Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/486/2025 du 26.06.2025 sur ONMMP/2423/2025 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/11653/2025 ACPR/486/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 26 juin 2025 |
Entre
A______, actuellement détenue à la prison de Champ-Dollon, chemin de Champ-Dollon 22, 1241 Puplinge, agissant en personne,
recourante,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 22 mai 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte déposé au greffe de la prison de Champ-Dollon le 2 juin 2025 à l'attention du Ministère public, qui l'a transmis à la Chambre de céans, A______ recourt contre l'ordonnance du 22 mai précédent, notifiée le 2 juin 2025, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte du 12 mai 2025.
La recourante indique porter plainte "contre x".
b. La recourante a été dispensée de verser les sûretés (art. 383 CPP).
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______ est détenue à la prison de Champ-Dollon.
b. Par écrit du 12 mai 2025, elle s'est plainte auprès de la "police des polices" de vols dans sa cellule. En substance, elle conservait dans une boîte en carton blanc des adresses – dont celle de sa mère – et des lettres, boîte qui avait disparu. Elle s'était rappelée que d'autres correspondances avaient disparu. Le voleur pourrait être identifié grâce aux caméras de la prison. Ce "monsieur" volait beaucoup de choses. Avec l'aide de gardiens, il venait dans sa cellule lorsqu'elle était à la promenade ou à l'atelier. Elle pensait qu'il remettait ce qu'il volait à un tiers, en échange d'argent. Elle proposait de verser CHF 300.- pour "mener l'enquête". Elle craignait de se faire dérober des chansons qu'elle était en train d'écrire. Elle souffrait de narcolepsie et avait de la peine à se souvenir de choses. Il lui serait donc difficile de réécrire les "fiançailles de B______" [prénom qui ressemble au sien].
C. Dans l'ordonnance querellée, la Ministère public retient qu'il ne disposait d'aucun élément susceptible d'orienter des soupçons sur un ou des auteurs, de sorte qu'il existait un empêchement de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP).
D. a. Dans son recours, A______ explique qu'il était de son devoir de tout faire pour récupérer ses écrits qui avaient été volés, sans quoi elle ne serait pas une bonne artiste. Le Ministère public pourrait prendre la peine de "visionner les caméras" de Champ-Dollon et voir "ce Monsieur". Deux jours après avoir écrit à la "police des polices" pour lui expliquer qu'il y avait l'adresse de sa mère adoptive dans la boîte, elle avait trouvé une enveloppe contenant ladite adresse en rentrant de la promenade. Cela lui donnait le courage de continuer à chercher et à enquêter pour trouver "l'acte I et II des fiançailles de B______", une pièce de théâtre écrite en prison, qu'une codétenue lui avait volée. Elle portait plainte "contre x" car beaucoup de personnes entraient dans sa cellule.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 91 al. 4, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
Bien que limite sous l'angle de la condition de la motivation suffisante, le recours, en tant qu'il émane d'un justiciable en personne, sera néanmoins considéré comme recevable (art. 385 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. La recourante reproche au Ministère public de n'être pas entré en matière sur sa plainte.
3.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a) ou lorsqu'il existe des empêchements de procéder (let. b).
Une telle décision est admissible quand l'identité de l'auteur de l'infraction (alléguée) ne peut vraisemblablement pas être découverte (arrêts du Tribunal fédéral 6B_638/2021 du 17 août 2022 consid. 2.1.2 et 1B_67/2012 du 29 mai 2012 consid. 3.2).
Il sied alors de mettre en balance les intérêts en jeu (arrêt du Tribunal fédéral 1B_67/2012 précité), le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst féd.) s'appliquant aux investigations pénales (ACPR/881/2024 du 28 novembre 2024, consid. 3.1 et ACPR/637/2023 du 14 août 2023 consid. 2.1.1; A. KUHN/ Y. JEANNERET/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd. Bâle 2019, n. 10d ad art. 310).
3.2. Un refus d'entrer en matière n'est possible que lorsque la situation est claire, en fait et en droit. En cas de doutes, ou lorsque l'acte dénoncé a eu des incidences graves (par exemple en présence de lésions corporelles graves), une instruction doit en principe être ouverte, quand bien même elle devrait ultérieurement s'achever par un classement (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; 138 IV 86 consid. 4.1 ; 137 IV 219 consid. 7 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_454/2011 du 6 décembre 2011 consid. 3.2).
3.3. En l'espèce, la recourante allègue qu'un "Monsieur", sans autre précision, profiterait de ses absences de la cellule pour s'y introduire et dérober des lettres qu'il échangerait auprès d'un tiers contre de l'argent. Elle dit aussi craindre la disparition de chansons qu'elle élabore. Elle met encore en cause une codétenue pour lui avoir dérobé, dans sa cellule, une pièce de théâtre qu'elle écrivait. Enfin, elle concède souffrir de narcolepsie, avec pour conséquence qu'elle aurait de la peine à "se souvenir de choses".
Cet ensemble d'éléments, en particulier l'absence d'un soupçon fondé sur une personne précise, tantôt un homme, dont on discerne mal quel profit il tirerait de la vente de correspondances entre la recourante et des tiers, tantôt une codétenue qui s'approprierait son travail artistique, doit conduire à la conclusion qu'il n'existe en l'état pas de soupçons suffisants de la commission d'une infraction. La recourante concède au demeurant qu'elle ne peut cibler personne en particulier, puisqu'en dernier lieu elle indique vouloir déposer plainte "contre x" vu le nombre de personnes potentiellement concernées. Vu ces soupçons diffus et le contexte sus-décrit, il serait disproportionné de faire visualiser toutes les entrées et sorties dans la cellule de la recourante à compter du 12 mai 2025, date à laquelle elle a écrit à la "police des polices", à supposer que les images de vidéosurveillance soient encore disponibles.
Le prononcé d'une non-entrée en matière, qu'elle soit fondée sur l'art. 310 al. 1 let. b CPP comme retenu par le Ministère public, ou l'art. 310 al. 1 let. a CPP, se justifie donc.
4. La plaignante succombe (art. 428 al. 1, 1ère et 2ème phrases, CPP).
Elle supportera, en conséquence, les frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 400.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03) pour tenir compte de sa situation personnelle.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 400.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Valérie LAUBER et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.
Le greffier : Sandro COLUNI |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
P/11653/2025 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 315.00 |
Total | CHF | 400.00 |