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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/26852/2022

ACPR/643/2025 du 14.08.2025 sur OCL/899/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;VIOL;ACTE D'ORDRE SEXUEL SUR UN INCAPABLE DE DISCERNEMENT
Normes : CPP.319; CP.190; CP.191

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/26852/2022 ACPR/643/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 14 août 2025

 

Entre

A______, représentée par Me B______, avocate,

recourante,

 

contre les ordonnances de classement rendues le 18 juin 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par actes séparés, expédiés le 30 juin 2025, A______ recourt contre les ordonnances du 18 juin précédent, notifiées le lendemain, par lesquelles le Ministère public a ordonné le classement de la procédure à l'égard de C______, respectivement de D______.

La recourante conclut à l'annulation desdites ordonnances, à ce que la reprise de la pro cédure soit ordonnée et qu'il soit procédé aux actes d'instruction qu'elle énumère. Elle sollicite l'assistance juridique pour la procédure de recours.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Après s'être rendue à la police française, A______ a, le 3 octobre 2022, déposé plainte à Genève pour dénoncer une, voire plusieurs agressions sexuelles, dont elle avait été victime le 28 septembre 2022, entre 7h30 et 14h30, au domicile de D______, sis no. ______ route 1______ à E______ [GE].

En substance, elle a expliqué qu'après avoir fait connaissance de F______ et C______ lors d'une soirée, elle les avait emmenés, dans sa voiture, au domicile de D______, qu'elle ne connaissait pas non plus avant. Ce dernier était arrivé en voiture avec un homme âgé d'environ 70 ans qui avait quitté les lieux 45 minutes plus tard. Un certain G______ se trouvait déjà dans l'appartement à leur arrivée et était sorti acheter une bouteille de whisky. À son retour, il avait proposé du whisky à tout le monde mais elle avait refusé, car elle n'en buvait pas. "Au cours de la matinée", elle avait refusé à plusieurs reprises les propositions de C______ de boire du whisky mais avait fini par en ingurgiter une petite quantité, sur l'insistance de celui-ci. Elle se souvenait avoir entendu sonner son réveil à 7h30, le 28 septembre 2022, avoir discuté avec les trois hommes sur le canapé "puis plus rien jusqu'à 14h30".

À cette heure-là, les hurlements d'une dame, qui se plaignait que son véhicule à elle la gênait, l'avaient réveillée. F______ était en train de la violer. Elle était couchée [sur le lit] sur le ventre tandis que lui se trouvait derrière elle, pour la maintenir dans cette position. Il ne s'était pas arrêté malgré les cris de la dame. C______ était à moitié endormi sur le lit à côté d'elle. D______ était à la fenêtre, à quelques mètres, en train de parler avec cette dame. Elle avait mis un certain temps pour reprendre conscience. Elle s'était retournée et avait vu F______ qui lui souriait tout en continuant à la pénétrer avec son sexe.

Elle n'excluait pas avoir été agressée à plusieurs reprises, également par D______ et C______. En effet, F______ était marié à la sœur de D______, lequel était présent lorsque que celui-là la violait. Elle n'avait, à son réveil, plus de pantalon ni le bas de son body. Ce vêtement était dégrafé au niveau du soutien-gorge, de sorte que pour la pénétrer "ils" avaient enlevé le bas et dû la manipuler ou la déplacer, rappelant qu'avant son black out elle se trouvait sur le canapé et qu'elle s'était réveillée sur le lit.

Elle s'était rendue en début de soirée, avec un ami avocat, à l'hôpital H______ [à I______, France] pour effectuer des prélèvements. Un policier français avait emmené ses vêtements et sous-vêtements. Ce n'était que le vendredi soir [du 30 septembre 2022] qu'elle avait appris de la gendarmerie de J______ [France] qu'aucune plainte n'avait été enregistrée et qu'il fallait qu'elle le fît en Suisse où un rendez-vous ne lui avait été donné que le 3 octobre 2022.

Pour le surplus, elle s'est référée à un écrit où elle détaillait ces faits. Il en ressort en particulier qu'alors qu'elle avait refusé le verre de whisky qu'on lui avait présenté trois ou quatre fois, elle avait entendu C______ dire "regarde ce que A______ a fait, elle a donné le verre à D______". Elle s'était réveillée sur le lit, allongée sur le ventre, son pantalon retiré et son body à moitié retiré, F______ derrière elle en train de la pénétrer "fort", tout en la regardant et en la maintenant sur le ventre par la force. D______, "juste à côté près du canapé", pouvait les observer. Alors que la femme hurlait dehors, elle-même avait un peu plus repris conscience et avait poussé F______ pour qu'il s'extraie d'elle.

b. Selon le rapport d'arrestation du 12 décembre 2022 et les documents français y annexés, les habits de la plaignante se trouvaient en mains du Tribunal judiciaire de J______ [France] et les prélèvements biologiques étaient stockés au laboratoire de l'hôpital H______.

c. Entendus par la police le 12 décembre 2022 et libérés ensuite:

c.a. C______ a déclaré ne pas se souvenir de la soirée en question. Il consommait beaucoup d'alcool et de ce fait oubliait ses soirées. Il n'entretenait pas de relations sexuelles lorsqu'il consommait beaucoup d'alcool. Il voulait qu'on lui présentât une photographie de la plaignante pour voir de qui il s'agissait.

c.b. D______ a déclaré qu'après avoir fait la fête chez lui, A______ était allée se coucher dans le lit, du côté gauche, vers 07h00. Vers midi, C______, qui était "cuit", était allé se coucher à droite de la plaignante. Lui-même s'était couché sur le canapé situé à côté du lit. Il avait, après avoir dormi une heure ou deux, été réveillé par "la voisine" qui frappait à la porte et à la fenêtre car la voiture de A______ gênait le passage. Il avait voulu réveiller cette dernière, qui avait dormi pendant plusieurs heures, mais "on" lui avait dit qu'il fallait la laisser dormir. Il avait remarqué qu'elle était dans le lit avec F______ et que tous deux n'avaient pas leur pantalon, A______ ne portant pas non plus de culotte. Ils étaient debout. Il ne les avait pas vus entretenir une relation sexuelle, mais il pensait que tel avait été le cas. C______ dormait toujours. A______ s'était réveillée quand la voisine était venue se plaindre. Elle était sortie précipitamment, seule, de chez lui.

Il n'avait jamais eu de pensées sexuelles envers A______ parce qu'il avait appris qu'elle était de religion musulmane et qu'il était catholique. Elle ne l'intéressait pas. Il recherchait une relation sérieuse pour fonder une famille. Il avait vu C______ essayer de la séduire. Il ignorait ce qui aurait pu se passer entre eux deux alors qu'il dormait.

d.a. F______ n'ayant pas pu être localisé, un avis de recherche a été émis à son encontre.

d.b. Il a été interpellé le 2 février 2024 à K______, à la suite d'une demande d'intervention d'un homme qui l'hébergeait, dans la mesure où il avait tout cassé dans son appartement et refusait de quitter les lieux.

En lien avec la présente procédure, il a déclaré à la police qu'"il n'y a[vait] pas de viol, que ça n'exist[ait] pas". Alors qu'ils commençaient à être un peu fatigués à cause de l'alcool, C______ s'était couché dans le lit, A______ au milieu et lui de l'autre côté, tandis que D______ se trouvait sur le canapé. Lui-même avait commencé à flirter avec A______ et à se déshabiller. En revenant des toilettes, la plaignante lui avait dit: "Viens on va chez moi car "D______" [prénom d'emprunt de D______] a essayé de me toucher". Elle était partie vers 09h00. Il n'y avait pas eu d'acte sexuel, juste des câlins. Il ne pensait pas que D______ et C______ eussent entretenu des relations sexuelles avec la plaignante. Il contestait l'avoir empêchée de quitter les lieux et avoir pris ses clés.

d.c. Entendu le 3 février 2024 par le Ministère public, F______ a persisté à contester les faits.

e. L'Office fédéral de la justice a, le 26 janvier 2023, transmis au Ministère public le dossier de dénonciation officielle de l'enquête diligentée par le Tribunal judiciaire de J______ (France).

Il en résulte que le "protocole viol", afin de conserver les traces potentielles, avait été respecté et que les habits portés par la victime au moment des faits, notamment un body turquoise, avaient été saisis. Les écouvillons biologiques prélevés sur la victime, stockés dans le congélateur du laboratoire du H______, avaient été saisis par la gendarmerie et placés sous scellés.

f. Lors de l'audience de confrontation du 15 mars 2024, en présence des trois prévenus, A______, mise au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite depuis le 1er précédent, a confirmé ses précédentes déclarations.

g. Lors d'une audience le 6 mai 2024:

g.a. D______ n'a pas comparu, sans être excusé;

g.b. F______ a réaffirmé avoir uniquement flirté avec la partie plaignante, chacun buvant un verre de whisky. D______ se trouvait sur le canapé et C______ était couché;

g.c. C______ a déclaré ne rien avoir vu, ni entendu car il avait dormi toute la matinée et s'était réveillé vers 15h00-16h00. Durant la soirée, il s'était lui-même servi du whisky, mais pour les autres, il ne savait pas. Confronté aux déclarations de D______ selon lesquelles il aurait cherché à séduire A______, il l'a nié, expliquant qu'il y avait eu beaucoup d'échanges entre eux au sujet de la culture berbère.

h. Lors d'une audience le 7 juin 2024:

h.a. D______ n'a pas comparu, sans être excusé. Son conseil a expliqué que son mandant souffrait de schizophrénie et n'avait pas d'autres déclarations à faire;

h.b. A______ a déclaré qu'elle n'avait pas reçu le résultat des prises de sang (hépatite, VIH, recherches de substances toxiques) qu'on lui avait faites [à l'hôpital] H______.

h.c. C______ ne s'est pas exprimé.

h.d. F______ a demandé à la plaignante pour quelle raison elle n'avait pas fait de prise de sang pour savoir s'il y avait des substances ou des stupéfiants dans le verre de whisky.

i. Par courriel du 7 juin 2024, le Ministère public a demandé à la police si elle avait retrouvé les pièces saisies par les autorités de J______, aux fins d'analyse, et identifié le témoin à entendre.

j. Par avis de prochaine clôture de l'instruction du 2 septembre 2024, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait dresser un acte d'accusation contre F______ et de rendre des ordonnances de classement à l'égard de C______ et D______.

k. Le 26 septembre 2024, A______ a requis du Ministère public la production par les autorités françaises des scellés prélevés au H______ et leur analyse, ainsi que les auditions de D______, de sa voisine L______, du prénommé M______, de N______, O______ et P______.

l. Il ressort du rapport de renseignements du 1er octobre 2024 que la police suisse ignorait où se trouvaient le "matériel" et les téléphones saisis après avoir, en vain, interpellé les autorités françaises à ce sujet.

En août 2024, elle avait contacté par téléphone, L______ – voisine de D______ –, laquelle avait indiqué n'avoir aucun souvenir de la date de la soirée en question. Celle-ci avait sonné chez son voisin en raison d'une voiture mal garée appartenant à une dame. Elle n'avait rien entendu ni vu de particulier.

m. Le 3 octobre 2024, le Ministère public a demandé au Parquet de J______ de "compléter" sa dénonciation officielle en lui faisant parvenir les pièces saisies et tous les prélèvements effectués au H______, dont il mentionnait les références.

Le Tribunal judiciaire de J______ a répondu, par courriel du 5 novembre 2024, avoir transmis cette requête au service des scellés.

n. Le 8 novembre 2024, dans un courrier intitulé "réquisitions de preuves", le Ministère public a fait savoir au conseil de A______ qu'il ne pouvait pas surseoir "indéfiniment" – vu la détention de F______ –, à l'attente des prélèvements et habits en mains des autorités françaises. Il irait de l'avant sans ce moyen de preuve, les faits étant suffisamment établis par ailleurs. Les autres réquisitions de preuve de A______ étaient également écartées, de manière motivée.

o. Le 8 novembre 2024 encore, le Procureur a adressé un mandat d'actes d'enquête (dans lequel C______ et D______ sont désignés comme "prévenus") à la Brigade des mœurs, en lui ordonnant de prendre contact avec le Service des scellés de J______ afin de coordonner l'acheminement et la remise aux autorités suisses du matériel saisi, ainsi que de procéder à son analyse en urgence.

p. Par ordonnances du 8 novembre 2024, le Ministère public a classé la procédure à l'égard de C______ et de D______. Aucun élément ne permettait de retenir que ces derniers auraient participé de manière principale ou accessoire à l'infraction reprochée.

p.a. La plaignante avait "clairement [mis] hors de cause" C______, expliquant que durant la soirée, il s'était montré "très respectueux" et qu'entre son réveil (à elle) et son départ de l'appartement à 14h30, il "ronflait" à ses côtés "tout habillé avec les mêmes habits de la soirée de la veille, il n'avait même pas desserré la ceinture ni rien". L'enquête ne permettait pas non plus de retenir qu'il aurait tendu à la plaignante un verre de whisky dans lequel aurait été mis "une drogue" ou une autre substance propre à l'endormir. Le groupe avait formé un cercle et chacun des protagonistes avait passé le verre au suivant. Le fait que C______ eût déclaré "regarde ce que A______ fait avec le verre" (déclaration qu'il contestait), ne permettait pas, compte tenu de toutes les circonstances (consommation de cocaïne et d'alcool tout au long de la soirée), de suspecter qu'il avait drogué la plaignante et qu'il aurait participé à "l'agression sexuelle qu'allait commettre F______".

p.b. La plaignante avait indiqué que D______ se trouvait en face d'elle, en train de l'observer lorsqu'elle s'était réveillée sur le lit. Il ne lui avait fait aucune avance durant la soirée précédant "l'agression".

p.c. A______ a formé recours contre lesdites ordonnances de classement. Elle réitérait ses réquisitions de preuve du 26 septembre 2024.

q. Le 6 décembre 2024, la Brigade des mœurs a pris rendez-vous avec le Service des scellés de J______, lequel avait pu récupérer un premier emballage papier contenant un body de couleur turquoise et un second emballage contenant divers vêtements portés par la victime. Les prélèvements (écouvillons protocoles viol) effectués au H______ ne se trouvaient pas au Service des scellés. Les deux emballages ont été saisis et transférés pour procéder, selon le mandat d'actes d'enquête, à une analyse urgente.

r.a. Il ressort d'un rapport préliminaire émis par le CURML le 17 décembre 2024, à la suite de l'analyse des vêtements portés par la plaignante au moment des faits, qu'un profil d'ADN compatible avec celui de F______ avait été retrouvé en divers endroits du body, ainsi que sur la fermeture éclair, le bouton, le pourtour et les passants de son pantalon. Un profil d'ADN compatible avec celui de C______ avait été retrouvé sur la taille (pourtour et passants) de son pantalon. Aucune trace compatible avec le profil d'ADN de D______ n'avait été retrouvée sur les échantillons examinés.

r.b. Le 6 janvier 2025, le CURML a confirmé les résultats du rapport préliminaire du 17 décembre 2024, soit la présence de traces d'ADN compatibles avec le profil d'ADN de F______ au niveau de l'attache du soutien-gorge de la plaignante, sur l'extérieur des deux bonnets du soutien-gorge, au niveau de l'entrejambe et les parties avant-arrière-côtés de la culotte du body, au niveau de la fermeture éclair, du bouton, du pourtour et des passants du pantalon. Le profil d'ADN de D______ était incompatible en tous points.

Le profil d'ADN de C______ était compatible avec les traces relevées sur le pourtour et les passants du pantalon de la plaignante (F1), avec un rapport de vraisemblance de l'ordre de "1E-5". Cela indiquait que les résultats analytiques soutenaient la proposition alternative selon laquelle c'était uniquement F1 et des personnes inconnues, et non pas F1 et C______, qui avaient contribué au mélange d'ADN. Le CURML inversait en conséquence les propositions dans la formulation. Le rapport de vraisemblance était ainsi de l'ordre de 100'000 fois plus probable d'observer les résultats d'analyse si C______ n'avait pas contribué au mélange d'ADN en cause, plutôt que si cela avait été le cas.

s. Par arrêt ACPR/139/2025 du 20 février 2025, la Chambre de céans a admis le recours de A______, annulé les ordonnances de classement du 8 novembre 2024 et renvoyé la cause au Ministère public pour qu'il poursuivît l'instruction, notamment à l'égard de C______ et D______. Toutes les démarches nécessaires devaient être entreprises pour obtenir des autorités françaises le matériel biologique prélevé sur la personne de A______ par [l'hôpital] H______.

t.a. Le 21 février 2025, le Ministère public a réitéré sa demande au Parquet de J______ [France] dans ce sens.

t.b. Par courriel du 27 février 2025, le Service des scellés de J______ a répondu que tous les scellés rattachés au dossier avaient été transmis.

t.c. Sur mandat d'actes d'enquête du 3 avril 2025, la police a finalement pu récupérer, le 8 mai 2025, auprès de la Gendarmerie de J______ les prélèvements (écouvillons protocole viol nommés "B", "A" et "V") effectués le 28 septembre 2022 sur A______ et fait procéder en urgence à leur analyse.

u. Le CURML a rendu son rapport d'analyses ADN le 26 mai 2025. L'analyse de la fraction dite spermatique sur le premier écouvillon "V", présentant de "rares spermatozoïdes", mettait en évidence un profil d'ADN masculin nommé "H1". L'analyse du second écouvillon "V" avait mis en évidence un "profil ADN de mélange de vraisemblablement un homme et une femme", soit les profils d'ADN de "H1" et "F1". Le profil d'ADN "H1" était différent de ceux de D______, F______ et C______. S'agissant des écouvillons "A" et "B", aucune compatibilité n'était relevée.

v. Lors d'une audience de confrontation devant le Ministère public le 5 juin 2025:

v.a. A______ a déclaré qu'elle n'avait pas eu, avant la soirée en question (ni le jour-même, ni la veille), de rapport sexuel avec un autre homme que les trois prévenus et ne se souvenait pas à quand remontait un tel rapport sexuel, car l'affaire remontait à presque trois ans. D______ et C______ avaient pu la "déplacer", puisque selon son dernier souvenir avant son réveil, elle était assise sur le canapé, habillée et chaussée.

v.b. D______ a déclaré que lorsqu'il s'était levé du canapé il avait eu un "bref aperçu d'une scène" et avait vu deux personnes se rhabiller. Il n'avait pas vu F______ nu, mais "il s'[était] passé quelque chose". C______ dormait et il avait dû être réveillé avant d'être raccompagné à la gare.

w.a. Le 16 juin 2025, A______ a sollicité l'audition de: M______, chez lequel elle se trouvait avec les trois prévenus avant de se rendre chez D______. M______ pourrait indiquer qu'elle n'avait pas fourni de la cocaïne et ni incité les autres personnes présentes à en consommer, comme l'affirmait F______; N______ – ami de D______ et présent au domicile de ce dernier – pour confirmer que c'était F______ qui avait apporté de la cocaïne et déterminer la personne qui avait versé le whisky dans les verres, le cas échéant de la "drogue", ainsi que le rôle joué par C______ qui lui avait tendu le verre de whisky à la plaignante; ses amis O______ et P______, qui l'avaient accompagnée chez D______ le 30 septembre 2022, pour expliquer son état psychologique et physique et rapporter ce qu'elle leur avait dit des faits.

w.b. Par courrier du 18 juin 2025, le Ministère public a refusé de procéder à l'audition de ces personnes, considérant que les faits étaient suffisamment établis.

x. D______ est décédé le ______ juillet 2025.

C. a. Dans l'ordonnance de classement concernant D______, le Ministère public considère qu'aucun élément ne permet de retenir que celui-ci aurait participé de manière principale ou accessoire à l'infraction reprochée à F______.

b. Dans l'ordonnance de classement concernant C______, le Ministère public a fait ce même constat, ajoutant que toutes les parties le mettaient "clairement" hors de cause et qu'aucun élément matériel ne venait contredire ses déclarations.

D. a.a. Dans son recours contre le classement à l'égard de D______, A______ considère en particulier que le rapport du CURML ne suffisait pas à lui seul à exclure les doutes importants qui subsistaient sur la possibilité que l'intéressé l'eût abusée.

a.b. Dans son recours contre le classement à l'égard de C______, A______ relève que l'analyse du Ministère public manquait de consistance. Le fait que les parties auraient, par leurs déclarations, mis ce prévenu hors de cause ne suffisait pas à écarter tout doute quant au rôle qu'il aurait joué. Il avait tenté de la séduire durant la soirée. Il n'était en outre pas exclu que C______ eût mis de la drogue dans le verre de whisky, compte tenu du black out dont elle avait souffert et vu son commentaire devant son refus d'en boire. Le rapport du CURML représentait une probabilité et non une présomption irréfragable. Alors que le prévenu avait fait des déclarations contradictoires, ses déclarations à elle n'avaient pas varié et étaieent crédibles. C______ n'était pas lavé de tout soupçon simplement parce qu'il s'était comporté avec respect avec elle. Le Ministère public ne pouvait pas considérer que ce dernier serait vraisemblablement acquitté en cas de mise en accusation. L'appréciation des déclarations incombait au Tribunal du fond et non au Ministère public.

b. À réception des recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Au vu de leur connexité, les deux recours seront joints et traités dans un arrêt unique.

2.             Les recours sont recevables pour avoir été déposés selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner des ordonnances sujettes à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

3.             La recourante s'oppose au classement de la procédure à l'égard de D______ et C______.

3.1.       Le Ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'il est établi que certaines conditions à l'ouverture de l'action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (art. 319 al. 1 let. d CPP), tel le décès du prévenu (cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_471/2025 du 27 juillet 2015, consid. 3.2.1; 6B_1389/2017 du 19 septembre 2018 consid. 1).

3.2.       Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le Ministère public classe la procédure lorsqu’aucun soupçon justifiant une mise en accusation n’est établi (let. a) ou que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

3.2.1. La décision de classer la procédure doit être prise en application du principe "in dubio pro duriore". Ce principe vaut également pour l'autorité judiciaire chargée de l'examen d'une décision de classement. Il signifie qu'en règle générale, un classement ou une non-entrée en matière ne peut être prononcé par le Ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le Ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation que le Tribunal fédéral revoit avec retenue. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 146 IV 68 consid. 2.1 s.; 143 IV 241 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_630/2023 du 20 août 2024 consid. 3.1).

Concrètement, un soupçon même insuffisant à ce stade de la procédure pour permettre en l'état une condamnation justifie la poursuite de l'enquête. Il en va de même si les preuves en l'état demeurent insuffisantes: l'enquête doit se poursuivre pour permettre d'identifier si les conditions d'une infraction sont réalisées (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Code de procédure pénale - Petit commentaire, 3ème éd., Bâle 2025, n. 9 ad art. 319).

3.2.2. Dans les procédures où l'accusation repose essentiellement sur les déclarations de la victime, auxquelles s'opposent celles du prévenu, le principe précité impose, en règle générale, que ce dernier soit mis en accusation. Cela vaut en particulier lorsqu'il s'agit de délits commis "entre quatre yeux" pour lesquels il n'existe souvent aucune preuve objective. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation, mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2). L'autorité de recours ne saurait ainsi confirmer un classement au seul motif qu'une condamnation n'apparaît pas plus probable qu'un acquittement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1381/2021 du 24 janvier 2022 consid. 2; 6B_258/2021 du 12 juillet 2021 consid. 2.2).

Toutefois, ce principe jurisprudentiel n'est pas absolu. Il peut néanmoins être renoncé à une mise en accusation si la victime fait des dépositions contradictoires, rendant ses accusations moins crédibles, lorsqu'une condamnation apparaît, au vu de l'ensemble des circonstances, a priori improbable pour d'autres motifs, ou lorsqu'il n'est pas possible d'apprécier l'une ou l'autre des versions opposées des parties comme étant plus ou moins plausible et qu'aucun résultat n'est à escompter d'autres moyens de preuve (arrêt du Tribunal fédéral 6B_957/2021 du 24 mars 2022 consid. 2.3). Même en présence d'infractions graves, notamment en matière sexuelle, le Tribunal fédéral admet qu'un classement puisse se justifier, en particulier lorsque les éléments du dossier permettraient déjà à ce stade de considérer qu'une mise en accusation aboutirait à un acquittement avec une vraisemblance confinant à la certitude (cf. par exemple arrêt du Tribunal fédéral 6B_277/2021 du 10 février 2022).

3.3.       Se rend coupable de viol au sens de l'art. 190 al. 1 aCP, dans sa version en vigueur le 28 septembre 2022 (art. 2 al. 2 CP a contrario), celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d’ordre psychique ou en la mettant hors d’état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l’acte sexuel.

3.4.       Se rend coupable d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance au sens de l'art. 191 aCP, dans sa version antérieure au 1er juillet 2024, celui qui, sachant qu’une personne est incapable de discernement ou de résistance, en aura profité pour commettre sur elle l’acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d’ordre sexuel.

3.5.1. En l'espèce, D______ est décédé en date du ______ 2025, ce qui constitue un empêchement définitif de procéder à son encontre et entraine le classement de la procédure le concernant, par substitution de motif.

3.5.2. En ce qui concerne C______, il a, devant la police, soutenu qu'il ne se souvenait pas de la soirée en question, ni même de la recourante. Devant le Ministère public, il a prétendu qu'il avait profondément dormi toute la matinée jusqu'à son réveil, en début d'après-midi, ce qui a été confirmé par D______ et F______. Cette version des faits n'est pas contredite par les déclarations de la recourante, puisqu'elle a indiqué qu'à son réveil, l'intéressé dormait profondément à ses côtés "tout habillé avec les mêmes habits de la soirée de la veille, il n'avait même pas desserré la ceinture ni rien". La plaignante ne formule pour le surplus qu'une hypothèse, non corroborée par les éléments du dossier, selon laquelle C______ aurait pu participer à une agression sexuelle, dans la mesure où elle se trouvait sur le canapé avant son "black out" et qu'il avait fallu la déplacer pour qu'elle se retrouve sur le lit à son réveil.

S'agissant des éléments objectifs, les résultats analytiques les plus récents du CURML indiquent que c'est la proposition alternative selon laquelle c'était uniquement la plaignante et des personnes inconnues, et non pas celle-là et C______, qui avaient contribué au mélange d'ADN, retrouvé sur les passants et le pourtour du pantalon de celle-là. Le rapport de vraisemblance était ainsi de l'ordre de 100'000 fois plus probable d'observer les résultats d'analyse si C______ n'avait pas contribué au mélange d'ADN en cause, plutôt que si cela avait été le cas. Par ailleurs, aucun profil d'ADN compatible avec celui de C______ n'a été découvert sur le body de la plaignante, ni sur sa personne. À l'inverse, des traces d'ADN compatibles avec celui de F______ ont été découvertes sur l'ensemble des prélèvements effectués sur les vêtements de la plaignante, y compris son body.

La recourante a consommé, de sa propre initiative, de l'alcool tout au long de la soirée précédant les faits dénoncés, de même que de la cocaïne. Quand bien même, au domicile de D______, C______ lui aurait tendu un verre de whisky, aurait insisté pour qu'elle en bût et prétendument dit "regarde ce que A______ a fait, elle a donné le verre à D______" lorsqu'elle avait refusé de le faire, cela ne suffirait pas à démontrer que l'intéressé y aurait versé une quelconque substance propre à la mettre hors d'état de résister.

En définitive, rien ne permet de fonder un soupçon suffisant d'une quelconque infraction de nature sexuelle à l'encontre de C______.

L'ensemble de ces éléments permet ainsi, déjà à ce stade, de considérer qu'une mise en accusation aboutirait à un acquittement de C______ avec une vraisemblance confinant à la certitude, de sorte que le Ministère public était fondé à classer la procédure.

Aucun acte d'instruction ne paraît susceptible de modifier cette appréciation, en particulier les auditions requises par la recourante de personnes qui n'étaient pas présentes (O______ et P______) au moment des faits dans l'appartement de D______. Il sera encore précisé que l'audition de N______ pourrait tout au plus, des dires mêmes de la plaignante, confirmer que F______ aurait apporté de la cocaïne dans l'appartement, ce qui semble sans pertinence avec les faits dénoncés, dans la mesure où la consommation de cocaïne par les protagonistes durant la soirée n'est pas remise en cause. Pour le surplus, plus de deux ans et dix mois après les faits, et alors que les prévenus ont eu l'occasion de se revoir – étant rappelé que C______ et D______ ont été relâchés après leur audition à la police le 12 décembre 2022 et que F______ n'a été interpellé que le 2 février 2024 – il est illusoire d'attendre du témoignage de N______ des précisions quant à savoir qui aurait versé le whisky et/ou tendu le verre dans lequel la plaignante a bu de cet alcool. Au demeurant, quand bien même C______ l'aurait fait, cela ne signifierait pas encore pour autant qu'il aurait commis des actes d'ordre sexuel sur la recourante.


 

4.             Justifiée, les ordonnances querellées seront donc confirmées.

5.             La recourante sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

5.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde une telle assistance à la partie plaignante, pour faire valoir ses prétentions civiles, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l’action civile ne paraît pas vouée à l’échec (let. a); à la victime, pour lui permettre de faire aboutir sa plainte pénale, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l’action pénale ne paraît pas vouée à l’échec (let.b). Dite assistance comprend, notamment, la désignation d'un conseil juridique gratuit (art. 136 al. 2 let. c CPP).

La cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. L'assistance judiciaire peut être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée (par exemple en raison du dépôt tardif de la plainte ou d'une infraction ne protégeant pas les intérêts privés) ou si la procédure pénale est vouée à l'échec, notamment lorsqu'une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement doit être rendue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_49/2019 du 20 mai 2019 consid. 3.1).

5.2. En l'occurrence, sans même examiner la question de l'indigence, force est de retenir que les recours étaient voués à l'échec pour les motifs exposés plus haut, de sorte que les conditions pour l'octroi de l'assistance judiciaire durant la procédure de recours ne sont pas remplies.

La demande sera, partant, rejetée.

6.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

Le refus d'octroi de l'assistance juridique gratuite est, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Joint les recours.

Les rejette.

Rejette la demande d'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Valérie LAUBER, présidente; Madame Catherine GAVIN et Monsieur
Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Valérie LAUBER

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).

 

P/26852/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

00.00

- délivrance de copies (let. b)

CHF

00.00

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00