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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11693/2023

ACPR/346/2024 du 08.05.2024 sur ONMMP/3950/2023 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;FAUX TÉMOIGNAGE;COMPÉTENCE RATIONE LOCI;DIFFAMATION;CALOMNIE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU
Normes : CPP.310.al1.leta; CPP.382.al1; CP.307; CP.173; CP.174; CP.3.al1; CP.8.al1; Cst

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11693/2023 ACPR/346/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 8 mai 2024

 

Entre

A______,

B______,

C______,

D______ S.R.O,

tous représentés par Me Guglielmo PALUMBO et Me Gabrielle PERESSIN, avocats, HABEAS Avocats Sàrl, rue du Général-Dufour 20, case postale 556, 1211 Genève 4,

recourants,

 

contre les ordonnances de non-entrée en matière rendues le 9 octobre 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 20 octobre 2023, A______, B______, C______ et D______ S.R.O recourent contre les quatre ordonnances – au contenu identique – du 9 précédent, communiquées par pli simple, par lesquelles le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur leur plainte du 31 mai 2023 contre E______.

Les recourants concluent, sous suite de frais et dépens, non chiffrés, à l'annulation de ces décisions et au renvoi de la procédure au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction.

b. Les recourants ont versé les sûretés en CHF 1'500.- qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. D______ S.R.O est une société, ayant son siège à F______, en République Tchèque, principalement active dans le domaine bancaire et du forfaiting. A______ et C______, également ressortissants de ce pays, la détiennent et la dirigent ensemble.

a.b. G______ S.R.O. est une société, ayant son siège à H______, en Slovaquie, dont le but est notamment le conseil, l'achat et la vente de marchandises. B______, ressortissant tchèque, en est le directeur et seul actionnaire. Cette société a été mise en liquidation, le 16 novembre 2020, puis radiée du registre du commerce, le ______ 2021.

a.c. E______ est un enquêteur privé domicilié à Genève. Du 1er janvier 2012 au mois de décembre 2019, il a travaillé comme analyste en renseignement économique au sein de l'agence I______. I______ est une filiale de J______ INC., société de renseignements économiques, dont le but est d'aider ses clients à découvrir des cas de fraude économique, essentiellement dans des affaires à caractère international.

b. Le 31 mai 2023, B______, A______, C______ et D______ S.R.O. ont déposé plainte contre E______ des chefs de faux témoignage (art. 307 CP) et de calomnie (art. 174 CP), voire de diffamation (art. 173 CP), à la suite des propos tenus par celui-ci lors de son audition, en qualité de témoin, par la police genevoise le 1er mars 2023.

En substance, ils ont exposé que B______, A______ et C______ étaient visés par une procédure pénale ouverte devant les autorités tchèques pour des faits de fraude à l'assurance. Le Parquet de F______ avait auditionné E______ en qualité de témoin les 19 décembre 2017 et 16 janvier 2018. Lors de ces auditions, E______ les avait traités de "fraudeurs" et d'"escrocs".

Par ailleurs, les autorités slovaques avaient, au cours de l'année 2022, informé B______, A______ et C______ de l'ouverture d'une instruction pénale à leur encontre dans ce pays pour des faits similaires. Dans ce cadre, elles avaient adressé une demande d'entraide internationale à la Suisse en vue de l'audition de E______, en qualité de témoin.

Cette audition s'était tenue le 1er mars 2023, à Genève, dans les locaux de la Brigade financière, sur délégation du Ministère public, en application de l'ordonnance d'exécution de la demande d'entraide précitée.

En début d'audience, l'attention du témoin avait été expressément attirée sur les conséquences d'un faux témoignage. E______ avait toutefois fait des déclarations fausses, par lesquelles il réitérait ses précédentes affirmations tenues devant le Parquet tchèque, selon eux, erronées et attentoires à leur honneur, les accusant en substance d'avoir participé à une fraude importante à l'aide notamment de faux contrats. C'était ainsi qu'il avait notamment évoqué l'existence de "vrais faux contrats", "faux documents" et de "fraudes". De plus, E______ avait présenté B______, A______ et C______ comme des "fraudeurs, des hommes d'affaires ayant participé à une fraude gigantesque, en établissant de faux documents, de fausses transactions, ainsi qu'en fondant et utilisant des sociétés écrans pour parvenir à leurs fins au détriment des assurances". À cela s'ajoutait qu'il avait accusé D______ S.R.O. d'avoir "joué un rôle dans cette fraude", alors qu'elle ne faisait elle-même pas l'objet de poursuites pénales.

C. Dans ses décisions querellées, le Ministère public estime que l'infraction de faux témoignage (art. 307 CP) protège l'administration de la justice suisse. Or, les déclarations de E______ – dont l'audition avait eu lieu sur commission rogatoire – avaient été faites non pas à des autorités suisses, mais à des autorités slovaques, par le biais de la police genevoise qui n'avait agi que comme intermédiaire dans le cadre de la procédure étrangère. Ainsi, en l'absence d'une compétence des autorités helvétiques à raison du lieu (art. 31 ss CPP), il était décidé de ne pas entrer en matière sur les faits dénoncés par les parties plaignantes (art. 310 al. 1 let. b CPP).

D. a. À l'appui de leur recours, A______, B______, C______ et D______ S.R.O invoquent une violation des art. 29 Cst., 3 et 8 CP, 31 ss CPP, ainsi que de l'art. 310 CPP et du principe "in dubio pro duriore".

Ils étaient directement lésés par les propos tenus par E______ lors de son audition du 1er mars 2023 et en subissaient personnellement les conséquences dommageables, dès lors que ces affirmations étaient "fondamentales" dans l'existence et le maintien des poursuites pénales ouvertes contre eux en Slovaquie et en République Tchèque. De ce point de vue, leur recours était recevable tant sous l'angle de l'infraction de faux témoignage que des infractions de calomnie et de diffamation.

Le Ministère public, qui n'avait examiné que le faux témoignage, avait violé leur droit d'être entendus en ne disant mot sur les infractions contre l'honneur dénoncées dans leur plainte, et a fortiori en n'exposant pas pour quelle(s) raison(s) les conditions à l'ouverture de l'instruction n'étaient pas réunies sur cet aspect, ce qui constituait un déni de justice. Une éventuelle motivation implicite était également exclue, dans la mesure où les motifs invoqués dans les décisions querellées pour refuser d'entrer en matière sur l'infraction à l'art. 307 CP ne pouvaient pas s'étendre par analogie aux infractions contre l'honneur. Par ailleurs, la compétence du Ministère public genevois à raison du lieu ne faisait aucun doute, dès lors que les déclarations diffamatoires et calomnieuses avaient été faites en Suisse devant des tiers qui en avaient pris connaissance en ce lieu.

De surcroît, contrairement à ce qu'avait retenu le Ministère public, les autorités pénales helvétiques étaient compétentes pour poursuivre l'infraction prévue à l'art. 307 CP. En effet, le mis en cause, de nationalité suisse et domicilié à Genève, avait proféré ses déclarations litigieuses dans ce canton, lesquelles avaient également été entendues par des tiers, à cet endroit, de sorte que l'auteur avait bien agi depuis la Suisse, fondant ainsi la compétence des autorités genevoises pour instruire ces faits. À cela s'ajoutait que la compétence des autorités suisses ne pouvait pas être exclue du seul fait que l'audition avait été effectuée dans le cadre d'une commission rogatoire, laquelle ne constituait pas une exception à l'application du Code pénal. À cet égard, même les missions diplomatiques n'étaient pas exclues du champ d'application territorial du droit pénal. En outre, selon l'ATF 94 IV 1 consid. b et c (in JdT 1968 IV p. 34), la procédure d'entraide était une procédure judiciaire suisse couverte par l'art. 307 CP, de sorte que l'autorité intimée aurait dû constater que c'était bien l'administration de la justice suisse qui avait été mise en danger par les fausses déclarations du témoin. Les décisions litigieuses devaient donc être annulées pour ce motif également.

Enfin, les éléments constitutifs des infractions dénoncées étaient manifestement réunis, de sorte qu'une instruction devait être ouverte.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours, sans autres observations.

c. Les recourants répliquent.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane des plaignants, qui sont parties à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP).

1.2. Il convient cependant d'examiner si les recourants disposent de la qualité pour recourir en tant qu'ils contestent le refus du Ministère public d'entrer en matière sur l'infraction visée à l'art. 307 CP.

1.2.1. Seule la partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l’annulation d’un prononcé est habilitée à quereller celui-ci (art. 382 al. 1 CPP).

Tel est, en particulier, le cas du lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale (art. 118 al. 1 CPP). La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP; il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction, c’est-à-dire le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 147 IV 269 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_669/2021 du 8 mars 2022 consid. 3.1).

1.2.2. L'art. 307 CP protège en première ligne l'intérêt collectif, à savoir l'administration de la justice, et seulement de manière secondaire les intérêts de particuliers, lesquels doivent exposer en quoi leurs intérêts privés ont été effectivement touchés par le faux témoignage – leur préjudice devant apparaître comme étant la conséquence de cette infraction. À défaut, leur acte est irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_92/2018 du 17 mai 2018 consid. 2.1 et 2.2).

1.2.3. En l'espèce, les recourants s'estiment lésés, dans l'administration des preuves, par les accusations, selon eux, mensongères proférées à leur encontre par le témoin lors de son audition à la police du 1er mars 2023, dans le cadre de la procédure d'entraide sollicitée par les autorités slovaques. Toutefois, les recourants n'allèguent pas que la procédure pénale devant cette autorité serait terminée. Or, le Tribunal fédéral a, à plusieurs occasions, rappelé que lorsque le litige à l'origine de la dénonciation pénale n'est pas encore terminé, on ignore si les prétendues fausses déclarations en justice auront ou non une quelconque influence sur le jugement à rendre. S'agissant, à ce stade, de pures conjectures, il n'y a pas de lien de causalité direct entre les déclarations incriminées et le préjudice allégué, l'intéressé ne subissant aucune conséquence dommageable du fait des déclarations proférées (ATF 123 IV 184 consid. 1c p. 189; arrêts 1B_649/2012 du 11 septembre 2013). Pour le surplus, les recourants n'exposent pas en quoi ces déclarations prétendument mensongères auraient touché leurs droits, notamment leur liberté, leur honneur ou leur patrimoine, ceux-ci se limitant à soutenir que ces affirmations étaient "fondamentales" dans l'existence et le maintien des poursuites pénales ouvertes à leur encontre, en Slovaquie et en République Tchèque.

Dans ces conditions, l'infraction de faux témoignage dénoncée n'apparaît pas susceptible de léser directement les recourants A______, B______ et C______ dans un intérêt personnel et juridiquement protégé, de sorte que la qualité pour recourir doit leur être déniée. Quant à D______ S.R.O., elle ne semble pas, à la lecture de l'acte de recours, faire l'objet de poursuites pénales devant les autorités slovaques. Tel est donc a fortiori le cas pour elle. Le recours est ainsi irrecevable sur ce point.

Il s'ensuit que la question de la compétence des autorités pénales helvétiques pour poursuivre cette infraction peut demeurer ouverte.

1.3. Le recours est recevable pour le surplus. En effet, la qualité pour agir des recourants est donnée s'agissant du refus d'entrer en matière sur les infractions de diffamation et de calomnie dénoncées, ceux-ci étant titulaires du bien juridiquement protégé – l'honneur – par ces normes.

1.4. Les pièces nouvelles produites devant la juridiction de céans sont également recevables, la jurisprudence admettant la production de faits et de moyens de preuve nouveaux en deuxième instance (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.2).

2. La question de l'existence d'un for en Suisse se pose s'agissant des infractions de diffamation et de calomnie alléguées.

2.1. Aux termes de l'art. 3 al. 1 CP, le code pénal suisse est applicable à quiconque commet un crime ou un délit en Suisse. Cette disposition reprend le principe de base applicable en droit pénal international qui est celui de la territorialité, en vertu duquel les auteurs d'infractions sont soumis à la juridiction du pays où elles ont été commises (ATF 121 IV 145 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 6B_21/2009 du 19 mai 2009 consid. 1.1).

Un crime ou un délit est réputé commis tant au lieu où l'auteur a agi ou aurait dû agir qu'au lieu où le résultat s'est produit (art. 8 al. 1 CP).

Le lieu où l'auteur a agi ou aurait dû agir est le lieu où il a réalisé l'un des éléments constitutifs de l'infraction. Il suffit qu'il réalise une partie – voire un seul – des actes constitutifs sur le territoire suisse ; le lieu où il décide de commettre l'infraction ou le lieu où il réalise les actes préparatoires (non punissables) ne sont toutefois pas pertinents (ATF 144 IV 265 consid. 2.7.2).

2.2.1. L'art. 173 ch. 1 CP réprime le comportement de quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, de même que quiconque propage une telle accusation ou un tel soupçon.

2.2.2. La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue par le fait que les allégations propagées sont fausses (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1215/2020 du 22 avril 2021 consid. 3.1).

2.2.3. Les délits contre l'honneur sont des délits de mise en danger abstrait. Ils sont consommés dès qu'un tiers prend connaissance de la déclaration portant atteinte à l'honneur (ATF 125 IV 177 consid. 3a ; plus récemment, arrêt du Tribunal fédéral 6B_69/2016 du 29 septembre 2016 consid. 2.3.1). La réception ou la perception du contenu en question caractérisent par conséquent le résultat typique inhérent à la consommation de l'infraction de communication (arrêt du Tribunal fédéral 6B_313/2023 du 23 octobre 2023 consid. 4.1 et les références citées).

2.3. Dans le cas d'espèce, le mis en cause, de nationalité suisse, est domicilié en Suisse et y a été entendu comme témoin, de sorte que la communication des propos litigieux a été faite en Suisse à des personnes qui en ont pris connaissance en ce lieu. Il est dès lors constant que le lieu de commission des faits dénoncés se situe en Suisse; peu importe que la mesure d'instruction ait été exécutée, par les autorités helvétiques, à la demande des autorités slovaques.

Partant, il existe un rattachement territorial avec la Suisse, fondé sur le lieu de commission au sens de l'art. 8 al. 1 CP. Les autorités judiciaires pénales suisses sont donc compétentes pour poursuivre – si elles s'avèrent commises – les infractions aux art. 173 et 174 CP dénoncées par les recourants.

3. Les recourants invoquent une violation de leur droit d'être entendus, les ordonnances querellées étant, selon eux, lacunaires.

3.1. La garantie du droit d'être entendu, déduite de l'art. 29 al. 2 Cst., impose à l'autorité de motiver ses décisions, afin que les parties puissent les comprendre et apprécier l'opportunité de les attaquer, et que les autorités de recours soient en mesure d'exercer leur contrôle (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4). L'autorité doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels elle a fondé son prononcé. Elle n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 143 III 65 consid. 5.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_5/2022 du 8 juin 2022 consid. 2.1.1).

Une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel également prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à prendre (ATF 138 V 125 consid. 2.1 p. 127).

3.2. Le droit d'être entendu est un grief d'ordre formel, dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès de recours sur le fond. Une violation du droit d'être entendu peut toutefois être considérée comme réparée lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une autorité de recours disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure et pouvant ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée (ATF 137 I 195 consid. 2.2 et 2.3.2), ce qui est le cas pour l'autorité de recours (art. 391 al. 1 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_574/2020 du 3 décembre 2020 consid. 4.1). Une telle réparation dépend de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 135 I 276 consid. 2.6.1).

3.3. Si une garantie procédurale n'a pas été respectée, il convient, autant que possible, de remettre la personne lésée dans la situation qui aurait été la sienne si l'exigence en cause n'avait pas été méconnue ; en matière de violation du droit d'être entendu, la réparation consiste à renvoyer le dossier à l'autorité intimée pour qu'elle rende une nouvelle décision (ACPR/658/2023 du 21 août 2023 consid. 2.2).

3.4. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (arrêt 6B_196/2020 précité ; ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1; et 137 IV 219 consid. 7).

3.5. En l'occurrence, le Ministère public ne consacre aucun développement aux art. 173 et 174 CP dans les ordonnances querellées, affirmant seulement – en lien avec l'infraction de faux témoignage (art. 307 CP) – qu'en l'absence d'une compétence à raison du lieu des autorités helvétiques, il est décidé de ne pas entrer en matière sur "les faits dénoncés par les parties plaignantes (art. 310 al. 1 let. b CPP)".

Or, s'il estimait que la compétence ratione loci des autorités suisses faisait également défaut pour traiter des dispositions précitées, ce qui n'est pas le cas (cf. consid 2.3 supra), ou que les éléments constitutifs de ces infractions n'étaient pas réunis, le Ministère public pouvait et devait encore exposer son raisonnement – même bref – permettant de comprendre en quoi il considérait qu'une non-entrée en matière se justifiait sur ces aspects, indépendants de l'infraction de faux témoignage.

Les observations du Ministère public sur recours restent, en outre, muettes sur ces points. En agissant ainsi, l'autorité précédente est contrevenue à son obligation de motivation garantie par l'art. 29 Cst., laquelle n'a pas été réparée par-devant la Chambre de céans, qui n'est ainsi pas en mesure d'exercer son contrôle.

De ce fait, et conformément au principe du double degré de juridiction, les décisions querellées seront annulées et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle motive sa position.

Le recours sera donc admis sur ce point.

4. Les recourants succombent en partie. Partant, ils seront condamnés à supporter la moitié des frais de la procédure, fixés en totalité à CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

5. Les recourants, parties plaignantes qui obtiennent en partie gain de cause, ont requis le versement d'une équitable indemnité au sens de l'art. 433 al. 2 CPP, applicable en instance de recours (art. 436 al. 1 CPP), mais, faute de l'avoir chiffrée et justifiée, il ne sera pas entré en matière sur cette conclusion (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1345/2016 du 30 novembre 2017 consid. 7.2).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Admet partiellement le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Annule les ordonnances querellées en tant qu'elles portent sur la plainte pour diffamation et calomnie et renvoie la cause au Ministère public pour qu'il rende une décision motivée sur ce point, au sens des considérants.

Rejette le recours pour le surplus.

Condamne B______, A______, C______ et D______ S.R.O., solidairement, à la moitié des frais de l'instance, arrêtés à CHF 1'500.-, soit à CHF 750.-, et laisse le solde à la charge de l'État.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer aux recourants la moitié des sûretés versées (CHF 750.-).

Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants, soit pour eux leurs conseils, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

Le greffier :

Selim AMMANN

 

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/11693/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'415.00

Total

CHF

1'500.00