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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7977/2023

ACPR/61/2025 du 21.01.2025 sur ONMMP/4626/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;DIFFAMATION;CALOMNIE;DÉNONCIATION CALOMNIEUSE
Normes : CPP.310; CP.173; CP.174; CP.303

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7977/2023 ACPR/61/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 21 janvier 2025

 

Entre

A______, représenté par Mes B______ et C______, avocats,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 17 octobre 2024 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 1er novembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 17 octobre précédent, notifiée le 22 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et à l'ouverture d'une instruction. Il sollicite, en outre, d'être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite.

b. Le recourant a été dispensé de verser les sûretés (art. 383 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 16 février 2023, D______ s'est présentée à la police pour relater des faits de violences sexuelles qu'elle aurait subis de la part de A______.

Elle l'avait rencontré sur internet en décembre 2022, alors qu'elle vivait au Brésil, où elle avait été victime d'un viol en 2017. Il lui avait rapidement demandé de venir en Suisse, lui offrant le billet d'avion. Elle était arrivée à Genève le 20 janvier 2023. Les deux premiers jours, ils avaient eu des relations sexuelles "normales". Il se montrait toutefois très tactile, face à quoi elle était empruntée en raison de son expérience passée. Le deuxième jour, il avait voulu des rapports toutes les trente minutes ainsi que des pratiques auxquelles elle s'était opposée. En réponse, il lui disait qu'elle devait "s'occuper de lui", "lui donner [s]a chatte" et que si elle n'avait pas envie, elle pouvait "le sucer".

Le troisième jour, elle avait attrapé une infection parce qu'il "faisait vraiment le cochon", comme lui "sucer [s]on vagin" alors qu'elle refusait. Il ne respectait pas son choix et finissait toujours pas avoir ce qu'il voulait. En raison de cette infection, elle faisait "pipi bleu". A______ l'avait accompagnée chez un médecin qui avait prescrit des antibiotiques. Lors de la visite médicale, l'intéressé avait déclaré devant le médecin que "c'était dommage [l'infection], car il ne pouvait plus [l]'utiliser".

Même s'il ne lui avait pas mis "un pistolet sur la tête, ni un couteau", il l'avait quand-même obligée à lui faire des "choses sexuelles", alors qu'elle ne le voulait pas. Il utilisait surtout du chantage émotionnel. Comme le médecin avait expliqué que son infection était contagieuse, la situation s'était calmée.

Elle s'était confiée à la fille de A______, E______, née le ______ 2000, qui l'avait encouragée à ne pas accepter le comportement de son père. D'autres ex-copines de ce dernier avaient déjà fait part à E______ de "choses dégeulasses" sur lui.

Elle n'avait eu des relations sexuelles consenties que le premier jour. Dès le deuxième, A______ faisait trop de demandes. Les derniers rapports intimes remontaient à trois semaines environ, soit avant l'infection. Depuis lors, il essayait encore notamment de lui toucher les fesses, mais elle le repoussait.

Elle cherchait de l'aide car elle voulait un endroit "en sécurité", le temps de trouver un travail ou de pouvoir retourner au Brésil.

À la question de savoir si elle effectuait ces démarches pour pouvoir quitter le logement ou si elle souhaitait réellement déposer plainte contre A______, elle a confirmé ce deuxième point car elle n'était pas d'accord avec ce qu'il lui avait fait subir.

Si elle semblait heureuse sur les photographies [la police ayant parcouru avec elle sa conversation WhatsApp avec A______], c'était parce qu'il n'y avait pas de problème, hormis au niveau sexuel.

Elle n'a pas su répondre à la question de savoir si elle voulait déposer plainte. Tout ce qu'elle voulait, c'était de ne pas retourner chez A______ pour être confrontée à lui. Elle préférait se "laisser le droit de déposer plainte ultérieurement".

b. Le même jour, la police a entendu E______, qui a déclaré qu'après l'arrivée de D______, elle l'avait aidée, avec son père, pour trouver un emploi. Elle s'était très vite bien entendue avec la précitée et la relation de celle-ci avec A______ semblait "parfaite" au début. La deuxième semaine, son père et D______ avaient commencé à s'éloigner et à "s'embrouiller", parce que celle-ci voulait un travail, un appartement et pouvoir ramener ses enfants. D______ voulait aussi sortir car elle était "enfermée dans la maison" comme dans "une prison", même si A______ ne l'empêchait pas de partir seule.

D______ s'était confiée à elle, lui disant que A______ "la touch[ait] alors qu'elle ne [voulait] pas" et exigeait des "trucs dégeulasses au niveau sexuel". L'ex-compagne de son père, contre qui ce dernier avait porté plainte car elle l'avait frappé, lui avait déjà tenu un discours similaire. Elle avait assisté D______, qui cherchait à quitter le domicile. Elles avaient été guidées vers F______ [association caritative], pour obtenir un logement d'urgence ou pour se renseigner sur la possibilité d'un retour au Brésil. Son père était venu discuter avec elle pour savoir pourquoi D______ voulait partir, soutenant qu'il ne comprenait pas ce choix car lui n'avait rien fait pour le justifier.

c. Le lendemain, la police a entendu A______, qui a contesté l'intégralité des faits reprochés.

Lors de leurs premiers échanges sur internet, il avait rapidement eu un "feeling" avec D______. Il avait toutefois eu peur d'être "utilisé", comme pour les "mariages blancs". Après l'arrivée de la précitée, il avait effectué toutes les démarches, notamment pour lui permettre de trouver un travail. Il l'avait également emmenée faire des balades dans Genève, alors même qu'en raison de problèmes de dos, la marche lui était difficile. Sur les photographies prises ensemble, D______ était "tout sourire". Il connaissait l'histoire du viol subi par cette dernière et l'avait même encouragée à consulter à ce sujet.

Déjà au Brésil, D______ lui disait avoir "la chatte qui la brûlait". Une fois à Genève, ils avaient fait l'amour le jour-même, puis le lendemain. Après, toute relation était devenue impossible en raison de l'infection urinaire. Il l'avait accompagnée chez le médecin. Comme elle ne connaissait pas Genève, il lui arrivait fréquemment de l'accompagner à divers endroits, notamment lors des rendez-vous médicaux. Après quelque temps, la sentant distante, il avait essayé de discuter et D______ lui avait déclaré qu'elle ne se sentait pas prête à être en couple.

Leur première relation sexuelle datait du 20 janvier 2023 et la seconde, du lendemain. Il avait "respecté son intimité" dès qu'elle avait eu son infection.

d. La police a également entendu G______, médecin, qui a expliqué avoir reçu D______ et A______ pour l'infection urinaire de la prénommée. Une deuxième consultation avait suivi, dix jours après la première, laquelle datait de la fin du mois de janvier 2023. Il avait prescrit des antibiotiques à D______, laquelle était toujours accompagnée de A______. Lors des rendez-vous, il voyait "un couple", se faisant des sourires lors de questions sur la sexualité. Aucun des deux ne semblait mal à l'aise. A______ n'avait pas affirmé devant lui qu'il ne pourrait plus "utiliser" D______.

e. Le 7 février 2024, le Ministère public a ouvert une instruction contre A______, des chefs d'infraction de viol et contrainte sexuelle.

f. Le 13 suivant, le Ministère public a tenu une audience hors confrontation directe. Le procès-verbal mentionne que l'audience "ne porte[rait] que sur les faits reprochés à A______. La contre-plainte de A______ à l'encontre de D______ sera[it], le cas échéant, instruite ultérieurement".

D______ a confirmé son souhait de participer à la procédure comme partie plaignante et déclaré que les rapports intimes du premier jour étaient consentis. A______ avait voulu prendre des photos, encore nus après l'acte. Le deuxième jour, elle avait commencé à s'inquiéter et à se poser des questions. A______ voulait tout le temps faire l'amour et lui toucher les parties intimes. Au troisième jour, son infection urinaire avait débuté. À partir de ce moment, elle n'était "plus […] d'accord du tout d'avoir des relations sexuelles". Elle estimait avoir été "contrainte sexuellement" à trois reprises, toutes étant survenues le 23 janvier 2023, d'abord entre 10h00 et 12h00, ensuite vers 15h00 et enfin, le soir. Sur le moment, elle avait laissé faire A______, "sans rien dire", ni faire, lui manifestant uniquement un "refus verbal".

A______ a expliqué avoir eu des relations sexuelles avec D______ les deux premiers jours. Pour lui, cette dernière avait agi de la sorte (en déposant plainte contre lui) pour pouvoir plus quitter le logement rapidement.

g. Le 23 février 2023, A______ a transmis au Ministère public plusieurs photographies pour démontrer les "incohérences flagrantes" et les "contradictions ahurissantes" dans les déclarations de D______.

Les clichés montrent notamment A______ et D______ nus dans un lit, ou encore la précitée, souriante, en divers lieux touristiques de Genève.

h. Le 27 février 2023, A______ a porté plainte contre D______ pour "diffamation, respectivement calomnie", expliquant que les faits dont elle l'accusait n'étaient pas véridiques.

i. Entendue en qualité de prévenue le 10 mars 2023, D______ a confirmé "sa plainte" et ses déclarations à la police.

j. Selon le rapport de renseignements de la police du 6 avril 2023, D______ avait, à l'issue de son audition, fait comprendre qu'elle désirait trouver un nouveau logement. F______ avait expliqué à la précitée que pour trouver une place en foyer – et non en hébergement d'urgence –, il était utile de déposer une plainte. D______ était vraisemblablement retournée auprès de cet organisme après le dépôt de sa plainte car elle logeait dorénavant à une autre adresse que celle de A______.

k. À la demande du Ministère public, le Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après: CURML) a reçu D______ pour un examen médico-légal.

Il ressort de l'expertise du 24 mai 2024 que l'intéressée avait déjà été auscultée par les Hôpitaux universitaires de Genève le 15 février 2023, sur conseil de la police. À cette occasion, elle avait daté son dernier rapport sexuel au 23 janvier 2023. Un examen médico-légal a ensuite été effectué le 23 février 2023 par le CURML. Les examens gynécologiques, des 15 et 23 février 2023, s'étaient révélés dans la norme, même si l'absence de lésion traumatique au niveau des organes génitaux n'entrait "pas en contradiction avec les déclarations de l'expertisée". Aux médecins du CURML, D______ avait déclaré que les actes sexuels non consentis avaient duré tout le long de son traitement contre l'infection urinaire, soit jusqu'aux alentours du 8 février 2023.

l. Le 5 août 2024, le Ministère public a informé les parties de son intention de rendre une ordonnance de classement en faveur de A______ et une ordonnance de non-entrée en matière au sujet de la plainte de ce dernier.

m. Par courrier du 23 septembre 2024, A______ a requis du Ministère public que sa plainte soit instruite.

n. Concomitamment à l'ordonnance querellée, le Ministère public a classé la procédure ouverte contre A______.

Les déclarations des parties au sujet d'éventuels actes sexuels entre le 22 janvier et le 15 février 2023 étaient contradictoires et aucun élément au dossier ne permettait de donner une crédibilité plus grande à l'une ou l'autre des versions. Cela étant, à supposer que des relations intimes eussent eu lieu après le 21 janvier 2023, ce qui n'était pas établi, celles-ci ne réalisaient pas les éléments constitutifs du viol ou de la contrainte. Pour les trois rapports du "22" janvier 2023, D______ avait expliqué s'être laissée faire, de sorte que l'élément de la contrainte faisait défaut. En outre, A______ ne disposait d'aucun moyen pour comprendre que D______ n'était pas consentante, au vu du comportement "participatif" de celle-ci durant les rapports intimes, bien qu'elle eût initialement, selon ses dires, refusé ces actes.

Cette ordonnance n'a pas été contestée.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public constate qu'à teneur de son ordonnance de classement en faveur de A______, il n'était pas établi que D______ ait été consentante lors des actes dénoncés. Il ne pouvait donc pas être retenu qu'elle savait dénoncer une personne innocente, ni qu'elle n'était pas de bonne foi ou savait ses allégations fausses.

D. a. Dans son recours, A______ reproche d'abord au Ministère public d'avoir rendu l'ordonnance querellée sans instruire sa plainte, alors qu'il avait laissé entendre que tel serait le cas lors de l'audience du 13 février 2024. L'autorité intimée avait ainsi adopté un comportement contradictoire et contraire à la bonne foi. Ce faisant, elle avait renoncé arbitrairement à son audition et l'avait privé de la possibilité de formuler des réquisitions de preuves.

Sur le fond, l'ordonnance querellée était contraire à l'art. 310 CPP, au principe "in dubio pro duriore", et violait les art. 173, 174 et 303 CP. La situation n'était pas "claire et limpide". Le Ministère public avait même souligné le caractère contradictoire des versions des protagonistes. Il était donc nécessaire d'instruire pour éclaircir les circonstances et poser la question de la bonne foi de D______. Cette dernière était, en effet, revenue sur ses propres déclarations au fil de la procédure, mettant à mal sa crédibilité. La police avait même relevé "l'existence d'un potentiel bénéfice secondaire" souhaité par la précitée, à savoir l'accès rapide à certains types de logements. En outre, les déclarations de D______ étaient contredites par des éléments objectifs. Par exemple, le Dr G______ avait démenti avoir assisté à une scène lors de laquelle il [A______] aurait dit qu'il ne pourrait plus "utiliser" D______. Par ailleurs, il avait un "alibi" pour les faits reprochés du 23 janvier 2023: ce jour-là, il avait emmené son père aux HUG et n'était donc pas au domicile entre 13h00 et 19h00. Il n'avait donc pas pu agresser D______ comme elle le prétendait. Enfin, la motivation de l'ordonnance de classement ne pouvait suffire pour justifier une non-entrée en matière sur sa propre plainte pour dénonciation calomnieuse, dès lors qu'il était établi que les conditions de cette infraction étaient réunies. Il en allait de même pour les infractions de diffamation, respectivement de calomnie. L'opportunité commandait enfin d'instruire sa plainte.

A______ produit un extrait de conversation WhatsApp avec sa mère qui va comme suit:

- "Coucou Maman – Pourrais-tu regarder si le 23 janvier 2023 papa avait rdv aux HUG et si je l'ai amené stp – Lundi 23 janvier 2023 la date exacte";

- "Okay, oui, à 15h. Mais je ne sais pas qui l'a conduit";

- "C'était moi maman mais merci de m'avoir confirmé".

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Les faits nouveaux et les pièces nouvelles sont également recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

2.             Dans un grief formel qu'il convient de traiter en premier, le recourant reproche au Ministère public une violation du principe de la bonne foi, pour avoir rendu l'ordonnance querellée sans l'entendre ni lui laisser l'opportunité de formuler des réquisitions de preuves.

2.1. Les autorités pénales sont tenues de se conformer au principe de la bonne foi (art. 3 al. 2 let. a CPP).

2.2. Avant l'ouverture d'une instruction, le droit de participer à l'administration des preuves ne s'applique en principe pas (art. 147 al. 1 CPP a contrario; ATF 143 IV 397 consid. 3.3.2; 140 IV 172 consid. 1.2.2). En outre, avant de rendre une ordonnance de non-entrée en matière, le ministère public n'a pas à informer les parties ni n'a l'obligation de leur fixer un délai pour présenter d'éventuelles réquisitions de preuve, l'art. 318 CPP n'étant pas applicable dans ce cas. Le droit d'être entendu des parties est en effet assuré, le cas échéant, dans le cadre de la procédure de recours contre l'ordonnance de non-entrée en matière (cf. art. 310 al. 2, 322 al. 2 et 393 ss CPP). Cette procédure permet aux parties de faire valoir tous leurs griefs – formels et matériels – auprès d'une autorité disposant d'une pleine cognition en fait et en droit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_866/2021 du 15 août 2022 consid. 2.2.2).

2.3. En l'espèce, la procédure, en tant qu'elle porte sur la plainte du recourant, n'a pas dépassé le stade des investigations policières. D'ailleurs, le Ministère public n'a jamais formellement ouvert une instruction contre la mise en cause; uniquement contre le recourant.

Il s'ensuit que le Ministère public était dispensé d'entendre le recourant avant de rendre son ordonnance querellée. Lors de l'audience du 13 février 2024 le Ministère public a clairement dit que la plainte du précité serait, "le cas échéant", instruite ultérieurement. Cela ne constituait en rien la promesse de l'ouverture d'une instruction.

Le recourant a, par ailleurs, été informé, par l'avis de prochaine clôture, de l'intention du Ministère public de rendre l'ordonnance de non-entrée en matière, ce qui lui a permis de se déterminer, par courrier du 23 septembre 2024.

En définitive, le Ministère public a agi dans le cadre de ses prérogatives et on ne saurait lui reprocher d'avoir enfreint le principe de la bonne foi.

Le grief doit donc être rejeté.

3.             Le recourant conteste la non-entrée en matière sur sa plainte.

3.1. Selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (arrêt 6B_196/2020 précité; ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; ATF 138 IV 86 consid. 4.1; ATF 137 IV 219 consid. 7).

3.2. L'art. 303 ch. 1 CP réprime notamment du chef de dénonciation calomnieuse quiconque aura dénoncé à l'autorité, comme auteur d'un crime ou d'un délit, une personne qu'il savait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale.

3.2.1. Sur le plan objectif, une dénonciation calomnieuse est composée de deux éléments, soit qu'une dénonciation soit faite et qu'elle fasse porter l'accusation sur une personne innocente. La dénonciation n'est calomnieuse que si la personne mise en cause est innocente, en ce sens qu'elle n'a pas commis les faits qui lui sont faussement imputés, soit parce que ceux-ci ne se sont pas produits, soit parce qu'elle n'en est pas l'auteur. Est "innocent" celui qui a été libéré par un jugement d'acquittement ou par le prononcé d'un classement. Le juge de la dénonciation calomnieuse est, sauf faits ou moyens de preuve nouveaux, lié par une telle décision (ATF 136 IV 170 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_483/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1.1.1).

3.2.2. Sur le plan subjectif, l'auteur doit savoir que la personne qu'il dénonce est innocente. Il ne suffit donc pas qu'il ait conscience que ses allégations pourraient être fausses. Il doit savoir que son affirmation est inexacte. Le dol éventuel ne suffit pas (ATF 136 IV 170 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1248/2021 du 16 août 2022 consid. 2.1.1).

Seul l'auteur qui agit dans un dessein particulier – à savoir "en vue de faire ouvrir […] une poursuite pénale" – peut se rendre coupable de dénonciation calomnieuse (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 17 ad art. 303).

3.2.3. L'art. 303 CP prime l'art. 174 CP (ATF 115 IV I consid. 2b JdT 1990 IV 109). Au cas où l'auteur ne savait pas que la personne visée était innocente, l'art. 173 CP est applicable (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 31 ad art. 303).

3.3. L'art. 173 ch. 1 CP réprime le comportement de quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, de même que quiconque propage une telle accusation ou un tel soupçon.

3.4. La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue par le fait que les allégations attentatoires à l'honneur sont fausses (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1215/2020 du 22 avril 2021 consid. 3.1), que l'auteur a connaissance de la fausseté de ses allégations et qu'il n'y a, dès lors, pas de place pour les preuves libératoires prévues par l'art. 173 CP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1286/2016 du 15 août 2017 consid. 1.2).

3.5. Des déclarations objectivement attentatoires à l'honneur peuvent être justifiées par le devoir d'alléguer des faits dans le cadre d'une procédure judiciaire. Tant la partie que son avocat peuvent se prévaloir de l'art. 14 CP à condition de s'être exprimés de bonne foi, de s'être limités à ce qui est nécessaire et pertinent et d'avoir présenté comme telles de simples suppositions (ATF 131 IV 154 consid. 1.3.1; 123 IV 97 consid. 2c/aa; 118 IV 248 consid. 2c et d; 116 IV 211 consid. 4a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_632/2022 du 6 mars 2023 consid. 2.5.1).  

3.6. En l'espèce, le recourant fait l'objet d'un classement en sa faveur, aujourd'hui entré en force. Il est donc innocent, au sens de l'art. 303 CP, des faits qui lui ont été reprochés, lesquels ont été classés faute d'élément de contrainte et parce que le recourant ne disposait d'aucun moyen de comprendre que sa compagne d'alors n'était pas consentante, même si cette dernière avait, selon ses dires, refusé les rapports sexuels litigieux.

Le recourant pointe des incohérences et des contradictions dans les déclarations de la mise en cause, laquelle aurait selon lui été motivée dans sa démarche par le seul but de quitter plus rapidement l'appartement commun. Il affirme, en outre, avoir un "alibi" pour le 23 janvier 2023, l'ayant tenu éloigné du domicile de 13h00 à 19h00.

Il ressort toutefois du dossier que la mise en cause et le recourant ont tous deux déclaré avoir eu des relations sexuelles – consenties – le premier et le deuxième jour de l'arrivée de la mise en cause à Genève, soit les 20 et 21 janvier 2023. Dès le troisième jour, la mise en cause a déclaré ne plus avoir été d'accord et l'avoir manifesté. Ainsi,

trois rapports non consentis auraient eu lieu, que la mise en cause a datés du "23" janvier 2023, mais qui auraient pu avoir lieu le "22" janvier 2023 – comme retenu par le Ministère public – s'il s'est agi du "troisième jour". À cet égard, "l'alibi" du recourant – qui n'est, de surcroît, pas réellement vérifié – n'apparaît pas incompatible avec cette éventualité. En outre, même s'il faut retenir le 23 janvier 2023, le fait qu'il ait accompagné son père à l'hôpital l'après-midi ne rendait pas impossibles les actes litigieux à d'autres moments de la journée.

Si certaines déclarations de la mise en cause peuvent paraître contradictoires avec le reste de ses propos, cela ne saurait suffire à les discréditer dans leur globalité. Il en va de même des éléments mis en exergue par le recourant pour décrédibiliser la version de la mise en cause, dès lors qu'aucun ne renseigne sur le déroulement des rapports sexuels.

En définitive, dans la mesure où le recourant a été mis au bénéfice d'un classement faute d'élément de contrainte (la mise en cause s'étant laissée faire) et parce qu'il ne pouvait comprendre qu'elle n'était, le cas échéant, pas consentante, il n'existe pas de soupçons suffisants laissant penser que la précitée l'aurait sciemment dénoncé en le sachant innocent. Aucun acte d'instruction ne saurait, au surplus, renseigner sur cet élément.

C'est donc à bon droit que le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur la plainte pour dénonciation calomnieuse.

3.7. Compte tenu de ce qui précède, l'infraction de calomnie – qui suppose une allégation intentionnellement fausse – doit également être écartée.

3.8. Reste à examiner encore l'infraction de diffamation.

À ce propos, nonobstant l'éventuel caractère attentatoire à l'honneur des propos litigieux, ceux-ci ont été énoncés par la mise en cause dans le cadre d'une dénonciation pénale – qui ne remplit pas les conditions d'une dénonciation calomnieuse (cf. consid. 3.6 supra) – contre le recourant. L'intéressée peut donc se prévaloir du motif justificatif prévu à l'art. 14 CP (ACPR/521/2024 du 17 juillet 2024 consid. 3.4), ses propos n'ayant dépassé ni ce qui était nécessaire à la dénonciation, ni le cercle étroit des personnes tenues au secret professionnel.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait d'emblée être traité sans échange d'écritures, ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

5.             Le recourant sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours.

5.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 let. a CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire gratuite à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle ne dispose pas des ressources suffisantes et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec. L'assistance judiciaire comprend, notamment, l'exonération des frais de procédure (art. 136 al. 2 let. b CPP).

5.2. La cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. L'assistance judiciaire peut être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée (par exemple en raison du dépôt tardif de la plainte ou d'une infraction ne protégeant pas les intérêts privés) ou si la procédure pénale est vouée à l'échec, notamment lorsqu'une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement doit être rendue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_49/2019 du 20 mai 2019 consid. 3.1).

5.3. En l'occurrence, sans même examiner la question de l'indigence, force est de retenir que le recours était voué à l'échec pour les motifs exposés plus haut, de sorte que les conditions pour l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours ne sont pas remplies.

La demande sera, partant, rejetée.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 700.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

Le refus d'octroi de l'assistance juridique gratuite est, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 700.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui ses conseils, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/7977/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

615.00

Total

CHF

700.00