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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/5359/2022

ACPR/373/2024 du 17.05.2024 sur ONMMP/3354/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;ADMINISTRATION DES PREUVES;CONTRAINTE(DROIT PÉNAL);DISCRIMINATION RACIALE;LÉSION CORPORELLE SIMPLE;MENACE(EN GÉNÉRAL);DIFFAMATION;ABUS D'AUTORITÉ;PLAINTE PÉNALE;APPRÉHENSION
Normes : CPP.310; CP.180; CP.31; CP.123; CPP.6; CP.181; CP.261bis; CP.126; CPP.139; CP.173; CP.312; CP.14; CP.30; CPP.215

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5359/2022 ACPR/373/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 17 mai 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], agissant en personne,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 24 août 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 8 septembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 24 août 2023, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a rejeté sa réquisition de preuve, refusé d'entrer en matière sur sa plainte et de lui accorder l'assistance judiciaire.

La recourante conclut, sous suite de frais et indemnité équitable, à l'annulation de l'ordonnance querellée, au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction et à l'octroi de l'assistance judiciaire tant pour la procédure préliminaire que pour la procédure de recours. Préalablement, elle sollicite un délai pour compléter son recours et demande à ce qu'il soit ordonné au Ministère public de produire l'intégralité du dossier de la procédure, y compris tous les documents procéduraux de l'Inspection Générale des Services (ci-après: l'IGS).

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 900.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Par courrier du 7 mars 2022, A______ a déposé plainte contre inconnus, ainsi que contre trois policiers, pour lésions corporelles simples, voies de fait, abus de pouvoir, discrimination et incitation à la haine, menaces, atteintes à l'honneur et toute autre infraction pertinente.

a.b. En substance, il ressortait de sa plainte, ainsi que de son audition ultérieure à l'IGS, qu'elle suivait des études doctorales à l'[établissement d’enseignement supérieur] B______ depuis le mois de septembre 2019.

Le 6 décembre 2021, elle s'était rendue à la bibliothèque de B______ pour finaliser et envoyer une demande de fonds. Peu après son arrivée, un agent de sécurité lui avait demandé son pass sanitaire, ce qui l'avait surprise. Personne d'autre n'avait été contrôlé. Or, non seulement elle n'était pas en mesure de lui montrer un tel document, mais elle ignorait aussi devoir en posséder un pour accéder à la bibliothèque, faute d'affiche à l'entrée indiquant cette obligation. L'agent de sécurité avait accepté qu'elle reste quelques minutes supplémentaires pour finir son travail. Il était revenu peu de temps après, mais elle n'avait pas terminé. Elle était toutefois consciente de ne pas pouvoir rester plus longtemps à la bibliothèque. Avant de s'en aller, elle avait suggéré à la bibliothécaire de remédier à l'absence d'affiche mentionnant l'obligation de posséder un pass sanitaire pour accéder à la bibliothèque.

À ce moment-là, elle avait été violemment réprimandée par la bibliothécaire et l'agent de sécurité qui lui avaient dit notamment qu'elle devait savoir qu'un certificat COVID était nécessaire. Ils lui avaient parlé avec hostilité et l'agent de sécurité avait adopté un langage corporel menaçant qui lui avait fait peur. Elle lui avait demandé de reculer et avait fait un pas en arrière en tendant son bras pour le repousser, sans toutefois le toucher. Par la suite, trois autres personnes avaient pris part à la discussion. L'agent de sécurité avait fini par la menacer d'appeler la police. Après 10 ou 15 minutes, une étudiante était venue les voir en leur disant qu'ils étaient trop bruyants. Elle avait alors pris ses affaires et quitté la bibliothèque – personne ne lui ayant demandé de rester sur place – pour se rendre dans une pharmacie effectuer un test COVID et revenir terminer sa demande de fonds. Elle considérait l'incident clos, même si ce qui s'était passé l'avait choquée et bouleversée.

En quittant le bâtiment, elle avait vu une voiture de police arriver et pensé qu'ils venaient probablement pour ce qui s'était passé à la bibliothèque. Elle avait continué à marcher et croisé les agents sur le trottoir. Elle avait entendu l'agent de sécurité la désigner aux policiers. L'un d'eux lui avait demandé ses papiers d'identité, sans explication, d'un ton menaçant. Dans la mesure où elle ne comprenait pas la situation et que le policier ne répondait pas à ses questions, elle avait dit souhaiter appeler son avocat. Elle s'était alors éloignée, sans toutefois prendre la fuite. L'un des policiers l'avait suivie. Elle lui avait répété avoir besoin d'espace pour son appel téléphonique et demandé de s'éloigner. À ce moment-là, il s'était exclamé "ça suffit!", puis lui avait saisi le bras droit par le poignet en le tordant derrière son dos. Un autre policier avait saisi son bras gauche, de la même manière. Ils l'avaient ensuite menottée, puis placée avec force dans leur véhicule. Elle avait protesté en leur disant qu'ils lui faisaient mal et avait prononcé les mots "fucking bastards". Le "policier principal" (C______) lui avait arraché son téléphone des mains sans explication.

Au cours du trajet, lequel s'était effectué sans qu'elle ne soit attachée par une ceinture de sécurité, le précité lui avait dit de retourner dans son pays: "This is not Russia for you here, this is Switzerland! This is not your country! Go back to where you came from! Go back to your country! If you don't know the rules here, go back to your country!". Puisqu'elle n'avait pas été identifiée à ce moment-là, il avait probablement dû supposer qu'elle venait de Russie. Il l'avait également menacée à plusieurs reprises en lui disant "You are finished!" et lui avait dit, sur un ton moqueur, avoir volé son téléphone. Dans la voiture, elle avait beaucoup bougé car les menottes lui faisaient mal. Le policier assis à côté d'elle lui avait tenu le bras. Elle lui avait demandé de le lâcher, mais il avait refusé en lui disant de ne pas essayer d'enlever les menottes. Elle ne savait pas si elle leur avait dit que celles-ci lui faisaient mal.

Au poste de police D______, elle avait fini par obtempérer, après que C______ lui avait expliqué pourquoi ils avaient besoin de sa carte d'identité. Le précité avait ensuite procédé aux vérifications et lui avait rendu son téléphone. Aucune question ne lui avait été posée et elle ne savait pas pourquoi les policiers avaient été appelés à B______. C______ lui avait répété "If you don't know the rules in this country, if you don't like it here, you are free to leave, you can leave!". Une fois sortie du poste, elle s'était rendue dans une pharmacie où elle avait obtenu un certificat COVID temporaire. Cela étant, elle n'avait pas voulu retourner à la bibliothèque après les événements de la matinée.

Elle sollicitait la sauvegarde des images de vidéosurveillance de B______, ainsi que du poste de police.

a.c. Elle produisait à l'appui de sa plainte des documents médicaux attestant d'hématomes sur ses poignets, ainsi que d'un état de stress post-traumatique perdurant à la suite des événements sus décrits.

a.d. Par courrier daté du 7 mars 2022, A______ a notamment sollicité, par la voix de son conseil, le bénéfice de l'assistance judiciaire.

b. Le 25 mars 2022, la procédure a été transmise à l'IGS pour complément d'enquête (art. 309 al. 2 CPP).

c. Le 15 juillet 2022, A______ a été entendue par l'IGS.

d.a. Par courriers des 19 et 28 juillet 2022, A______ a demandé au Ministère public des informations sur le traitement de sa plainte et de ses réquisitions de preuve, ainsi que l'accès au dossier. Elle se plaignait en outre du déroulement de son audition devant l'IGS. Son conseil avait dû partir alors qu'elle relisait le procès-verbal et avait subi des pressions pour en terminer rapidement la relecture, certaines des corrections sollicitées lui ayant été refusées. En outre, et malgré la présence d'une interprète, elle n'avait pas pu bénéficier d'une traduction complète du procès-verbal, alors même que cette garantie lui avait été signifiée. L'audition, qui avait été longue, s'était de surcroît déroulée sans la présence d'une personne de confiance.

d.b. Par courrier du 17 janvier 2023, le Ministère public a rejeté la demande de consultation du dossier dans la mesure où il n'en disposait pas, la procédure étant en mains de l'IGS.

e.a. Préalablement, par ordre de dépôt du 18 octobre 2022, le Ministère public avait requis de B______ la liste des employés présents à la bibliothèque le 6 décembre 2021, les images de vidéosurveillance, ainsi que le cahier des charges du service de sécurité concernant les mesures COVID.

e.b. Il ressortait de la liste des collaborateurs transmise par B______ que les bibliothécaires E______ et F______ étaient présentes au moment de l'incident.

e.c. Le plan de protection mis en place par B______ à partir du 29 novembre 2021 précisait notamment ce qui suit: "[l]attestation ou le certificat COVID-19 est obligatoire sur le lieu de travail, pour assister aux cours, se rendre à la bibliothèque et dans la cafétéria"; "un contrôle des activités et du respect des mesures de protection a[yant] lieu de manière périodique"; "la bibliothèque est ouverte au public. L'attestation ou le certificat COVID-19 y est obligatoire". Selon le rapport de l'IGS du 30 janvier 2023, ce document avait été envoyé par courriel à l'ensemble des étudiants, dont A______ faisait partie.

f.a. Entendus individuellement par l'IGS les 22 août, respectivement 13 et 20 septembre 2022, les agents de police G______, H______ et C______ ont, en substance, tenu les mêmes propos.

Ils avaient été appelés en raison d'un conflit survenu à la bibliothèque de B______. Sur place, ils avaient parlé avec l'agent de sécurité qui avait désigné A______ comme étant à l'origine du "scandale". Ils avaient essayé de discuter avec elle pour comprendre ce qui s'était passé et lui avaient demandé sa pièce d'identité. Elle avait toutefois refusé et commencé à quitter les lieux. Ils avaient réitéré leur demande, à plusieurs reprises, mais elle n'avait pas obtempéré. Dans la mesure où ils devaient procéder à son identification, ils lui avaient à nouveau demandé de leur présenter une pièce d'identité, précisant qu'en cas de refus, elle devrait les accompagner au poste. Elle avait persisté dans son attitude. H______ et C______ l'avaient alors tous deux saisie par un bras, puis menottée et placée dans le véhicule de service pour l'emmener au poste. Elle était agitée et les avait insultés. Durant le trajet, elle était très énervée. H______ avait dû tenir son bras car elle bougeait pour se défaire des menottes.

Au poste, ils lui avaient enlevé les menottes et demandé une nouvelle fois sa pièce d'identité. Elle avait fini par obtempérer. Après l'avoir formellement identifiée, ils l'avaient relaxée.

C______ contestait avoir tenu des propos discriminatoires et/ou menaçants envers A______. Il ne la connaissait pas avant l'intervention du 6 décembre 2021 et ignorait son origine avant qu'elle ne leur présente sa pièce d'identité au poste. Elle avait été autorisée à téléphoner. Elle était attachée à l'aide de la ceinture de sécurité pendant le trajet.

f.b. Entendu le 27 septembre 2022, I______, a expliqué qu'il était notamment chargé de contrôler les pass sanitaires des personnes présentes sur le site de B______. Il effectuait une ronde toutes les deux heures environ et contrôlait systématiquement chaque personne présente sur les lieux.

Le 6 décembre 2021, A______ avait été contrôlée à la bibliothèque de B______ sans pass sanitaire valable. Il lui avait demandé, à deux reprises, de quitter les lieux, mais elle lui avait rétorqué qu'aucune affiche à l'entrée de la bibliothèque ne mentionnait l'obligation d'en posséder un. Il avait alors insisté en lui rappelant qu'il s'agissait des règles de la Confédération. Elle était allée voir les employées de la bibliothèque et avait haussé le ton. Elle les avait montrées du doigt, allant même jusqu'à traiter l'une d'elle de folle "you are crazy". Il lui avait demandé de lui présenter sa carte étudiante, tout en l'informant qu'elle pouvait se soumettre gratuitement à un test salivaire. Dans le but de la calmer, il s'était placé entre elle et les employées de la réception. Elle lui avait toutefois hurlé dessus, tenant son bras en avant et reculant. Il lui avait alors demandé une nouvelle fois de se légitimer, soit avec sa carte étudiante, soit avec une pièce d'identité, mais elle avait refusé. Dans la mesure où elle persistait dans son refus, il lui avait dit être obligé d'appeler la police pour vérifier son identité, ce qu'il avait fait. Quelques minutes plus tard, A______ avait commencé à ranger ses affaires et avait quitté la bibliothèque. Il l'avait suivie afin de s'assurer qu'elle quittât bien les lieux.

À l'arrivée de la police, A______ avait continué sa route comme si de rien n'était. Les policiers l'avaient interpellée et avaient commencé à discuter avec elle. Elle avait toutefois haussé le ton et refusé de se légitimer. Après une longue discussion, ils avaient décidé de l'emmener au poste. Ils l'avaient menottée alors qu'elle était debout. Ils n'avaient pas fait usage de la force.

Lui-même n'avait pas été agressif ou menaçant verbalement ou physiquement envers A______ et il ne l'avait jamais touchée. En revanche, le comportement de la précitée avait été disproportionné; elle avait été "hystérique" envers les employées de l'accueil.

Il a versé à la procédure son rapport d'intervention daté du 6 décembre 2021.

f.c. Entendues à leur tour les 11, respectivement 18 novembre 2022, E______ et F______ ont, en substance, confirmé la version de I______. A______ était énervée et avait adopté un ton inapproprié. Personne n'avait été agressif ou menaçant, que ce soit verbalement ou physiquement, avec elle. I______ était resté calme durant l'intervention.

g.a. Selon le rapport de l'IGS du 30 janvier 2023, bien que le nécessaire ait été fait afin de préserver les images de vidéosurveillance du poste de police D______, celles-ci n'étaient plus disponibles, le délai légal de conservation étant écoulé. Après vérification, il n'existait pas d'autres systèmes de vidéosurveillance.

Sur les images de vidéosurveillance de la bibliothèque, on apercevait A______ en train de "gesticuler" avec ses bras.

g.b. L'usage de la contrainte, et plus précisément du passage des menottes, avait été fait de manière proportionnée et selon la méthode préconisée par la Directive sur l'usage de la force, moyens de contrainte et fouille (OS PRS.16.01,
ci-après: la Directive).

D'après le journal de police et l'extrait de la main courante enregistrée à la suite de l'événement, I______ avait appelé la Centrale d'engagement de coordination et d'alarme en indiquant qu'une femme (A______) "fai[sai]t du scandale" à la bibliothèque universitaire de B______. Cette réquisition avait été attribuée aux policiers G______, H______ et C______, qui s'étaient rendus sur place.

A______ avait refusé de s'identifier à plusieurs reprises au motif que les policiers n'étaient, selon elle, pas en droit d'exiger son nom. Dans la mesure où elle avait continué à marcher dans une direction opposée à celle des agents de police, faisant fi de leurs injonctions, H______ et C______ l'avaient retenue, "gentiment", par ses avant-bras et emmenée vers le véhicule de police. Elle avait été informée qu'en cas de refus de se légitimer, elle serait conduite au poste pour une identification formelle. Ils l'avaient menottée car elle refusait toujours de les suivre et avait tenté de se défaire de leur escorte. Une fois menottée, elle leur avait dit "fucking bastards". Durant le trajet, elle avait tenté de se défaire des menottes, raison pour laquelle H______ avait dû lui saisir le bras. Au poste de police, elle s'était calmée et ils avaient pu procéder au contrôle de son identité. Dans la mesure où la précitée n'était pas connue des services de police et qu'aucune plainte n'avait été déposée contre elle, elle avait pu s'en aller.

Les policiers n'avaient pas rédigé de rapport à l'encontre de A______, mais uniquement la rubrique de la main courante relative à l'usage de la contrainte sans utilisation de la force, comme requis par la Directive.

g.c. A______ était inconnue des policiers avant son identification formelle au poste D______.

g.d. Lors de l'audition du 15 juillet 2022, le conseil de A______ avait pu prendre connaissance du procès-verbal d'audition avant son départ et avait été d'accord avec son contenu. Il n'y avait pas eu d'autres questions ni remarques après son départ, l'audition ayant été clôturée après la relecture complète du procès-verbal par A______. Il avait été demandé à la traductrice de relire l'intégralité du document à la précitée, mais cette dernière avait refusé. Toutes les corrections demandées avaient été effectuées, à une exception près, dans la mesure où A______ avait souhaité supprimer un paragraphe dont la mention avait été requise par son conseil. Finalement, il avait été proposé, à plusieurs reprises, à A______ et à son avocat, de suspendre l'audition, ce que tous deux avaient refusé.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public a rejeté la réquisition de preuve formée par la recourante dans la mesure où les images de vidéosurveillance du poste D______ n'étaient plus disponibles – et, en tout état, inutiles –, décidé de ne pas entrer en matière sur les faits visés par la plainte (art. 310 al. 1 let. a CPP) et refusé d'accorder l'assistance judiciaire à l'intéressée.

D. a. Dans son acte de recours, A______ demande préalablement à pouvoir bénéficier d'un délai pour compléter son recours et mandater un nouvel avocat afin de l'assister dans la procédure.

En substance, elle reproche au Ministère public d'avoir instruit la cause de manière lacunaire et, partant, d'avoir procédé à une constatation erronée des faits, et violé le droit.

L'autorité n'avait pas recherché de témoins indépendants, alors même qu'il en existait, ce qui constituait une violation de la maxime d'instruction. Elle avait pourtant mentionné, dans sa plainte, la présence d'une étudiante à proximité lors de l'altercation à la bibliothèque, que la police aurait dû retrouver. Deux autres témoins auraient dû être convoqués, soit J______, qui avait vu l'intervention policière et enregistré une vidéo sur son téléphone, et K______. Ces témoignages pouvaient notamment permettre d'éclaircir les circonstances dans lesquelles elle avait tenté d'appeler un avocat et le comportement qu'elle avait adopté, ainsi que contredire les déclarations des policiers lorsqu'ils affirmaient l'avoir menottée "gentiment" et corroborer les plaintes qu'elle avait formulées. S'agissant des lésions corporelles subies, aucun médecin n'avait été entendu par l'autorité pénale, de sorte que les conclusions du Ministère public à cet égard ne pouvaient être retenues.

Elle avait demandé le versement à la procédure des images de vidéosurveillance de la bibliothèque et de l'extérieur du bâtiment où l'intervention policière avait eu lieu. Ces images étaient importantes notamment pour établir qu'elle était "stationnaire" pendant l'appel passé à son avocat et ne fuyait pas la police. L'ordonnance attaquée ne disait toutefois rien d'une telle requête à B______. Les images de vidéosurveillance du poste de police – non sauvegardées à tort – étaient nécessaires pour établir qu'elle avait été menottée par-dessus son sac à dos – ce qui avait "étiré" ses bras et lui avait provoqué des douleurs, d'où ses mouvements durant le trajet en voiture. Le refus de cette demande était donc injustifié.

De manière générale, un poids trop important avait été donné aux déclarations des prévenus. Elle n'avait pas eu accès aux procès-verbaux de leurs auditions. Néanmoins, il apparaissait que les policiers n'avaient pas été questionnés individuellement sur leur propre rôle lors de l'intervention, alors même qu'ils n'avaient pas la même connaissance des faits. En refusant de lui communiquer des informations sur la situation, tout en invoquant ses origines étrangères, ils lui avaient dénié une prestation destinée à l'usage public sur la base de son appartenance ethnique, ce qui était interdit.

Il appartenait au Ministère public de déterminer les infractions poursuivies d'office qui pouvaient avoir été commises lors des événements dont elle s'était plainte, ce qui n'avait pas été fait. En effet, lors de son audition – au cours de laquelle ses droits procéduraux n'avaient pas été respectés –, elle avait expliqué que la main courante rédigée par la police ne mentionnait pas l'appel passé à son avocat, ce qui avait eu pour conséquence de justifier indûment l'usage de la force par la police. Ce comportement, constitutif d'un faux dans les titres, n'avait pourtant pas été traité par l'IGS. De surcroît, l'autorité intimée avait mal apprécié certains faits. Elle reprochait en effet à l'agent de sécurité de l'avoir menacée physiquement en approchant son visage trop près du sien, non pas de lui avoir dit qu'il voulait appeler la police. S'agissant des propos tenus par les policiers, l'autorité n'avait pas tenu compte du profilage racial, dès lors que, même sans avoir contrôlé ses papiers, ils avaient tiré des conclusions sur son appartenance ethnique, l'un d'eux ayant tenu des propos discriminatoires à son encontre. La décrire comme une femme "hystérique" était un propos sexiste qui portait atteinte à sa dignité et constituait une discrimination.

Enfin, le refus de nomination d'un avocat d'office fondé sur l'absence de chances de succès était injustifié, dès lors que l'enquête était incomplète. La responsabilité pour les actions des policiers incombant à l'État, elle devait être assimilée à une action civile.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais.

Contrairement à ce qu'affirmait la recourante, l'enquête de l'IGS avait été faite de manière exhaustive, approfondie et suffisante. Quant à la prétendue violation des
art. 6 et 7 CPP, elle ne reposait sur aucun fondement, le Ministère public n'étant pas tenu d'instruire des faits suffisamment établis.

En réalité, la recourante ne cessait d'opposer au dossier sa propre interprétation des faits, alors même que les déclarations de toutes les personnes entendues allaient à l'encontre de celle-ci.

Les griefs soulevés par la recourante devaient être rejetés dans la mesure où ils étaient infondés et/ou pénalement irrelevants. Les lésions dont elle se plaignait étaient à mettre en lien avec le comportement inadéquat qu'elle avait adopté et n'avaient, dès lors, pas à être qualifiées juridiquement. Les policiers n'avaient commis aucune infraction dans le cadre de leur intervention et les droits procéduraux de la recourante avaient été respectés.

c.a. La recourante n'a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

c.b. Le 3 janvier 2024, elle a consulté le dossier de la procédure.

c.c. Par courrier du 28 février 2024, complété par pli du 12 mars suivant, la recourante a déposé une nouvelle demande d'assistance judiciaire sur le fondement de l'art. 136 al. 1 let. b CPP.

c.d. Par lettre du 5 mars 2024, la direction de la procédure de la Chambre de céans a informé la recourante qu'il serait statué sur sa demande dans la décision finale.

c.e. Par courrier du 13 mars 2024, Me L______ a demandé sa nomination d'office en faveur de A______.

c.f. Le 15 mars 2024, il lui a été répondu qu'il serait statué sur cette question dans la décision finale.

c.g. Par courrier du 22 mars 2024, Me L______ a demandé que sa requête fasse l'objet d'une décision incidente.

c.h. Par courrier du 28 mars 2024, la recourante a sollicité la disjonction immédiate de la procédure afin que soient traités distinctement l'incident à la bibliothèque de B______ et l'intervention policière qui s'en était suivie.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. La recourante demande à pouvoir compléter son recours.

Il est toutefois communément admis en procédure que la motivation d'un recours doit être entièrement contenue dans l'acte de recours lui-même, qui ne saurait dès lors être complété ou corrigé ultérieurement (ATF 134 II 244 consid. 2.4.2 et 2.4.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_659/2011 du 7 décembre 2010 consid. 5; ACPR/291/2013 du 24 juin 2013 ; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 3
ad art. 385).

Au demeurant, la recourante n'a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet aux observations du Ministère Public, de sorte qu'elle paraît avoir renoncé à compléter son recours.

2.             Par courrier du 28 mars 2024, soit postérieurement au dépôt du recours, la recourante a sollicité la disjonction de la procédure. Dans la mesure où cette question ne fait pas l'objet de la décision attaquée, cette demande est irrecevable.

3.             3.1. Le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).

Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies,
c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op.cit., n. 8 ad art. 310).

Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le ministère public doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 9 ad art. 310).

La non-entrée en matière peut également résulter de motifs juridiques. La question de savoir si les faits qui sont portés à sa connaissance constituent une infraction à la loi pénale doit être examinée d'office par le ministère public. Des motifs juridiques de non-entrée en matière existent lorsqu'il apparaît d'emblée que le comportement dénoncé n'est pas punissable (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 10 ad art. 310).

3.2.       Si l'une des conditions d'exercice de l'action publique fait défaut – ce qui doit être examiné d'office et à tous les stades de la procédure –, la poursuite pénale ne peut être engagée, ou bien, si elle a été déclenchée, elle doit s'arrêter. L'autorité doit clore le procès par une décision procédurale, soit une ordonnance de non-entrée en matière ou une ordonnance de classement (art. 310 al. 1 let. b et 319 al. 1 let. d CPP; G. PIQUEREZ / A. MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3ème éd., 2011, n. 1553 et 1555).

3.3.       Selon l'art. 6 al. 1 CPP, les autorités pénales recherchent d’office tous les faits pertinents pour la qualification de l’acte et le jugement du prévenu. Elles mettent en œuvre tous les moyens de preuves licites qui, selon l’état des connaissances scientifiques et l’expérience, sont propres à établir la vérité (art. 139 al. 1 CPP). Il n’y a pas lieu d’administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l’autorité pénale ou déjà suffisamment prouvés (al. 2).

4.             4.1. Aux termes de l'art. 180 al. 1 CP, se rend coupable de menaces quiconque, par une menace grave, alarme ou effraie une personne.

4.2.       Se rend coupable de contrainte au sens de l'art. 181 CP, quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

4.3.1. L'art. 173 ch. 1 CP réprime, sur plainte, le comportement de quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, de même que quiconque propage une telle accusation ou un tel soupçon.

4.3.2. Pour les infractions poursuivies sur plainte, l'existence d'une plainte pénale valable constitue une condition à l'ouverture – plus exactement, à l'exercice – de l'action pénale (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op.cit., n. 10a ad art. 310 et 10 ad art. 319; cf. également ATF 118 IV 325 c. 2b).

4.3.3. Selon l'art. 30 al. 1 CP, si une infraction n'est punie que sur plainte, toute personne lésée peut porter plainte contre l'auteur.

4.3.4. Le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. Le délai court du jour où l’ayant droit a connu l’auteur de l’infraction (art. 31 CP).

4.4.1. Se rend coupable de discrimination et incitation à la haine au sens de
l'art. 261bis CP, quiconque publiquement, par la parole, l’écriture, l’image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière, abaisse ou discrimine d’une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle ou qui, pour la même raison, nie, minimise grossièrement ou cherche à justifier un génocide ou d’autres crimes contre l’humanité (al. 4), ou quiconque refuse à une personne ou à un groupe de personnes, en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, une prestation destinée à l'usage public (al. 5).

L'énumération de l'art. 261bis CP est exhaustive (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Basler Kommentar Strafrecht II, 4ème ed., 2019, n. 21 ad art. 261bis).

4.4.2. Les étrangers ne constituent pas une race et les personnes, ainsi que les groupes qui n'ont que la nationalité en commun ne constituent pas une ethnie
(A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 9 et 10
ad art. 261bis). De même, les Nations et nationalités en tant que telles, c’est-à-dire en tant que catégories juridiques, ne sont pas visées par l'art. 261bis CP (M. NIGGLI /
H. WIPRÄCHTIGER (éds), op. cit., n. 16 ad art. 261bis).

4.5.1. L'art. 312 CP réprime les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, auront abusé des pouvoirs de leur charge. L’auteur doit user illégalement des prérogatives attachées à sa fonction. Ainsi, il décide ou contraint dans un cas où il ne lui était pas permis de le faire (ATF 127 IV 209
consid. 1a/aa; arrêt du Tribunal fédéral 6B_528/2021 du 8 juin 2022 consid. 1.1).

4.5.2. Selon l'art. 47 LPol, les membres autorisés du personnel de la police ont le droit d'exiger de toute personne qu'ils interpellent dans l'exercice de leur fonction qu'elle justifie de son identité (al. 1). Si la personne n'est pas en mesure de justifier de son identité et qu'un contrôle supplémentaire se révèle nécessaire, elle peut être conduite dans les locaux de la police pour y être identifiée (al. 2).

4.5.3. Selon l'art. 215 al. 1 CPP, afin d'élucider une infraction, la police peut appréhender une personne et, au besoin, la conduire au poste dans le but notamment d'établir son identité (let. a). L'appréhension au sens de l'art. 215 CPP ne suppose pas d'emblée, au contraire de l'arrestation provisoire, que la personne concernée soit soupçonnée d'un délit (cf. ATF 139 IV 128 consid. 1.2; 142 IV 129 consid. 2.2). Lors d’une appréhension, parfois aussi appelée contrôle d’identité, la police restreint passagèrement la liberté de mouvement de personnes dans l’exercice de son droit d’investigation. Cette mesure lui permet d’établir l’identité d’une personne et de déterminer si elle a commis une infraction ou si elle a un lien quelconque avec
celle-ci, en ayant par exemple vu quelque chose ou en se trouvant en possession d’objets recherchés.

4.6.       L'art. 123 CP réprime, sur plainte, les lésions corporelles simples (ch. 1),
c'est-à-dire des atteintes physiques, voire psychiques, qui revêtent une certaine importance (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1064/2019 du 16 janvier 2020 consid. 2.2).

4.7.       L'art. 126 al. 1 CP sanctionne, sur plainte, quiconque occasionne à une personne des voies de fait qui ne causent ni lésion corporelle ni atteinte à la santé.

4.8.       Aux termes de l'art. 14 CP, quiconque agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du code pénal ou d'une autre loi. En ce qui concerne le devoir de fonction, c'est le droit cantonal qui détermine, pour les agents publics cantonaux, s'il existe un devoir de fonction et quelle en est l'étendue (ATF 121 IV 207 consid. 2a).

5.            5.1. À bien la comprendre, la recourante ne conteste pas l'ordonnance querellée en tant qu'elle vise les deux bibliothécaires, de sorte qu'il n'y a pas lieu de traiter cet aspect de la plainte.

5.2. S'agissant de l'incident survenu à la bibliothèque de B______, seule demeure litigieuse la question de savoir s'il existe des soupçons suffisants de la commission, par I______, des infractions de menaces et/ou contrainte.

En l'espèce, I______ a contesté les faits qui lui étaient reprochés. Il ressort de son rapport d'intervention, ainsi que de ses déclarations à l'IGS, que la recourante avait adopté un comportement disproportionné et "hystérique" le jour de l'incident. Sa version des faits est corroborée par les déclarations concordantes des bibliothécaires qui ont également expliqué que la recourante était énervée et avait adopté un comportement inapproprié. Ces dernières ont par ailleurs souligné que I______ était resté calme lors de l'incident, ce qui contredit les allégations de la recourante.

Les images de vidéosurveillance de la bibliothèque de B______ vont dans le sens de ce qui précède, puisqu'on y voit la recourante s'agiter et "gesticuler" pendant plusieurs minutes, alors que I______ adopte une posture et une attitude calmes. Contrairement aux déclarations de la recourante, il n'apparait pas que I______ se soit approché d'elle de façon menaçante ou qu'il l'aurait entravée dans sa liberté d'action d'une quelconque manière pour l'obliger à quitter la bibliothèque, de sorte qu'il n'existe aucune prévention pénale à son encontre des infractions de menaces et/ou contrainte.

On ne voit au demeurant pas quels actes d'instruction permettraient au Ministère public de parvenir à une autre conclusion, dès lors que les déclarations des parties sont contradictoires et qu'une confrontation n'apparait pas utile, la vraisemblance que les parties maintiennent leurs déclarations étant pratiquement certaine. Quant à la recherche de nouveaux témoins, elle serait disproportionnée et vaine, plus de deux ans après les faits.

5.3. Dans son recours, A______ reproche encore à I______, ainsi qu'aux policiers de l'avoir décrite comme une femme "hystérique".

Or, la recourante n'a jamais déposé plainte pour ces faits.

Quand bien même, si ce terme, selon sa définition communément admise, s'emploie pour qualifier quelqu'un d'extrêmement nerveux et d'excité, il n'est ni sexiste, ni discriminatoire.

Compte tenu de ce qui précède, c'est à bon droit que le Ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière en ce qui concerne les faits reprochés à I______.

5.4. La recourante reproche encore au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte contre les policiers, lesquels avaient fait un usage non justifié de la force à son encontre et l'avaient blessée lors de son appréhension, avaient omis de mentionner l'appel à son avocat dans la main courante, d'une part, et de lui mettre la ceinture de sécurité lors du trajet d'autre part, et avaient tenu des propos discriminatoires en raison de ses origines étrangères, refusant pour les mêmes motifs de lui communiquer les informations qu'elle demandait sur la situation.

En l'espèce, il ressort du dossier que la recourante a refusé de se légitimer auprès des policiers intervenus sur le site de B______ – ce qu'elle admet – adoptant, qui plus est, un comportement inapproprié à leur égard. Dans la mesure où elle a tenté de quitter les lieux pour se soustraire au contrôle, en dépit de leurs injonctions, et persisté dans un comportement oppositionnel, l'appréhension de la recourante et le passage des menottes – de la manière décrite par les policiers dans la main courante – étaient justifiés – aucun élément au dossier ne permettant de penser que les policiers auraient agi de manière disproportionnée ou violente à son égard. Les déclarations des précités apparaissent parfaitement crédibles au vu du comportement adopté par la recourante tout au long de l'incident à la bibliothèque, puis à l'extérieur de celle-ci, et décrit de manière concordantes par l'ensemble des personnes entendues. Qui plus est, la recourante admet elle-même qu'elle a continué son chemin à l'arrivée des policiers, ce qui va dans le sens du comportement oppositionnel ultérieurement adopté et décrit par les policiers et I______. Le fait qu'elle prétende avoir ignoré la raison de l'intervention de la police ne change rien aux constatations qui précèdent.

Ensuite, on peine à comprendre le reproche formulé par la recourante selon lequel les policiers n'auraient pas mentionné l'appel téléphonique passé à son avocat dans la main courante, ce comportement n'étant constitutif d'aucune infraction, étant par ailleurs rappelé que la police n'a pas rédigé de rapport ensuite de son intervention, mais uniquement détaillé les moyens utilisés pour lui passer les menottes, comme requis par la Directive applicable en la matière. S'agissant de l'allégation de la recourante selon laquelle elle n'aurait pas été attachée au moyen de la ceinture de sécurité dans le véhicule de service, elle est contestée et aucun élément au dossier ne permet de l'établir.

Dans la mesure où la recourante était agitée durant le trajet en voiture, ce qu'elle admet au demeurant, il ne peut être exclu que les hématomes sur ses poignets soient la conséquence de son unique comportement. Quoi qu'il en soit, il ne peut être reproché un quelconque comportement fautif aux policiers, dans la mesure où il appartenait à la recourante de les informer si le port des menottes était douloureux, ce qu'elle ne se souvenait pas avoir fait. Finalement, et même à admettre que ses hématomes puissent être mis en lien avec l'intervention des policiers, ces faits tomberaient sous le coup de l'art. 14 CP au vu des développements qui précèdent. L'audition de médecins ne changerait rien aux constats médicaux produits, l'existence même des hématomes n'étant pas remise en question.

Par ailleurs, les propos rapportés par la recourante, à savoir, en substance, qu'elle ne se trouvait pas en Russie et qu'elle était libre d'y retourner si elle ne connaissait pas les règles en Suisse et n'aimait pas la vie dans ce pays, ne remplissent pas les conditions de l'art. 261bis CP, faute de se rapporter à une catégorie juridique visée par cette disposition. De plus, il est établi à teneur du dossier que les policiers ignoraient les origines de la recourante avant la vérification de ses papiers d'identité au poste de police, de sorte que les allégations de la précitée au sujet de prétendues discriminations ne sont pas crédibles.

On ne voit pas quels actes d'instruction permettraient au Ministère public de parvenir à des conclusions contraires, une confrontation entre les protagonistes n'étant pas pertinente pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment. Les faits étant suffisamment établis à teneur du dossier, les auditions de J______ et K______, dont on ignore au demeurant leurs liens éventuels avec la recourante, n'apparaissent pas utiles. Les images de vidéosurveillance du poste de police, même si sauvegardées, ne seraient d'aucune utilité vu ce qui précède.

Enfin, on ne voit pas quels droits procéduraux de la recourante auraient été violés, ceux allégués (départ de son conseil avant la fin de l'audience, refus des policiers d'apporter des modifications au procès-verbal et absence d'une traduction complète dudit document) étant contredits par les policiers de l'IGS dont il n'y a pas lieu de remettre la parole en doute. La précitée ne saurait par ailleurs prétendre au droit d'être confrontée aux policiers contre lesquels elle a déposé plainte, dans la mesure où ladite plainte a fait l'objet d'une ordonnance de non-entrée en matière. Au demeurant, elle pouvait parfaitement, à réception de ladite ordonnance, prendre connaissance du dossier, ce qu'elle n'a pas fait à ce moment-là. Quoi qu'il en soit, la recourante a eu tout loisir de faire valoir ses griefs dans son acte de recours.

Compte tenu de ce qui précède, c'est à bon droit que le Ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière et, vu l'issue de la plainte, rejeté la demande d'assistance judiciaire de la recourante.

6.            La recourante sollicite l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours.

Vu l'issue du recours, la demande de la recourante doit être rejetée, étant précisé qu'il n'y a pas lieu d'examiner celle-ci sous l'angle du nouveau droit dans la mesure où les actes entrepris et son recours sont antérieurs à l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions du CPP en la matière.

7.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

8.             Le refus de l'assistance judiciaire sera, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_215/2018 du 14 juin 2018 consid. 1.2).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance juridique gratuite pour l'instance de recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/5359/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00