Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/468/2025 du 23.06.2025 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/11653/2022 ACPR/468/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du lundi 23 juin 2025 |
Entre
A______, représenté par Me B______, avocat,
recourant,
contre l'ordonnance de jonction rendue le 27 août 2024 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 12 septembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 27 août 2024, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a ordonné la jonction des procédures pénales P/14431/2023 et P/11653/2022, sous ce dernier numéro.
Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de ladite ordonnance – ainsi qu'à la disjonction implicite de la procédure dirigée contre lui et C______ découlant de la décision précitée et des échanges de courriers entre les Ministères publics genevois et vaudois – et, cela fait, à ce que les prénommés soient poursuivis "dans le cadre d'une seule et même procédure".
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 29 mai 2022, le Ministère public de Genève a ouvert une procédure, sous la référence P/11653/2022, contre A______ pour tentative de meurtre (art. 111 cum 22 CP), omission de prêter secours (art. 128 CP), injure (art. 177 CP) et menaces (art. 180 CP). Il lui était reproché d'avoir, à Genève, la veille:
- traité les agents de D______, E______ et F______ "de petites merdes" et dit à ces derniers "je vais vous tuer" et "on va faire de vous qu'une bouchée", les effrayant de la sorte;
- asséné un coup violent sur la tête du premier nommé au moyen d'une barre métallique et quitté les lieux sans lui porter secours et
- traité un gendarme de "putain de gland, putain d'incapable, t'es qu'un fils de pute".
Plusieurs auditions ont eu lieu, dont celles du prévenu et des parties plaignantes.
b. Le 13 novembre 2022, le Ministère public de l'arrondissement de G______ [VD], a ouvert une instruction, référencée PE22.1______, à l'encontre de A______ et C______ leur reprochant en substance d'avoir, la veille, à H______ [VD], été en possession de 5 kg de cannabis destiné à la vente (art. 19 al. 1 LStup) et d'avoir été porteurs de couteaux à cran d'arrêt (art. 33 LArm).
Sur mandat d'actes d'enquête du Procureur vaudois en charge (art. 312 CP), la police vaudoise a procédé à l'audition des prévenus et effectué des perquisitions.
c. Le 29 juin 2023, ledit Procureur a demandé au Ministère public central du canton de Vaud d'engager une procédure de fixation du for intercantonal (art. 39 CPP) avec le canton de Genève. En effet, la compétence du Ministère public de ce canton lui paraissait acquise, dans la mesure où A______ y était prévenu pour des faits potentiellement constitutifs d'agression. Il ressortait par ailleurs des rapports de la police vaudoise que le précité et C______ s'adonneraient régulièrement à la livraison de stupéfiants dans le canton de Genève. Enfin, la perquisition du téléphone du dernier nommé avait permis de constater la commission de deux excès de vitesse dans ce canton.
d. Le 12 juillet 2023, le Ministère public du canton de Genève a adressé à son homologue un courrier – portant comme numéro de référence la P/14431/2023 – aux termes duquel il acceptait de reprendre l'instruction ouverte à l'encontre de A______ en application de l'art. 34 al. 1 1ère phrase CPP. En revanche, les autorités vaudoises demeuraient compétentes pour poursuivre C______ en vertu de l'art. 34 al. 1 2ème phrase CPP, dans la mesure où – même dans l'hypothèse où ce dernier s'adonnerait à la vente des stupéfiants, respectivement aurait commis des violations graves de la circulation routière dans le canton de Genève – ces infractions étaient passibles de la même peine que celles commises dans le canton de Vaud.
e. Le 20 suivant, le Ministère public central du canton de Vaud a demandé à son homologue genevois d'examiner à nouveau sa compétence sous l'angle de l'art. 34 al. 1 CPP – voire de l'art. 38 CPP –, dès lors qu'après une nouvelle lecture du dossier, il s'avérait qu'un des excès de vitesse reprochés à C______ serait constitutif d'une infraction à l'art. 90 al. 3 LCR.
f. Par réponse du 8 août 2023, le Procureur genevois a réitéré son refus de reprendre la procédure en tant qu'elle concernait C______, au motif que rien ne permettait encore d'établir qu'une infraction à l'art. 90 al. 3 LCR aurait été commise dans son canton.
Aucune suite n'a été donnée à ce courrier.
C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public considère qu'il convenait de joindre les deux procédures ouvertes contre A______ afin qu'elles soient instruites conjointement et que le prévenu soit, le cas échéant, renvoyé en jugement pour l'entier des faits qui lui étaient reprochés.
D. a. Dans son recours, A______ relève avoir pris connaissance de la P/14431/2023 – et plus particulièrement des échanges de courriels entre les Ministères publics des cantons de Genève et Vaud – le 12 septembre 2024, lors d'une consultation du dossier par son défenseur. Sur la forme, son acte était recevable non seulement contre l'ordonnance querellée, mais également contre la disjonction "implicite" résultant de celle-ci et des échanges des courriels précités. Sur le fond, l'ordonnance querellée violait les art. 29 s. CPP, faute de motif objectif et concret justifiant une disjonction des causes.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
2. 2.1. Le recours a été déposé dans le délai prescrit – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées – et émane du prévenu qui est partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP).
2.2. Dans la mesure où le recourant voit dans l'ordonnance de jonction du 27 août 2024 – ainsi que dans les "courriers échangés entre les [Ministères publics des cantons de Vaud et de Genève] – une disjonction des faits concernant C______, se pose la question de savoir si son recours vise un acte attaquable devant la Chambre de céans.
2.2.1. Lorsque plusieurs autorités paraissent compétentes à raison du lieu, les ministères publics concernés se communiquent sans délai les éléments essentiels de l'affaire et s'entendent aussi vite que possible sur le for (art. 39 al. 2 CPP). Aux termes de l'art. 41 CPP, lorsqu'une partie entend contester la compétence de l'autorité en charge de la procédure pénale, elle doit immédiatement demander à cette dernière de transmettre l'affaire à l'autorité pénale compétente (al. 1). Les parties peuvent attaquer dans les dix jours, et conformément à l'art. 40 CPP, devant l'autorité compétente, l'attribution du for décidée par les ministères publics concernés ; lorsque les ministères publics se sont entendus sur un autre for, seule la partie dont la demande au sens de l'al. 1 a été rejetée peut attaquer la décision (al. 2). Lorsqu'il s'agit de contester un for intercantonal, l'autorité compétente est la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (art. 41 al. 2 CPP; art. 37 al. 1 LOAP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_338/2022 du 12 juillet 2022 consid. 5).
Quant aux règles relatives à la jonction (art. 29 s. CPP), elles n'ont pas pour vocation de donner aux parties un moyen parallèle pour contester la détermination intercantonale du for. Au contraire, le principe de l'unité de la procédure et ses exceptions s'appliquent uniquement en cas de conflits intracantonaux et ils ne visent que les situations où la présence de plusieurs infractions ou de plusieurs prévenus ne s'accompagne pas d'un potentiel conflit de compétence ou de fors; dans ces cas en effet, les règles fixées par l'art. 25 CPP, respectivement par les art. 33 à 38 CPP, s'appliquent prioritairement (art. 29 al. 2 CPP; arrêt du TC de Neuchâtel, ARMP.2022.36 du 13 mai 2022 consid. 1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand du Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 2 s. ad art. 29).
2.2.2. En l'espèce, le recourant conteste dans son écriture la disjonction "implicite" des faits concernant C______. Or dite disjonction ne découle pas de l'ordonnance querellée mais de la fixation du for convenue par les Ministères publics des cantons de Genève et de Vaud dans leurs échanges de courriers. Conformément aux principes susmentionnés, la Chambre de céans n'est pas compétente pour statuer sur une décision de fixation de for, telle prérogative revenant à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral. Ainsi, le recourant ne peut pas revenir à la charge sur une problématique de détermination du for intercantonal, en se prévalant des règles relatives à la disjonction, étant rappelé que le principe de l'unité de la procédure et ses exceptions ne visent que les situations où la présence de plusieurs infractions ou de plusieurs prévenus ne s'accompagne pas d'un potentiel conflit de for, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Une autre solution créerait un risque de décisions contradictoires entre le Tribunal pénal fédéral et les juridictions cantonales, appelées à traiter de la même question.
Il s'ensuit que le recours est irrecevable sur ce point.
3. Le recours est recevable au surplus en tant qu'il vise la jonction des P/14431/2023 et P/11653/2022.
Cependant, au vu de ce qui précède, la conclusion tendant à l'annulation de ladite jonction devient sans objet, étant précisé que, sur le fond, le recourant se limite à invoquer que la "disjonction implicite" en résultant ne se fondait sur aucun motif objectif et concret.
En tout état, la jonction des procédures pénales P/14431/2023 et P/11653/2022, sous ce dernier numéro, est conforme au principe de l'unité de la procédure, dès lors que les faits reprochés au recourant – et les infractions qui y sont associées – doivent être poursuivis conjointement.
Le recours est ainsi infondé sur cet aspect.
4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, arrêtés à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).
5. L'indemnisation du conseil d'office sera fixée une fois la procédure close (art. 135 al. 2 CPP).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.
Met à la charge de A______ les frais de la procédure, arrêtés à CHF 900.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Le communique pour information au Ministère public central du canton de Vaud.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente ; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges ; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
P/11653/2022 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 815.00 |
Total | CHF | 900.00 |