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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/133/2023

ACPR/340/2024 du 07.05.2024 ( RECUSE ) , REJETE

Descripteurs : RÉCUSATION
Normes : CPP.56

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/133/2023 ACPR/340/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 7 mai 2024

 

Entre

 

A______ et B______, p.a. ______ [GE], agissant en personne,

requérants,

 

et

 

C______, Procureur, Ministère public, route de Chancy 6B, 1213 Patit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

cité.


EN FAIT :

A. Par lettre adressée au Ministère public le 26 novembre 2023, A______ et B______ ont requis la récusation du Procureur C______, dans le cadre de la procédure P/1______/2023.

Le 6 décembre suivant, le magistrat précité a fait parvenir ladite requête à la Chambre de céans, qui l'a invité à faire part de ses observations, ce qu'il a fait le 22 décembre 2023.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par lettre du 9 octobre 2023 adressée au Procureur D______, A______, sur papier à entête à son nom, a déposé plainte pénale contre E______, juge suppléant à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice, pour abus d'autorité, lui reprochant d'avoir rendu une ordonnance d'expertise, le 26 septembre 2023, dans la procédure (A/2______/2019 et A/3______/2020) dont il avait la charge. La plainte pénale est co-signée par B______.

Était jointe copie des pages 1, 16, 20 et 21 de l'ordonnance d'expertise susmentionnée.

b. À réception de la plainte, le Ministère public a ouvert la procédure pénale P/1______/2023.

c. Par lettres du 21 novembre 2023, expédiées par pli simple, C______ a invité A______ et B______ à préciser à quel titre le second avait signé la plainte. Par ailleurs, le second était également invité à fournir toute observation utile sur sa qualité de lésé, et, la première, à transmettre une version complète de l'ordonnance d'expertise.

C. a. Dans leur demande – conjointe – de récusation, A______ et B______ ont annoncé avoir déposé plainte contre C______ pour abus de pouvoir (art. 312 CP) et complicité aggravée d'abus de pouvoir commis par le juge E______. Une plainte administrative était également déposée, car C______ avait violé la Loi genevoise sur l'organisation judiciaire (LOJ).

A______ a expliqué que bien que B______ ne fût pas avocat, elle l'avait "mandaté", car le juge E______ avait refusé de lui "trouver un nouvel avocat".

A______ et B______ précisent que leur plainte avait été adressée au Procureur D______, en qui ils avaient confiance. Ils reprochent à C______ de s'ériger en avocat du juge E______, et le somment de se récuser dans toutes les procédures les concernant. Au surplus, il appartenait au Ministère public de se procurer l'expertise, auprès du Tribunal arbitral des assurances.

b. Dans ses observations, C______ conclut au rejet de la demande, qui ne précisait pas le motif de récusation invoqué. Toutefois, dès lors qu'il lui était reproché de se prendre pour l'avocat du juge visé par la plainte, et de s'être lui-même rendu coupable d'abus d'autorité, la requête semblait se fonder sur la clause générale de l'art. 56 let. f CPP. Il peinait toutefois à voir en quoi le fait d'adresser aux parties plaignantes des courriers visant à tirer au clair le rôle procédural de l'une d'elles, respectivement à obtenir la production d'une pièce, marquerait une quelconque prévention. Le dépôt d'une plainte contre un magistrat ne constituait pas un motif de récusation.

c. Les requérants n'ont pas répliqué aux observations susmentionnées, qui leur ont été notifiées le 12 janvier 2024.

EN DROIT :

1.             1.1. La récusation des magistrats et fonctionnaires judiciaires au sein d'une autorité pénale est régie expressément par le CPP (art. 56 et ss. CPP).

La Chambre pénale de recours de la Cour de justice (art. 59 al. 1 let. b CPP et 128 al. 2 let. a LOJ), siégeant dans la composition de trois juges (art. 127 LOJ), est l'autorité compétente pour statuer sur une requête de récusation visant un magistrat du Ministère public.

1.2.1. Toute partie peut demander la récusation d'une personne qui exerce une fonction au sein d'une autorité pénale (art. 58 al. 1 CPP).

Dispose de la qualité de partie, notamment, la partie plaignante (art. 104 al. 1 let. b CPP). On entend par partie plaignante le lésé qui déclare vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil (art. 118 al. 1 CPP). On entend par lésé toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction (art. 115 al. 1 CPP).

Tant que les faits déterminants ne sont pas définitivement arrêtés, il y a lieu de se fonder sur les allégués de celui qui se prétend lésé pour déterminer si tel est le cas (arrêt du Tribunal fédéral 1B_438/2016 du 14 mars 2017 consid. 2.2.2).

1.2.2. En l'espèce, en sa qualité de plaignante, A______ dispose de la qualité pour agir (art. 58 al. 1 et 104 al. 1 let. a CPP CPP). En revanche, la requête formée par B______, en qualité de "mandataire" de A______, est irrecevable. En effet, à Genève, en matière pénale, seul un avocat est autorisé à assister – et donc à représenter – une partie en justice (art. 127 CPP cum art. 18 LaCP).

2. 2.1. Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c’est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance
(ATF 140 I 271 consid. 8.4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_430/2021 du 22 octobre 2021 consid. 2.1 et 1B_601/2011 du 22 décembre 2011 consid. 1.2.1).

2.2. En l'espèce, la requérante a pris connaissance, à réception de la lettre du 21 novembre 2023, que la procédure pénale ouverte par suite du dépôt de sa plainte pénale était conduite par le cité. Formée quelques jours plus tard, la demande de récusation n'est pas tardive.

3. 3.1. Un magistrat est récusable, aux termes de l'art. 56 let. f CPP, lorsque d'autres motifs que ceux évoqués par l'art. 56 CPP, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à le rendre suspect de prévention. Cette disposition correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 Cst. et 6 CEDH. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 143 IV 69 consid 3.2 p. 74 ; ATF 138 IV 142 consid. 2.1 p. 144 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_568/2011 du 2 décembre 2011, consid. 2.2, avec références aux ATF 136 III 605 consid. 3.2.1 p. 608; 134 I 20 consid. 4.2 p. 21; 131 I 24 consid. 1.1 p. 25; 127 I 196 consid. 2b p. 198).

L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011; ATF 136 III 605 consid. 3.2.1, p. 609; arrêt de la CourEDH Lindon, par. 76; N. SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung, 2009, n. 14 ad art. 56).

3.2. Pour être à même de trancher un différend avec impartialité, un juge ne doit pas se trouver dans la sphère d'influence des parties. Un rapport de dépendance, voire des liens particuliers (amitié ou inimitié), entre le juge et une personne intéressée à l'issue de la procédure – telle qu'une partie ou son mandataire – peut constituer un motif de récusation dans des circonstances spéciales qui ne peuvent être admises qu'avec retenue; il faut qu'il y ait un lien qui, par son intensité et sa qualité, soit de nature à faire craindre objectivement qu'il influence le juge dans la conduite de la procédure et dans sa décision (ATF 139 I 121 consid. 5.1 p. 125 s.; 138 I 1 consid. 2.4 p. 5; arrêt du Tribunal fédéral 1B_199/2012 du 13 juillet 2012 consid. 5.1 et les références citées).

3.3. En l'espèce, le dépôt d'une plainte pénale, ainsi que d'une "plainte administrative" contre un magistrat, ne suffisent pas à fonder une demande de récusation (cf. ATF 134 I 20 consid. 4.3.2 p. 22; arrêts du Tribunal fédéral 1B_21/2022 du 24 janvier 2022 consid. 2 et la référence citée).

La requérante reproche au cité de "s'ériger" en avocat du juge contre lequel elle a déposé plainte. On ne voit toutefois pas en quoi le fait d'adresser une lettre à la plaignante pour l'inviter à fournir une copie intégrale du document produit à l'appui de sa plainte – fût-il un acte de procédure judiciaire – ferait douter de l'impartialité du magistrat. Pas plus que l'invitation adressée au cosignataire, d'expliquer en quelle qualité il intervenait aux côtés de la plaignante. Ces éléments ne suffisent donc pas à fonder une apparence de prévention de la part du cité.

Enfin, la requérante soulève avoir adressé sa plainte au Procureur D______, mais il n'appartient pas au justiciable de s'immiscer dans l'organisation du Ministère public ni de désigner le Procureur qui serait selon lui le mieux à même d'instruire ses plaintes.

4.             Partant, la requête de récusation formée par A______ est infondée.

5.             Les requérants, qui succombent, seront condamnés, solidairement, aux frais de l'instance, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 59 al. 4 et art. 13 let. b Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale ; RTFMP – E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare irrecevable la demande de récusation formée par B______ contre C______ dans la procédure pénale P/1______/2023.

Rejette la demande de récusation formée par A______.

Condamne A______ et B______, solidairement, aux frais de la présente instance, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants et à C______.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/133/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

 

 

- demande sur récusation (let. b)

CHF

905.00

Total

CHF

1'000.00