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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7363/2020

ACPR/395/2024 du 27.05.2024 sur OTDP/878/2024 ( TDP ) , REJETE

Descripteurs : JUGEMENT PAR DÉFAUT;ABSENCE;EXCUSABILITÉ
Normes : CPP.346; CPP.368; CPP.114; CPP.110.al4

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7363/2020 ACPR/395/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 27 mai 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], agissant en personne,

recourant,

contre l'ordonnance rendue le 17 avril 2024 par le Tribunal de police,

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 27 avril 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 17 avril 2024, notifiée le 23 suivant, par laquelle le Tribunal de police a rejeté sa demande de nouveau jugement et dit que le jugement rendu par défaut le 12 mars 2024 restait valable.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance querellée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par acte d'accusation du 19 avril 2023, le Ministère public a renvoyé A______ par devant le Tribunal de police pour y être jugé de violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière (art. 90 al. 3 LCR cum art. 26 LCR).

B______, co-prévenu, y était renvoyé principalement pour les mêmes infractions.

b. L'audience de jugement a été fixée une première fois le 6 septembre 2023. Elle a été reportée à la demande des deux prévenus.

c. Dans l'intervalle, le 2 septembre 2023, A______ avait demandé au Tribunal de police la révocation de son avocat d'office, l'informant qu'il comparaîtrait seul à l'audience.

Le Tribunal de police y avait fait droit par ordonnance du 5 septembre 2023.

d. À l'audience de jugement du 27 novembre 2023, fixée à 14h00, A______, dûment convoqué, ne s'est pas présenté. Il a fourni par mail, à 9h46 le jour de l'audience, un certificat médical établi le même jour par la Dre C______, endoctrinologue-diabétologue, indiquant qu'il souffrait de problèmes de santé et était par conséquent dans l'incapacité de se présenter à l'audience. Son défaut a été constaté et l'audience a été ajournée.

e. À l'audience de jugement du 29 janvier 2024, fixée à 9h00, A______, dûment convoqué, ne s'est à nouveau pas présenté. Il a fourni par mail, à 7h56, un certificat médical établi le même jour par la médecin précitée et d'un contenu similaire au précédent certificat produit. Son défaut a été constaté et l'audience a été ajournée.

f. Bien que dûment convoqué par mandat de comparution du 30 janvier 2024 à l'audience de jugement du 11 mars 2024 à 9h00, A______ ne s'y est une nouvelle fois pas présenté. Il a fourni par mail, à 8h24, un certificat médical établi le même jour par la doctoresse précitée, d'un contenu identique à ceux produits les 27 novembre 2023 et 29 janvier 2024.

Le tribunal a constaté le défaut de A______ aux nouveaux débats et a engagé la procédure par défaut.

B______ a, quant à lui, été représenté par son conseil.

g. Par jugement rendu par défaut contre A______ le 12 mars 2024, le Tribunal de police, présidé par la Juge D______, l'a déclaré coupable de violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière (art. 90 al. 3 LCR), et l'a condamné à une peine privative de liberté de 8 mois avec sursis pendant 3 ans ainsi qu'à une amende de CHF 5'000.-.

h. A______ a, le 25 mars 2024, formé opposition audit jugement par défaut et sollicité un nouveau jugement.

Il estimait ses droits de la défense violés. La magistrate avait "escamoté" le certificat médical qu'il avait produit. Son jugement était "inique". S'en suivaient moults griefs à l'endroit de la Procureure ayant instruit le dossier, de la Juge D______ et de la justice en général.

i. Le 1er avril 2024, A______ a également annoncé former appel.

C. Dans son ordonnance querellée, le Tribunal de police relève qu'il ressort des certificats médicaux produits que le prévenu souffrait de problèmes de santé et qu'il était dans l'incapacité de se présenter à l'audience. Ces documents n'indiquaient pas la nature de ses problèmes de santé et n'établissaient dès lors nullement qu'il n'était pas en mesure de participer aux débats. Dans sa demande de nouveau jugement, le prévenu ne faisait pas état de ses problèmes de santé. Il se prévalait d'un droit à un défenseur alors que dans son courrier du 2 septembre 2023, il avait lui-même clairement manifesté sa volonté de se défendre seul. Partant, sa demande était rejetée.

D. a. À l'appui de son recours, A______ reproche à la Juge D______, en des termes inconvenants, de n'avoir pas tenu compte de son certificat médical produit le 11 mars 2024. Son médecin traitant n'avait pas à entrer dans le détail en tant qu'il était tenu au secret médical. Ses droits procéduraux, qu'il liste, dont notamment la présomption d'innocence, l'interdiction de l'arbitraire, le droit d'être entendu et le droit à l'assistance d'un avocat, avaient été bafoués par la magistrate, qu'il accuse d'avoir violé son serment.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b cum 80 al. 1, 2e phr. CPP; ACPR/809/2022 du 17 novembre 2022; Y. JEANNERET / A. KUHN / C.  PERRIER DEPEURSINGE [éds], Commentaire romand, Code de procédure pénale, 2e éd., Bâle 2019, n. 45 ad art. 393) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

3. 3.1. À teneur de l'art. 366 al. 1 CPP, si le prévenu, dûment cité, ne comparaît pas aux débats de première instance, le tribunal fixe de nouveaux débats et cite à nouveau le prévenu ou le fait amener. Si le prévenu ne se présente pas aux nouveaux débats ou ne peut y être amené, ils peuvent être conduits en son absence. Si le prévenu s'est lui-même mis dans l'incapacité de participer aux débats, le tribunal peut engager aussitôt la procédure par défaut, à la condition que le prévenu ait eu suffisamment l'occasion de s'exprimer auparavant sur les faits qui lui sont reprochés et si les preuves réunies permettent de rendre un jugement en son absence (art. 366 al. 3 et 4 CPP).

3.2. Une fois le jugement par défaut notifié, le condamné a la possibilité soit de demander un nouveau jugement, aux conditions de l'art. 368 CPP, soit de faire appel, soit de faire les deux (art. 371 al. 1 CPP). L'appel permet notamment de contester l'application de l'art. 366 CPP, tandis que la demande de nouveau jugement porte sur la réalisation des conditions de l'art. 368 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_562/2019 du 27 novembre 2019 consid. 1.1.2).

Afin d'éviter des jugements contradictoires, l'art. 371 al. 2 CPP prévoit que l'appel n'est recevable que si la demande de nouveau jugement a été rejetée. Ainsi, si la demande de nouveau jugement est admise, l'appel sera déclaré irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_203/2016 du 14 décembre 2016 consid. 1.1 et 1.2).

3.3. Dans sa demande de nouveau jugement, le condamné expose brièvement les raisons qui l'ont empêché de participer aux débats (art. 368 al. 2 CPP). Le tribunal rejette la demande lorsque le condamné, dûment cité, fait défaut aux débats sans excuse valable (art. 368 al. 3 CPP).

3.4. En l'espèce, le recourant a déposé un recours devant la Chambre de céans contre la décision du Tribunal de police qui refuse sa demande de nouveau jugement, mais également un appel contre le jugement au fond rendu par défaut par cette même juridiction. L'objet de la présente procédure de recours est donc limité à l'examen du caractère excusable ou non du défaut du recourant à l'audience de jugement du 11 mars 2024. Le point de savoir si le Tribunal de police pouvait valablement engager la procédure par défaut fera, le cas échant, l'objet de la procédure d'appel; il ne sera pas traité ici.

3.5. En dépit de sa formulation française pouvant prêter à confusion, l'art. 368 al. 3 CPP vise bien le défaut du condamné à l'audience de jugement lors de laquelle la procédure par défaut a été engagée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_141/2013 du 18 avril 2013 consid, 1 ; Y. JEANNERET / A. KUHN / C.  PERRIER DEPEURSINGE [éds], op. cit., n. 12 ad art. 368). Malgré les termes "sans excuse valable", c'est une absence fautive du condamné qui permet au tribunal de rejeter la demande de nouveau jugement. Le refus implique que le condamné se soit soustrait aux débats de façon manifestement fautive. Il doit être fait droit à la demande de nouveau jugement lorsqu'il n'est pas établi de manière indubitable que c'est volontairement que le prévenu ne s'est pas présenté aux débats (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1165/2020 du 10 juin 2021 consid. 4.1). Selon le Message du Conseil fédéral, la réglementation devrait se rapprocher du régime des cantons les plus libéraux qui accordaient au prévenu le droit à un nouveau jugement sans poser aucune condition préalable, tout en permettant d'exclure les abus flagrants (Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 p. 1286 ch. 2.8.5.2 ; cf. aussi N. SCHMID/D. JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 3e éd., Zurich 2018, n. 6 ad art. 368).

L'absence n'est pas fautive lorsqu'il y a impossibilité objective (cas de force majeure) ou subjective (maladie, accident, etc.) (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1165/2020 précité consid. 4.1 ; A. DONATSCH / V. LIEBER / S. SUMMERS / W. WOHLERS [éds], Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung, 3e éd., Zurich 2020, n. 9 ad art. 368 ; cf. aussi ATF 126 I 36 consid. 1b). En revanche, fait défaut sans excuse valable le prévenu qui, ayant reçu la citation à comparaître, ne se présente pas, alors qu'il lui aurait été possible (en cas d'empêchement non fautif) de demander un report des débats ou, à tout le moins, de présenter un justificatif en temps utile. En effet, le prévenu est tenu de donner suite au mandat de comparution; en cas d'empêchement, il doit en informer l'autorité "sans délai" (art. 205 al. 1 et 2 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_453/2020 du 23 septembre 2020 consid. 2.3.1).

3.6. D'après la Cour européenne des droits de l'homme, le fait qu'une personne condamnée par défaut se voie refuser la possibilité d'être jugée en contradictoire est compatible avec l'art. 6 CEDH pour autant que les trois conditions cumulatives suivantes soient remplies : premièrement, il est établi que cette personne avait reçu sa citation à comparaître; deuxièmement, elle n'a pas été privée de son droit à l'assistance d'un avocat dans la procédure par défaut; et, troisièmement, il est démontré qu'elle avait renoncé de manière non équivoque à comparaître ou qu'elle avait cherché à se soustraire à la justice. À propos de cette dernière condition, la Cour européenne a précisé qu'il ne devait pas incomber à l'accusé de prouver qu'il n'entendait pas se dérober à la justice ou que son absence s'expliquait par un cas de force majeure, mais qu'il était loisible aux autorités nationales d'évaluer si les excuses fournies par l'accusé pour justifier son absence étaient valables ou si les éléments versés au dossier permettaient de conclure que l'absence de l'accusé aux débats était indépendante de sa volonté (arrêts CourEDH Sejdovic c. Italie du 1er mars 2006, Recueil CourEDH 2006-II p. 201 § 88 ainsi que 105 et ss a contrario; Medenica c. Suisse du 14 juin 2001, Recueil CourEDH 2001-VI p. 81 § 55 ss; arrêt du Tribunal fédéral 6B_946/2017 précité).

3.7. Le prévenu est capable de prendre part aux débats s'il est physiquement et mentalement apte à les suivre (art. 114 al. 1 CPP). Il suffit qu'il soit en état physique et psychique de participer aux audiences et aux actes de la procédure, en faisant usage de tous les moyens de défense pertinents et en étant apte à répondre normalement aux questions qui lui sont posées. Les exigences pour admettre une telle capacité ne sont pas très élevées, dans la mesure où le prévenu peut faire valoir ses moyens de défense par un avocat. Elles peuvent aussi être remplies si l'accusé n'a pas la capacité de discernement ni l'exercice des droits civils. En principe, seul le jeune âge, une altération physique ou psychique sévère ou encore une grave maladie sont de nature à influencer cette capacité. Dite capacité s'examine au moment de l'acte de procédure considéré (arrêt du Tribunal fédéral 6B_289/2020 du 1er décembre 2020 consid. 4.2.1).

3.8. En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant a été "dûment cité", au sens de l'art. 368 al. 3 CPP, à l'audience du 11 mars 2024. Il est également établi que, par pli du 2 septembre 2023, il a annoncé renoncer à l'assistance d'un avocat, de sorte que l'avocat d'office qui lui avait été désigné a alors été révoqué.

Le recourant n'a, une nouvelle fois, pas comparu à l'audience du 11 mars 2024. À cette occasion, il a produit, par mail, 30 minutes avant celle-ci, un certificat médical en tout point identique à ceux précédemment produits les 27 novembre 2023 et 29 janvier 2024.

Ce document, établi par un médecin spécialisé en endoctrinologie et en diabétologie, ne détaille ni les problèmes de santé dont il souffrirait ni en quoi la nature de ceux-ci l'empêcherait à nouveau de comparaître.

Que ce soit dans sa demande de nouveau jugement ou dans son recours, le recourant n'explicite pas davantage les problèmes de santé qui l'auraient empêché de comparaître, se réfugiant derrière le secret médical de son médecin.

Partant, c'est à bon droit que le Tribunal de police a considéré que l'excuse invoquée par le recourant n'était pas valable et a rejeté sa demande de nouveau jugement.

Une fois expurgés de leurs termes inconvenants, les autres griefs soulevés – principalement en lien avec les droits procéduraux de l'intéressé – apparaissent totalement inconsistants.

4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5. Le recours étant manifestement mal fondé, il n'y a pas lieu de faire application de l'art. 110 al. 4 CPP et de le renvoyer à son auteur pour qu'il le corrige.

6. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, au Tribunal de police et au Ministère public.

Le communique, pour information, à la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/7363/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00