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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/24616/2023

ACPR/326/2024 du 03.05.2024 sur ONMMP/4525/2023 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 13.06.2024, 7B_638/24
Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;VOL(DROIT PÉNAL);APPROPRIATION ILLÉGITIME;ESCROQUERIE;ASTUCE
Normes : CPP.310; CP.139; CP.52; CP.137; CP.146

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24616/2023 ACPR/326/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 3 mai 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

C______, représentée par Me Benjamin GRUMBACH, avocat, DUGERDIL & GRUMBACH, quai Gustave-Ador 2, 1207 Genève,

recourants,

 

contre les ordonnances de non-entrée en matière rendues le 13 novembre 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a.a. Par acte expédié le 22 novembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 13 novembre 2023, notifiée le 15 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur la plainte de C______ contre lui et dit que les frais de la procédure étaient laissés à la charge de l'État.

Le recourant conclut, sous suite d'indemnité, à la modification de l'ordonnance querellée en ce sens qu'il lui soit accordé une indemnité au sens de l'art. 429 CPP.

a.b. Par acte expédié le 23 novembre 2023, C______ recourt également contre l'ordonnance précitée.

Elle conclut, sous suite de frais et indemnité équitable, à l'annulation de cette ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public pour reprise de l'instruction.

b. Par acte expédié le 22 novembre 2023, A______ recourt contre la seconde ordonnance du 13 novembre 2023, également notifiée le 15 suivant, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte contre C______ pour dénonciation calomnieuse.

Le recourant conclut, sous suite d'indemnité, à l'annulation de l'ordonnance entreprise et au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction et la condamnation de la précitée.

c. Les recourants ont tous deux versé les sûretés en CHF 900.- qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Le 2 novembre 2023, C______, âgée de 87 ans, a déposé plainte à l'encontre de A______ pour escroquerie.

Elle avait pris contact avec le précité sur la base d'un fascicule publicitaire reçu dans sa boîte aux lettres. Le 10 octobre 2023, A______ s'était rendu chez elle, à sa demande, afin d'expertiser des montres qu'elle détenait. Elle n'était toutefois pas encore décidée à les vendre.

Elle lui avait présenté les bijoux, ainsi qu'un "clip" utilisé, selon elle, pour attacher une chaine de montre à la ceinture (ci-après: le clip). Il avait immédiatement porté son intérêt sur l'une des montres, une [montre de marque] D______ de 1930, alors même qu'elle lui avait expressément dit ne pas souhaiter la vendre. Il lui avait affirmé que cette montre était dorée, mais qu'elle n'était pas en or, ce qui était inexact.

A______ lui avait proposé d'acheter la totalité d'un lot de bijoux pour CHF 700.-, ce qu'elle avait refusé. Il lui avait alors offert CHF 350.- pour acheter huit de ses montres. Elle avait accepté d'en vendre certaines, mais pas la D______.

Après avoir conclu la vente, il lui avait restitué trois montres qui ne l'intéressaient pas. Il était ensuite parti en emportant les autres objets dans un sachet. Elle n'avait pas vu tout ce qu'il avait pris.

Le lendemain soir, en voulant ranger les bijoux qu'elle avait laissés sur la table, elle s'était rendu compte qu'il manquait la montre D______ et le clip. Elle ne savait pas comment il avait pu s'en emparer car elle ne l'avait pas vu faire. Plus tard, il lui avait assuré, au téléphone, que ces deux objets étaient inclus dans le lot qu'elle lui avait vendu, alors que cela était faux.

a.b. À l'appui de sa plainte, C______ a produit notamment une série de courriels échangés avec A______ à la suite de sa venue à son domicile.

Aux termes d'un courriel du 13 octobre 2023, elle proposait au précité de le "rembourser", afin de récupérer ses biens ou, tout du moins, la montre de sa fille, la montre D______ et le clip. A______ a accepté de lui restituer la montre de sa fille, mais pas le reste.

Dans un courriel daté du lendemain, C______ avait réitéré sa demande, tout en lui faisant part de ce qu'elle avait dit à sa fille le concernant, à savoir qu'il était "très correct et plutôt honnête". Dans un second courriel, elle rappelait au précité lui avoir dit, dès le départ, qu'elle ne souhaitait pas vendre la montre D______ et le clip, tout en précisant: "C'est sous le feu de l'action que j'ai accepté (…)". Elle avait ensuite regretté, notamment après que sa fille lui eut dit "de ne pas vendre ces deux objets" qui avaient une "valeur sentimentale". Dans un troisième courriel, elle ajoutait l'avoir fait venir en qualité d'expert ("Je vous ai fait venir en tant qu'expert comme vous l'écrivez dans votre publicité!"), mais avoir été "induite en erreur" et "trompée" quant à la valeur, respectivement la qualité des objets vendus et lui demandait d'annuler la vente ("Soit vous revenez sur cet achat, (…), soit j'actionne la justice!").

C______ a également produit, d'une part, un courriel de E______ SA [vente aux enchères] indiquant que la montre D______ pouvait être en or, plaqué or ou or "14k" sur la base des photographies communiquées, sans certitude toutefois, et, d'autre part, le fascicule publicitaire de la société F______ SA, "expert en horlogerie", pour de l'achat d'or.

Elle a également versé à la procédure une photographie des montres qui constituaient le lot acheté par A______, soit une G______ et trois autres montres de marque non-identifiable.

b.a. Entendu par la police le 6 novembre 2023, A______ a contesté les faits qui lui étaient reprochés.

C______ ne lui avait pas demandé de venir pour une estimation, mais pour vendre un lot de montres, ainsi qu'un clip en argent. Il lui avait proposé de tout acheter, à l'exception des montres de marque "H______", pour la somme de CHF 300.-, mais elle avait formulé une contre-proposition à CHF 350.-. La montre D______ et le clip étaient inclus dans le lot pour lequel elle lui avait fait une proposition d'achat. Elle ne lui avait jamais dit ne pas souhaiter vendre ces objets. Au moment de signer la facture, C______ avait d'ailleurs conscience qu'ils étaient inclus dans la vente. Il n'aurait, pour sa part, jamais accepté le lot de montres si la D______ et le clip n'en faisaient pas partie, car les autres objets n'avaient quasiment aucune valeur.

b.b. Au terme de son audition, il a déposé plainte contre C______ pour dénonciation calomnieuse.

b.c. À l'appui de ses déclarations, A______ a produit un document intitulé "Reprise de métaux précieux particuliers et antiquités" daté du 10 octobre 2023 aux termes duquel il était indiqué que C______ lui avait vendu "un lot de montre[s] et une épingle arg[e]nt pour la font[e] montre poche 14 k" pour la somme de CHF 350.-.

Il a également produit une quittance de l'établissement I______ datée du 12 octobre 2023 pour l'achat d'un "boitier de montre or jaune 14[k]" et une "broche épingle argent ", pour un total de CHF 247.-.

b.d. Lors de son audition en qualité de prévenu, puis en qualité de personne appelée à donner des renseignements, A______ était accompagné d'un avocat.

Au total, les deux auditions, qui se sont déroulées le même jour, ont duré 43 minutes.

c. Entendue à son tour comme prévenue à la suite du dépôt de plainte de A______, C______ a contesté les faits qui lui étaient reprochés précisant, en substance, ne pas avoir vendu la montre D______ et le clip au précité. Elle avait souhaité lui vendre le lot, mais sans ces deux objets.

d. Dans son rapport de renseignements, du 6 novembre 2023, la police relève que A______ s'était contredit quant au sort des objets achetés à C______. Il avait en effet d'abord indiqué avoir fondu la montre D______, avant de revenir sur ses déclarations, et indiquer être encore en possession de toutes les montres, mais avoir vendu le clip.

C. a. Dans la première ordonnance querellée, le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur la plainte de C______ au motif qu'aucune infraction pénale ne pouvait être reprochée à A______ et a laissé les frais à la charge de l'État.

b. Dans la seconde ordonnance querellée, le Ministère public a constaté que les éléments de l'infraction de dénonciation calomnieuse étaient remplis dans la mesure où C______ avait faussement dénoncé A______. Cela étant, la culpabilité et les conséquences de l'acte de la précitée pouvaient être considérés de peu d'importance au vu du contexte, C______ ayant agi dans le but désespéré de récupérer ses biens. Dans ces circonstances, il se justifiait, exceptionnellement, de ne pas entrer en matière sur ces faits.

D. a. Aux termes de son recours, C______ reproche au Ministère public de ne pas avoir instruit les faits reprochés à A______.

Le précité avait pourtant tenté de profiter de son âge avancé pour se faire céder des objets de valeur pour un prix dérisoire, ainsi que pour soustraire la montre D______ et le clip dont elle ne souhaitait pas se séparer. Elle avait fini, face à l'insistance et à la pression exercée par A______, par lui vendre, à contrecœur, huit montres, dont la D______ et le clip ne faisaient pas partie, pour un montant de CHF 350.-.

A______ s'était contredit lors de son audition, dès lors que, contrairement à ce qu'il lui avait affirmé, il n'avait pas fondu les deux objets précités, mais était toujours en possession de la montre D______, le clip ayant, quant à lui, été vendu.

En outre, le courriel qu'il avait produit était sorti de son contexte et manifestement sujet à interprétation, de sorte qu'il ne pouvait suffire à convaincre le Ministère public de rendre une décision de non-entrée en matière. Quant à la facture du 10 octobre 2023, elle avait été modifiée par A______ postérieurement à la vente. En effet, au moment où elle l'avait signée, seul le montant de CHF 350.- y figurait, sans autre information quant aux objets vendus. Son employée de maison pouvait par ailleurs attester du fait qu'elle n'avait pas reçu de copie de ce document, dans la mesure où elle était présente à son domicile le jour de la vente.

Les déclarations contradictoires des parties étaient propres à faire subsister un doute quant au déroulement des faits et la commission d'éventuelles infractions, ce qui aurait dû pousser l'autorité pénale à instruire la procédure et à citer les parties à une audience de confrontation.

Malgré le fait qu'elle était parfaitement saine d'esprit et en pleine possession de ses moyens, l'autorité intimée n'avait pas tenu compte de la position de faiblesse dans laquelle elle se trouvait en raison de son âge avancé, alors même que cette circonstance était nécessaire à la compréhension de la dynamique et des échanges qui avaient eu lieu entre les parties.

b. À l'appui de ses recours, A______ soutient, d'une part, qu'une ordonnance pénale devait être rendue à l'encontre de C______ pour dénonciation calomnieuse – les conditions d'application de l'art. 52 CP n'étant pas réunies – et, d'autre part, que lui-même devait être indemnisé en application de l'art. 429 al. 1 let. a CPP pour ses frais de défense.

L'infraction de dénonciation calomnieuse était une infraction grave qui visait à protéger non seulement l'administration de la justice, mais également la personne faussement accusée.

Dans le cas présent, C______ poursuivait un intérêt purement égoïste et n'avait pas hésité à le dénoncer à tort pour une infraction patrimoniale dans le seul but de recouvrer un objet qu'elle avait sciemment vendu. Les nombreux courriels qu'ils avaient échangés démontraient la mauvaise foi de la précitée et sa volonté de contourner le contrat conclu. Ce n'était pas en désespoir de cause ni même pour un motif honorable qu'elle l'avait dénoncé, mais uniquement en raison d'une dispute qu'elle avait eue avec sa fille.

De surcroît, C______ l'avait accusé d'escroquerie, ce qui avait immédiatement amené la police à l'entendre en qualité de prévenu. Le procédé suivi par C______ avait ainsi gravement mis en danger, non seulement ses intérêts privés à lui, mais aussi la bonne administration de la justice.

Finalement, C______ avait persisté à contester les faits qui lui étaient reprochés, malgré les courriels susmentionnés, démontrant ainsi sa volonté de dénoncer un innocent.

Dans ce contexte, il ne pouvait être retenu que les agissements de C______ étaient de peu d'importance. L'assistance d'un avocat était nécessaire, lors de son audition dans la mesure où il était accusé d'un crime, qu'il n'avait aucune connaissance juridique, faisait partie de la communauté des gens du voyage et avait des antécédents judiciaires. En outre, les frais avaient été laissés à la charge de l'État, si bien qu'une indemnité devait lui être octroyée.

c. À réception des sûretés, les causes ont été gardées à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Les recours sont recevables pour avoir été déposés selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner des décisions sujettes à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner des parties plaignantes, alternativement du prévenu, qui, parties à la procédure (art. 104 al. 1 let. a et b CPP), ont qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation des décisions querellées (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence au vu des considérations qui suivent.

3.             Les recours formés par C______ et A______ seront traités au moyen d'une unique décision de la Chambre de céans dans la mesure où les parties et les faits se trouvent dans un rapport de connexité étroit.

4.             4.1. Le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).

4.2.       Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies, c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 8 ad art. 310).

Des motifs de fait peuvent également justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le ministère public doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op.cit., n. 9 ad art. 310).

4.3.       Une non-entrée en matière doit également être prononcée lorsqu'il peut être renoncé à toute poursuite ou à toute sanction en vertu de dispositions légales (art. 310 al. 1 let. c cum 8 al. 1 CPP). Tel est notamment le cas si la culpabilité de l'auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes (art. 52 CP).

5.             5.1. Au regard de l'art. 139 ch. 1 CP, commet un vol, quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier.

5.2.       Quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, s'approprie une chose mobilière appartenant à autrui se rend coupable d'appropriation illégitime (art. 137 ch. 1 CP). Cette infraction est notamment subsidiaire à l'art. 139 CP.

5.3.       Selon l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

La tromperie peut consister soit à induire la victime en erreur, par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, soit à conforter la victime dans son erreur. Pour qu'il y ait tromperie par affirmations fallacieuses, il faut que l'auteur ait affirmé un fait dont il connaissait la fausseté (ATF 140 IV 206 consid. 6.3.1.2).

Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit pas. Il faut encore qu'elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 147 IV 73 consid. 3.2). L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle (ATF 135 IV 76 consid. 5.2).

Pour apprécier si l'auteur a usé d'astuce et si la dupe a omis de prendre les mesures de prudence élémentaires, il ne suffit pas de se demander comment une personne raisonnable et expérimentée aurait réagi à la tromperie. Il faut, au contraire, prendre en considération la situation particulière de la dupe, telle que l'auteur la connaît et l'exploite, par exemple une faiblesse d'esprit, l'inexpérience ou la sénilité, mais aussi un état de dépendance, d'infériorité ou de détresse faisant que la dupe n'est guère en mesure de se méfier de l'auteur. L'exploitation de semblables situations constitue précisément l'une des caractéristiques de l'astuce (ATF 147 IV 73 consid. 3.2;
128 IV 18 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1010/2018 du 22 janvier 2019 consid. 3.3.1).

5.4.       Dans son recours, C______ reproche au Ministère public de ne pas avoir instruit sa plainte pour appropriation illégitime, vol, ou encore escroquerie.

Or, rien à teneur du dossier ne permet de soutenir ses allégations selon lesquelles A______ se serait emparé, sans droit, de la montre D______ et du clip, et/ou qu'il l'aurait astucieusement trompée pour qu'elle lui cède des bijoux à bas prix.

En effet, il ressort des courriels échangés entre les parties après leur rencontre, ainsi que de la facture du 10 octobre 2023 produite par A______ que la recourante lui avait bel et bien vendu les objets précités. Dans celui du 13 octobre 2023, C______ disait à A______ qu'elle voulait le "rembourser" pour récupérer la totalité de ses biens, ou, à tout le moins, la montre de sa fille, la montre D______ et le clip, ce qui va dans le sens de ce qui précède. Si C______ fait valoir, dans son acte de recours, que la facture aurait été complétée a posteriori, aucun élément ne permet de corroborer, ou du moins de rendre vraisemblable, de telles allégations. En outre, A______ a expliqué que son intérêt portait uniquement sur la montre D______ et le clip, les autres objets n'ayant, selon lui, quasiment pas de valeur. Ses déclarations apparaissent crédibles dans la mesure où il ressort de la quittance de [l'établissement] I______ qu'il a revendu ces deux objets uniquement – pour une somme inférieure au prix encaissé le 10 octobre 2023 –, à l'exclusion du reste du lot. Aussi, et quand bien même A______ s'est contredit sur la question de savoir ce qu'il était advenu des bijoux, cet élément n'est pas déterminant dans la mesure où rien ne permet de rendre vraisemblable qu'il les aurait acquis pour un montant qui se trouverait en disproportion avec leur valeur réelle. La recourante ignore d'ailleurs la valeur desdits objets et n'articule aucune estimation. La montre D______ et le clip ayant été revendus, il ne paraît plus possible de substantifier ses accusations, une estimation de leur valeur sur la base des seules photographies produites paraissant irréalisable, à l'instar de l'avis exprimé par E______ SA.

Partant, la valeur objective des bijoux vendus ne peut être déterminée – le contenu du lot étant au demeurant contesté –, de sorte que l'existence d'une lésion de C______ n'est pas rendue vraisemblable.

Quoi qu'il en soit, et même à admettre que la valeur d'estimation de A______ ait pu se situer en-deçà de la valeur réelle/objective des biens – ce qui n'est pas rendu vraisemblable –, rien ne permet de penser qu'il ait usé d'une quelconque tromperie ou astuce aux fins de déterminer les actes de la recourante – le fait que le terme "expert en horlogerie" figure sur l'annonce publicitaire n'étant pas suffisant à cet égard. L'âge avancé de la recourante n'est pas non plus suffisant en lui-même pour admettre l'existence de soupçons suffisants de la commission d'une infraction, dans la mesure où elle indique elle-même être parfaitement saine d'esprit et en pleine possession de ses moyens. D'ailleurs, dans le cadre de ses échanges avec A______, elle n'a jamais prétendu qu'il aurait pu tirer avantage de son âge, allant même jusqu'à dire qu'elle l'avait trouvé "très correct et plutôt honnête", ce qui va à l'encontre de ses accusations ultérieures.

Enfin, on ne voit pas quels actes d'instruction permettraient au Ministère public de parvenir à une conclusion contraire, dès lors que les déclarations des parties sont contradictoires et qu'une confrontation n'apparait pas utile, la vraisemblance que les parties maintiennent leurs déclarations étant pratiquement certaine. De plus, il n'existe aucun témoin direct, la recourante ne prétendant pas que son employée de maison aurait pris part à la vente du 10 octobre 2023.

Partant, la décision de non-entrée en matière rendue par le Ministère public à l'égard de A______ était justifiée.

6.             6.1. L'art. 303 ch. 1 CP réprime notamment du chef de dénonciation calomnieuse quiconque dénonce à l'autorité, comme auteur d'un crime ou d'un délit, une personne qu'il sait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale.

Sur le plan subjectif, l'auteur doit savoir que la personne qu'il dénonce est innocente. Il ne suffit donc pas qu'il ait conscience que ses allégations pourraient être fausses. Il doit savoir que son affirmation est inexacte. Aussi, le dol éventuel ne suffit pas (ATF 136 IV 170 consid. 2.1). Par ailleurs, l'auteur doit agir en vue de faire ouvrir une poursuite pénale contre la personne qu'il accuse injustement. Le dol éventuel suffit quant à cette intention (arrêt du Tribunal fédéral 6B_324/2015 du 18 janvier 2016 consid. 2.1). L'art. 303 CP n'exige pas tant l'innocence de la personne dénoncée que la connaissance certaine de cette innocence par l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1003/2017 du 20 août 2018 consid. 4.2). En l'absence d'aveu, l'élément subjectif se déduit d'une analyse des circonstances permettant de tirer, sur la base des éléments extérieurs, des déductions sur les dispositions intérieures de l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_502/2017 du 16 avril 2018 consid. 2.1).

Est considéré comme "innocent" celui qui a été libéré par un jugement d'acquittement ou par le prononcé d'un classement. Le juge de la dénonciation calomnieuse est, sauf faits ou moyens de preuve nouveaux, lié par une telle décision (arrêt du Tribunal fédéral 6B_483/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1.1.1).

6.2. En l'espèce, A______ reproche au Ministère public d'avoir refusé d'entrer en matière sur sa plainte, alors que les conditions de l'infraction de dénonciation calomnieuse étaient remplies et que l'acte de C______ et ses conséquences étaient importants.

En l'occurrence, la précitée a déposé plainte contre A______ pour s'être non seulement emparé d'objets qu'elle estimait ne pas lui avoir vendus, à savoir la montre D______ et le clip, mais également pour avoir, volontairement, sous-évalué la valeur des objets qui lui avaient été présentés.

Lors de son audition, elle a précisé d'emblée ne pas avoir eu pour intention de vendre la montre D______ et le clip à A______, ce qui ressort également de leurs échanges. Il ne peut ainsi être exclu qu'elle ait cédé certains objets au recourant, y compris la montre D______ et le clip, dans la précipitation, pour le regretter ensuite. Cela est d'autant plus probable qu'elle pensait avoir affaire à un "expert en horlogerie", selon les termes de l'annonce publicitaire qu'elle avait reçue, ce qui a pu influencer son jugement au moment de la vente. Dans cette mesure, ses déclarations apparaissent crédibles. En outre, l'on comprend des échanges de courriels entre les parties et des déclarations de C______, qu'elle lui reprochait également de l'avoir "induite en erreur" et "trompée" sur la valeur et la qualité des bijoux présentés, ce qui peut avoir justifié, d'une part, sa volonté de se rétracter et, d'autre part, le dépôt de sa plainte.

Le fait que C______ ait pu exprimer des regrets ensuite de la vente ne change rien aux développements qui précèdent dans la mesure où la dénonciation calomnieuse exige que l'auteur sache la personne dénoncée innocente, condition qui fait défaut dans le cas d'espèce, au vu du contenu des échanges de courriels entre les parties et des déclarations de la précitée à la police, lesquelles tendent à démontrer que C______ était convaincue d'avoir été victime du comportement de A______.

De surcroît, dans la mesure où les déclarations des parties sont contradictoires et en l'absence d'élément de preuve objectif, on ne voit pas quel acte d'enquête pourrait permettre d'établir la culpabilité de C______, ce d'autant plus s'agissant d'une condition subjective. À cet égard, une confrontation n'apporterait rien pour les mêmes raisons qu'évoquées précédemment.

À la lecture du dossier, il appert que C______ n'avait pas la conviction de l'innocence de A______ au moment du dépôt de sa plainte. Dans ces circonstances, une ordonnance de non-entrée en matière était justifiée.

Compte tenu du développement qui précède, le grief relatif à l'application de l'art. 52 CP n'a plus d'objet, de sorte qu'il ne sera pas examiné.

En conclusion, la non-entrée en matière portant sur l'infraction à l'art. 303 CP doit être confirmée par substitution de motif.

7.             Le recourant conclut au versement d'une indemnité au sens de l'art. 429 CPP pour la procédure préliminaire.

7.1. En cas de refus d'entrer en matière, le prévenu peut prétendre à l'octroi de dépens au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP (ATF 139 IV 241 consid. 1). Encore faut-il que l'assistance d'un avocat ait été nécessaire. Pour déterminer si tel est le cas, l’on gardera à l'esprit que le droit pénal (matériel et de procédure) est complexe et représente, pour des personnes qui ne sont pas habituées à procéder, une source de difficultés; celui qui se défend seul est susceptible d'être moins bien loti. L’on doit donc tenir compte, outre de la gravité de l'infraction et de la complexité de l'affaire en fait et/ou en droit, de la durée de la procédure ainsi que de son impact sur la vie personnelle et professionnelle du prévenu (ATF 142 IV 45 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_706/2021 du 20 décembre 2021 consid. 2.1.1).

Le Tribunal fédéral a considéré que l’intervention d’un avocat n’avait pas lieu d’être dans les occurrences suivantes: une affaire de dommages à la propriété où le prévenu et un tiers avaient été entendus par la police, le ministère public ayant rendu, à cette suite, une ordonnance de non-entrée en matière (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1121/2014 du 29 janvier 2015 consid. 3.2 et 3.3); une procédure ouverte pour atteinte à l’honneur ayant donné lieu à deux audiences d’instruction et une tentative de conciliation, avant d’être classée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_458/2014 du 25 septembre 2014 consid. 2.4); un cas de dommages à la propriété clos par une ordonnance de non-entrée en matière, après une seule audition du prévenu par la police (arrêt du Tribunal fédéral 6B_387/2013 du 8 juillet 2013 consid. 2.2 non publié aux ATF 139 IV 241).

7.2.       En l'espèce, le recourant s'est vu reprocher la commission d'infractions patrimoniales, soit notamment une escroquerie, laquelle constitue une infraction grave au sens du code pénal.

Pour autant, il a participé à un seul acte de procédure, à savoir son audition par la police, laquelle a duré moins d'une heure, avant que le Ministère public ne rende une ordonnance de non-entrée en matière. L'affaire ne présentait, au stade de cette audition, pas de complexité particulière. En effet, les actes reprochés au recourant étaient circonscrits à un événement particulier, soit la vente conclue au domicile de C______ le 10 octobre 2023, et son rôle se limitait, à ce stade de la procédure, à répondre aux questions posées par la police, pour lesquelles aucune connaissance juridique n'étant nécessaire. Il a d'ailleurs parfaitement été en mesure d'y répondre de manière claire et précise, qui plus est, semble-t-il, sans le concours de son avocat. En outre, rien ne lui permettait de penser que sa version des faits aurait pu être considérée comme peu crédible s'il n'était pas assisté d'un avocat. À cet égard, le fait que le recourant fasse partie de la communauté des gens du voyage et/ou qu'il ait des antécédents judiciaires n'y change rien. À cela s'ajoute que la procédure a été de très courte durée, une ordonnance de non-entrée en matière ayant été rendue, s'agissant des faits qui lui étaient reprochés, seulement une semaine après son audition, et que le recourant n'a fait état d'aucune répercussion de celle-là sur sa vie professionnelle et/ou privée.

Dans ce contexte, l'intervention d'un avocat était prématurée et, partant, objectivement non nécessaire. Le recourant ne peut donc prétendre que l'État l'indemnise pour la procédure préliminaire. Partant, il ne peut être fait grief au Ministère public de ne pas lui avoir alloué d'indemnité pour la procédure préliminaire.

Infondé, le recours doit être rejeté sur ce point également.

8.             Justifiées, les décisions querellées seront donc confirmées.

9.             Les recourants, qui succombent, supporteront, chacun par moitié, les frais de la procédure de recours arrêtés à CHF 1'800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

10.         Corrélativement, aucun dépens ne leur sera alloué (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Joint les recours.

Les rejette.

Condamne A______ et C______, par moitié chacun, aux frais de la procédure de recours arrêtés à CHF 1'800.-, soit CHF 900.- chacun.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ et C______, soit pour eux leur conseil respectif, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/24616/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'705.00

Total

CHF

1'800.00