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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/16393/2025

ACPR/671/2025 du 21.08.2025 sur OMP/17557/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN;PESÉE DES INTÉRÊTS;PROPORTIONNALITÉ;ANTÉCÉDENT
Normes : CPP.255.al1; CPP.255.al1bis; CP.139

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16393/2025 ACPR/671/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 21 août 2025

 

Entre

A______, domicilié c/o [Étude] B______, ______ [VD], agissant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 19 juillet 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 29 juillet 2025, A______ recourt l'ordonnance du 19 précédent, notifiée le jour même, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant indique faire "opposition" à cette ordonnance.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 18 juillet 2025, A______, ressortissant algérien, né le ______ 1968, a été interpellé dans la Fan Zone, au Quai Gustave-Ador no. ______, à Genève, après qu'une personne eut indiqué à la police le suspecter d'avoir volé son portemonnaie, le 13 précédent, au stand où elle travaillait. Lors des contrôles d'usage, les policiers ont constaté que le précité n'était pas au bénéfice d'une autorisation de séjour valable.

b. Entendu par la police le même jour, A______ a contesté avoir volé un portemonnaie. Il se trouvait en Suisse depuis 2022 et n'avait pas quitté le territoire depuis sa dernière interpellation par la police. Il ne bénéficiait d'aucune autorisation de séjour mais avait déposé son passeport et un dossier – en vue de la régularisation de son séjour en Suisse – auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM). Il avait des liens "très forts" avec ce pays, dès lors qu'il y était engagé dans la vie politique, économique et sociale.

c. Par ordonnance de classement partiel du 19 juillet 2025, le Ministère public a classé la procédure en tant qu'il était reproché à A______ d'avoir volé un portemonnaie le 13 juillet 2025.

d. Par ordonnance pénale du même jour, le Ministère public a déclaré A______ coupable de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), et l'a condamné à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à CHF 30.- l'unité.

A______ a formé opposition contre cette ordonnance pénale.

e. S'agissant de sa situation personnelle, A______ est célibataire, a deux enfants et indique travailler comme bénévole dans plusieurs associations, lesquelles le nourrissaient en échange. Il lui arrivait de dormir occasionnellement chez des collègues.

À teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, il a été condamné:

-       le 4 janvier 2017, à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à CHF 30.- l'unité, avec sursis pendant deux ans, ainsi qu'à une amende de CHF 300.-, pour tentative de vol simple (art. 139 ch. 1 cum 22 al. 1 CP) et faux dans les certificats (commission répétée) (art. 252 CP);

-       le 4 mars 2021, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.- l'unité, avec sursis pendant trois ans, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI);

-       le 10 novembre 2022, à une peine pécuniaire de 70 jours-amende à CHF 30.- l'unité, avec sursis pendant quatre ans, pour vol simple (art. 139 ch. 1 CP).

C. Le Ministère public motive l'ordonnance querellée par le fait que A______ avait déjà été soupçonné d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN (cf. liste des infractions mentionnées dans la Directive A.5, art. 4), en raison de sa condamnation du 10 novembre 2022 pour vol.

D. a. Dans son recours, A______ affirme que l'ordonnance querellée n'avait pas lieu d'être, dès lors qu'il n'était nullement concerné par l'incident survenu dans le stand de l'entreprise C______, dans la Fan Zone à Genève. "L'oppression" dont il avait été victime dans le cadre de l'une des activités de l'Association D______ s'était dégonflée et sa condamnation du 10 novembre 2022 était "sujet d'étude et de révisions dans le cabinet d'avocats", tout comme "sa condamnation pour séjour illégal de 60 jours-amende liée à cette histoire". Ses papiers avaient été déposés auprès de l'OCPM – l'examen du dossier étant en cours –, et il avait postulé pour un emploi auprès de E______. Il vivait en Suisse depuis 24 ans. Bien qu'il fût rentré "dans le radar" du Service de renseignement de la Confédération (SRC) dix ans plus tôt, ses engagements dans la vie sociale, économique et politique étaient reconnus et hautement appréciés. On ne pouvait lui reprocher une "délinquance à cause de quoi que ce soit ou de quiconque". L'ordonnance querellée était ainsi inutile et "son entière déconsidération méritoire".

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

2.1.       Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).

L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d).

2.2.       Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

2.3.       L'établissement d'un profil d'ADN, lorsqu'il ne sert pas à élucider une infraction pour laquelle une instruction pénale est en cours, est conforme au principe de la proportionnalité uniquement s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2; 145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1). Il convient à cet égard également de prendre en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 précité consid. 4.3; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).

2.4.       En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN du recourant a été ordonné pour élucider, non pas les infractions en cours d'instruction, mais d'autres infractions, plus précisément des vols, dès lors qu'il avait déjà été condamné pour des faits similaires.

À cet égard, il existe des indices sérieux et concrets de la commission, par le recourant, de tels actes punissables.

Quand bien même le vol reproché au recourant dans le cadre de la présente procédure s'est soldé par un classement, le recourant a été condamné à deux reprises pour des faits similaires, plus particulièrement le 4 janvier 2017, pour tentative de vol simple et faux dans les certificats, puis le 10 novembre 2022, pour vol simple. À cela s'ajoute qu'il a également été condamné, le 4 mars 2021, pour séjour illégal, étant précisé qu'il est encore poursuivi pour des faits similaires dans le cadre de la présente procédure.

Ces antécédents, auxquels s'ajoute son contexte personnel, en particulier l'absence de situation régulière en Suisse, laissent craindre un ancrage dans la délinquance, plus particulièrement en matière d'infractions contre le patrimoine. Ces éléments permettent de penser que l'intéressé pourrait être impliqué dans d'autres vols encore inconnus des autorités, qui pourraient lui être attribués si l'on était en mesure de comparer son profil d'ADN à des traces prélevées sur les lieux de leur commission.

Les vols (art. 139 CP) susceptibles d'être élucidés revêtent également une certaine gravité. Il s'agit d'ailleurs d'un des cas expressément listés par la Directive A.5 du Procureur général (cf. n. 4.3) qui, bien que n'ayant pas force de loi, est fondée sur l'art. 255 al. 1bis CPP, lequel autorise l'établissement d'un profil d'ADN pour les infractions passées.

Partant, la mesure querellée, dont les conditions légales sont réalisées, n'apparaît ni injustifiée ni disproportionnée.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait d'emblée être traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Valérie LAUBER, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Valérie LAUBER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/16393/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00