Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/609/2025 du 07.08.2025 sur ONMMP/1625/2025 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/7655/2025 ACPR/609/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 7 août 2025 |
Entre
A______, domiciliée ______ [GE], agissant en personne,
recourante,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 28 mars 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 4 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 28 mars 2025, notifiée le 1er avril suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 26 mars 2025.
La recourante demande que cette décision soit "invalidée" et qu'une suite soit donnée à sa plainte.
b. La recourante a versé les sûretés en CHF 600.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Ces dernières années, A______ a déposé plusieurs plaintes pénales, principalement pour des vols et dommages à la propriété, intervenus, selon elle, dans son appartement, plaintes ayant fait l'objet d'ordonnances de non-entrée en matière confirmées par la Chambre de céans (ACPR/713/2019 du 17 septembre 2019, ACPR/509/2022 du 29 juillet 2022, ACPR/52/2023 et ACPR/53/2023 du 20 janvier 2023, ACPR/571/2023 du 25 juillet 2023).
b. Le 26 mars 2025, A______ a déposé une nouvelle plainte pour des "intrusions criminelles" suivies de vols, à son domicile, les 4 janvier et 14 février 2025.
Le 4 janvier 2025, une pochette rectangulaire, contenant trois clés USB B______ et une mini clé USB, ainsi que la clé d'une armoire ancienne, toutes placées dans la poche de son pantalon, avaient été volées, durant l'après-midi, alors qu'elle dormait. Il s'agissait du second vol de clé USB, le premier ayant eu lieu le 15 juillet 2015 également à son domicile. La clé de l'armoire, qu'elle avait dans l'intervalle fait réparer, avait été retrouvée tordue en 2021.
Le 18 février 2025, elle avait découvert le vol de divers documents personnels "très importants" [notamment ses passeports et cartes d'identité allemands et français, son permis C, ainsi que des copies de ses pièces d'identité], lesquels se trouvaient dans un dossier glissé dans une grande enveloppe [scotchée] déposée dans un placard de sa chambre. La clé de ce placard avait été volée en juin 2021. Elle (la plaignante) avait préparé ces documents à l'attention d'un nouveau notaire avec lequel elle avait prochainement rendez-vous. Des factures C______ [entreprise de télécommunications], se trouvant dans son bureau, avaient également été soustraites. Il s'agissait du second vol de documents personnels, le premier ayant eu lieu, en septembre 2010, alors que lesdits documents étaient entreposés dans le même placard. Les faits s'étaient probablement produits pendant qu'elle avait quitté son appartement pour faire ses courses, le 14 février 2025.
Ces vols, et les violations de domicile qui les avaient rendus possibles, faisaient partie de la longue liste de "cambriolages intrusifs" commis chez elle depuis l'été 1973, dont le commanditaire était sans doute son ex-époux, D______, décédé en 2006, selon des révélations faites, en février 2025, par l'une de ses filles.
L'auteur des vols faisait ainsi certainement partie de la "bande de malfaiteurs dirigée par l'individu qui la persécutait depuis 1973". Elle l'avait du reste possiblement croisé, le 14 février 2025, à la hauteur du "Garage de E______". Il s'agissait d'un individu extrêmement mince, d'environ 175 cm, portant des vêtements et des gants noirs.
Par ailleurs, depuis une dizaine d'années, des "petits délits" étaient régulièrement commis à son préjudice, notamment des vols ou des dommages à la propriété (petits produits volés ou abîmés dans son panier ou sur le tapis roulant), au magasin F______ de la rue 1______, où elle faisait ses courses.
Le Ministère public en avait été informé, pour la première fois, en 2019.
C. Dans la décision querellée, le Ministère public relève que le contenu de la plainte était confus.
Il était par ailleurs impossible, sauf à déployer des moyens aussi aléatoires que disproportionnés, de trouver l'hypothétique auteur des infractions dénoncées. Faute de soupçon suffisant, l'ouverture d'une procédure pénale ne se justifiait pas (art. 310 al. 1 let. a CPP). Il n'y avait donc pas à entrer en matière sur la plainte.
D. a. Dans son recours, A______ persiste dans les termes de sa plainte.
Sa plainte n'était pas confuse. Il lui avait semblé pertinent que cette autorité ait connaissance, en plus des infractions motivant la plainte, d'un certain nombre de détails – minutieusement décrits – pour mieux comprendre l'envergure de l'affaire qui durait dans le temps.
S'agissant des faits des 4 janvier et 14 février 2025, il y avait, à ses yeux, suffisamment d'éléments pour retenir les chefs d'infractions dénoncées. Il aurait été intéressant de connaître le mobile de la personne qui la persécutait depuis de nombreuses années. De plus, il n'existait aucun empêchement de procéder. Des faits nouveaux, concernant le "commanditaire initial du crime", avaient été récemment découverts, ensuite des révélations de l'une de ses filles. Il convenait dès lors d'entendre ses filles, G______ et H______. Par ailleurs, à bien la comprendre, les conditions de l'art. 8 CP imposaient, en l'espèce, l'ouverture d'une poursuite pénale.
b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. À titre liminaire, la Chambre de céans constate que la recourante ne revient pas sur les griefs qu'elle soulevait dans sa plainte en relation avec les "petits délits" commis à son préjudice au sein de la filiale F______ depuis une dizaine d'années. Ce point n'apparaissant plus litigieux, il ne sera pas examiné plus avant dans le présent arrêt (art. 385 al. 1 let. a CPP).
3. La recourante reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.
3.1. Selon l'art. 310 al. 1 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a).
Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1; 137 IV 219 consid. 7; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 précité).
3.2. Aux termes de l'art. 186 CP, se rend coupable de violation de domicile quiconque, notamment, d'une manière illicite et contre la volonté de l'ayant droit, pénètre dans une habitation.
3.3. L'art. 139 CP punit quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l’approprier.
Si l'acte ne vise qu'un élément patrimonial de faible valeur, l'auteur est, sur plainte, puni d'une amende (art. 172ter CP).
3.4. En l'espèce, la recourante allègue que diverses clés USB ainsi qu'une clé d'armoire, lesquelles se trouvaient dans la poche du pantalon qu'elle portait, auraient disparu le
4 janvier 2025. À bien la comprendre, elle soupçonne un tiers de s'être introduit dans son appartement en sa présence pour dérober lesdits objets tandis qu'elle dormait. Divers documents personnels très importants entreposés dans un dossier glissé dans une grande enveloppe [scotchée] déposée dans un placard de sa chambre, ainsi que des factures – placées dans son bureau –, auraient également disparu le 14 février 2025. Un tiers aurait pénétré dans son logement pour dérober ces papiers alors qu'elle était sortie faire des courses. Après des révélations récentes de sa fille, elle pensait que son ex-époux avait [de son vivant] commandité ces méfaits.
L'intervention d'un tiers ne repose toutefois sur aucun élément concret, faute d'effraction. Partant, les soupçons de la recourante sur l'implication d'un tiers, faisant partie "d'une bande de malfaiteurs" dirigée par un "individu qui la persécutait depuis 1973", ne suffisent pas pour retenir une prévention pénale suffisante de violation de domicile (art. 186 CP) et de vol (art. 139 CP) et justifier l'ouverture d'une instruction. L'art. 8 CP n'est dès lors d'aucun secours à la recourante.
Ni la description faite par la recourante de l'individu croisé dans la rue, le 14 février 2025, à proximité de son domicile, ni d'éventuelles mesures d'instruction, en particulier les auditions requises, ne paraissent, en outre, à même de modifier le constat qui précède et orienter des soupçons sur une personne précise.
Il s'ensuit que c'est à bon droit que le Ministère public a renoncé à entrer en matière sur les infractions dénoncées.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait d'emblée être traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).
5. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Catherine GAVIN et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/7655/2025 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 515.00 |
Total | CHF | 600.00 |