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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/12759/2023

ACPR/475/2025 du 23.06.2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DISJONCTION DE CAUSES
Normes : CPP.29; CPP.30
Par ces motifs

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/12759/2023 ACPR/475/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 23 juin 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de disjonction rendue le 16 avril 2025 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 25 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 16 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a ordonné la disjonction de la procédure P/1______/2025 de la P/12759/2023.

Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de cette ordonnance, subsidiairement à ce qu'il soit pris acte de la jonction des deux causes.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Une instruction pénale a été ouverte le 23 août 2023, sous la procédure P/12759/2023, contre A______ du chef d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 et 2 LStup).

Il lui était reproché d'avoir, à Genève, de concert avec notamment C______, D______, E______, F______ et G______, participé à un trafic de stupéfiants et d'avoir, dans ce cadre, entre le 28 juin 2021 et le 21 août 2023, acquis, détenu et remis à des tiers plus de 170 kilos de produits cannabiques, ainsi qu'entre janvier 2023 et le 21 août 2023, près d'une dizaine de kilos de cocaïne, étant précisé que lors de son interpellation, le 21 août 2023, il détenait 1'055.4 grammes bruts de marijuana destinés à la vente.

Il a également été prévenu de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et d'infractions aux art. 33 LArm et 19a LStup.

b. A______ a été placé en détention provisoire le 23 août 2023, laquelle a été régulièrement prolongée depuis lors, pour la dernière fois jusqu'au 26 juillet 2025.

c.a. Dans le cadre de l'enquête, le Ministère public a chargé la police d'extraire et d'analyser les données se trouvant sur le téléphone portable de A______.

c.b. À teneur du rapport de renseignements du 2 juillet 2024, le précité est soupçonné d'avoir obtenu, contre rémunération, de faux certificats de vaccination contre le COVID, pour lui-même en avril 2022, ainsi que pour le compte de tiers, notamment H______ [le 7 décembre 2021] et I______ et J______ [le 12 août 2022].

c.c. Le 8 juillet 2024, il a été prévenu, à titre complémentaire, de faux dans les titres (art. 251 CP).

Il a contesté les faits, admettant avoir "peut-être" mis ces gens – il connaissait seulement H______ – en contact avec un "pote" qui faisait de faux certificats. Il ne savait pas si le certificat qu'il avait obtenu pour lui était "un faux". On lui avait dit qu'il était "vrai".

c.d. Le 6 décembre 2024, le Ministère public a ouvert une instruction contre H______, I______ et J______ pour faux dans les titres (art. 251 CP). Il leur était reproché d'avoir, en communiquant leurs données personnelles à A______, participé à l'émission de certificats officiels attestant faussement qu'ils étaient vaccinés contre le COVID.

c.e. Lors de son audition du 6 janvier 2025 à la police, H______ a affirmé ne plus se souvenir "de rien". Les époux I______/J______ ont admis partiellement les faits.

d. Le 20 février 2025, A______ a été prévenu, à titre complémentaire, de blanchiment d'argent (art. 305bis CP) pour avoir, en décembre 2021, vendu à C______ deux tickets gagnants de paris sportifs de CHF 10'145.- chacun, en lui versant CHF 19'000.- en espèces provenant du trafic de stupéfiants et par compensation d'une dette contractée auprès du précité.

e.a. Par ordonnance du 14 avril 2025, le Ministère public a refusé la demande d'exécution anticipée de peine déposée le 9 précédent par A______.

Il y était notamment relevé que, même si l'instruction arrivait à son terme, une audience finale devait encore être tenue avant de pouvoir statuer sur d'éventuelles réquisitions de preuve.

e.b. L'intéressé a formé un recours contre cette décision. Par arrêt du 23 juin 2025, la Chambre de céans a déclaré le recours sans objet dès lors qu’il a été placé en exécution anticipée de peine le 20 précédent (ACPR/474/2025).

C. Dans l'ordonnance querellée, fondée sur l'art. 30 CPP, le Ministère public expose que A______ faisait déjà l'objet de la procédure P/12759/2023 qui se poursuivait. Les faits reprochés à H______, I______ et J______ étaient en revanche en état d'être jugés, de sorte qu'il convenait de les disjoindre de la présente procédure, sous un nouveau numéro de procédure P/1______/2025.

D. a. À l'appui de son recours, A______ considère que la procédure était arrivée à bout touchant, dès lors que le Ministère public avait annoncé, dans son ordonnance de refus d'exécution anticipée de peine, l'audience finale des prévenus. Cette autorité ne pouvait, à ce stade, se prévaloir d'un élément de nature à retarder ou compromettre la poursuite de l'action pénale du chef de faux dans les titres.

La disjonction ordonnée violait le principe de l'unité de la procédure et notamment la règle selon laquelle les infractions reprochées à un même prévenu – ou à plusieurs prévenus pour des faits liés – devaient être poursuivies conjointement "par économie de procédure, de cohérence juridique mais aussi et surtout afin d'éviter des jugements contradictoires", ceci d'autant qu'il s'agissait de faits de même nature, mis en évidence par les données extraites de son téléphone. Une condamnation de ses co-prévenus serait problématique s'il était acquitté, voire serait susceptible d'entraîner "une présomption de culpabilité à son encontre". Il en irait de même dans l'hypothèse où il serait condamné à une peine plus sévère qu'eux ou si ceux-ci bénéficieraient d'un classement.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénales suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 4 in fine ad art. 30) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3. Le recourant estime que la disjonction n'est pas justifiée.

3.1. À teneur de l'art. 29 al. 1 CPP, les infractions sont poursuivies et jugées conjointement lorsqu'un prévenu a commis plusieurs infractions (let. a) ou lorsqu'il y a plusieurs coauteurs ou participation (let. b).

Le principe d'unité de la procédure découle déjà de l'art. 49 CP et, sous réserve d'exceptions, s'applique à toutes les situations où plusieurs infractions, respectivement plusieurs personnes, doivent être jugées ensemble (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 1 ad art. 29). Ce principe tend à éviter les jugements contradictoires quant à l'état de fait, l'appréciation juridique ou la quotité de la peine. Il sert en outre l'économie de la procédure (ATF 138 IV 214 consid. 3; 138 IV 29 consid. 3.2).

3.2. Selon l'art. 30 CPP, si des raisons objectives le justifient, le Ministère public et les tribunaux peuvent ordonner la disjonction de procédures pénales. Elle sert, avant tout, à garantir la rapidité de la procédure et à éviter un retard inutile. Ces raisons objectives excluent en revanche de se fonder sur de simples motifs de commodité (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds.), op. cit., n. 2 ad art. 30).

À titre d'exemples de cas d'application de l'exception de l'art. 30 CPP, l'on peut citer la violation du principe de la célérité ou le fait que certains prévenus soient sur le point d'être jugés et pas d'autres (ATF 138 IV 214 consid. 3.2; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Code de procédure pénale - Petit commentaire, 2ème édition, Bâle 2016, n. 3 ad art. 30 CPP).

3.3. En l'espèce, les faits reprochés à H______, I______ et J______ sont, selon le Ministère public, sur le point d'être jugés. En revanche, l'instruction concernant le recourant – soupçonné principalement d'avoir participé à un important trafic de stupéfiants avec douze autres prévenus – n'en est pas au même stade, le Ministère public devant encore tenir l'audience finale avant de pouvoir, sous réserve d'éventuelles réquisitions de preuve, établir l'avis de prochaine clôture et renvoyer le prévenu en jugement.

Il se justifie ainsi de disjoindre les causes pour permettre au Ministère public d'aller de l'avant pour celle qui peut l'être, sans attendre l'issue de celle encore en cours.

En outre, le droit du recourant à un procès équitable reste préservé en lien avec le volet de faux certificats de vaccination COVID puisqu'il peut formuler ses propres réquisitions de preuve et requérir, dans ce cadre, l'audition de ses co-prévenus lors du procès. La crainte qu'une disjonction conduise à des jugements contradictoires ne repose sur aucun fondement.

Enfin, on peut, à l'instar du Ministère public, considérer que la disjonction querellée permettra de poursuivre et juger rapidement H______, I______ et J______, étant souligné qu'à la différence du recourant, ceux-ci ne sont pas poursuivis pour d'autres délits.

Partant, compte tenu du large pouvoir d'appréciation qui est le sien en la matière, le Ministère public n'a pas violé la loi en l'ordonnant la disjonction litigieuse.

4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5. L'indemnisation du conseil d'office sera fixée une fois la procédure close (art. 135 al. 2 CPP).

6. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, arrêtés à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al.1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Valérie LAUBER, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Valérie LAUBER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/12759/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00