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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/128/2023

ACPR/339/2024 du 07.05.2024 ( RECUSE ) , REJETE

Descripteurs : RÉCUSATION
Normes : CPP.56

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/128/2023 ACPR/339/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 7 mai 2024

 

Entre

 

A______, domicilié ______ [GE], agissant en personne,

requérant,

 

et

 

B______, Procureur, Ministère public, route de Chancy 6B, 1213 Patit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

cité.


EN FAIT :

A. Par lettre adressée au Ministère public le 17 novembre 2023, A______ a requis la récusation du Procureur B______, dans le cadre des procédures P/1______/2023 et P/2______/2023.

Le 1er décembre suivant, le magistrat précité a fait parvenir ladite requête à la Chambre de céans, qui l'a invité à faire part de ses observations, ce qu'il a fait le 22 décembre 2023.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par lettre du 6 septembre 2023 adressée au Procureur C______, A______ a déposé plainte pénale contre Me D______, avocate au sein de l'Étude E______. Il lui reproche d'avoir commis une escroquerie (art. 146 CP), extorsion et chantage (art. 156 CP) et tentative de contrainte (art. 180 CP) en sa qualité d'avocate de la société F______ Sàrl (ci-après, F______), dans le cadre d'une procédure de séquestre (C/3______/2023), de concert avec G______, juge au Tribunal de première instance.

À teneur des pièces produites, un séquestre a été ordonné par le Tribunal de première instance contre H______ (ci-après, H______), à la demande de F______, représentée par Me D______.

À réception de la plainte pénale, le Ministère public a ouvert la procédure pénale P/1______/2023.

b. A______ a déposé une nouvelle plainte pénale, le 8 septembre 2023, contre G______, pour abus d'autorité (art. 312 CP), escroquerie (art. 146 CP), extorsion et chantage (art. 156 CP) et tentative de contrainte (art. 180 CP), en tant qu'elle avait validé le séquestre susmentionné.

À réception de la plainte pénale, le Ministère public a ouvert la procédure pénale P/2______/2023.

c. Ces deux procédures sont conduites par B______, bien que A______ ait adressé ses deux plaintes au Procureur C______.

d. Dans chacune des procédures, B______ a, par lettres des 7 novembre 2023 – reçue par son destinataire le lendemain –, respectivement 9 novembre 2023 – reçue le 13 suivant –, écrit à A______ pour relever que la victime alléguée des infractions dénoncées était l'association H______, partie à la procédure civile C/3______/2023. La qualité de partie plaignante exigeait celle de lésé. Dès lors qu'il n'apparaissait pas que A______ eut été personnellement lésé par les actes décrits, il envisageait de lui dénier la qualité de partie plaignante. Un délai lui était imparti pour formuler d'éventuelles observations.

C. a. Dans le délai susmentionné, A______ a demandé la récusation de B______.

Il était le Président fondateur de H______, laquelle existait "depuis 1993". Il avait donc légitimement déposé plainte au nom de cette dernière contre la juge G______ et "sa complice", Me D______", pour tentative et escroquerie en bande organisée, lésant l'association H______ "et son Président", soit lui-même, qui n'avait pas à se justifier devant le Procureur B______, lequel "se pren[ait] pour un avocat défendant les précitées incriminées".

Toute personne morale lésée avait le droit de déposer plainte. Les interventions de B______ étaient "inappropriées" et procédaient d'un abus de pouvoir et de népotisme, ce qui l'avait conduit à déposer plainte contre le précité auprès du Conseil supérieur de la magistrature. B______ devait se récuser dans l'ensemble des affaires l'opposant à des magistrats et à Me D______, "dont [il tentait] par népotisme, via [son] amitié avec son père, le Pr I______, de couvrir les délits et graves crimes". B______ s'était "approprié, selon des desseins qui se profil[ai]ent clairement", les plaintes qu'il avait nommément adressées au Procureur C______.

Les nombreux motifs de sa demande de récusation figuraient dans la plainte déposée contre B______ auprès du Conseil supérieur de la magistrature et contre l'ordonnance de non-entrée en matière dans "l'affaire de la procureur J______" [documents non annexés à la requête].

b. Dans ses observations, B______ conclut au rejet de la demande. Le renvoi à d'autres textes, inconnus de lui, n'était pas admissible. Le motif de récusation n'était pas invoqué, mais on pouvait imaginer, au vu des griefs soulevés, que la requête visait la clause générale de l'art. 56 let. f CPP. Il peinait toutefois à voir en quoi le courrier invitant le requérant à se déterminer sur son statut marquerait une quelconque prévention, alors que les termes employés étaient respectueux et prudents, rédigés au conditionnel et se bornaient à annoncer que le Ministère public envisageait de lui dénier la qualité de partie plaignante. Les allégations de népotisme et d'amitié avec le père de Me D______ ne reposaient sur aucun fondement. Au demeurant, il n'entretenait aucun lien d'amitié avec Me I______.

c. Le requérant n'a pas répliqué aux observations susmentionnées, qui lui ont été notifiées le 12 janvier 2024.

 

EN DROIT :

1.             1.1. La récusation des magistrats et fonctionnaires judiciaires au sein d'une autorité pénale est régie expressément par le CPP (art. 56 et ss. CPP).

La Chambre pénale de recours de la Cour de justice (art. 59 al. 1 let. b CPP et 128 al. 2 let. a LOJ), siégeant dans la composition de trois juges (art. 127 LOJ), est l'autorité compétente pour statuer sur une requête de récusation visant un magistrat du Ministère public.

1.2.1. Toute partie peut demander la récusation d'une personne qui exerce une fonction au sein d'une autorité pénale (art. 58 al. 1 CPP).

Dispose de la qualité de partie, notamment, la partie plaignante (art. 104 al. 1 let. b CPP). On entend par partie plaignante le lésé qui déclare vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil (art. 118 al. 1 CPP). On entend par lésé toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction (art. 115 al. 1 CPP).

Tant que les faits déterminants ne sont pas définitivement arrêtés, il y a lieu de se fonder sur les allégués de celui qui se prétend lésé pour déterminer si tel est le cas (arrêt du Tribunal fédéral 1B_438/2016 du 14 mars 2017 consid. 2.2.2).

1.2.2. En l'espèce, le requérant déclare avoir déposé plainte pénale pour le compte de H______, dont il dit être le Président fondateur, et que, en sa qualité de président de celle-ci, il aurait également été lésé par les agissement reprochés aux mises en cause. On en déduit qu'il s'estime fondé à agir pour l'association, mais, faute de production des statuts de celle-ci, on ignore par qui elle est valablement représentée (art. 69 al. 1 CC et art. 58 al. 1 CPP). Cette question peut toutefois demeurer indécise, dans la mesure où, en l'état, le requérant déclare aussi agir en son nom propre. La requête sera donc déclarée recevable sous cet angle.

2. 2.1. Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c’est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance
(ATF 140 I 271 consid. 8.4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_430/2021 du 22 octobre 2021 consid. 2.1 et 1B_601/2011 du 22 décembre 2011 consid. 1.2.1).

2.2. En l'espèce, le requérant a pris connaissance, à réception, les 8 et 13 novembre 2023, des lettres du cité, que la procédure pénale ouverte par suite du dépôt de ses plaintes pénales était conduite par ce dernier. Formée quelques jours après avoir reçu le premier pli, la demande de récusation n'est pas tardive.

3. 3.1. Un magistrat est récusable, aux termes de l'art. 56 let. f CPP, lorsque d'autres motifs que ceux évoqués par l'art. 56 CPP, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à le rendre suspect de prévention. Cette disposition correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 Cst. et 6 CEDH. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 143 IV 69 consid 3.2 p. 74 ; ATF 138 IV 142 consid. 2.1 p. 144 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_568/2011 du 2 décembre 2011, consid. 2.2, avec références aux ATF 136 III 605 consid. 3.2.1 p. 608; 134 I 20 consid. 4.2 p. 21; 131 I 24 consid. 1.1 p. 25; 127 I 196 consid. 2b p. 198).

L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011; ATF 136 III 605 consid. 3.2.1, p. 609; arrêt de la CourEDH Lindon, par. 76; N. SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung, 2009, n. 14 ad art. 56).

3.2. Pour être à même de trancher un différend avec impartialité, un juge ne doit pas se trouver dans la sphère d'influence des parties. Un rapport de dépendance, voire des liens particuliers (amitié ou inimitié), entre le juge et une personne intéressée à l'issue de la procédure – telle qu'une partie ou son mandataire – peut constituer un motif de récusation dans des circonstances spéciales qui ne peuvent être admises qu'avec retenue; il faut qu'il y ait un lien qui, par son intensité et sa qualité, soit de nature à faire craindre objectivement qu'il influence le juge dans la conduite de la procédure et dans sa décision (ATF 139 I 121 consid. 5.1 p. 125 s.; 138 I 1 consid. 2.4 p. 5; arrêt du Tribunal fédéral 1B_199/2012 du 13 juillet 2012 consid. 5.1 et les références citées).

3.3. En l'espèce, le seul motif compréhensible invoqué à l'appui de la demande de récusation – ceux figurant dans d'autres actes de procédure, au demeurant non produits, n'ayant pas à être pris en compte – consiste dans le soupçon que le cité entretiendrait des liens d'amitié avec Me I______, père de l'avocate mise en cause. Le cité déclare n'entretenir aucun lien d'amitié avec cet avocat et le requérant, qui n'a pas donné plus de détails dans sa requête, n'a pas répliqué à cet argument.

Faute ainsi de tout élément permettant de soupçonner une prévention de la part du cité, le grief est inconsistant.

Il sera encore ajouté que le dépôt d'une plainte pénale, ou d'une dénonciation au Conseil supérieur de la magistrature, ne suffisent pas à fonder une demande de récusation (cf. ATF 134 I 20 consid. 4.3.2 p. 22; arrêts du Tribunal fédéral 1B_21/2022 du 24 janvier 2022 consid. 2 et la référence citée).

Enfin, il n'appartient pas au justiciable de s'immiscer dans l'organisation du Ministère public ni de désigner le Procureur qui serait selon lui le mieux à même d'instruire ses plaintes.

4.             Il s'ensuit que la requête de récusation est infondée.

5.             Le requérant, qui succombe, sera condamné aux frais de l'instance, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 59 al. 4 et art. 13 let. b Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale ; RTFMP – E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette la demande de récusation formée contre B______ dans les procédures P/1______/2023 et P/2______/2023.

Condamne A______ aux frais de la présente instance, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au requérant et à B______.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/128/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

 

 

- demande sur récusation (let. b)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00