plaignante à la recourante.
3. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui se révèle être mal fondé, pouvait d'emblée être traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).
4. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente, Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
P/25205/2018 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 915.00 |
Total | CHF | 1'000.00 |