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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/26530/2022

ACPR/538/2024 du 22.07.2024 sur OTDP/1152/2024 ( TDP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE PÉNALE;CITATION À COMPARAÎTRE;DÉFAUT(CONTUMACE);CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : CPP.356.al4; CPP.329.al1.letb; CPP.329.al4; Cst

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/26530/2022 ACPR/538/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 22 juillet 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat

recourant,

contre l'ordonnance rendue le 15 mai 2024 par le Tribunal de police,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, 1211 Genève 3,

intimés.

 


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 24 mai 2024, A______ recourt contre la décision du 15 précédent, notifiée le 17 suivant, aux termes de laquelle le Tribunal de police a constaté son défaut à l'audience du même jour (ch. 1 du dispositif), dit que son opposition à l'ordonnance pénale du 5 janvier 2023 était réputée retirée (ch. 2), de sorte que cette ordonnance était assimilée à un jugement entré en force (ch. 3), et mis les frais de la procédure à sa charge (ch. 4).

Il conclut à l'annulation des chiffres 2 à 4 précités, la cause devant être retournée à la juridiction intimée pour qu'elle procède "dans le sens des considérants".

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Dans la nuit du 15 décembre 2022, des individus ont cassé la vitrine du magasin C______, situé à Genève, au moyen d'objets préalablement soustraits à D______ SA (cache-pots entreposés devant ce dernier commerce), afin de s'y introduire et voler des chaussures.

Le même jour, la "représentante" du premier établissement précité et la "responsable [des] ressources humaines" du second ont déposé plaintes pénales pour ces faits.

b.a. Soupçonné d'être l'un desdits individus, A______ a été prévenu des chefs de soustraction d'une chose mobilière (art. 141 CP), dommages à la propriété (art. 144 CP), violation de domicile (art. 186 CP) et vol (art. 139 CP).

b.b. Le prénommé, auquel un défenseur d'office a été désigné, a contesté toute implication dans les évènements sus-relatés.

b.c. Par ordonnances du 5 janvier 2023, le Procureur a, d'une part, classé la procédure s'agissant des infractions aux art. 186 ainsi que 139 CP et, d'autre part, déclaré A______ coupable de celles aux art. 141 ainsi que 144 CP.

La première de ces décisions n'a pas été contestée, tandis que le prévenu a formé opposition à la seconde.

b.d. Le 20 janvier suivant, le Ministère public a maintenu son ordonnance pénale et transmis la cause à la juridiction compétente.

c.a. Par mandat du 26 février 2024, communiqué en l'étude de son conseil, A______ a été cité à comparaître personnellement devant le Tribunal de police à l’audience fixée le 15 mai suivant. Ce document énonçait que s'il ne se présentait pas à ladite audience, son opposition à l'ordonnance pénale serait réputée retirée et celle-ci, déclarée exécutoire (art. 356 al. 4 CPP).

Sur invite de la juridiction précitée, le défenseur d'office a exposé ne pas avoir de réquisition de preuve à formuler en vue des débats.

c.b. Le 15 mai 2024, A______ n'a pas comparu.

Présent à l'audience, son avocat, interrogé sur cette absence, a déclaré ne pas avoir "d'information à ce sujet".

Après avoir été avisé qu'une "ordonnance de retrait" lui serait notifiée, cet avocat a relevé qu'il existait "des empêchements de procéder", a déposé un chargé de pièces, puis a quitté l'audience.

C. Dans son ordonnance déférée, le Tribunal de police a considéré que les réquisits de l'art. 356 al. 4 CPP étaient réunis.

D. a. À l'appui de ses recours et réplique, le prévenu soutient que les plaintes pénales de C______ et D______ SA ne seraient pas valables, faute, pour les personnes les ayant déposées, d'être habilitées à le faire. Ces irrégularités n'ayant pas été corrigées dans le délai utile, il existait, depuis le 16 mars 2023, deux empêchements de procéder, les infractions aux art. 141 et 144 CP étant réprimées sur plainte.

Le Tribunal de police aurait dû constater d'office ces empêchements, lors de l'examen préliminaire du dossier qu'imposait l'art. 329 al. 1 let. b CPP, puis rendre une ordonnance de classement (art. 329 al. 4 CPP). En lieu et place, il l'avait convoqué, le 26 février 2024, à une audience. Ce manquement, antérieur à son "absence non excusée" du 15 mai suivant, justifiait l'annulation des chiffres 2 à 4 du dispositif de la décision attaquée.

b. Invités à se déterminer, le Ministère public et le Tribunal de police concluent au rejet du recours.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let.  b CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à voir cette décision annulée (art. 382 al. 1 CPP).

2. 2.1. Lorsqu'il décide de maintenir une ordonnance pénale (art. 352 CPP) contestée par le prévenu (art. 354 al. 1 let. a CPP), le ministère public transmet le dossier au tribunal de première instance en vue des débats (art. 356 al. 1 CPP).

2.2. À réception de ce dossier, la direction de la procédure examine, de manière préalable et sommaire (ATF 141 IV 20 consid. 1.5.4), si les conditions de l'action publique sont (toujours) réunies (art. 329 al. 1 let. b CPP); parmi celles-ci figure le dépôt d'une plainte pénale (valable), lorsque le droit matériel l'exige (arrêt du Tribunal fédéral 6B_139/2021 du 9 juin 2021 consid. 2).

i. Si elle identifie des empêchements manifestes de procéder, elle soumet ses constatations aux éventuels autres membres du tribunal (arrêt du Tribunal fédéral 6B_320/2013 du 29 août 2013 consid. 1.1), qui peut alors décider de classer l'affaire (art. 329 al. 4 CPP) au terme d'une procédure écrite (M. NIGGLI/ M. HEER/ H. WIPRÄCHTIGER (éds), Basler Kommentar StPO/JStPO, 3ème éd., Bâle 2023, n. 71 ad art. 329), après interpellation des parties (art. 329 al. 4 CPP).

ii. Dans la négative, elle engage la procédure orale et appointe une audience (cf. art. 356 al. 1 CPP).

2.3. Lors de celle-ci, deux options sont envisageables.

i. Le prévenu y fait défaut sans être excusé, ni se faire représenter – représentation qui est exclue (même par son avocat) quand la direction de la procédure a exigé sa présence (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1297/2018 du 6 février 2019 consid. 1.1 in fine) –. Son opposition est alors réputée retirée (art. 356 al. 4 CPP), présomption qui est irréfragable (L. MOREILLION/ A. PAREIN-REYMOND (éds), Code de procédure pénale – Petit commentaire, 2ème éd. Bâle 2016, n. 15 ad art. 356).

ii. L'opposant comparaît (ou est valablement représenté), de sorte qu'il peut soulever des questions préjudicielles, notamment quant à la poursuite de l'action publique (arrêt du Tribunal fédéral 6B_320/2013 précité).

Le tribunal décide ensuite s'il classe ou non (partiellement) la cause (cf. art. 329 al. 5 CPP; M. NIGGLI/ M. HEER/ H. WIPRÄCHTIGER (éds), op. cit., n. 71 ad art. 329).

2.4. En l'espèce, le Tribunal de police a constaté, au chiffre 1 du dispositif de sa décision, le défaut du recourant à l'audience du 15 mai 2024.

Le prévenu ne remet pas en cause ce constat – ses conclusions tendant exclusivement à l'annulation des points 2 à 4 dudit dispositif –, ni ne fournit d’explication qui permettrait de l'infirmer. Ainsi, il ne conteste pas avoir reçu, de la part de son conseil, le mandat de comparution personnelle du 26 février 2024, adressé à ce dernier, document qui énonçait les conséquences d'une absence à l'ouverture des débats. Il ne prétend pas non plus avoir été empêché, pour un motif excusable, de se présenter à l'audience – lors de laquelle son avocat n'était pas habilité à le représenter –.

Le constat du défaut n'étant, dans son principe, ni critiqué, ni critiquable, la présomption irréfragable ancrée à l'art. 356 al. 4 CPP s'applique pleinement.

Or, cette présomption entraîne, ipso jure, la clôture de la procédure.

Il s'ensuit que la Chambre de céans ne peut examiner l'irrégularité soulevée par le recourant, fût-elle antérieure au constat, par le Tribunal de police, du défaut.

À cette aune, le recours est infondé et doit être rejeté.

3. En tout état de cause, eût-on traité le grief du prévenu – qui se plaint d'un déni de justice, puisqu'il dénonce l'absence de prononcé d'un classement avant l'audience du 15 mai 2024 –, qu'il aurait été rejeté pour les raisons qui suivent.

3.1. Il y a déni de justice formel, prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst féd., lorsqu’un magistrat se refuse à statuer alors qu'il le devrait (arrêt du Tribunal fédéral 7B_1009/2023 du 6 février 2024 consid. 2.2).

Pour pouvoir se plaindre avec succès d'un tel déni, la partie concernée doit être vainement intervenue auprès de ce magistrat pour qu'il rende une décision, conformément au principe de la bonne foi (arrêt du Tribunal fédéral 1B_4/2023 du 27 février 2023 consid. 2.1).

3.2. In casu, le défenseur d'office du recourant a reçu, deux mois et demi environ avant l'audience susmentionnée (le mandat de comparution datant du 26 février 2024) une convocation pour celle-ci.

Il savait donc que le Tribunal de police n'entendait pas rendre une ordonnance de classement avant l’ouverture des débats.

Pour autant, il n'a pas interpellé – au nom de son client – cette juridiction sur les empêchements de procéder détaillés dans le recours.

Le prévenu, en l’absence d'une telle démarche, n’est donc pas fondé à se prévaloir d'un déni de justice devant la Chambre de céans.

4. Le recourant succombe (art. 428 al. 1 CPP).

Il supportera, en conséquence, les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), étant rappelé que la juridiction de deuxième instance est tenue de dresser un état de frais sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_517/2022 du 22 novembre 2022 consid. 1.3.2).

5. La procédure étant terminée (art. 135 al. 2 CPP), il convient de fixer l'indemnisation de l’avocat d'office pour son activité devant la Chambre de céans.

5.1. À teneur de l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, ce tarif est édicté à l'art. 16 RAJ (E 2 05 04); il prévoit une indemnisation sur la base d'un tarif horaire de CHF 200.- pour un chef d'étude (art. 16 al. 1 let. c RAJ). Seules les heures nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction, notamment, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ).

5.2. En l'occurrence, le conseil du prévenu n'a pas produit d'état de frais (art. 17 RAJ), ni chiffré ses prétentions.

Au vu du travail accompli, à savoir la rédaction d'un recours de neuf pages, du fait que les questions litigieuses étaient dénuées de complexité et de l'issue du recours, l'indemnité sera arrêtée à CHF 648.60, TVA au taux de 8.1% (CHF 48.60) comprise, correspondant à trois heures d'activité au tarif horaire de CHF 200.-.

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 648.60 (TVA de 8.1% incluse), pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour lui son conseil, au Ministère public et au Tribunal de police.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 

P/26530/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00