Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/800/2024 du 31.10.2024 sur OCL/1121/2024 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/4878/2024 ACPR/800/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 31 octobre 2024 |
Entre
A______, représentée par Me B______, avocat,
recourante,
contre l'ordonnance de classement rendue le 7 août 2024 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 19 août 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 7 août 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a classé sa plainte pour viol et contrainte sexuelle déposée à l'encontre de son ancien compagnon, C______.
La recourante conclut, préalablement, à l'octroi de l'assistance judiciaire et à l'indemnisation de son conseil, principalement, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour rédaction de l'acte d'accusation.
b. La recourante a été dispensée de verser les sûretés (art. 383 CPP).
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. C______, né en 1993, de nationalité française et actuellement au bénéfice d'une carte légitimation du Département fédéral des affaires étrangères de type "D" (octroyant une immunité limitée à l'exercice de ses fonctions), et A______, née en 1994 de nationalité myanmaraise, ayant demandé l'asile en France, ont noué une relation au Myanmar en 2017 dont est née une fille, D______, le ______ 2020.
b. A______ s'est rendue dans un poste de police français le 17 octobre 2023 pour déposer plainte pour viol contre C______.
Elle a relaté les faits suivants :
Après la naissance de leur fille, le couple avait emménagé en Malaisie, puis en Normandie. Là, elle avait appris que son compagnon la trompait et, en septembre 2021, elle avait décidé de le quitter. Il avait déménagé à Genève avec l'enfant. Pour se rapprocher d'eux, elle avait loué une chambre en France, près de la frontière suisse. Elle gardait sa fille pendant la journée ; lorsque le père venait récupérer l'enfant, il en profitait pour la toucher au niveau des hanches et de la poitrine contre son consentement et en présence de l'enfant. Dans la voiture, à un lieu qu'elle n'a pas précisé, il avait pris à deux reprises sa main pour la mettre sur son sexe. Le 5 janvier 2022, alors qu'elle entrait chez lui à Genève, il l'avait saisie, bloquée contre une armoire, avait relevé sa robe et introduit deux doigts dans son vagin, tout cela devant leur fille et malgré le refus exprimé. Il avait persisté en introduisant son sexe dans le sien, ce qui les avait fait saigner tous les deux. Elle avait ensuite vomi et il l'avait découragée d'aller voir la police, en la menaçant notamment de l'empêcher de voir sa fille. Il lui avait écrit un message le lendemain (cf. attendu d. ci-après). En février 2022, il lui avait à nouveau touché la poitrine dans un lieu qu'elle n'a pas précisé et malgré son refus. Leur relation s'était ensuite dégradée au point qu'elle était partie en France avec leur fille. Celle-ci était toutefois retournée vivre auprès de son père et elle ne la voyait plus désormais.
c. Cette plainte ayant été transmise aux autorités suisses, la police genevoise a entendu C______ en qualité de prévenu.
Il a déclaré qu'il n'avait jamais fait de mal à A______, ni été violent avec elle. Après la séparation intervenue en 2021, il s'était installé à Genève avec leur fille ; son ex-compagne avait pris un logement à E______, en France. L'enfant passait les journées chez sa mère lorsqu'il devait se rendre au travail. Il la conduisait matin et soir, deux ou trois fois par semaine. En février 2022, A______ avait dû quitter son logement et avait décidé de s'installer à F______ [France]. Elle avait profité de la présence de l'enfant auprès d'elle pendant une nuit dans un hôtel à E______ pour l'enlever. Il n'avait plus vu l'enfant jusqu'en septembre 2022, lorsqu'il avait réussi à convaincre la mère, qui se trouvait alors à G______, en France, de la laisser rentrer en Suisse. A______ s'était alors installée dans des logements situés dans la zone frontalière française. Le conflit conjugal avait pour base, selon lui, la jalousie de A______ envers sa nouvelle compagne. Ce sentiment poussait A______ à l'insulter, l'accuser de tout (viol, mise en danger, etc.), alors qu'il souhaitait qu'une relation puisse se construire entre la mère et l'enfant. D'ailleurs, le couple envisageait, dans le cadre de la procédure de protection de l'enfant, une médiation, avec laquelle A______ était d'accord. Or, celle-ci avait déposé parallèlement une plainte pénale contre lui, ce qui était incompréhensible. Il a reconnu l'existence de relations sexuelles – toutes consenties – après leur séparation, car il souhaitait "calmer les choses". En février 2023, en France, il avait tenté de comprendre pourquoi elle l'accusait de viol, puis elle avait admis que tel n'était pas le cas et ils avaient eu une relation sexuelle. Il y en avait eu trois ou quatre autres jusqu'en mars-avril 2023, toujours hors la présence de l'enfant. Ensuite, elle avait emménagé à F______ et il organisait des appels vidéos avec l'enfant tous les jours. Elle ne pouvait plus entrer en Suisse faute de permis de séjour. Le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (TPAE) de Genève lui avait attribué la garde, réservant à celle-ci un droit de visite de deux heures par quinzaine en présence du père. Finalement, A______ avait décidé de lui réclamer de l'argent, car elle l'accusait d'avoir dilapidé le sien pendant qu'ils étaient ensemble. Sur questions des policiers, il a reconnu qu'ils avaient entretenu une relation sexuelle consentie deux ou trois fois à Genève en janvier 2022, en l'absence de l'enfant, qui dormait. Il avait saigné à une reprise, en raison d'une ancienne blessure sur sa verge, mais il en avait discuté avec elle sur le moment. Il a rejeté toutes les accusations formulées par A______. Il avait certes pris sa main pour la poser sur son sexe lorsqu'ils étaient dans la voiture, mais à une époque où ils formaient encore un couple, puis une fois, postérieurement, toujours avec son consentement.
d. Les parties ont produit divers extraits de messages électroniques.
A______ a ainsi produit des messages datant de juin et juillet 2023 et de dates indéterminées, adressés à C______, et dans lesquelles elle l'accuse de nombreux maux évoquant notamment, de manière décousue, les art. 189 et 190 [CP], soit le viol et la contrainte sexuelle. Elle a entre autres mentionné dans un message du 4 juillet 2023 avoir dit "non" et que personne ne la forcerait à avoir une relation sexuelle. Elle accusait C______ d'avoir prétendu ne pas avoir compris qu'elle disait non. Dans des messages échangés à une date indéterminée, les intéressés avaient discuté entre autres du saignement susévoqué : chacun affirmant avoir été celui qui saignait. Toujours à une date indéterminée, C______ lui avait écrit les messages suivants, en traduction libre : "arrête ça s'il te plaît", "comme je l'ai dit avant", "je serai seul et silencieux", "fait avec ça", "je ne te toucherai pas", "plus jamais", "je ne te prendrai même pas dans les bras", "je garderai mes distances", "je suis désolé", ce à quoi elle avait répondu "tu ne comprends pas", et il avait poursuivi "cela n'a rien à voir avec toi", "je comprends", "mais c'est pour être sûr", "que je ne finis pas par te blesser", "pour n'importe quoi".
Il est à relever que la plupart des échanges de messages susrésumés sont tronqués.
La plaignante a enfin produit une photo de date indéterminée sur laquelle l'on distingue le doigt d'une personne qui tient un téléphone montrant l'image de quelqu'un qui semble se tenir debout dans une baignoire : selon A______, cette personne dans la baignoire était C______ qui lui avait ainsi envoyé une photo de son pénis (qu'elle avait dissimulé par une émoticône pour préserver sa sphère intime).
C______ a produit des messages dans lesquels A______ exprime sa colère de manière ordurière, notamment à l'égard d'une tierce personne.
e. Le 7 mars 2024, le TPAE a rendu une ordonnance confiant la garde de l'enfant à C______ et réservant à A______ un droit de visite s'exerçant une fois par semaine.
Dans ses considérants, le TPAE a notamment relevé la condamnation de A______ pour violation du devoir d'assistance ou d'éducation par ordonnance pénale du 3 novembre 2022. Cela étant, elle avait exprimé son souhait de passer du temps avec sa fille et de rétablir une bonne communication avec le père. Celui-ci avait formulé des doutes au vu de la plainte pénale déposée contre lui, mais demeurait favorable à une médiation.
f. Le 24 avril 2024, le Ministère public a ouvert une instruction à l'encontre de C______ auquel il était reproché d'avoir, postérieurement à septembre 2021 : - à réitérées reprises, touché la poitrine de A______, sans son consentement ; - à deux reprises, dans sa voiture, pris de force la main de la prénommée pour la poser sur son pénis contre sa volonté ; - le 5 janvier 2022, à son domicile et devant leur fille, contre la volonté de A______, bloqué cette dernière contre une armoire, relevé sa jupe, écarté sa culotte et introduit deux doigts de force dans son vagin, puis l'avoir contrainte dans ces conditions à subir l'acte sexuel.
g. Le 10 juin 2024, le Ministère public a tenu une audience lors de laquelle les parties ont pu s'exprimer, la plaignante se trouvant dans une salle séparée du prévenu.
g.a. C______ a précisé avoir entretenu des relations sexuelles avec A______ entre septembre 2021 et janvier 2022 à Genève dans l'appartement de sa tante, où il vivait. Il y avait eu une autre relation le 14 février 2022 dans un hôtel à E______. Elles étaient toute consenties. Il expliquait les messages électroniques produits par A______ par le fait qu'il voulait rester célibataire et ne plus avoir de dispute avec elle. Il a admis avoir connaissance des accusations de viol que A______ formulait contre lui depuis de février 2023, dans des messages électroniques qu'elle lui envoyait. Il a déclaré avoir continué à avoir des rapports sexuels avec elle, car, lorsqu'ils étaient tous les deux, elle disait qu'il ne s'agissait pas de viol.
g.b. A______ a confirmé les termes de sa plainte pénale dans laquelle elle avait évoqué tous les épisodes de contrainte survenus entre eux. Elle n'avait jamais été consentante lors des rapports sexuels entretenus après la séparation. Il y en avait eu plus que deux. Elle n'avait pas déposé plainte plus tôt car elle était sans titre de séjour à l'époque et avait eu peur d'être refoulée si elle se rendait dans un poste de police. Elle a réfuté l'existence d'un rapport sexuel le 14 février 2022 : ce soir-là, il avait touché ses seins sans son accord.
h. Par courrier du lendemain, le conseil de C______ a exposé que, le soir même de l'audience résumée à l'attendu précédent, les deux parents s'étaient rendus ensemble à la demande de A______ à une réunion de l'école de leur fille, afin que C______ puisse lui traduire la séance.
i. Le 10 juillet 2024, le Ministère public a annoncé la prochaine clôture de l'instruction et son intention de rendre une ordonnance de classement.
j. Les deux parties ont, dans le délai imparti, renoncé à formuler des réquisitions de preuves.
C. Dans la décision querellée, le Ministère public a retenu que les seuls éléments à charge étaient les déclarations de la plaignante. Les messages qu'elle avait produits ne faisaient que répéter ces accusations. Quant au prévenu, il avait nié celles-ci de manière constante et était au bénéfice d'une décision du TPAE lui attribuant la garde de l'enfant. Par ailleurs, la plaignante avait tardé à déposer sa plainte pénale, ne formulant aucune réquisition de preuve. Il n'était donc pas possible de considérer que la version de la plaignante était plus plausible que celle du prévenu. Il n'existait pas de preuve pertinente qui puisse encore être administrée.
D. a. À l'appui de son recours, A______ produit un échange de messages datant du 11 juin 2024 dans lequel C______ lui propose de traduire (vraisemblablement lors de la réunion de l'école évoquée sous attendu h. supra) et de la transporter à la gare. Elle fait grief au Ministère public d'avoir retenu comme élément pertinent la décision du TPAE concernant la garde de sa fille et d'avoir considéré cohérente la version du prévenu. Celui-ci ne pouvait être suivi lorsqu'il prétendait avoir entretenu des relations sexuelles avec elle par "amitié" alors qu'il était en couple avec quelqu'un d'autre. Le fait qu'il s'excuse par message électronique le lendemain des faits était déterminant. Qui plus est, il avait continué à entretenir des relations sexuelles avec elle alors qu'elle l'accusait de viol. Enfin, le saignement survenu lors du rapport sexuel dénoncé était dû au fait qu'elle était contractée, mais non à une blessure préexistante du prévenu dont elle n'avait jamais eu connaissance malgré les années qu'avait duré leur relation. Lors de la séance scolaire, il n'était pas crédible de retenir qu'ils étaient assis l'un à côté de l'autre.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision de classement, sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 322 al. 2 cum 393 al. 1 let. a CPP), et émaner de la plaignante, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP) qui a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé (art. 382 CPP) à voir poursuivre les infractions alléguées contre son intégrité sexuelle (art. 115 CPP).
2. La juridiction de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les actes manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. La recourante conteste que les conditions pour le prononcé d'un classement soient réunies.
3.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public classe la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).
Cette disposition s'interprète à la lumière du principe "in dubio pro duriore", selon lequel un classement ne peut être prononcé que quand il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables. Ainsi, la procédure doit se poursuivre quand une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou que les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'infractions graves. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, à ce sujet, d'un certain pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 du 10 juin 2021 consid. 2.1).
Dans les procédures où l'accusation repose essentiellement sur les déclarations de la victime, auxquelles s'opposent celles du prévenu, le principe précité impose, en règle générale, que ce dernier soit mis en accusation. Cela vaut en particulier lorsqu'il s'agit de délits commis "entre quatre yeux" pour lesquels il n'existe souvent aucune preuve objective. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation, mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2). L'autorité de recours ne saurait ainsi confirmer un classement au seul motif qu'une condamnation n'apparaît pas plus probable qu'un acquittement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1381/2021 du 24 janvier 2022 consid. 2; 6B_258/2021 du 12 juillet 2021 consid. 2.2). Il peut néanmoins être renoncé à une mise en accusation si la victime fait des dépositions contradictoires, rendant ses accusations moins crédibles, lorsqu'une condamnation apparaît, au vu de l'ensemble des circonstances, a priori improbable pour d'autres motifs, ou lorsqu'il n'est pas possible d'apprécier l'une ou l'autre des versions opposées des parties comme étant plus ou moins plausible et qu'aucun résultat n'est à escompter d'autres moyens de preuve (arrêt du Tribunal fédéral 6B_957/2021 du 24 mars 2022 consid. 2.3).
3.2. Selon l'art. 190 CP, qui réprime le viol, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er juillet 2024, quiconque, contre la volonté d'une personne, commet sur elle ou lui fait commettre l'acte sexuel ou un acte analogue qui implique une pénétration du corps ou profite à cette fin d'un état de sidération d'une personne, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus (al. 1). Selon l'al. 2 de cette disposition, quiconque, notamment en usant de menace ou de violence à l'égard d'une personne, en exerçant sur elle des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, la contraint à commettre ou à subir l'acte sexuel ou un acte analogue qui implique une pénétration du corps, est puni d'une peine privative de liberté d'un à dix ans.
La teneur de l'art. 190 al. 1 aCP en vigueur antérieurement était : "Celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel, sera puni d'une peine privative de liberté de un à dix ans".
L'art. 190 aCP tendait à protéger la libre détermination en matière sexuelle (ATF 131 IV 167 consid. 3 ; 122 IV 97 consid. 2b), en réprimant l'usage de la contrainte aux fins d'amener une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel, par lequel on entendait l'union naturelle des parties génitales d'un homme et d'une femme. Pour qu'il y eût contrainte en matière sexuelle, il fallait que la victime ne fût pas consentante, que l'auteur le sût ou acceptât cette éventualité et qu'il passât outre en profitant de la situation ou en utilisant un moyen efficace (ATF 122 IV 97 consid. 2b). L'art. 190 CP ne protégeait des atteintes à la libre détermination en matière sexuelle que pour autant que l'auteur ait surmonté ou déjoué la résistance que l'on pouvait raisonnablement attendre de la victime (ATF 148 IV 234 consid. 3.3 ; 133 IV 49 consid. 4 et l'arrêt cité).
3.3. L'art. 189 CP en vigueur depuis le 1er janvier 2024 prévoit que quiconque, contre la volonté d'une personne, commet sur elle ou lui fait commettre un acte d'ordre sexuel ou profite à cette fin d'un état de sidération d'une personne, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (al. 1) et que quiconque, notamment en usant de menace ou de violence envers une personne, en exerçant sur elle des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, la contraint à commettre ou à subir un acte d'ordre sexuel, est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire (al. 2).
Cette disposition avait elle aussi une teneur différente jusqu'au 31 décembre 2023 : "Celui qui, notamment en usant de menace ou de violence envers une personne, en exerçant sur elle des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister l'aura contrainte à subir un acte analogue à l'acte sexuel ou un autre acte d'ordre sexuel, sera puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire".
3.4. En l'espèce, les versions des deux protagonistes sont opposées : la recourante affirme avoir été contrainte à subir un acte sexuel complet sous la contrainte, ainsi que des attouchements contre sa volonté (pour partie commis en France) ; le prévenu affirme que tous ces actes étaient consentis.
La recourante fait grief au Ministère public d'avoir omis de tenir compte des justifications "peu crédibles, voire fantaisistes" de l'intéressé, alors qu'elle aurait été constante et concordante dans sa description des faits.
À juste titre, la recourante invoque que le Ministère public n'aurait pas dû se fonder sur la décision du TPAE réglant les droits parentaux : celle-ci n'a en effet aucun poids dans l'appréciation des faits objet de la présente procédure, car la mission du TPAE n'était pas de se pencher sur cet aspect des relations entre les parties.
Elle ne peut par contre pas être suivie lorsqu'elle soutient qu'il était peu crédible que le prévenu décidât d'entretenir des relations sexuelles dans le cadre d'une relation d'amitié avec elle. Un tel contexte n'est pas relevant pour déterminer l'existence d'une éventuelle contrainte ou l'absence de consentement : le caractère extra-conjugal d'une relation n'est pas un indice d'une absence de consentement de l'un des partenaires.
Se référant ensuite au message "d'excuse" du prévenu, elle invoque une jurisprudence de la Cour de justice (AARP/185/2024 du 3 juin 2024) dans laquelle la victime d'une infraction sexuelle avait, par message électronique, décrit en détail, le lendemain des faits, les reproches qu'elle faisait à l'auteur sur son comportement, ce à quoi il avait répondu notamment qu'il était "désolé si [son] comportement [l']avait blessée". Ici, le prévenu a écrit, à une date indéterminée – la recourante affirmant sans preuve qu'il s'agissait du soir des faits dénoncés, soit le 5 janvier 2022 –, qu'il souhaitait prendre ses distances et ne plus la toucher pour éviter de la blesser. La recourante lui a répondu qu'il ne "comprenait pas". Force est de constater que l'interprétation de ces messages ne permet pas de conclure qu'il s'agissait d'excuses formulées en lien avec un comportement assimilable à un viol ou une contrainte sexuelle, de tels reproches ne figurant pas – même sous une forme allusive – dans les messages en question. Leur interprétation peut être multiple. Le fait que le prévenu s'excuse et que la recourante lui réponde qu'il ne comprend pas ne renforce pas la possibilité que celle-ci ait interprété ce message d'excuse comme lié à un comportement de contrainte exercé par celui-là.
Est aussi neutre en termes de soupçon suffisant le fait que le prévenu ait continué à entretenir des relations sexuelles avec la recourante alors que celle-ci l'accusait de viol. En effet, la recourante ne soutient pas que ces relations sexuelles subséquentes auraient été contraintes. Il s'ensuit que de telles relations sexuelles ne mettent pas à mal la version du prévenu, ni ne la fait apparaître comme contradictoire ou incomplète.
Il n'en va pas différemment de la question des saignements, pour lesquels chacune des parties apporte une explication contradictoire, sans que des éléments objectifs ne permettent de trancher.
Enfin, l'épisode de la réunion scolaire, qui s'est déroulé près de deux ans et demi après les faits, n'apporte aucun élément à charge ou à décharge, si ce n'est qu'il serait pour le moins surprenant que la recourante ait pu accepter de s'asseoir à côté du prévenu, alors que ces deux personnes avaient été entendues dans une salle aménagée pour les victimes d'infractions sexuelles, à sa demande quelques heures auparavant. La recourante écrit, sous la plume de son avocat, qu'il est "peu probable" qu'elle se soit assise à côté du prévenu, mais il aurait pu être raisonnablement attendu d'elle qu'elle livre d'emblée de ce détail auquel elle donne de l'importance dans ses écritures.
Les versions des parties apparaissent chacune comme crédibles, ce que ne nie d'ailleurs pas la recourante, puisqu'elle concède que les probabilité d'un acquittement sont équivalentes à celles d'une condamnation.
Au vu de l'impossibilité d'administrer une quelconque preuve qui permettrait de renforcer la version de l'un ou l'autre des protagonistes et eu égard à l'ancienneté des faits reprochés, le cas d'espèce réunit les conditions des situations exceptionnelles où il se justifie de ne pas renvoyer le prévenu en jugement, car sa condamnation apparaît comme exclue.
Les griefs de la recourante seront rejetés.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
5. La recourante a conclu au bénéfice de l'assistance judiciaire.
5.1. À teneur de l'art. 136 CPP, sur demande, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente si elle ne dispose pas des ressources suffisantes et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (al. 1 let. a); et à la victime, pour lui permettre de faire aboutir sa plainte pénale, si elle ne dispose pas des ressources suffisantes et que l'action pénale ne paraît pas vouée à l'échec (al. 1 let. b). L'assistance judiciaire comprend notamment l'exonération des frais de procédure (al. 2 let. b) et la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante ou de la victime l'exige (al. 2 let. c). Lors de la procédure de recours, l'assistance judiciaire gratuite doit faire l'objet d'une nouvelle demande (al. 3).
En particulier, selon la jurisprudence, l'assistance judiciaire doit être refusée à la partie plaignante ou à la victime lorsque son argumentation juridique est insoutenable ou que la condamnation du prévenu est manifestement hors de question, de sorte qu'un refus d'entrée en matière ou un classement peut être prononcé sans autre (arrêt du Tribunal fédéral 1B_81/2022 du 20 juin 2022 consid. 3.1 et les références citées).
5.2. En l'occurrence, au vu de l'issue de la cause, soit le prononcé d'un classement fondé sur l'absence de perspective de condamnation du prévenu, il doit être considéré que le recours, tant sous l'angle des prétentions civiles de la recourante que de l'action pénale, était voué à l'échec.
Partant, il ne sera pas octroyé l'assistance judiciaire à la recourante.
6. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle, son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Xavier VALDES TOP, greffier.
Le greffier : Xavier VALDES TOP |
| Le président : Christian COQUOZ |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/4878/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 915.00 |
Total | CHF | 1'000.00 |