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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/4730/2024

ACPR/334/2024 du 06.05.2024 sur ONMMP/782/2024 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.06.2024, 7B_650/24
Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;APPROPRIATION ILLÉGITIME;DOMMAGES À LA PROPRIÉTÉ(DROIT PÉNAL);PRESCRIPTION;PLAINTE PÉNALE;DÉLAI
Normes : CPP.310; CP.97; CP.31; CP.137; CP.144

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4730/2024 ACPR/334/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 6 mai 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], agissant en personne,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 21 février 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 1er mars 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 21 février 2024, notifiée le 24 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 19 février 2024.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour instruction.

b. Conformément à sa demande, le recourant a été dispensé de verser les sûretés
(art. 383 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. B______ Sàrl (ci-après: B______), ayant son siège chemin 1______ no. ______ à C______ [GE], a pour but le "déménagement de tous mobiliers et matériaux, garde-meubles, achat, vente, import, export de tous mobiliers".

D______ en est l'associé gérant, avec signature individuelle.

b. Le 19 février 2024, A______ a déposé plainte contre D______ pour "appropriation illicite d'objets confiés en dépôt ".

En substance, il avait contacté D______ en vue de déménager et d'entreposer divers biens mobiliers lui appartenant ainsi qu'à son épouse. Le 20 juin 2006, des employés de B______ avaient procédé audit déménagement vers le garde-meubles qu'il louait CHF 300.- par mois à la société précitée, selon la facture produite. Le 7 juillet 2009, alors qu'il comptait régler les frais de location du garde-meubles, D______ lui avait expliqué avoir "évacu[é]" ses biens, faute de paiements.

Le 12 janvier 2011, il avait saisi les juridictions civiles. Dans ce cadre, D______ avait expliqué avoir procédé à ladite "évacuation" en février 2009, ce alors qu'un relevé de compte pour la location du garde-meubles avait été établi le 15 mai 2009 pour les années 2007 à 2009. Alors qu'il avait confié ses affaires à D______ – et non à la société du même nom –, le Tribunal de première instance avait jugé, le 25 février 2013, que le prénommé ne possédait pas la légitimation passive. Cette décision avait été confirmée par la Cour de justice civile puis le Tribunal fédéral.

Il avait donc décidé de porter plainte contre D______ car il avait "confi[é]" ses effets personnels à ce dernier. En tant que "dépositaire", le prénommé avait l'obligation de les garder en lieu sûr, les surveiller et les lui restituer, au sens de
l'art. 472 al. 1 CO. Leur appropriation illégitime par D______ était constitutive d'abus de confiance. Seule la voie pénale lui permettrait de récupérer ses affaires ou, à défaut, d'être dédommagé. Enfin, s'il s'avérait que D______ avait "jeté" ses biens, il s'agirait de "dommages matériels délibérés".

La prescription de dix ans de l'art. 127 CO était applicable et courait depuis le 8 avril 2014, soit la date à laquelle le Tribunal fédéral avait rendu son arrêt.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que la poursuite pénale en lien avec la plainte pour "appropriation illégitime (art. 138 CP)" contre D______, s'agissant du dépôt d'objets dans un entrepôt entre 2006 et 2009 était prescrite (art. 97 al. 1 let. c CP), l'infraction en question étant passible d'une peine privative de liberté de trois ans. En outre, le litige semblait être de nature principalement civile.

D. a. Dans son recours, A______ conteste la nature civile du litige. Le Ministère public ne pouvait refuser d'entrer en matière, dès lors que l'infraction dénoncée, à savoir l'abus de confiance (art. 138 CP), prévoyait une peine privative de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire et non une peine privative de liberté maximale de trois ans, comme retenu.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant conteste la prescription des faits dénoncés.

3.1. Selon l'art. 310 al. 1 let. b CPP, le ministère public rend immédiatement une non-entrée en matière lorsqu'il existe des empêchements de procéder.

Ces empêchements doivent être définitifs, telle que la prescription de l'action publique (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 13 ad art. 310).

3.2. L'art. 137 CP réprime d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, s'approprie une chose mobilière appartenant à autrui, en tant que les conditions prévues aux art. 138 à 140 ne sont pas réalisées.

L'acte d'appropriation signifie que l'auteur incorpore économiquement la chose ou la valeur de la chose à son propre patrimoine, pour la conserver, la consommer ou pour l'aliéner ; il dispose alors d'une chose comme propriétaire, sans pour autant en avoir la qualité. L'auteur doit avoir la volonté, d'une part, de priver durablement le propriétaire de sa chose, et, d'autre part, de se l'approprier, pour une certaine durée au moins. Il ne suffit pas que l'auteur ait la volonté d'appropriation, celle-ci devant se manifester par un comportement extérieurement constatable (ATF 129 IV 223 consid. 6.2.1 p. 227 ; 121 IV 25 consid. 1c p. 25 ; 118 IV 148 consid. 2a p. 151 s.). Il n'y a pas d'appropriation si d'emblée l'auteur veut rendre la chose intacte après un acte d'utilisation. Elle intervient cependant sans droit lorsque l'auteur ne peut la justifier par une prétention qui lui soit reconnue par l'ordre juridique (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1043/2015 du 9 décembre 2015 consid. 4.2.1 et 6B_395/2015 du 25 novembre 2015 consid. 2.2). L'appropriation est illégitime dès lors qu'elle dénote un comportement contraire à la volonté du propriétaire (ATF 129 IV 223 consid. 6.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1056/2018 du 29 janvier 2019 consid. 2.3.1).

3.3. L'infraction d'appropriation illégitime, visée par l'art. 137 CP, se distingue de celle d'abus de confiance réprimée par l'art. 138 CP par le fait que cette dernière ne concerne que les choses confiées, l'auteur ayant alors acquis un pouvoir sur celles-ci à la suite d'un accord avec leur propriétaire (ATF 111 IV 132 consid. 1a).

3.4. Selon l'art. 97 al. 1 let. c CP, l'action pénale se prescrit par dix ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté de trois ans.

La prescription court dès le jour où l'auteur a exercé son activité coupable
(art. 98 let. a CP).

3.5. En l'occurrence, le recourant reproche au mis en cause d'avoir, en 2009, disposé sans droit des affaires qu'il avait entreposées dans un garde-meubles loué à B______.

Bien que le recourant vise l'infraction d'abus de confiance dans sa plainte et que le Ministère public ait mentionné l'art. 138 CP dans la décision querellée, il apparait que les faits dénoncés pourraient tout au plus être constitutifs d'appropriation illégitime (art. 137 CP).

En effet, il ressort des pièces produites et de ses explications que le recourant n'a pas confié ses biens au mis en cause pour qu'il les conserve mais qu'il a loué, à la société dont le mis en cause est l'associé-gérant, un local afin d'y entreposer ses biens. Ainsi, en sus du fait que le contrat de location du garde-meubles a été conclu avec ladite société, le mis en cause ne disposait d'aucun pouvoir sur les biens du recourant. Celui-ci ne rend d'ailleurs pas vraisemblable qu'un autre accord – expresse ou tacite – que la location du garde-meubles aurait été passé. En l'absence de choses confiées, l'on ne saurait donc faire application de l'art. 138 CP au cas d'espèce.

Au vu de ce qui précède, la prescription de l'action pénale a été acquise en février 2019 au plus tard, et ne débutait pas en 2014, comme l'affirme le recourant. En effet, l'éventuelle appropriation illégitime susceptible d'être réalisée par le comportement dénoncé se prescrit par dix ans dès la commission de l'acte prétendument répréhensible, lequel a eu lieu en février 2009, selon le mis en cause. À noter que la prescription serait aussi acquise si ledit acte avait eu lieu dans le courant de l'année 2009, comme semble l'alléguer le recourant. Celui-ci se prévaut à tort de la prescription applicable en droit des obligations.

Il existe donc un empêchement de procéder définitif qui justifiait la non-entrée en matière sur une possible appropriation illégitime.

3.6. Le recourant évoque en outre l'infraction de dommages à la propriété dans le cas où le mis en cause aurait jeté ses affaires.

3.6.1. L'art. 144 CP punit, sur plainte, quiconque, sans droit, endommage, détruit ou met hors d’usage une chose appartenant à autrui ou frappée d’un droit d’usage ou d’usufruit au bénéfice d’autrui.

3.6.2. Selon l'art. 31 CP, le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. La détermination du dies a quo se fait en tenant compte des circonstances du cas d'espèce. Le délai pour porter plainte ne commence à courir que lorsque le lésé a connu l'infraction et l'auteur de celle-ci (ATF 130 IV 97 consid. 2).

3.7. En l'espèce, il ressort de ses explications que le recourant a eu connaissance de l'"évacuation" de ses biens par le mis en cause le 7 juillet 2009, de sorte que le délai pour déposer plainte est arrivé à échéance le 7 octobre 2009.

Dans ces circonstances, la plainte, déposée le 19 février 2024, soit largement plus de trois mois après les faits, apparaît tardive, ce qui constitue aussi un empêchement de procéder au sens de l'art. 310 al. 1 let. b CPP. (arrêt du Tribunal fédéral 6B_848/2018 du 4 décembre 2018 consid. 1.5).

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant sollicite l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours, conformément à l'art. 136 al. 3 CPP, entré en vigueur le 1er janvier 2024.

5.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle ne dispose pas des ressources suffisantes et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. a). L'assistance judiciaire comprend, notamment, l'exonération des frais de procédure (art. 136 al. 2 let. b CPP).

5.2. La cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. L'assistance judiciaire peut donc être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la position du requérant est juridiquement infondée (arrêt du Tribunal fédéral 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1 et les références citées).

5.3. En l'occurrence, sans même examiner la question de l'indigence, force est de retenir que le recours était voué à l'échec pour les motifs exposés plus haut, de sorte que les conditions pour l'octroi de l'assistance judiciaire ne sont pas remplies.

La demande sera, partant, rejetée.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à
CHF 600.-, pour tenir compte de sa situation financière (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

Le refus d'octroi de l'assistance juridique gratuite est, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance juridique gratuite.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Valérie LAUBER et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/4730/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00