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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/16376/2020

ACPR/347/2024 du 08.05.2024 sur ONMMP/1365/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;DÉNONCIATION CALOMNIEUSE;DIFFAMATION;CALOMNIE
Normes : CPP.310; CP.303; CP.173; Cp.174

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16376/2020 ACPR/347/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 8 mai 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Martin AHLSTRÖM, avocat, Étude Dayer Ahlström Fauconnet, quai Gustave-Ador 38, 1207 Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 25 mars 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 8 avril 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 25 mars précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a renoncé à entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et à l'ouverture d'une instruction contre B______ et C______.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'500.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 8 septembre 2020, A______ a déposé plainte contre B______ et C______ pour dénonciation calomnieuse (art. 303 CP), diffamation (art. 173 CP) et calomnie (art. 174 CP).

Avec les précités, il avait fondé la société D______ SÀRL, laquelle avait fait faillite en septembre 2019, deux ans après sa création. Dans ce contexte, B______ et C______ l'avaient accusé d'avoir facturé à la société des frais personnels, détourné du chiffre d'affaires et de la clientèle. Convoqué à la police le 16 juin 2020, il avait découvert qu'une plainte avait été déposée à son encontre pour gestion déloyale, diminution d'actifs et escroquerie (P/1______/2019). Toutes ces accusations étaient infondées et B______ et C______ le savaient; leur seule intention était de lui nuire.

b. Parmi les pièces jointes à la plainte figurent:

- un courriel du 17 avril 2019, envoyé à B______ par A______, avec C______ en copie, comprenant le passage suivant: "nous avons listé les dépenses que j'ai effectuées depuis le lancement de la société en supplément des apports actionnaires en CASH que tu m'as demandé. À ce jour, cela se monte à CHF 46'414.69. Il faut que ton comptable intègre cela dans le bilan […] et que nous signions des conventions de postposition pour ne plus être en situation de surendettement (275 Co). Les pièces justificatives sont dans le pdf joint";

- la réponse de B______ du 23 avril 2019: "Salut A______, Je m'en occupe! Nous ferons le nécessaire pour établir les conventions de postposition";

- un courriel du 21 juin 2019, envoyé à A______ par B______, avec C______ en copie. En substance, les deux derniers nommés constataient avoir financé la société à hauteur de CHF 20'000.- mais celle-ci n'avait conclu aucun contrat, ni généré de revenu, alors qu'ils avaient dû payer "de [leur] poche" des dépenses imprévues. A______ avait "utilisé [s]es sociétés pour [les] abuser, en transférant des factures de [s]es autres sociétés sur la société pour [leur] en faire porter le fardeau" et "en détournant des revenus comme par exemple ceux de l'office des poursuites [qu'il avait] encaissés directement, sans jamais rien reverser à la société". Le précité était mis en demeure de les rembourser et de les indemniser pour "tout le tort" créé.

c. Le 3 octobre 2023, le Ministère public a rendu une ordonnance de classement en faveur de A______ dans la P/1______/2019.

d. La procédure, suspendue par ordonnance du 26 octobre 2020 – dans la mesure où son issue dépendait de la P/1______/2019 –, a été reprise le 24 mars 2024.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public relève qu'il ne ressortait pas du dossier que B______ et C______ auraient dénoncé A______ alors qu'ils le savaient innocent, dans le but de faire ouvrir contre lui une procédure pénale. L'ordonnance de classement en faveur de l'intéressé dans la P/1______/2019 avait été rendue après une analyse permettant d'exclure la réalisation des éléments constitutifs des infractions en cause. Concernant la diffamation et la calomnie, il n'était pas établi que B______ et C______ auraient porté à la connaissance de tiers les soupçons qu'ils nourrissaient à l'endroit de A______.

D. a. Dans son recours, A______ soutient que les éléments constitutifs des infractions de dénonciation calomnieuse, diffamation et calomnie étaient réunis. B______ et C______ le savaient innocent des faits dont ils l'avaient accusé dans leur plainte. Ces faits portaient atteinte à son honneur et les précités s'étaient adressés à des tiers, soit le Ministère public et d'autres clients de D______ SÀRL.

Il produit l'ordonnance de classement rendue en sa faveur le 3 octobre 2023 par le Ministère public.

Il en ressort les éléments suivants:

- la P/1______/2019 a été ouverte à la suite de la plainte pénale de B______ et C______ du 22 octobre 2019;

A______ y était prévenu de gestion déloyale, abus de confiance, diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers et escroquerie. En substance, il lui était reproché d'avoir transféré, gratuitement, à E______ SA, dont il était l'administrateur, le produit "D______.swiss" mis au point par et appartenant à D______ SÀRL, avant la faillite de cette dernière, d'avoir ensuite vendu ce produit à un tiers sans en informer ses associés, ainsi que d'avoir essayé de se faire rembourser par D______ SÀRL un montant de CHF 46'414.69, qui comprenait le tiers d'une facture afférente à ses activités externes;

- le Ministère public a procédé à plusieurs actes d'instruction, dont des auditions de personnes, un ordre de dépôt et une audience de confrontation;

- il est arrivé aux conclusions que A______ pouvait valablement demander le remboursement des sommes prêtées par ses propres moyens en lien avec les activités de D______ SÀRL, qu'il n'avait pas transféré gratuitement le produit à E______ SA mais cherché à le vendre, sans succès, jusqu'à la faillite de D______ SÀRL, en particulier via une offre du 1er mars 2019, et que le seul contrat portant sur le produit finalisé par la société avait été conclu postérieurement à la dissolution de celle-ci.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Les pièces nouvelles produites devant la juridiction de céans sont également recevables, la jurisprudence admettant la production de faits et de moyens de preuve nouveaux en deuxième instance (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.2).

2.             Le recourant conteste la non-entrée en matière prononcée à la suite de sa plainte.

2.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a. CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Conformément à cette disposition, une procédure pénale peut être liquidée par ordonnance de non-entrée en matière lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre l'absence manifeste des éléments constitutifs d'une infraction que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé (arrêts du Tribunal fédéral 6B_488/2021 du 22 décembre 2021 consid. 5.3; 6B_212/2020 du 21 avril 2021 consid. 2.2; 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1).

2.2. L'art. 303 al. 1 CP réprime notamment du chef de dénonciation calomnieuse quiconque dénonce à l’autorité, comme auteur d’un crime ou d’un délit, une personne qu’il sait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale.

Sur le plan subjectif, l'auteur doit savoir que la personne qu'il dénonce est innocente. Il ne suffit donc pas qu'il ait conscience que ses allégations pourraient être fausses. Il doit savoir que son affirmation est inexacte. Aussi, le dol éventuel ne suffit pas (ATF 136 IV 170 consid. 2.1 p. 176 et les références citées). En outre, seul l’auteur qui agit dans un dessein particulier – à savoir en vue de faire ouvrir une poursuite pénale – peut se rendre coupable de dénonciation calomnieuse. Cet article consacre ainsi une infraction subjectivement spéciale (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 19 ad art. 303).

Au cas où l'auteur ne savait pas que la personne visée était innocente, la diffamation (art. 173 CP) est applicable (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI, Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 31 ad art. 303).

2.3.1. L'art. 173 ch. 1 CP réprime le comportement de quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, de même que quiconque propage une telle accusation ou un tel soupçon.

2.3.2. La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue par le fait que les allégations propagées sont fausses (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1215/2020 du 22 avril 2021 consid. 3.1).

2.4. En l'espèce, la plainte déposée contre le recourant et qui a donné lieu à l'ouverture de la P/1______/2019 a fait l'objet d'un classement, le 3 octobre 2023.

Pour autant, aucun élément ne permet d'établir que les plaignants dans la procédure susmentionnée – qui revêtent la qualité de mis en cause dans la présente – savaient le recourant innocent des faits reprochés.

Il ressort au contraire de l'ordonnance de classement rendue dans la P/1______/2019 que la plainte des mis en cause avait justifié l'ouverture d'une instruction, ce qui dénote qu'elle n'était pas d'emblée dénuée de tout fondement. La procédure susmentionnée a fait l'objet de plusieurs actes d'enquête, dont des auditions de témoins et un ordre de dépôt. Quand bien même le Ministère public a finalement écarté tout soupçon à l'égard du recourant, sa motivation ne permet pas de conclure que les mis en causes savaient (ou devaient connaître) la fausseté de leurs accusations. Les explications du recourant ainsi que les pièces produites ne permettent pas non plus de retenir que la démarche des mis en cause ne trouvait aucune assise et qu'elle relevait d'un pur esprit chicanier.

Dans ces circonstances, les éléments constitutifs de la dénonciation calomnieuse n'apparaissent pas remplis.

La plainte pénale du 22 octobre 2019 à l'origine de la décision de classement ne remplit pas davantage les éléments constitutifs de la diffamation et/ou calomnie dans la mesure où les mis en cause n'ont manifestement pas dépassé le cadre nécessaire et légitime pour faire valoir leurs droits en justice, comme l'a du reste relevé à juste titre le Ministère public dans son ordonnance litigieuse.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait être traité d'emblée sans échange d'écritures, ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'500.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/16376/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'415.00

Total

CHF

1'500.00