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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/9702/2015

ACPR/208/2025 du 19.03.2025 sur OCL/1596/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;GESTION DÉLOYALE;COMPLICITÉ;MOTIVATION;BANQUE
Normes : CP.138; CP.25; Cst.29.al1; CPP.319

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9702/2015 ACPR/208/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 19 mars 2025

 

Entre

A______ INC., représentée par Me François CANONICA, avocat, Canonica & Associés, rue François-Bellot 2, 1206 Genève,

recourante,

 

contre les ordonnances de classement rendues le 12 novembre 2024 par le Ministère public,

 

et

B______, représentée par Me AB______, avocat,

C______, représenté par Me AC______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par actes séparés déposés le 28 novembre 2024, A______ INC. recourt contre les ordonnances (OCL/1594/2024 et OCL/1596/2024) du 12 précédent, notifiées le 18 suivant, par lesquelles le Ministère public a classé la procédure ouverte contre B______ et C______.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de ces décisions et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il engage l'accusation contre les prénommés du chef de complicité de gestion déloyale aggravée (art. 25 cum 158 ch. 1 al. 3 CP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

I. Les sociétés

a.a. A______ INC. est une société de droit des îles Vierges britanniques, dont D______ a été l'un des administrateurs jusqu'en 2015. E______ – ressortissant russe, titulaire d'un doctorat dans le domaine de management d'entreprises et actionnaire majoritaire d'une banque [russe] –, puis – à partir du 1er janvier 2015 – son fils, F______, en sont les ayants droit économiques.

a.b. G______/H______ SA est une société genevoise constituée en 1993 et ayant pour but social "les opérations de gestion, affaires mobilières, transactions commerciales, participations dans toutes affaires à l'exception des participations immobilières en Suisse". D______ en a été l'administrateur, puis – à partir de 2009 – a exercé cette fonction aux côtés de I______ et ce, jusqu'au 17 septembre 2013, date à laquelle ses pouvoirs ont été radiés.

J______ SA est une société sise à Genève, dont F______ – à partir du 6 juillet 2006 – et K______ – dès le 17 novembre 2015 – sont les administrateurs. D______ a occupé cette fonction du 13 septembre 2011 au 11 novembre 2015.

Aux dires de A______ INC., G______/H______ SA a exercé une activité de family office pour la famille E______/F______ jusqu'au 1er juillet 2013, date à laquelle J______ SA lui a succédé dans cette fonction.

a.c. Entre 2011 et fin 2013, L______, respectivement I______ et D______, ont fonctionné comme organes des sociétés genevoises M______ (SUISSE) SA et G______/N______ SA, actives dans la gestion de fortune.

O______ a exercé comme gérant de fortune au sein de la première société entre 2008 et 2012, date à laquelle il a rejoint la seconde.

a.d. P______, dont la raison sociale était précédemment Q______ (ci-après, P______ ou la Banque), est un établissement bancaire ayant son siège à Genève.

II. Les rapports contractuels

i. Des contrats conclus entre A______ INC. et les sociétés de gestion de fortune

b.a. Le 3 février 2010, A______ INC. – en sa qualité de client – et M______ SA, comme tiers-gérant, ont conclu un mandat de gestion discrétionnaire sur des comptes bancaires ouverts au nom de la première auprès des banques P______ et R______ (PP 2'015'021 ss.) [cf. B.c.a. ci-dessous]. D'après l'art. 7.4, le tiers-gérant pouvait recevoir de la Banque dépositaire des rétrocessions et des commissions, lesquelles faisaient partie de sa rétribution. Le ch. 1 de l'avenant du même jour stipulait que "[le client] déclare […] connaître les risques particuliers liés aux transactions sur changes, contrats de différence (CFD), futures, options et autres instruments financiers susceptibles d'être utilisés dans l'exécution du présent mandat et les accepter. Il se déclare conscient du fait que les opérations de trading impliquent un risque très supérieur à la moyenne, et sont susceptibles d'entraîner des pertes dépassant le montant des avoirs en compte. Il accepte également le fait que la stratégie de trading peut entraîner des volumes importants de transactions et un rythme rapide des transactions, donc des frais de transactions élevés".

b.b. Le 4 février 2011, les parties ont signé un "Investment Advice Agreement", lequel reprenait la clause des rétrocessions prévue dans le mandat de gestion de fortune (PP 2'015'033 ss).

b.c. Le 30 juin 2012, A______ INC. a résilié les mandats de gestion de fortune et de conseil en placement confiés à M______ SA et conclu, le lendemain, de nouveaux contrats, au contenu similaire, avec un autre tiers-gérant – G______/N______ SA – (PP 702'313 et 702'318).

ii. De la relation entre A______ INC. et P______

c.a. Le 23 février 2010, A______ INC. a ouvert une relation bancaire auprès de P______ à laquelle étaient rattachés les comptes no 1______ (ci-après, le compte 1______ ou le compte principal), no 2______ (ci-après, le compte 2______ ou le compte trading) et n3______ (ci-après, le compte 3______ ou le compte de prêt).


 

La documentation y afférente comprend notamment:

- un formulaire désignant D______ comme le signataire des comptes, lequel était habilité à engager la société sans aucune restriction (PP 320'001);

- un formulaire A mentionnant E______ comme ayant droit économique de la relation (PP 320'004);

- une notice relative aux risques sur les opérations de change, les métaux précieux et les options (PP 320'089 ss);

- des conditions générales relatives à la gestion des contrats d'options et de futures (PP 320'091 ss);

- un acte de nantissement général (PP 320'083) et des conditions générales applicables aux facilités de crédit pour "private banking clients" (PP 320'094);

- une procuration en faveur de M______ SA (PP 320'051) – puis, à partir de juillet 2012, conférée à G______/N______ SA (PP 320'127) – aux termes de laquelle le gérant de fortune indépendant était autorisé à accomplir, selon sa libre appréciation, tous les actes qu'il jugerait utiles à la gestion du compte. Elle précisait que: "the [c]lient expressly authorises the Representative to debit his account with the management fees due to the latter, without prejudice to the existence of any possible retrocession made by the Bank to the Representative […]. On the basis of this power of attorney, the Representative shall alone assume, in a complete and correct manner and in due time, any information duty towards the [c]lient in connection with the risks arising from the transactions hereby authorised […]. The Representative is authorised […] to himself contract commitments or credits guaranteed by the managed assets if, given the value of the latter, the cover margin required by the Bank is sufficient. The [c]lient is aware that such transactions comprise heightened risks since he is liable for reimbursing the Bank pursuant to the contracted commitments" [soit en traduction libre: "le mandant autorise le gérant à débiter son compte des frais de gestion et d'éventuelles rétrocessions versées par la Banque. Seul ce dernier a le devoir d'informer le client sur les risques liés aux opérations autorisées. Le gérant est autorisé à faire usage des lignes de crédits, garanties par les avoirs sous gestion, dans les limites des marges fixées par la Banque. Le client est conscient des risques accrus de ce type d'opérations"].

- une fiche "Profil client" aux termes de laquelle l'ayant droit économique disposait d'un degré de connaissance financière générale moyen, d'un degré de connaissance des instruments financiers élevé, et d'un niveau de risque accepté élevé (PP 320'132).

c.b. B______, directrice adjointe au département des gérants indépendants de la Banque, était chargée de la relation bancaire avec A______ INC. C______, responsable de l'équipe tiers gérants entre 2010 et 2017, était son supérieur hiérarchique. S______ était le responsable du département des tiers gérants au sein de P______ et responsable hiérarchique du dernier nommé.

c.c. Les 26 janvier et 4 mars 2011, la Banque a conféré un "droit de regard" sur les comptes bancaires à E______ et F______ (PP 320'045 s.).

iii. Contrats de partenariat entre la Banque et les gérants de fortune indépendants

d.a. Le 24 février 2010, P______ et M______ SA ont conclu un contrat de partenariat aux termes duquel "le [p]artenaire s'engage à respecter toutes ses obligations légales et contractuelles envers [les clients] […]. La Banque n'est pas tenue d'en contrôler le respect, ni de vérifier la qualité ou les risques des investissements effectués par le Partenaire pour le compte des [c]lients, le bien-fondé ou la comptabilité des ordres passés par le Partenaire avec les objectifs ou instructions des [c]lients communiqués au Partenaire même si elle en a connaissance […] [art. 2.7]. La Banque, peut rétrocéder au Partenaire une partie des produits perçus par elle sur certains postes de revenus générés par tout ou partie des [c]lients […] [art. 3.1]. Le Partenaire est seul responsable d'informer les [c]lients des rétrocessions convenues et décharge la Banque de toute responsabilité à ce sujet. La Banque se réserve d'informer les clients de l'existence de rétrocessions lorsqu'elle l'estime nécessaire afin de protéger leurs intérêts ou les siens propres [art. 3.6]" (PP 2'015'326 ss).

Par accord du même jour, les parties ont prévu des taux de rétrocessions de 50% pour divers types de commissions encaissées par la Banque, respectivement de 0,5% ou de 0,25% pour les "Finder's Fee" (PP 2'015'338).

d.b. Les 25 novembre 2011 et 5 avril 2012, la Banque a conclu avec G______/N______ SA des accords similaires à ceux susmentionnés (PP 322'485 ss).

III. De la gestion des comptes par O______

e. D'après une notice de 2010 de la Banque, la valeur totale des opérations
sur les comptes de A______ INC. s'élevait à CHF 14'436'599'450.-, dont CHF 14'252'874'717.- d'opérations de change; CHF 117'431'781.- d'opérations de bourse et CHF 66'292'952.- d'opérations hors bourse. Les frais liés aux transactions totalisaient CHF 5'862'984.- (PP 327'125 et PP 702'689).

f. Selon les estimations du compte 2______ remises par la Banque, le portefeuille présentait une perte d'USD 6'240'618.- au 28 février et d'USD 8'858'532.- au 31 mars 2011. Ces relevés incluaient une description détaillée de la composition du compte et mentionnaient la valeur de marché des positions (PP 702'637 ss et 702'661 ss).

g. Il ressort d'un tableau intitulé "28/03/2011 A______ INC. Recap" (ci-après, Tableau A______ INC. Recap) – établi par O______ – que le compte trading présentait une performance positive de 7.23% (PP 501'066). Les différentes positions mentionnées dans les relevés bancaires n'y figuraient pas.

IV. Les réunions des 4 et 28 mars 2011

h. Fin 2010 début 2011, A______ INC. a demandé une augmentation de sa ligne de crédit, ce à quoi le Comité des crédits de la Banque a répondu, dans une note du 13 janvier 2011, que "[c]ompte tenu de la montée en puissance de la relation […] il serait judicieux [de rencontrer] E______ [afin] de pouvoir se rendre compte si la stratégie suivie par [M______ SA] lui est bien connue […]" (PP 702'605 et 702'700).

C______ a précisé dans un courriel interne du 10 février 2011 que, lors de la rencontre à fixer avec l'ayant droit économique des comptes, il fallait "[c]omprendre un peu mieux quelle est son implication dans la gestion du compte A______ INC. [et] [a]border de façon délicate (pas évident) son appréciation de la gestion […] par M______ SA […]" (sic) (PP 324'462 ss).

i. D'après un compte rendu du 7 mars 2011 établi par B______, une rencontre avait eu lieu, le 4 précédent, dans les locaux de G______/H______ SA entre la précitée, D______, E______ et F______, et S______. Les employés de la Banque y avaient pu constater qu'il existait une relation de confiance particulière entre l'ayant droit économique et G______/H______ SA, les parties ayant collaboré depuis plus de 12 ans. Par ailleurs, le client – qui suivait de près la gestion effectuée par M______ SA – en était très satisfait et pensait ajouter des avoirs sur les comptes ouverts en les livres de P______. Au vu de ce qui précédait, une demande d'augmentation de la ligne de crédit – soit d'USD 53 millions à USD 90 millions – allait être présentée au Comité des crédits de la Banque.

j. Par courriel du 10 mars 2011, B______ a adressé à D______ les estimations des comptes de A______ INC. à cette date, lesquelles faisaient état des pertes sur les options de change d'USD 7'903'344.- (compte 1______) et d'USD 4'507'878.- (compte 2______) (PP 325'355-325'364).

k. Le 24 mars 2011, le Comité des crédits de la Banque a reporté l'examen de la demande d'augmentation de la ligne de crédit, retenant que "l'essentiel – sinon la totalité – des actifs déposés dans nos livres par le client correspond à de l'or physique […] avec une stratégie de couverture du risque de prix avec achat de put XAU/USD et vente de call XAU/USD, afin d'encadrer les fluctuations de l'or. Le cambiste [T______] précise alors que cette stratégie s'est avérée payante jusqu'à présent. En réponse à l'Etat-major du Métier qui souligne l'importance du volume de change traitée pour le compte du client, qui induit une forte rentabilité pour la banque en termes de commissions et pour [M______ SA] en terme de rétrocessions, le cambiste rappelle que le tiers gérant a été mandaté par le client pour conduire des opérations de change spéculatives […]. Il confirme que les marges [unitaires des transactions] sont tout à fait conformes aux pratiques usuelles du marché […]. [A]fin d'améliorer le suivi de la position et des performances du client, il est demandé de ségréguer les transactions en fonction de leur nature, en dédiant un compte aux opérations sur l'or […] et en isolant sur un autre compte les opérations de change. Il convient donc d'approcher le client pour obtenir son accord […] [et] de veiller à bien formaliser la communication périodique avec lui sur les performances des différentes stratégies engagées" (PP 501'682).

Dans un courriel du lendemain adressé à C______, U______ – responsable de la salle des marchés au sein de la Banque – a relevé qu'au jour en question, la perte sur les investissements en devises étrangères (Forex) s'élevait à USD 8 millions, ajoutant que "le meeting de lundi prochain […] devrait clarifier et confirmer la compréhension totale du ADE en ce qui concerne la performance de la gestion [forex] par [M______ SA]" (PP 325'397). En réponse, le premier nommé a confirmé avoir demandé un entretien avec M______ SA, G______/H______ SA et F______, précisant que "par le passé, lorsque le compte avait déjà une performance négative, nous en avions parlé avec [les précités] pour bien nous assurer qu'ils soient au courant" (325'399).

l. Une nouvelle rencontre s'est tenue le 28 mars 2011 dans les locaux de G______/H______ SA entre I______, O______ et des représentants de la Banque. D'après le mémo du lendemain, "il a été décidé [que] le [compte 1______] porterait sur l'or physique, à l'exception de: 466 kilos d'or, 15'000 onces et 12'500 puts qui seront transférés sur le [compte 2______] avec ligne de USD 30 Mios. Nous remettons également […] la position globale qui est faite par M______ SA à l'ADE de façon mensuelle […]" (PP 322'682).

m. Le 31 mars 2011, le Comité des crédits a admis la demande d'augmentation de la ligne de crédit à USD 90 millions, soulignant "qu'en réponse à l'État-major du Métier qui souligne à nouveau l'importance du volume de change traité pour le compte du client […], le cambiste [T______] confirme la cohérence des opérations [forex] effectuées par le tiers gérant. Il indique en outre que les opérations […] demeurent dans des proportions acceptables […]" (PP 326'015).

n. Par courriel du 4 avril 2011 adressé à B______, D______ a ratifié le mémo du 29 mars précédent (PP 325'445).


 

V. Des transferts de primes liées à des contrats d'options

o. Le 3 mai 2011, T______ – responsable du département des produits dérivés au sein de P______ – a, sur instructions de O______, demandé au "back office" de la Banque de transférer trois options "PUT CHF/USD [de 1'795'895.10; 359'179.02 et 507'981.76]" du compte 2______ vers le compte 3______, en précisant que "le transfert des primes [totalisant un montant de CHF 1'112'000.-] n'est pas nécessaire" (PP 325'612 s.)

Après avoir demandé l'approbation de S______ et de V______ – membre de l'équipe Risques Clientèle Privée au sein de la Banque –, B______ et C______ ont donné une suite favorable à cette requête (PP 325'608 ss).

Les transferts susmentionnés figuraient dans les relevés des comptes 2______ et 3______ au 31 mai 2011 établis par la Banque (PP 702'741 ss).

p. Par courriel interne du 22 janvier 2013 adressé au "back office" de la Banque et à B______, T______ a souhaité "transférer l'option [4______], sans la prime, du compte A______ INC. 2______ (trading) sur le compte A______ INC. 1______ (compte principal) suite à la demande du client", précisant que "le tiers a reçu toutes les autorisations nécessaires"; ce à quoi la dernière nommée répond: "ok pour moi" (PP 326'195).

q. Aux dires de A______ INC., des opérations similaires ont été effectuées à cinq autres reprises entre 2012 et 2013, le but poursuivi par O______ étant de distraire du compte 2______ la dette résultant des options et faire en sorte que ledit compte conserve seulement les primes – soit des bénéfices –; contribuant ainsi à augmenter de façon artificielle le solde du compte trading.

VI. Des bien-trouvés signés par l'ayant droit économique

r. Le 9 août 2013, E______ et D______ ont signé des estimations des comptes de A______ INC. au 31 juillet précédent – établies par la Banque –, lesquelles font état des performances des portefeuilles, dès 2010 (PP 322'640 ss ; 322'780 ss et 322'842 ss). Il en ressort notamment que les comptes 1______ et 2______ présentaient des pertes, au 31 juillet 2013, de 22.48%, respectivement de 125.55% (PP 322'646 et 322'786). Y figurait par ailleurs le transfert de 466 kg d'or sur le compte 2______ (PP 322'782).

D'après le mémo de la rencontre avec E______ – établi par C______ –, l'ayant droit économique du compte souhaitait poursuivre sa stratégie d'investissement dans l'actif d'or comme unique sous-jacent et avait exprimé sa satisfaction concernant les relations avec P______ (PP 326'337).

s. Le 8 septembre 2015, F______ a signé des bien-trouvés des comptes de A______ INC. au 31 août 2015 (PP 505'351).

VII. Des rétrocessions versées aux gérants externes

i. La demande de G______/H______ SA

t.a. Par courriel du 3 octobre 2011, B______ a informé W______ – responsable du service juridique au sein de P______ – avoir été contactée par M______ SA au sujet des rétrocessions versées aux tiers gérants et lui a demandé quelle serait la position de la Banque en cas de demande directe de la part du client, ce à quoi cette dernière a répondu qu'il incombait, en vertu de l'art. 400 CO, au gérant de fortune indépendant de renseigner le client à ce sujet. Cela étant, elle préconisait de saisir le service juridique de la Banque en cas de demande de ce type, ce d'autant que l'Association suisse des banquiers recommandait aux banques de renseigner les clients si ceux-ci leur en faisaient une demande expresse (PP 324'844 s.).

t.b. Le lendemain, G______/H______ SA – agissant au nom de A______ INC. – a demandé à la Banque de lui fournir toutes informations utiles concernant les rétrocessions versées à M______ SA dans le cadre de leur mandat de tiers-gérant (PP 324'803).

t.c. Du 10 au 18 octobre 2011, B______, C______ et W______ ont échangé plusieurs courriels au sujet de la portée du devoir d'information à l'égard du client (PP 324'837 ss). Il en ressort que:

-     La dernière nommée préconisait de mentionner que "[la Banque] rémunère [M______ SA] pour son activité d'apport d'affaires. À ce titre, elle lui rétrocède le 50% des revenus générés par certaines opérations du client, soit les commissions sur dépôt financiers, les courtages de bourse, le forfait administratif titres et les marges sur transactions de change/métaux. Le versement d'une commission d'apport annuelle, exprimée en % du montant des apports nets d'actifs maintenus pendant une période minimale est en outre prévu dès fin 2011. Son taux est de 0.5 si la rentabilité nette de la fortune nette considérée est supérieure à 1% respectivement de 0.25% si celle-ci est comprise entre 0,5% et 1% […]" ;

-     La première nommée recommandait de raccourcir ce texte "afin d'être en ligne avec toutes les contreparties de notre client ainsi que nos concurrents directs […]. Si le client nous revient ensuite avec une nouvelle demande plus détaillée nous pourrons reprendre la suite de ton texte qui détaille le type de postes sur lesquels nous payons des rétrocessions […]";

-     La responsable du service juridique a accepté cette recommandation et – après avoir consulté un avocat externe – est revenue avec deux nouvelles versions, celle ayant été validée par C______ et B______ ayant la teneur suivante: "[…] Notre Banque rémunère [M______ SA] pour son activité d'apport d'affaires. À ce titre, elle lui rétrocède le 50% des revenus générés par certaines opérations. Ces indications ne portent que sur les rétrocessions au sens strict et sont valables pour la période courue depuis l'entrée en relations d'affaires du client précité et notre Etablissement";

t.d. Le 19 octobre 2011, les deux sus-nommés ont fait parvenir à G______/H______ SA un courrier ayant la teneur susmentionnée (PP 500'864).

ii. La demande de J______ SA

u.a. Par courriers des 12 août et 2 septembre 2014, J______ SA – soit pour elle D______ – a demandé à P______ de lui communiquer les montants des
rétrocessions versées aux tiers gérants en lien avec les comptes de A______ INC. (PP 702'818 et 702'827).

u.b. Par plis des 1er et 9 septembre 2014, le Service juridique de la Banque a – à la suite d'échanges internes avec B______ et C______ – répondu que la Banque ne pouvait donner une suite favorable à cette demande que si le tiers-gérant n'avait pas fourni au client les informations requises. Or, il ressortait d'un courriel de I______ que G______/N______ SA avait informé A______ INC. sur les rétrocessions versées par P______ depuis la reprise du mandat le 1er juillet 2012 (PP 702'824 et 702'832 ss).

u.c. Par lettre du 3 juillet 2015, la Banque a informé J______ SA que les rétrocessions versées à M______ SA, pour la période du 4 mars 2010 au 30 juin 2012 s'élevaient à CHF 8'928'951.- et celles versées à G______/N______ SA, pour la période du 1er juillet 2012 au 30 avril 2015, à CHF 1'313'764.- (PP 702'842).

VIII. De la procédure pénale

v. À la suite de la plainte déposée par A______ INC. le 25 mai 2015 – complétée par plis des 4 et 31 août, 21 septembre, 16 octobre 2025 et 10 mai 2016 –, le Ministère public a, entre le 23 septembre 2015 et le 16 février 2023 – prévenu, entre autres, O______, I______, D______, B______ et C______ de gestion déloyale aggravée (art. 158 ch. 1 al. 1 et 3 CP), respectivement de complicité de gestion déloyale aggravée (art. 25 cum art. 158 ch. 1 al. 1 et 3 CP), reprochant en substance :

(i) au premier nommé d'avoir – entre février 2010 et juin 2015 – en sa qualité de gestionnaire au sein de M______ SA – respectivement G______/N______ SA –, alors qu'il était chargé de la gestion des avoirs de A______ INC. en les livres de P______:

-     omis d'informer le mandant de l'étendue des rétrocessions perçues par ses employeuses – ainsi que par lui-même – de la part de la Banque dépositaire, l'empêchant ainsi de connaître la quotité attendue de ces rétributions et d'en exercer son droit à la restitution;

-     effectué à l'insu du mandant des opérations bancaires sur le compte 2______ dans le but de générer des rétrocessions, dont la quotité était substantiellement plus importante que le taux usuel admis;

-     dissimulé à A______ INC. les pertes occasionnées par son activité de trading sur le compte précité dans le but d'obtenir une commission de performance indue et de continuer à gérer les avoirs, générant ainsi davantage de rétributions;

-     transféré des options Put ou Call sur les comptes 1______ et 3______, tout en créditant les primes sur le compte 2______ et ce, dans le but d'accroitre artificiellement le résultat de sa gestion sur ce dernier compte;

-     organisé à l'insu du client le transfert de 466 kg d'or physique du compte 1______ sur le compte 2______ afin de masquer une perte d'environ USD 7'300'000.- et

-     violé la limite maximale de perte fixée avec le mandant.

(ii) aux deux suivants d'avoir, entre février 2010 et juin 2015, omis d'informer A______ INC. de l'étendue des rétrocessions perçues par M______ SA et G______/N______ SA – ainsi que par eux-mêmes – de la part de P______, empêchant ainsi le mandant de connaître la quotité attendue de ces rétributions et d'exercer son droit de restitution, et

(iii) aux deux derniers nommés d'avoir, entre mars 2010 et juin 2015, intentionnellement prêté assistance à O______ en:

-          n'ayant pas renseigné A______ INC. sur les montants et pourcentages des rétrocessions versées par la Banque à M______ SA et G______/N______ SA;

-               ayant renoncé à informer le mandant – respectivement son ayant droit économique – des risques et des pertes de la gestion opérée par M______ SA et ce, malgré les recommandations à plusieurs niveaux de la Banque;

-          ayant validé, à l'insu de A______ INC., le transfert de 466 kg d'or du compte 1______ sur le compte 2______, afin de masquer une perte d'environ USD 7'300'000.- et

-          ayant autorisé la dissociation des primes et des options entre les comptes 1______ à 3______.

w. B______ et C______ ont été entendus par le Ministère public comme témoins – respectivement comme personnes appelées à donner des renseignements –, puis comme prévenus.

w.a. La première a contesté avoir commis une quelconque infraction. Elle était la responsable des comptes ouverts au nom de A______ INC., mais n'intervenait pas dans leur gestion, dans la mesure où P______ avait uniquement la fonction de banque dépositaire. Les opérations de change étaient déléguées à la table de change – composée d'une équipe, qui était mieux à même de suivre et comprendre ce genre de transactions –. Le tiers-gérant avait un pouvoir de disposition sur tous les comptes, étant précisé que la Banque ne fournissait pas de "procuration uniquement advisory".

Le 4 mars 2011, elle avait organisé un entretien avec D______ et les E______/F______, lesquels lui avaient exprimé leur satisfaction quant à la gestion des comptes de A______ INC. Elle ne pouvait pas expliquer pour quelle raison les précités n'étaient pas présents à la réunion du 28 mars suivant – tenue, selon ses souvenirs, dans les locaux de G______/H______ SA – ni ne savait pourquoi il y avait été convenu de transférer 466 kg d'or du compte 1______ sur le compte trading. D______ – lequel disposait d'un droit de signature sur les comptes – avait toutefois donné son accord le 4 avril suivant. Elle avait validé la dissociation des primes et des options entre les différents comptes, sur demande de T______, mais ne se souvenait pas avoir vérifié si le client était d'accord avec cette opération.

Lorsque la Banque décidait de renouveler les lignes de crédit, elle faisait signer à F______ les estimations des comptes, lesquelles faisaient état des résultats. Il n'y avait jamais eu d'entente pour cacher "quoi que ce soit", dans la mesure où la Banque envoyait les relevés des comptes au siège de G______/H______ SA, soit le lieu où le précité avait son bureau.

Il appartenait aux tiers-gérants d'informer les clients sur les rétrocessions perçues, de sorte que la Banque ne fournissait des renseignements à ce sujet que si le mandant lui expliquait n'avoir reçu aucun détail quant à leur existence et leur étendue. Dans le cas de A______ INC., la Banque n'avait jamais eu l'intention de cacher les rétrocessions versées, dans la mesure où elle avait finalement fourni les informations au client. La réponse du 19 octobre 2011 était conforme à l'avis du Service juridique et n'avait suscité aucune réaction de la part du client. Elle avait proposé de raccourcir la première version envoyée par la juriste "pour être en ligne avec les autres banques dépositaires du client".

Enfin, elle n'avait jamais reçu de cadeaux de la part des autres prévenus.

w.b. C______ a également contesté avoir commis une infraction. Il ne connaissait pas le mandat de gestion conclu entre A______ INC. et le tiers-gérant. Le suivi des comptes 1______ et 2______ – pour lesquels O______ avait une procuration de gestion – avait été délégué à l'équipe de la salle des marchés, laquelle était plus à même d'évaluer les risques sur les opérations de change. Le cambiste T______ était en contact quotidien avec le tiers-gérant et s'assurait de l'expérience de ce dernier en la matière.

Début 2011, à la suite des demandes d'augmentation de la limite de crédit par le tiers-gérant, le Comité des crédits avait sollicité un entretien avec l'ayant droit économique des comptes pour s'assurer que ce dernier comprenait la gestion opérée par M______ SA, ce qui avait pu être confirmé lors de la rencontre du 4 mars 2011. L'ayant droit économique était par ailleurs au courant des pertes, dans la mesure où il avait reçu les relevés bancaires des comptes de A______ INC., lesquels en faisaient état. Il ignorait pourquoi E______ et F______ étaient absents lors de l'entretien du 28 mars 2011, mais était sûr que personne ne les en avait exclus. Qui plus est, il ne ressortait pas du procès-verbal du Comité des crédits du 24 mars précédent que la confrontation avec l'ayant droit économique devait faire l'objet de ce nouvel entretien. Enfin, T______ avait confirmé lors de la réunion du Comité des crédits du 31 mars 2011 que les opérations de change étaient "cohérentes et rationnelles".

C'était O______ qui avait pris la décision de transférer 466 kg d'or sur le compte 2______. Du point de vue de la Banque, il importait peu que "le collateral" soit sur ce dernier compte – ou un autre –, dans la mesure où il s'agissait du même ayant droit économique. Par ailleurs, l'administrateur de A______ INC. avait ratifié ce transfert, lequel "ne changeait [en tout état] rien à la performance globale de ce compte". Enfin, il avait remis, en 2013, à E______ des relevés faisant état du transfert litigieux. Ce dernier était conscient de la situation et "l'assumait tout à fait".

S'agissant des rétrocessions, la Banque avait comme pratique d'encourager les clients à s'adresser à leurs tiers-gérants pour obtenir les informations, ce qui était également prévu dans les contrats de partenariat conclus avec M______ SA et G______/N______ SA. Dans le cas de la demande de A______ INC., B______ et lui-même avaient dû échanger avec W______, laquelle avait validé la version finale envoyée au client. Il ignorait si M______ SA – respectivement G______/N______ SA – avaient informé A______ INC. de l'existence des rétrocessions. Une fois que le client avait reçu les renseignements sur le pourcentage desdites rétributions, ils en avaient déduit que le tiers gérant avait fourni le détail de leurs calculs à son mandant.

x. Le Ministère public a entendu d'autres protagonistes en qualité de personnes appelées à donner des renseignements ou de témoins.

x.a. F______ a expliqué disposer d'un bureau dans les locaux de G______/H______ SA et avoir été en directe collaboration avec les représentants de cette société. C'était G______/H______ SA qui recevait les relevés bancaires. Il y avait accès, mais c'était difficile pour lui de les comprendre, au vu de leur volume.

Aux yeux de la Banque, les pouvoirs du tiers-gérant étaient les mêmes que ce soit pour les comptes sous mandat de gestion de fortune, ou pour ceux sous conseil en placement. S'agissant de ces derniers comptes, X______ – un conseiller russe de son père –, et lui-même, donnaient des instructions claires à O______ – lequel les transmettait ensuite à la Banque dépositaire –. Il [F______] avait également pour rôle de traduire les messages de O______ et de D______ à son père, ainsi qu'à X______, lesquels ne maîtrisaient ni l'anglais ni le français. Il était exact que O______ passait directement à la table des changes pour exécuter des opérations forex.

Il était à l'origine de la lettre du 4 octobre 2011 – signée par D______ – qui demandait à P______ de fournir toute information utile concernant les rétrocessions versées à M______ SA. Il avait eu connaissance de la réponse de la Banque du 19 suivant et se souvenait avoir demandé à G______/H______ SA de poser des questions complémentaires à la Banque, dont notamment celle de connaître le montant exact des rétrocessions.

Il ne se souvenait pas de la date à laquelle il avait eu connaissance de la performance négative des comptes de A______ INC. au sein de la Banque, mais c'était en tout cas au moment où O______ lui avait avoué avoir pris des positions en yens, ce qui avait entraîné des pertes dépassant les limites autorisées. Il avait signé des bien- trouvés de la Banque sur demande de D______, en qui il avait encore confiance à ce moment-là.

x.b. E______ a déclaré ne pas disposer des connaissances spécifiques dans le domaine financier. Entre 2009 et 2015, il était venu quelques fois à Genève, mais pas forcément pour discuter avec les représentants de M______ SA et G______/H______ SA. Il ignorait les relations entre A______ INC. et P______, mais, à son avis, F______ n'avait joué aucun rôle dans les avoirs déposés auprès de cette Banque. Il s'était rendu compte de la performance négative des comptes vers 2013 ou 2014. Contrairement à ce qui ressortait du procès-verbal de la Banque, il n'était pas au courant, lors de la réunion du 4 mars 2011 – à laquelle il avait participé – que sa coopération avec ses mandataires "n'allait pas du tout". Il pensait avoir été induit en erreur tant par G______/H______ SA et D______ – qui l'assuraient que tout allait bien – que par les dirigeants de la Banque. Il n'avait pas le souvenir d'avoir eu accès aux relevés bancaires. Il lui arrivait de signer des documents sans comprendre leur teneur lorsque des personnes, en qui il avait confiance, lui demandaient de le faire.

x.c. T______ a exposé avoir accompagné des clients de la Banque, dont A______ INC., sur les opérations forex. Dans ce cadre, il était chargé de suivre au quotidien les comptes des clients et d'examiner si les ordres des tiers-gérants respectaient les lignes directrices générales et les limites de crédit. B______, quant à elle, n'intervenait pas particulièrement à la table des changes, mais avait la capacité de comprendre ses tenants et aboutissants.

Le volume des transactions de A______ INC. était important, "mais pas gigantesque". Il n'avait pas le sentiment que les instructions du tiers-gérant ne suivaient pas une ligne cohérente, ni ne s'était aperçu d'opérations irrationnelles. À un moment donné de la relation, il avait fait remonter à sa hiérarchie quelques inquiétudes liées à la taille des opérations effectuées, lesquelles engendraient des commissions importantes pour le tiers-gérant. Il ne se souvenait toutefois pas avoir parlé de "churning".

Il ne se rappelait pas de ce qui avait été dit dans les réunions des 4 et 28 mars 2011. À lire le procès-verbal du second entretien, il constatait qu'il n'y était pas fait référence à la question du mandat de M______ SA. La Banque avait toutefois remis à A______ INC. les performances globales des comptes, lesquelles contenaient toutes les informations nécessaires. Il voyait par ailleurs une incohérence claire entre les relevés bancaires et le Tableau A______ INC. Recap – établi par O______ –, laquelle aurait dû être constatée par B______ – celle-ci ayant eu accès à tous ces documents.

Sur instructions de O______, il avait demandé à B______ de transférer dans les comptes 1______ et 3______ des positions optionnelles sans leurs primes correspondantes. Il ne se souvenait pas du contexte, mais l'opération – certes insolite – pouvait se justifier, dans la mesure où les comptes avaient le même ayant droit économique.

Postérieurement à son départ de P______, il s'occupait toujours des avoirs de la famille E______/F______ au sein d'une autre banque de la place.

x.d. W______ a déclaré avoir occupé le poste de responsable du service juridique au sein de P______ jusqu'en 2012. La Banque avait comme politique d'être transparente en matière des rétrocessions qu'elle percevait. Elle avait certes, dans un premier temps, répondu à B______ que P______ devait – conformément aux Recommandations de l'Association suisse des banquiers – renseigner directement le client du tiers-gérant sur les rétrocessions versées à ce dernier. Elle avait toutefois réexaminé sa réponse et avait conclu – à la lumière des normes en vigueur applicables à la Banque – qu'il était acceptable de répondre "un petit peu différemment", en se limitant à énoncer l'existence des rétrocessions et leur taux. En tout état, il fallait garder à l'esprit que l'obligation d'informer incombait au tiers-gérant. À aucun moment, elle n'avait subi des pressions de la part de B______ et de C______.

y. Par courrier du 16 février 2024, A______ INC. a exposé que l'instruction avait permis d'établir que B______ et C______ avaient violé leurs devoirs de gestion en ayant aidé activement I______ et O______ à maintenir le mandant – respectivement son ayant droit économique – dans l'ignorance des risques et des pertes résultant de la gestion des tiers-gérants. Les précités avaient ignoré les alertes des organes de la Banque, afin de favoriser le tiers-gérant, au détriment de leur propre client. Ils avaient notamment tu les montants des rétrocessions perçus par M______ SA et G______/N______ SA, et fait obstruction à toute demande concernant la connaissance du profil de risque.

À l'appui, elle a produit un rapport d'expertise du 31 janvier 2024 de Y______, Professeur de comptabilité et finance à la [haute école] Z______, duquel il ressort que "les actions des gestionnaires de fortune, consistant à dissocier la prime du contrat d'option, s'écartaient des pratiques habituelles et jetaient des doutes sur leur transparence, leurs motivations et leur respect des principes professionnels. […]. En supposant que la banque dépositaire connaissait les différents mandats entre A______ INC. et les gestionnaires de fortune, elle aurait dû s'assurer que [le mandant] était informé et comprenait les implications de ces transferts des primes".

z.a. Par avis de prochaine clôture de l'instruction du 28 mars 2024, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait classer la procédure en ce qui concernait B______ et C______, et rédiger un acte d'accusation à l'encontre des autres prévenus.

z.b. Dans le délai imparti, A______ INC. n'a pas requis l'administration de preuves complémentaires.

C. Dans les ordonnances querellées, le Ministère public a considéré que seule une éventuelle complicité des collaborateurs de la Banque à une infraction à l'art. 158 CP pouvait être envisagée, dès lors qu'ils ne disposaient pas d'un pouvoir de disposition autonome à l'égard des valeurs patrimoniales appartenant à A______ INC.

Or il n'existait aucun élément de preuve permettant d'établir que C______ et B______ auraient prêté leur assistance aux autres prévenus pour dissimuler la performance négative des tiers-gérants sur le compte dédié aux opérations de trading. En effet, il ressortait de la note de synthèse de la rencontre du 4 mars 2011 que l'ayant droit économique suivait la gestion de près et en était satisfait. Celui-ci et son fils étaient par ailleurs au bénéfice d'un droit de regard sur les comptes de A______ INC. leur permettant en tout temps de s'apercevoir des performances négatives des portefeuilles. En outre, B______ avait envoyé à l'administrateur de A______ INC., le 10 mars suivant, les relevés des comptes litigieux. Rien ne permettait enfin de retenir que les collaborateurs de la Banque auraient exclu "délibérément" l'ayant droit économique et son fils de la réunion du 28 mars 2011, ou profité de leur absence pour aider les autres prévenus à exécuter des transferts à leur insu, dans la mesure où la proposition de transférer l'or sur le compte 2______ avait été avalisée plusieurs jours après par D______.

Il en allait de même en matière de rétrocessions, aucun élément au dossier n'ayant permis d'établir une collaboration des employés de la Banque avec les autres prévenus pour dissimuler le versement desdites rétributions aux tiers-gérants. En effet, B______ et C______ s'étaient concertés avec la responsable du service juridique de la Banque pour envoyer à A______ INC. "une réponse courte et limitée au strict nécessaire", ce qui n'était pas assimilable à un acte de dissimulation. En tout état, l'obligation d'information incombait uniquement aux tiers-gérants et non à la Banque.

D. a. Dans ses recours, A______ INC. se prévaut d'une constatation erronée des faits, d'un déni de justice – à défaut pour le Ministère public d'avoir traité la question de la dissociation des primes et des contrats d'options – et d'une violation du principe "in dubio pro duriore", les éléments constitutifs des infractions aux art. 25 cum 138 al. 1 ch. 3 CP étant selon elle réalisés.

En premier lieu, C______ et B______ avaient tu au mandataire les pertes engendrées par le tiers-gérant et ce, alors que le Comité des crédits de la Banque leur avait expressément demandé d'informer l'ayant droit économique de la gestion et des résultats négatifs qui en découlait. Ils avaient également prêté leur assistance aux autres prévenus en ayant – contrairement aux recommandations dudit Comité – validé le transfert de l'or sur le compte 2______ et ce, afin de dissimuler la performance négative de ce compte et de continuer à bénéficier de commissions importantes. Contrairement à ce que soutenait le Ministère public, il était invraisemblable que l'ayant droit économique ait été confronté – lors de la réunion du 4 mars 2011 – au résultat de la gestion et, pire, ait exprimé sa satisfaction pour une perte de près de 33% de la valeur du portefeuille. Lesdites pertes n'avaient pas non plus été discutées lors de la réunion du 28 suivant – laquelle s'était déroulée en l'absence de l'ayant droit économique et du signataire du compte – ni ne figuraient dans le courriel du 31 mars 2011 envoyé à D______. En tout état, les collaborateurs de la Banque ne pouvaient pas se limiter à informer ce dernier – au vu des conflits d'intérêts le touchant – mais devaient prendre contact directement avec l'ayant droit économique et son fils.

En deuxième lieu, alors qu'ils connaissaient les différents mandats sur les comptes litigieux, les employés de la Banque avaient validé les ordres de O______ de dissocier les primes et les contrats d'options, ce qui avait eu pour effet d'accroitre artificiellement la performance du compte trading et de rendre très difficile la compréhension des risques sur les opérations effectuées. Comme il ressortait du rapport du Prof. Y______, lesdits ordres – insolites et inhabituels – devaient être refusés.

Enfin, B______ et C______ avaient – contrairement à l'avis du service juridique et des recommandations de l'Association suisse des banquiers – délibérément caché au mandataire les montants des rétrocessions versées aux tiers-gérants. Rien ne permettait de déduire que les mandataires auraient été informés par M______ SA et G______/N______ SA. Ce n'était qu'à la suite du dépôt de la plainte pénale que la Banque lui avait communiqué le montant des rétrocessions.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut, sous suite des frais, au rejet des recours. S'il n'avait certes pas mentionné expressis verbis le complexe de faits visant la dissociation des primes et des contrats d'options, les griefs reprochés aux employés de la Banque – soit d'avoir renoncé à informer la recourante des pertes intervenues et dissimulé les résultats de la gestion – avaient néanmoins été abordés dans les ordonnances querellées.

c. Dans leurs observations respectives, B______ et C______ concluent, sous suite de frais et dépens chiffrés, au rejet des recours.

Il ressortait des pièces versées au dossier que le tiers-gérant était seul responsable d'informer son client des rétrocessions perçues par la Banque dépositaire. À la suite d'un examen interne, ils avaient, quand bien même, répondu par courrier du 19 octobre 2011, ce qui n'avait suscité aucune réaction de la part de G______/H______ SA, ni de l'ayant droit économique. Le service juridique de la Banque s'était ensuite chargé de donner suite aux demandes ultérieures de A______ INC.

Par ailleurs, ils n'avaient pas eu connaissance des agissements des autres prévenus, ni n'avaient cherché d'une quelconque manière à cacher au mandataire la performance négative du tiers-gérant. Bien au contraire, le client avait parfaitement connaissance de l'état des comptes et recevait de manière régulière les relevés. Dès les 26 janvier et 4 mars 2011, l'ayant droit économique – respectivement son fils – bénéficiaient d'un accès aux estimations des comptes, lesquelles faisaient état des performances négatives. Qui plus est, à la suite de la réunion du 4 mars 2011 – lors de laquelle l'ayant droit économique s'était montré satisfait de la gestion –, elle [B______] avait fait parvenir au signataire des relations les performances globales des comptes, puis la décision relative au transfert d'or sur le compte trading. Le 31 juillet 2013, le précité et l'ayant droit économique avaient, de surcroît, signé des biens- trouvés, lesquels faisaient état des résultats des comptes et du transfert précité. Au vu de leurs parcours professionnels et académiques, l'ayant droit économique et son fils – appuyés également par un conseiller en Russie – disposaient de toutes les compétences pour comprendre la documentation bancaire.

Enfin, une dissociation des primes et des options était autorisée, dans la mesure où les comptes avaient le même ayant droit économique. En tout état, les demandes émanaient du cambiste et ils [les intimés] n'avaient pas de pouvoir décisionnel.

d. La recourante réplique et persiste dans ses conclusions, ainsi que dans son argumentation. L'ayant droit économique et son fils ne disposaient pas de connaissances approfondies en matière financière. En tout état, les manœuvres frauduleuses – favorisées par les employés de la Banque – étaient difficilement décelables, même pour un investisseur averti. En outre, le droit de regard n'avait jamais été déterminant pour E______ et F______, dans la mesure où ceux-ci avaient confié la gestion de leurs avoirs à un tiers-gérant. Enfin, s'agissant de la dissociation des primes et des options, même si l'ayant droit économique était le même pour les différents comptes, ceux-ci étaient régis par des types de mandats différents, ce que les employés de la Banque savaient parfaitement.

EN DROIT :

1.             Vu leur connexité évidente, les deux recours seront joints et traités en un seul arrêt.

2.             Les recours sont recevables pour avoir été déposés selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner des ordonnances sujettes à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation des décisions querellées (art. 382 al. 1 CPP).

3.             La recourante déplore une constatation erronée des faits. Dans la mesure où la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1), les éventuelles constatations incomplètes ou erronées auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

Partant, le grief sera rejeté.

4. La recourante reproche au Ministère public un déni de justice.

4.1. Commet un tel déni, prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst. féd., le magistrat qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinent pour l'issue du litige (arrêt du Tribunal fédéral 1B_191/2022 du 21 septembre 2022 consid. 4.1).

La garantie du droit d'être entendu, déduite de l'art. 29 al. 2 Cst., impose à l'autorité de motiver ses décisions, afin que les parties puissent les comprendre et apprécier l'opportunité de les attaquer, et que les autorités de recours soient en mesure d'exercer leur contrôle (ATF 136 I 229 consid. 5.2; 135 I 265 consid. 4.3; 126 I 97 consid. 2b). Il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs fondant sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause; l'autorité peut se limiter à ne discuter que les moyens pertinents, sauf être tenue de répondre à tous les arguments qui lui sont présentés (ATF 129 I 232 consid. 3.2; 126 I 97 consid. 2b; 124 II 146 consid. 2a;
124 V 180 consid. 1a).

Ce manquement peut toutefois être réparé devant la juridiction supérieure qui dispose d'un plein pouvoir d'examen, pour autant que l'autorité intimée ait justifié et expliqué sa décision dans un mémoire de réponse et que le recourant ait eu la possibilité de s'exprimer sur ces points dans une écriture complémentaire (ATF 125 I 209 consid. 9a p. 219). La Haute cour admet également la réparation d'une violation du droit d'être entendu, y compris en présence d'un vice grave, lorsqu'un renvoi à l'instance inférieure constituerait une vaine formalité, respectivement aboutirait à un allongement inutile de la procédure, incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 145 I 167 consid. 4.4).

4.2. En l'espèce, le Ministère public n'a certes pas mentionné dans les ordonnances querellées le complexe de faits visant la dissociation des primes et des contrats d'options par le prévenu O______. Il a tout de même considéré qu'il n'existait aucun élément de preuve permettant d'établir que les collaborateurs de la Banque auraient prêté assistance aux autres prévenus pour dissimuler la performance négative des tiers-gérants. Au contraire, l'ayant droit économique bénéficiait d'un droit de regard sur les comptes et était au courant des pertes issues de la gestion. Il ressort de l'argumentation développée par la recourante dans ses écritures qu'elle a compris la motivation, même succincte, relative audit complexe de faits, des décisions querellées, de sorte que le grief doit être rejeté.

En tout état, un renvoi de la cause au Ministère public constituerait une vaine formalité, au vu des raisons qui seront exposées ci-après.

5. La recourante reproche au Ministère public de n'avoir pas retenu que B______ et C______ s'étaient rendus coupables de complicité de gestion déloyale aggravée.

5.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore", qui découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ne peut être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer
(ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; ATF 138 IV 86 consid. 4.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_874/2017 du 18 avril 2018 consid. 5.1).

5.2.1. L'art. 158 CP punit le gérant d'affaires qui, en agissant avec (ch. 1 al. 1) ou sans mandat (ch. 1 al. 2), viole les devoirs auxquels il est tenu et, ce faisant, porte atteinte aux intérêts pécuniaires du tiers pour le compte duquel il intervient. Le cas de gestion déloyale aggravé est réalisé lorsque l'auteur a agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (ch. 1 al. 3).

5.2.2. Celui qui participe à l'infraction à l'art. 158 CP sans toutefois revêtir la qualité de gérant peut être poursuivi au titre de complice (art. 25 et 26 CP; A. MACALUSO/ L. MOREILLON/ N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 7 ad art. 158).

La complicité n'est punissable que si l'acte commis par l'auteur principal réalise les éléments constitutifs d'une infraction et s'avère en outre illicite (principe dit de l'accessoriété limitée; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1079/2010 du 3 mars 2011 consid. 4.2).

5.2.3. Le complice est un participant secondaire qui prête assistance pour commettre un crime ou un délit (art. 25 CP). La complicité suppose que le participant ait apporté à l'auteur principal une contribution causale à la réalisation de l'infraction, de telle sorte que les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cette contribution. La contribution du complice est subordonnée: il facilite et encourage l'infraction. Il n'est pas nécessaire que l'assistance du complice ait été une condition sine qua non de la réalisation de l'infraction. Il suffit qu'elle l'ait favorisée. Elle peut être matérielle, intellectuelle ou consister en une simple abstention ; la complicité par omission suppose toutefois une obligation juridique d'agir, autrement dit une position de garant (ATF 132 IV 49 consid. 1.1 p. 51-52 ; 121 IV 109 consid. 3a p. 119-120 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_72/2009 du 20 mai 2009 consid. 2.1.). La seule approbation de l'infraction commise par un tiers ne constitue pas un acte de complicité (ATF 113 IV 83 consid. 4). N'importe quelle obligation juridique ne suffit pas. Il faut que l'auteur se soit trouvé dans une situation qui l'obligeait à ce point à protéger un bien déterminé contre des dangers indéterminés (devoir de protection), ou à empêcher la réalisation de risques connus auxquels des biens indéterminés étaient exposés (devoir de surveillance), de sorte que son omission peut être assimilée au fait de provoquer le résultat par un comportement actif (art. 11 al. 2 et 3 CP ;
ATF 136 IV 188 consid. 6.2 ; ATF 134 IV 255 consid. 4.2.1 et les références citées).

Subjectivement, il faut que le complice sache ou se rende compte qu'il apporte son concours à un acte délictueux déterminé et qu'il le veuille ou l'accepte. À cet égard, il suffit qu'il connaisse les principaux traits de l'activité délictueuse qu'aura l'auteur, lequel doit donc avoir pris la décision de l'acte. Le dol éventuel suffit (ATF 132 IV 49 consid. 1.1 p. 51-52 ; 121 IV 109 consid. 3a p. 119-120).

5.2.4. Il y a dol éventuel lorsque l'auteur envisage le résultat dommageable ou la réalisation de l'infraction et passe néanmoins à l'action, car il accepte le résultat au cas où il se produirait et s'en accommode, même s'il ne le souhaite pas. Il s'agit d'une forme d'intention, qui se distingue de la négligence consciente sur le plan volitif, non pas cognitif. Dans les deux cas, l'auteur est conscient que le résultat illicite pourrait se produire, mais, alors que celui qui agit par négligence consciente escompte qu'il ne se produira pas, celui qui agit par dol éventuel l'accepte pour le cas où il se produirait. Parmi les éléments extérieurs permettant de conclure que l'auteur s'est accommodé du résultat dommageable pour le cas où il se produirait figurent notamment la probabilité (connue par l'auteur) de la réalisation du risque et l'importance de la violation du devoir de prudence. Plus celles-ci sont grandes, plus sera fondée la conclusion que l'auteur, malgré d'éventuelles dénégations, avait accepté l'éventualité de la réalisation du résultat dommageable. Peuvent également constituer des éléments extérieurs révélateurs les mobiles de l'auteur et la manière dont il a agi (ATF 134 IV 26 consid. 3.2.2 et 3.2.3 p. 29; 125 IV 242 consid. 3c in fine p. 252).

5.2.5. Le devoir d'information d'une banque à l'égard de son client est plus ou moins étendu selon le type de contrat qui les lie – gestion de fortune, conseil en placement ou simple compte/dépôt bancaire – (arrêt du Tribunal fédéral 4A_54/2017 du 29 janvier 2018 consid. 5.1.2 à 5.1.4). Dans ce dernier cas de figure (execution only), la banque n'a pas, en présence d'un gérant externe au bénéfice d'une procuration donnée par le client, à rendre attentif ce dernier aux risques élevés qu'il encourt, ni à requérir son autorisation avant d'exécuter les opérations demandées par le gérant; en effet, le banquier n'est pas le tuteur de son client et il doit, en principe, exécuter les ordres licites qui lui sont donnés; il n'y a de devoir d'information que dans des situations exceptionnelles, soit lorsque la banque, en faisant preuve de l'attention requise, a reconnu ou aurait dû reconnaître que le client n'a pas identifié un danger lié au placement, ou lorsqu'un rapport particulier de confiance s'est développé dans le cadre d'une relation d'affaires durable, en vertu duquel le client peut, sur la base des règles de la bonne foi, attendre conseil et mise en garde de la banque, même s'il n'a rien demandé (ATF 133 III 97 consid. 7.1.1 et 7.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4C_366/2004 du 4 novembre 2005 consid. 3.1).

5.2.6. En vertu de l'art. 400 al. 1 CO, le mandataire est tenu, à la demande du mandant, de lui rendre en tout temps compte de sa gestion et de lui restituer tout ce qu'il a reçu de ce chef, à quelque titre que ce soit. L'obligation de rendre compte a pour but de garantir le respect de l'obligation de diligence et de fidélité du mandataire (art. 398 al. 2 CO) et de sauvegarder les intérêts du mandant. Elle a pour objet non seulement ce que le mandataire a reçu du mandant ou a lui-même créé, mais également ce qu'il a reçu de tiers, y compris les avantages indirects, telles que les rétrocessions, lorsqu'ils sont intrinsèquement liés au mandat (comme résultat indirect de l'exécution du mandat) (ATF 143 III 348 consid. 5.1.2 et les références citées; 138 III 755 consid. 4.2; 137 III 393 consid. 2.1).

L'information sur les rétrocessions versées par une banque dépositaire à un tiers-gérant ne constitue pas un élément nécessaire au contrôle de l'activité du mandataire et, partant, cette information n'entre pas dans le champ d'application de l'art. 400 CO. Le mandant doit donc s'adresser directement au tiers-gérant pour obtenir des informations à ce sujet (arrêt du Tribunal fédéral 4A_436/2020 du 28 avril 2022 consid. 7.5.2).

5.3.1. En l'espèce, la recourante reproche aux intimés de ne pas l'avoir informée des pertes réalisées sur ses relations bancaires par les tiers-gérants et d'avoir collaboré avec les autres prévenus pour dissimuler la performance négative de ses portefeuilles.

Force est de constater qu'aucun élément concret ne permet de conclure que les collaborateurs de la Banque auraient à un quelconque moment accepté de prêter assistance à des actes de gestion déloyale dont est soupçonné O______, ni même envisagé cette possibilité.

En effet, il ressort de l'instruction que la recourante recevait les relevés bancaires, lesquels faisaient état des résultats de ses comptes, étant précisé que P______ – agissant comme banque dépositaire, sans être au bénéfice d'un mandat de gestion discrétionnaire – n'était pas tenue à une sauvegarde générale des intérêts du mandant ni à le conseiller sur les développements probables des investissements choisis ou sur les mesures à prendre pour limiter les risques. En outre, l'ayant droit économique, et son fils, se sont vu octroyer un droit de regard sur les comptes au nom de A______ INC., le dernier nommé ayant – de ses propres aveux – eu accès aux documents bancaires dans les locaux de G______/H______ SA. Certes, l'ayant droit économique de la recourante a contesté avoir été informé des résultats de la gestion lors de la réunion du 4 mars 2011. Cela étant, B______ a envoyé, le 10 suivant, à l'administrateur de l'époque de la recourante, des estimations des portefeuilles, lesquelles faisaient état des pertes sur les comptes 1______ et 2______. Que l'administrateur en question ait été – selon la recourante –, en tant que signataire de A______ INC. et administrateur du G______/H______ SA, en situation de conflit d'intérêts ne change rien, dès lors que rien ne permettait de retenir que les collaborateurs de la Banque savaient – ou auraient dû savoir – que D______ ne transmettait pas ces informations à l'ayant droit économique et son fils. Enfin, E______ et F______ ont signé, en 2013 et en 2015, les biens-trouvés bancaires, qui renseignaient également sur les résultats des comptes. Quoi qu'en dise la recourante, le premier nommé – au vu de son parcours professionnel et économique – disposait de toutes les compétences pour comprendre la documentation bancaire. Il en allait de même du dernier nommé, lequel a déclaré avoir donné, de concert avec X______, des instructions à O______ sur des investissements à effectuer.

Rien ne permet non plus de retenir que les intimés auraient exclu E______ et F______ de la réunion du 28 mars 2011, qui plus est, dans le but allégué de valider à leur insu le transfert de 466 kg d'or sur le compte 2______. En effet le procès-verbal de cette réunion a été ratifié par D______ le 4 avril suivant. De même, le transfert litigieux figurait dans les biens-trouvés de 2013, lesquels ont été signés par l'ayant droit économique des comptes.

On ne saurait enfin reprocher aux intimés d'avoir prêté leur concours à O______ dans des opérations de dissociation des primes et des options et ce, dans le but d'accroitre artificiellement la performance du compte 2______. Il ressort en effet des courriels de la Banque que les transferts ont été validés par les responsables de la salle des marchés – lesquels avaient comme tâche d'examiner si les ordres des tiers gérants étaient conformes aux lignes directrices de la Banque – et par un membre de l'équipe des risques, au motif que les comptes litigieux avaient le même ayant droit économique. Que deux de ces comptes aient fait l'objet d'un mandat de conseil en placement ne changeait rien aux yeux de la Banque, dès lors que le tiers gérant avait une procuration sur toute la relation bancaire. Qui plus est, il ressort des déclarations de F______ que, s'agissant des comptes sous mandat de conseil en placement, lui-même et X______ donnaient des instructions à O______, lequel les transmettait ensuite à la Banque dépositaire.

5.3.2. La recourante semble reprocher aux intimés d'avoir prêté leur concours à O______ dans des opérations de barattage ("churning"). Or, dans la mesure où les collaborateurs de la Banque n'ont jamais été prévenus de ces faits, le grief invoqué pour la première fois dans le cadre du recours est irrecevable.

Cela étant, rien ne permet de considérer ici que les intimés disposaient d'éléments pour soupçonner M______ SA et G______/N______ SA d'agir au détriment de la recourante. Ainsi, ils n'étaient pas en mesure de détecter si les opérations effectuées étaient nécessaires pour respecter ou atteindre les objectifs de placement poursuivis et si elles étaient économiquement pertinentes, dès lors que le tiers-gérant passait les ordres directement à la salle des marchés. En outre, il ressort de la décision du Comité des crédits du 31 mars 2011 que les opérations de change étaient cohérentes et demeuraient dans des proportions acceptables.

5.3.3. Enfin, aucun élément ne permet de retenir que les intimés auraient accepté de prêter assistance aux autres prévenus pour dissimuler les rétrocessions perçues par les tiers gérants.

Conformément à la jurisprudence sus-rappelée, il incombe au gérant externe – et non pas à la Banque dépositaire – d'informer les mandants sur les rétrocessions que celle-ci aurait versées à celui-là. Par ailleurs, les réponses envoyées à la recourante ont été validées par le service juridique de la Banque, ce qui ressort également de l'audition de sa responsable. Qui plus est, le courriel du 19 octobre 2011 n'a suscité aucune réaction de la part de la recourante. Enfin, les intimés ont communiqué, en 2015, à la recourante les montants des rétrocessions versées aux tiers gérants.

6. Justifiées, les ordonnances querellées seront donc confirmées.

7. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 3'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), eu égard au travail généré par le présent arrêt.

8. Les intimés, qui obtiennent gain de cause, peuvent prétendre à l'octroi de dépens (art. 429 al. 1 let. a cum art. 436 al. 1 CPP).

8.1. Lors de la fixation de l'indemnité, le juge ne doit pas avaliser purement et simplement les notes d'honoraires qui lui sont le cas échéant soumises, mais, au contraire, examiner si l'assistance d'un conseil était nécessaire puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conforme au tarif pratiqué, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (ACPR/232/2023 du 29 mars 2023 consid. 7.1).

La Cour de justice applique au chef d'étude un tarif horaire de CHF 450.- (arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 = SJ 2012 I 172; ACPR/279/2014 du 27 mai 2014) et pour les collaborateurs, un taux horaire de CHF 350.- (AARP/65/2017 du 23 février 2017).

8.2.1. En l'occurrence, C______ conclut à l'octroi d'une indemnité de CHF 16'764.05, correspondant à des courriels, des téléphones et des entretiens, ainsi qu'aux activités nécessaires à la rédaction des observations, pour un total de 9h15 au tarif de CHF 600.- et de 25h55 au tarif de CHF 380.-.

Ce temps est excessif. Il sera ramené à 11h au tarif collaborateur de CHF 350.- – respectivement à 5h au tarif d'associé de CHF 450.- –, durée qui apparaît raisonnable et suffisante pour la rédaction d'un mémoire de 48 pages (pages de garde et de conclusions comprises), d'une teneur largement identique aux observations de l'autre intimée. Qui plus est, son conseil était déjà intervenu devant l'autorité précédente et le dossier lui était donc connu.

Une somme de CHF 6'100.- lui sera, ainsi, allouée (11h x CHF 350.- et 5h x CHF 450.- ), hors TVA, vu son domicile à l'étranger (ATF 141 IV 344 consid. 4).

8.2.2. B______ conclut à l'octroi d'une indemnité de CHF 18'214.85 pour la rédaction de ses observations, soit un total d'activité de 5h au tarif demandé de CHF 450.- et de 36h au tarif de CHF 400.-.

L'activité annoncée apparaît excessive pour une écriture de 64 pages (pages de garde et de conclusions comprises), dont seulement sept sont consacrées à la discussion juridique; ce d'autant qu'elle reprend pour l'essentiel l'argumentation développée devant le Ministère public.

L'indemnité sera donc arrêtée ex aequo et bono à CHF 6'756.25 correspondant à 3h d'activité, au tarif de CHF 450.- (associé), et 14h au tarif de CHF 350.- (collaborateur), TVA (8.1%) incluse, laquelle apparaît suffisante.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Joint les recours.

Les rejette.

Condamne A______ INC. aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 3'000.-.

Alloue à C______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 6'100.- TTC, pour la procédure de recours.

Alloue à B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 6'756.25, TVA à 8.1% incluse, pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux parties, soit pour elles leurs conseils respectifs, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Catherine GAVIN juges, Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF.
Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à
La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/9702/2015

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

2'895.00

Total

CHF

3'000.00