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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/22743/2023

ACPR/341/2024 du 08.05.2024 sur ONMMP/243/2024 ( MP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : SOUPÇON;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;VICTIME;PERSONNE PROCHE;INTÉRÊT JURIDIQUEMENT PROTÉGÉ;REPRÉSENTATION LÉGALE;OBLIGATION D'ENTRETIEN
Normes : CPP.382; CC.298; CC.298a

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22743/2023 ACPR/341/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 8 mai 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [VD], agissant en personne,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 18 janvier 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 29 janvier 2024, A______ recourt contre l'ordonnance de non-entrée en matière du 18 janvier 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public lui a dénié la qualité de partie plaignante et refusé d'entrer en matière sur sa plainte pour abus de confiance dirigée contre B______.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance entreprise et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour qu'elle poursuive l'instruction.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ a déposé plainte le 17 octobre 2023 contre l'avocate genevoise B______, du chef d'abus de confiance (art. 138 CP).

Selon sa description des faits, il avait eu une fille, C______, née le ______ février 2014 de son union libre avec D______. L'enfant, représentée par sa mère, elle-même agissant par l'entremise de B______, avait déposé, le 17 janvier 2018, une requête en fixation de la contribution d'entretien auprès du Tribunal du district de E______, en Valais (ci-après : le Tribunal).

Dans sa décision sur mesures provisionnelles du 12 avril 2018, le Tribunal a condamné A______ à verser à sa fille des contributions d'entretien échelonnées partant de CHF 2'370.- par mois dès août 2016 pour culminer à CHF 2'580.- par mois dès le 1er mars 2017. Le père a en sus été condamné à payer une provisio ad litem de CHF 5'308.-, ainsi qu'une indemnité de dépens de CHF 1'500.-. Tous ces montants étaient dus à C______, mais devaient être payés "en mains de D______", selon le dispositif de la décision.

Le Tribunal a notamment retenu, à l'appui de sa décision, que A______ avait reconnu sa fille avant sa naissance et que la mère détenait l'autorité parentale exclusive sur l'enfant. Ces deux dernières étaient domiciliées en Norvège.

Par courrier du 2 mai 2018, B______ a invité A______ à payer l'arriéré de contributions alimentaires de CHF 54'780.-, la provio ad litem de CHF 5'308.- et les dépens de CHF 1'500.- sur le compte de son étude. La contribution d'entretien future devait également être versée sur le même compte.

Il s'était exécuté.

En 2020, il s'était avéré que l'enfant vivait en Espagne.

Il estime à quelque CHF 200'000.- au minimum les honoraires facturés par B______ à D______ depuis 2018. Comme la rémunération de D______ était, à sa connaissance, basse, il était impossible qu'elle paie les factures de son avocate par ses propres revenus. Il en conclut que l'avocate devait utiliser les montants qu'il lui versait à titre de contribution d'entretien pour sa fille, non pas pour les besoins de celle-ci, mais pour régler ses honoraires, ce qui était constitutif d'abus de confiance (art. 138 CP). L'avocate avait refusé de produire des preuves du versement de la contribution d'entretien à sa fille. Les autorités civiles, qu'il avait interpellées, demeuraient inactives.

b. Par courrier du 31 octobre 2023, le Ministère public a demandé à A______ de se déterminer, car il considérait que celui-ci n'était pas lésé par le comportement dénoncé et qu'il entendait donc refuser de l'admettre comme partie plaignante à la procédure.

c. Par courrier du 14 novembre 2023, A______ a rétorqué qu'en tant que père, il avait qualité pour déposer plainte pénale à l'encontre de l'avocate pour le préjudice subi par sa fille mineure. Il a en outre fait référence à une autre procédure pénale (P/1______/2016), dans laquelle il s'estimait victime de graves irrégularités procédurales commises tant par le Ministère public que par la Chambre de céans. Il s'en était plaint auprès du Conseil supérieur de la magistrature.

C. À l'appui de la décision querellée, le Ministère public retient que A______ n'était pas lésé. Une fois les contributions payées, il ne pouvait ni prétendre dicter l'usage qui en serait fait, ni s'opposer à ce qu'elles servent finalement à financer des procès dans lesquels il était adverse partie. Seule sa fille pouvait être lésée si les contributions d'entretien lui revenant étaient détournées. Subsidiairement, la mère de l'enfant était libre d'affecter les contributions d'entretien ou la provisio ad litem au but qui lui seyait. Peu importait que l'on appliquât le droit suisse ou espagnol sur ce point. Ainsi, l'éventuelle décision de D______ d'affecter tout ou partie de la contribution d'entretien ou de la provisio ad litem au paiement des honoraires de l'avocate n'était pas constitutive d'une infraction pénale.

D. a. Dans son recours, A______ soutient que le Ministère public avait occulté qu'il était lésé, en sa qualité de père d'une enfant mineure et parce qu'il était un proche au sens de l'art. 110 al. 1 CP. Le fait que l'avocate s'enrichisse en détournant les contributions d'entretien de leur but était contraire aux droits suisse et espagnol. La poursuite de l'infraction dénoncée devait reprendre, notamment, par une audition des parties.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1. 1.1. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

1.2. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

1.3. La qualité de lésé et, donc, de partie plaignante a été déniée au recourant par l'autorité précédente.

Dès lors qu'elle est déterminante pour juger de la recevabilité du recours (art. 382 al. 1 CPP), qui doit émaner d'une partie à la procédure (notamment, la partie plaignante : art. 104 al. 1 let. b CPP), il s'agit d'examiner cette question en premier.

1.3.1. En vertu de l'art. 118 CPP, on entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure comme demandeur au pénal ou au civil (al. 1). Une plainte pénale équivaut à une telle déclaration (al. 2).

1.3.2. La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP. Il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction (art. 115 al. 1 CPP), c'est-à-dire le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (arrêt du Tribunal fédéral 7B_11/2023 du 27 septembre 2023 consid. 3.2.1). Sont également considérées comme des lésés les personnes qui ont qualité pour déposer plainte pénale (art. 115 al. 2 CPP).

1.3.3. À teneur de l'art. 30 al. 1 CP, si une infraction n'est punie que sur plainte, toute personne lésée peut porter plainte contre l'auteur. Si le lésé n'a pas l'exercice des droits civils, le droit de porter plainte appartient à son représentant légal (art. 30 al. 2 1ère phr. CP).

1.3.4. Le représentant légal d'un mineur au sens de l'art. 30 al. 2 1ère phr. CP est le parent détenteur de l'autorité parentale (art. 304 al. 1 CC ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_323/2009 du 14 juillet 2009 consid. 3.1.2 ; M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht, 4ème éd., Bâle 2019, n. 32 ad art. 30 CP ; K. AFFOLTER / U. VOGEL, Berner Kommentar Die Wirkungen des Kindes-verhältnisses : elterliche Sorge / Kindesschutz / Kindesvermögen, Berne, 2016, n. 41 ad 304 CC).

1.3.5. L'art. 116 al. 2 CPP confère aux proches de la victime – soit notamment au père de la personne lésée qui, du fait d'une infraction, a subi une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle (art. 116 al. 1 CPP et 110 al. 1 CP) – un statut de victime indirecte. Le droit du proche de se constituer personnellement partie plaignante implique, ce que confirme la combinaison des art. 117 al. 3 et 122 al. 2 CPP, qu'il fasse valoir des prétentions civiles propres dans la procédure pénale (ATF 139 IV 89 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1105/2016 du 14 juin 2017 consid. 2.1 et 2.2 ainsi que les références citées). Dites prétentions doivent apparaître fondées, sous l'angle de la vraisemblance (ATF 139 IV 89 précité). La jurisprudence est restrictive quant à l'allocation d'une indemnité pour tort moral (art. 49 CO) aux parents d'un enfant lésé, exigeant qu'ils soient touchés avec la même intensité qu'en cas de décès de ce dernier (ATF 139 IV 89 précité consid 2.4; ATF 125 III 412 consid. 2a).

1.3.6. Selon l'art. 138 ch. 1 CP, quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, s'approprie une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui a été confiée, quiconque, sans droit, emploie à son profit ou au profit d'un tiers des valeurs patrimoniales qui lui ont été confiées, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. L'abus de confiance commis au préjudice des proches ou des familiers n'est poursuivi que sur plainte.

Les proches d'une personne sont son conjoint, son partenaire enregistré, ses parents en ligne directe, ses frères et sœurs germains, consanguins ou utérins ainsi que ses parents, frères et sœurs et enfants adoptifs (art. 110 al. 1 CP).

1.3.7. À teneur de l'art. 298a al. 1 CC, si la mère n'est pas mariée avec le père et que le père reconnaît l'enfant, ou si le lien de filiation est constaté par décision de justice et que l'autorité parentale conjointe n'est pas encore instituée au moment de la décision de justice, les parents obtiennent l'autorité parentale conjointe sur la base d'une déclaration commune.

À teneur de l'ancien art. 298 al. 1 CC, en vigueur jusqu'au 30 juin 2014, si la mère n'était pas mariée avec le père, l'autorité parentale appartenait à cette dernière.

L'art. 12 al. 4 Tit. fin. CC dispose que si l'autorité parentale n'appartenait qu'à l'un des parents lors de l'entrée en vigueur du nouveau droit, l'autre parent pouvait, dans le délai d'une année à compter de ce moment - soit jusqu'au 30 juin 2015 -, s'adresser à l'autorité compétente pour lui demander de prononcer l'autorité parentale conjointe. Au-delà de ce délai et faute d'accord du parent titulaire de l'autorité parentale (art. 298a CC), le parent concerné devait se fonder sur des faits nouveaux importants au sens de l'art. 298d al. 1 CC pour requérir l'autorité parentale conjointe (arrêt du Tribunal fédéral 5A_594/2018 du 11 mars 2019 consid. 6.2 et la référence citée).

1.3.8. En l'espèce, le recourant a dénoncé à l'autorité pénale le comportement d'une avocate, qui collecte au nom de la mère de sa fille les contributions d'entretien dues à l'enfant, et qui aurait selon lui agi contrairement aux intérêts pécuniaires de celle-ci.

Dans ce contexte, le recourant conteste le refus de l'admettre comme partie plaignante à la procédure.

Comme il l'expose lui-même, il ne prétend pas être touché directement dans son patrimoine par les faits qu'il dénonce : seule sa fille le serait.

Il s'agit donc d'examiner s'il peut, malgré cela, être admis à la procédure en qualité de partie plaignante.

Le recourant entend essentiellement fonder ses droits de partie sur la notion de proche figurant à l'art. 138 dernière phr. CP. Or, sa compréhension de cette disposition, réprimant l'abus de confiance au préjudice de proches, est manifestement erronée : la dernière phrase de l'art. 138 ch. 1 CP vise la situation où l'auteur est un proche de la victime et inversement, mais non, comme le soutient le recourant, celle où le plaignant est un proche de la victime. L'avocate mise en cause n'a aucun lien permettant de la considérer comme proche selon le droit pénal, ni avec le recourant, ni avec sa fille, ni avec la mère de celle-ci. Ainsi, l'éventualité d'un abus de confiance commis au préjudice d'un proche n'entre pas en considération.

Dans la même optique, il ne saurait être question de considérer le recourant comme un proche de la victime au sens de l'art. 116 CPP, puisque l'intégrité physique, psychique ou sexuelle de l'enfant n'est pas en jeu ici. De surcroît, le recourant n'entend pas faire valoir de conclusions en tort moral en l'espèce, lesquelles seraient de toute manière infondées au vu de la nature des faits dénoncés.

Par conséquent, le recourant ne remplit pas les conditions pour être lui-même reconnu partie plaignante.

Reste à déterminer s'il agit, comme il le soutient d'une certaine manière, en représentant des intérêts de sa fille. Tel n'est cependant pas le cas. D'une part, ni la plainte, ni le recours n'ont été déposés au nom de l'enfant mineur, le recourant agissant en son nom propre. D'autre part, le recourant, père d'une fille issue d'une union libre et née avant le 1er juillet 2014, ne détient pas l'autorité parentale sur l'enfant. De par la loi en vigueur au moment de la naissance, seule la mère était détentrice de l'autorité parentale. Aucun élément du dossier ne permet de retenir que le recourant aurait formulé la déclaration prévue à l'art. 12 al. 4 Tit. fin. CC, ce que confirment les constatations du juge civil valaisan. Comme il n'est pas son représentant légal, il ne saurait ni déposer plainte pénale en son nom, ni défendre ses intérêts pécuniaires en justice.

Ainsi, le recourant ne peut être admis comme représentant de sa fille.

Il s'ensuit qu'il ne revêt aucune des qualités de partie prévues à l'art. 104 CPP.

Son recours est donc irrecevable.

2. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Déclare le recours irrecevable.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Valérie LAUBER, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/22743/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00