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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/4454/2025

ACPR/265/2025 du 03.04.2025 sur OMP/4488/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN;VOL(DROIT PÉNAL)
Normes : CPP.255.al1bis; LStup.19

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4454/2025 ACPR/265/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 3 avril 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 19 février 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 3 mars 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 19 février 2025, notifiée le même jour, par laquelle le Ministère public a ordonné que soit établi son profil d'ADN.

Le recourant conclut à l'annulation de cette ordonnance et la destruction du profil d'ADN qui aurait déjà été établi, le cas échéant. Préalablement, il sollicite la désignation de son conseil en qualité de défenseur d'office et l'exonération de toute avance de frais, ainsi que de pouvoir compléter son recours une fois qu'il aura pu consulter le dossier de la procédure P/1______/2025, disjointe de la présente cause, dont il requiert la transmission par l'autorité intimée.

b. Par ordonnance du 4 mars 2025 (OCPR/4/2025), la Direction de la procédure a fait droit à la requête d'effet suspensif, enjoignant au Ministère public de s'abstenir, jusqu'à droit connu sur le recours, d'établir le profil d'ADN du précité ou d'exploiter son résultat.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. A______ a été interpellé par la police le 18 février 2025 à la rue de Lausanne (GE) alors qu'il était passager d'un véhicule de location C______ immatriculé GE 2______, loué par ses soins, et conduit par D______. Dans le coffre dudit véhicule, la police a découvert deux sacs contenant 105 flacons de MAKATUSSIN [médicament contenant un opioïde, délivré sous ordonnance, et détourné pour ses effets psychotropes].

Entendu le même jour par la police, A______ a déclaré que les flacons de MAKATUSSIN appartenaient à D______, qui avait une ordonnance. Lui-même était dépendant de cette substance et en achetait "un peu partout". Il a contesté s'adonner à la vente de ce médicament.

Quant à D______, il a indiqué avoir acheté les flacons de MAKATUSSIN pour sa propre consommation, étant précisé qu'il en consommait entre 5 et 6 bouteilles par jour et qu'il en avait acquis une quantité importante car il partait en vacances.

a.b. Les perquisitions menées chez les deux protagonistes se sont révélées négatives. Il a par ailleurs été constaté que le téléphone portable détenu par A______ n'était pas signalé volé.

a.c. À teneur de la fiche "IPAS" figurant au dossier, le profil d'ADN de A______ a été établi à cinq reprises entre le 8 janvier 2017 et le 8 juillet 2019.

b.a. Le 19 février 2025, le Ministère public a prévenu A______ d'infraction à l'art. 19 al. 1 LStup et de consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup) pour les faits susvisés, soit d'avoir, de concert avec D______, détenu 105 flacons de MAKATUSSIN en vue de sa consommation personnelle et de la vente. Il lui est également reproché d'avoir circulé sans permis de conduire au volant du véhicule [de marque] C______ immatriculé GE 2______ entre le 29 janvier et le 18 février 2025, ainsi qu'au volant d'un autre véhicule de location C______/3______ [modèle] immatriculé GE 4______, entre le 10 et le 29 janvier 2025 (art. 95 al. 1 let. a LCR).

b.b. A______ a maintenu ses précédentes déclarations, précisant qu'il avait une "légère addiction", n'avait pas d'ordonnance et se procurait le médicament sur internet. Il était actuellement au chômage.

c. Il ressort de son casier judiciaire qu'il a été condamné à neuf reprises, entre le 12 juillet 2016 et le 2 septembre 2023, notamment pour vol simple et dommages à la propriété le 12 juillet 2016, vol simple le 21 juin 2018 et vol simple et dommages à la propriété le 8 juillet 2019, diverses infractions la LCR (dont un vol d'usage) ainsi que pour escroquerie (et tentative).

d.A______ fait également l'objet d'une procédure P/5______/2024, en cours d'instruction, dans laquelle il lui est reproché des infractions de contrainte (art. 181 CP), menaces (art. 180 CP), tentative de lésions corporelles simples (art. 123 cum 22 CP), lésions corporelles simples, tentative de lésions corporelles graves (art. 122 cum 22 CP), voies de fait (art. 126 CP), insoumission à une décision de l'autorité (art. 292 CP) et violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR).

C. Dans son ordonnance, le Ministère public considère qu'il convient d'établir le profil d'ADN du prévenu, celui-ci ayant déjà été soupçonné d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN, dès lors qu'il avait été condamné à plusieurs reprises pour vol (art. 139 CP) (art. 255 al. 1bis CPP).

D. a. Dans son recours, A______ admet avoir été condamné à trois reprises pour des vols simples. Un prélèvement d'ADN avait été effectué en lien avec sa condamnation pour vol le 21 juin 2018. Ses autres condamnations avaient majoritairement été prononcées pour des infractions à la LCR. Faute d'avoir pu consulter le dossier en l'état, il ignorait les raisons ayant conduit le Ministère public à rendre la décision querellée. Il n'était pas prévenu de vol dans la présente procédure et il n'existait selon lui aucun indice concret qu'il ait commis d'autres vols que ceux pour lesquels il avait été condamné.

b. Dans ses observations, le Ministère public relève que le recourant a été condamné six fois pour des infractions contre le patrimoine. En sus des condamnations pour vol simple, il avait été condamné le 19 février 2021 pour vol d'usage d'un véhicule automobile (art. 94 al. 1 let. a LCR) ainsi que le 10 janvier 2018 pour appropriation illégitime (art. 137 ch. 1 CP), escroquerie (art. 146 al. 1 CP), tentative d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur (art. 147 al. 1 cum 22 al. 1 CP) et tentative d'escroquerie (art. 146 al. 1 cum 22 al. 1 CP). L'établissement du profil d'ADN avait été ordonné pour élucider non pas les infractions en cours d'instruction mais d'autres actes attentatoires au patrimoine, en particulier le vol (art. 139 CP), l'intéressé ayant fait l'objet depuis 2016 de six condamnations pour des infractions contre le patrimoine, notamment des vols. Ces nombreux antécédents, auxquels s'ajoutait sa situation financière, laissaient craindre un ancrage dans la délinquance, ce qui permettait de penser qu'il pourrait être impliqué dans d'autres infractions contre le patrimoine encore inconnues des autorités et qui pourraient lui être attribuées en comparant son profil d'ADN sur les lieux de commissions.

c. Par pli du 17 mars 2025, le recourant informe la Chambre de céans qu'il a pu consulter le dossier de la procédure P/1______/2025 auprès du Ministère public, de sorte que sa conclusion préalable tendant à ce que cette autorité transmette le dossier était devenue sans objet. Il soutient ensuite qu'à sa lecture, il n'existait aucun indice sérieux justifiant l'établissement de son profil d'ADN.

d. Dans sa réplique du 21 mars 2025, il excipe que bien que son ADN a été prélevé durant la procédure ayant conduit à sa condamnation pour vol du 21 juin 2018, aucun établissement de son profil n'a été ordonné à cette occasion ni à l'occasion de la procédure ayant donné lieu à sa condamnation du 8 juillet 2019 pour vol. Il contestait par ailleurs tout ancrage dans la délinquance, preuve en était qu'il n'avait plus été condamné pour vol depuis 2019. Enfin, aucun indice sérieux ne permettait de conclure qu'il pourrait être impliqué dans d'autres infractions contre le patrimoine, de surcroît graves.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Le recourant ayant eu accès à la procédure demandée auprès du Ministère public, sa conclusion visant à qu'il soit ordonné à cette autorité de la transmettre à la Chambre de céans est devenue sans objet.

1.3. De jurisprudence constante, la motivation d'un recours doit être entièrement contenue dans l'acte de recours lui-même et ne saurait être complétée ou corrigée ultérieurement (arrêt du Tribunal fédéral 1B_183/2012 du 20 novembre 2012 consid. 2).

À considérer ainsi l'écriture spontanée du 17 mars 2025 comme un complètement du recours, elle serait irrecevable. Cette question peut cependant rester ouverte, dès lors que le recourant a pu réitérer et développer ses arguments dans sa réplique du 21 mars 2025.

2.             Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

2.1. Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).

L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d). 

2.2. Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

2.3. L'établissement d'un profil d'ADN destiné à élucider des crimes ou délits passés/futurs n'est proportionné que s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2;
145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1). Il convient à cet égard également de prendre en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).

2.4. En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN du recourant a été ordonné pour élucider, non pas les infractions en cours d'instruction, mais d'autres infractions, plus précisément des vols, dès lors qu'il avait déjà été soupçonné de la commission de tels faits.

Partant, peu importe que la perquisition en lien avec les faits présentement reprochés se soit révélée négative et que le téléphone portable dont était détenteur le recourant n'était pas signalé volé.

Il existe des indices sérieux et concrets de la commission, par l'intéressé, d'infractions (passées) au patrimoine.

Tout d'abord, il a été condamné à trois reprises pour des vols simples, dont deux avec dommages à la propriété en sus, la dernière fois le 8 juillet 2019. Si, certes, cette condamnation remonte à plus de cinq ans, ses nombreux autres antécédents (neuf au total sur une période s'étalant de juillet 2016 à septembre 2023, dont des infractions au patrimoine autres que des vols), auxquels s'ajoutent les faits pour lesquels il a été prévenu le 19 février 2025 et la procédure P/5______/2024 en cours, semblent dénoter chez lui un ancrage certain dans la délinquance.

Le fait qu'il soit actuellement sans emploi accentue ensuite la crainte qu'il pourrait être impliqué dans d'autres vols, en particulier, encore inconnus des autorités, qui pourraient lui être attribués si l'on était en mesure de comparer son profil d'ADN à des traces prélevées sur les lieux de leurs commissions.

À cet égard, contrairement à ce qu'affirme le recourant, son profil d'ADN a déjà été établi à cinq reprises entre le 8 janvier 2017 et le 8 juillet 2019, dont notamment en lien avec sa condamnation pour vol du 8 juillet 2019.

Enfin, les infractions à l'art. 139 CP susceptibles d'être élucidées revêtent une certaine gravité. Il s'agit d'ailleurs d'un des cas expressément listés par la Directive A.5 du Procureur général (cf. n. 4.3) qui justifie l'établissement d'un profil d'ADN pour les infractions passées.

Partant, la mesure querellée, dont les conditions légales sont réalisées, n'apparaît ni injustifiée ni disproportionnée.

3.             L'ordonnance attaquée sera donc confirmée.

4.             Le recourant sollicite l'assistance judiciaire et la désignation de son conseil comme défenseur d'office pour le recours.

4.1. L'art. 29 al. 3 Cst féd. soumet l'octroi d'une telle assistance à la condition que le procès soutenu par l'indigent qui la réclame ne paraisse pas dépourvu de toute chance de succès.

Tel n'est pas le cas quand les perspectives de gagner ce procès sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc pas être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter (arrêt du Tribunal fédéral 7B_68/2022 du 6 mars 2024 consid. 4.2).

4.2. En l'occurrence, on ne peut pas dire que les griefs du recourant étaient d'emblée dénués de chance de succès.

L'intéressé bénéficiant d'une défense d'office dans le cadre de la procédure P/5______/2024 à laquelle la P/1______/2025 disjointe de la présente procédure devrait être jointe, il y a lieu d'admettre l'assistance judiciaire pour le recours et de désigner à ce titre son conseil comme défenseur d'office.

La procédure n'étant pas terminée, il n'y a pas lieu de d'indemniser ce conseil à ce stade (cf. art. 135 al. 2 CPP).

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Admet l'assistance judiciaire pour recours et désigne Me B______ en qualité de défenseur d'office pour l'instance de recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et Françoise SAILLEN AGAD, juges, Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/4454/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00