Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/603/2025 du 06.08.2025 sur ONMMP/3049/2025 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/1864/2022 ACPR/603/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 6 août 2025 |
Entre
A______, représentée par Me B______, avocat,
recourante,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 26 juin 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 7 juillet 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 26 juin précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public, après avoir décidé de ne pas entrer en matière sur les plaintes des 22 et 30 novembre 2022 déposées par C______ à son encontre, a laissé les fais de la procédure à charge de l'État et a refusé de lui allouer une indemnité fondée sur l'art. 429 al. 1 let. a CPP.
La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, en CHF 1'216.30 pour la procédure de recours, à l'annulation de cette ordonnance en tant qu'il ne lui est pas alloué d'indemnité et, principalement, au versement de CHF 1'570.-, TVA comprise, à titre de frais juridiques effectifs engagés pour assurer sa défense [dans le cadre de la procédure préliminaire], subsidiairement au renvoi de la cause au Ministère public pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. C______ a commencé en 2020 un programme de master à l’Institut D______ (ci-après : D______ ou l’institut) dont A______ est directrice.
b. Entre le 25 octobre et fin décembre 2021, la direction de D______ a reçu trois plaintes d’étudiants déposées à l’encontre de C______, pour harcèlement, discrimination et diffamation.
c. Par courrier recommandé du 5 novembre 2021, faisant suite à un entretien du 2 précédent A______, a sommé C______ de cesser des formes d’interactions remettant en cause la dignité et le bien-être de ses interlocuteurs. Un nombre important de situations dans lesquelles des professeurs, des membres de l’équipe du service des étudiants, des membres du personnel administratif de la résidence universitaire, des étudiants et des membres de l’association des étudiants (E______) s’étaient sentis, selon leurs propres termes, agressés, intimidés, mis en situation d’insécurité voire harcelés, lui avaient été dénoncées depuis avril 2021.
d. Par lettre du 19 novembre 2021, C______ a contesté avoir eu les comportements évoqués dans l’avertissement, en particulier en tant qu’ils concernaient les professeurs. Elle avait eu un différend avec un des membres de l’association E______ qui avait nécessité une réaction légitime de sa part. Elle reconnaissait également une autre réaction légitime envers l’un des responsables de la résidence qui avait fait intrusion dans son logement.
e. Dans sa réponse du 2 décembre 2021, la directrice de D______ a exposé qu’elle avait été régulièrement saisie par des collaborateurs et des étudiants qui dénonçaient que le comportement de C______ à leur égard n’était pas conforme au Code de conduite des étudiants de l’institut du 5 novembre 2020 (ci-après : code de conduite), lequel imposait le respect mutuel de la dignité, des droits et du bien-être de tous.
f. Les 22 et 30 novembre 2022, C______ a déposé plainte pénale contre A______ pour lésions corporelles par négligence (art. 125 CP) ainsi que pour calomnie (art. 174 CP) subsidiairement diffamation (art. 173 CP), infractions contre le domaine privé (art. 179 ss CP), menaces (art. 180 CP) et contrainte (art. 181 CP).
Elle a expliqué en substance que depuis novembre 2021, elle était en conflit avec D______. Elle reprochait à cet institut des manquements dans son fonctionnement ainsi que dans le cadre de l'enquête administrative externe réalisée à la suite de sa plainte et de celles déposées à son encontre par d'autres étudiants. Dans ce contexte, elle contestait la "sanction" du 5 novembre 2021, qu'elle considérait comme une menace, et à laquelle elle avait formé opposition. L'absence du respect des procédures dans ce conflit avait eu un "impact néfaste" sur sa santé mentale, de sorte qu'elle était tombée en dépression.
Il ressort des documents transmis à l'appui de sa plainte quelle avait un litige avec D______ également en lien avec le système de notation.
g. Entendue par la police le 5 juin 2023, de 15h35 à 16h15, en présence d'un avocat de choix, A______ a contesté les faits objet de cette plainte. Elle n'avait rencontré C______ qu'à une seule occasion, en novembre 2021, afin de lui signifier un avertissement, suite à son comportement perturbateur envers l'institut, le personnel administratif, certains de ses collègues et des étudiants. À partir de là, C______ avait déclenché une série de comportements à son encontre et d'autres membres de l'institut, sous diverses formes, via des réseaux sociaux et en organisant un "sit-in". Elle n'avait finalement pas réussi à finir son cursus, étant encore en "suspension médicale". Elle était passée dans un mode de victimisation, disant que l'institut lui avait tellement "pourri la vie", qu'elle avait de la peine à se concentrer, à travailler. Si elle n'avait pas passé autant de temps sur les réseaux sociaux, elle aurait pu avancer sur son travail de Master. Comme elle avait de mauvaises notes, mais suffisantes, elle avait demandé à transformer ses notes chiffrées en un système "pass" ou "fail", qui n'avait eu cours que pendant la pandémie de COVID-19.
Elle-même avait le souvenir que trois élèves avaient porté plainte contre l'intéressée, qui avait à son tour déposé plainte contre eux. Une enquête interne avait déterminé que la plainte de C______ n'avait aucun fondement mais qu'en revanche, cette dernière, avait "dépassé la ligne rouge" à l'encontre de ses étudiants. Toutes les procédures avaient été respectées par D______ dans le cadre des litiges impliquant C______. En été 2022, elle-même avait été magnanime et avait écrit une lettre officielle indiquant que comme l'intéressée avait déjà reçu un avertissement et qu'elle arrivait au terme de son cursus, aucune mesure supplémentaire n'était prise à son encontre. C'était une lettre plutôt "sympathique", car l'institut aurait pu l'exclure.
L'institut avait toujours dit "oui" aux demandes de l'intéressée, par exemple concernant les appartements, à l'exception de la problématique de la notation. Mais C______ avait perturbé les équipes, qui avaient presque peur d'elle, envoyé des e-mails violents et rédigé des publications agressives, comme elle l'avait fait pour les autres étudiants. Elle n'avait nullement été persécutée par le personnel de l'institut; c'était vraiment le contraire. Il était possible que son état de santé se fût détérioré. Toutes les procédures avaient toutefois été respectées.
A______ s'est ensuite exprimée sur sa situation personnelle.
C. Dans son ordonnance litigieuse, le Ministère public a retenu que la plainte de C______ visait principalement la gestion du conflit qu'elle avait avec D______ et que ses griefs s'inscrivaient dans le cadre d'un litige relevant du droit administratif, notamment en lien avec la procédure administrative dont elle avait fait l'objet, sans être constitutifs d'une infraction pénale. Les frais de la procédure en lien avec l'ordonnance de non-entrée en matière étaient laissés à la charge de l'État.
Aucune indemnité au sens de l'article 429 al. 1 let. a CPP n'était allouée à A______, dans la mesure où sa participation à la procédure n'avait consisté qu'en une audition par la police, sur des faits qui ne présentaient pas de difficultés particulières, de sorte que l'intervention d'un avocat à ce stade de la procédure n'était pas nécessaire.
D. a. À l'appui de son recours, A______ expose que le mandat de comparution pour son audition du 25 mai 2023 indiquait qu'elle devait être entendue en qualité de prévenue pour diffamation, calomnie, menaces, contrainte et lésions corporelles par négligence. De telles qualifications laissaient penser qu'elle faisait l'objet d'accusations multiples et particulièrement graves, notamment en lien avec des faits présumés à l'encontre d'un élève, ce qui justifiait pleinement le recours à un avocat. De telles accusations, vu sa qualité de directrice de D______, étaient objectivement susceptibles d'entraîner des répercussions particulièrement lourdes sur sa réputation, sa carrière professionnelle ainsi que sur sa vie privée. Elle avait donc été dûment préparée en vue de cette audition et assistée lors de celle-ci.
Elle avait fait un usage proportionné et raisonnable de ses droits procéduraux et avait donc droit à une indemnisation intégrale de ses frais de défense, correspondant à la note d'honoraires de son conseil, au montant de CHF 1'570.60, adressée à l'institut.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. 1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner un point d'une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la prévenue qui est partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP)
1.2. La qualité pour agir est a priori donnée à cette dernière sous l'angle d'un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP), quand bien même elle indique que son conseil a transmis à son employeur la note d'honoraires dont elle réclame la prise en charge par l'État, puisque rien n'indique en l'état que ce dernier s'en acquitterait pour elle.
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).
Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. La recourante critique le refus du Ministère public de lui allouer une indemnité.
3.1. Selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, le prévenu bénéficiant d'une ordonnance de classement a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.
Bien que cette disposition ne mentionne pas expressément l'ordonnance de non-entrée en matière, cette dernière peut également donner lieu à indemnité (ATF 139 IV 241 consid. 1).
3.2. L'indemnité couvre en particulier les honoraires d'avocat, à condition que le recours à celui-ci procède d'un exercice raisonnable des droits de procédure. L'État ne prend en charge les frais de défense que si l'assistance d'un avocat était nécessaire compte tenu de la gravité de l'infraction, de la complexité de l'affaire en fait et/ou en droit, de la durée de la procédure ainsi que de son impact sur la vie personnelle et professionnelle du prévenu (ATF 142 IV 45 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_12/2021 du 11 septembre 2023 consid. 3.1.1).
Le seul fait qu'un crime ou un délit soit reproché au prévenu n'entraîne pas automatiquement le droit à une indemnité. La jurisprudence admet en particulier que l'assistance d'un avocat ne procède pas nécessairement d'un exercice raisonnable des droits de la défense lorsque l'enquête pénale est close après une première audition par la police (ATF 138 IV 197 consid. 2.3.5; arrêt du Tribunal fédéral 7B_512/2023 du 30 septembre 2024 consid. 2.5.1).
3.3. En l'espèce, la recourante s'est vu reprocher, dans le cadre de son activité de directrice de D______, par une étudiante briguant un master, les infractions de lésions corporelles par négligence (art. 125 CP), calomnie (art. 174 CP), subsidiairement diffamation (art. 173 CP), de menaces (art. 180 CP) et de contrainte (art. 181 CP), soit des délits. On ne voit cependant pas en quoi l'affaire aurait présenté une complexité particulière, telle que la recourante cherche à le faire constater.
En effet, l'intéressée s'exprime en langue française et est au bénéfice d'une instruction qui lui permet d'occuper le poste de directrice précité. Son audition a porté sur des faits clairement circonscrits, ne présentant aucune difficulté de compréhension, son rôle se limitant, à ce stade, à répondre aux questions qui lui étaient posées, ce qui ne présupposait aucune connaissance juridique particulière. Il ressort du reste de ses réponses qu'elle a parfaitement compris les questions ainsi que le cadre dans lequel elle s'inscrivaient. Son audition a duré 40 minutes, les questions sur sa situation personnelle inclues.
Bien que la procédure ait duré deux ans, à compter du moment où la recourante a été entendue par la police, et qu'aucun acte de procédure n'ait été accompli jusqu'au prononcé de l'ordonnance attaquée, cet élément ne suffit pas à retenir une complexité du dossier nécessitant l'intervention d'un avocat. L'on ne voit en outre pas quel impact la procédure a pu avoir sur la recourante, ce dont elle ne dit mot au demeurant. Le fait que celle-ci ait nourri des inquiétudes entre le moment de la réception de sa convocation, du 25 mai 2023, et son audition 11 jours plus tard, au vu des infractions mentionnées sur le mandat de comparution, ne suffit pas encore à fonder la nécessité de la présence d'un conseil pour l'assister, étant relevé que ce dernier n'a posé aucune question à sa mandante lors de l'audition.
Dans ces circonstances, l'analyse du Ministère public, qui a estimé que l'assistance d'un avocat n'était pas nécessaire, n'est pas critiquable.
Le recours sera, partant, rejeté.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
5. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'état, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du règlement fixant le tarif de frais en matière pénale).
6. Corrélativement, aucun dépens ne lui sera alloué (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et
Catherine GAVIN, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
P/1864/2022 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 915.00 |
Total | CHF | 1'000.00 |