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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19096/2022

ACPR/298/2024 du 26.04.2024 sur OMP/19166/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;DÉNUEMENT
Normes : CPP.132

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19096/2022 ACPR/298/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 26 avril 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], agissant en personne,

recourant,

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 13 octobre 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 23 octobre 2023 au Ministère public qui l'a transmis à la Chambre de céans, A______ recourt contre l'ordonnance du 13 octobre 2023, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner une défense d'office en sa faveur.

À bien le comprendre, le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour nouvelle décision.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.B______ et A______ se sont mariés le ______ 2001 en Macédoine. Ils ont emménagé en Suisse le 1er décembre 2001 et sont les parents de C______, né le ______ 2005, et de D______, née le ______ 2012, tous deux à Genève.

b. Le 8 août 2022, B______ a déposé plainte contre son époux pour des faits de violences domestiques dont elle et ses enfants étaient victimes. Elle a, par la suite, complété sa plainte par courriers des 6 octobre 2022, 27 mars et 14 septembre 2023.

c. Le 16 août 2022, C______ a également déposé plainte contre son père pour des faits de violences domestiques. Il a, par la suite, complété sa plainte par courriers des 12 juillet et 23 octobre 2023, ainsi que lors de l'audience par-devant le Ministère public du 22 septembre 2023.

d. Le 26 septembre 2022, le Ministère public a ouvert une instruction à l'égard de A______ pour des faits susceptibles d'être qualifiés de lésions corporelles simples, voies de fait, mise en danger de la vie et de la santé d'autrui, dommages à la propriété, calomnie, injure, menaces, contraintes et insoumission à une décision de l'autorité.

e. Entendu par le Ministère public le 22 septembre 2023, A______ a notamment demandé à pouvoir bénéficier d'un défenseur d'office et déposé une demande en ce sens.

f. Interpellé sur sa situation financière, le précité a notamment indiqué, par courriers des 6 et 10 octobre 2023, vivre de ses économies personnelles depuis la séparation d'avec son épouse, lesquelles s'élevaient à CHF 108'546.19 au 10 août 2022. Plus récemment, il ne disposait plus que d'environ CHF 1'000.-, ainsi que de CHF 195'000.- sur un compte joint auprès de [la banque] E______, bloqué depuis près d'une année.

g. Aux termes d'un rapport du 12 octobre 2023, le greffe de l'assistance juridique a constaté, sur la base de la requête, ainsi que des pièces et renseignements fournis par A______, que ce dernier ne remplissait pas la condition de l'indigence dans la mesure où les montants dont il disposait sur ses différents comptes lui permettaient d'assumer, par ses propres moyens, les honoraires d'un avocat.

h.a. En parallèle à la procédure pénale, et à la suite d'une requête de mesures protectrices de l'union conjugale, assortie de mesures superprovisionnelles, formée par B______, le Tribunal de première instance (TPI) a, par ordonnance du 11 août 2022, notamment prononcé, à l'encontre du précité, des mesures d'éloignement (ch. 7 à 10 du dispositif) et d'interdiction de disposer des montants détenus sur les comptes bancaires des enfants (ch. 11 et 12) et sur le compte commun des époux ouvert auprès de la banque E______ (ch. 13).

h.b. Par jugement du 24 avril 2023, le TPI a ordonné la levée des mesures d'éloignement susmentionnées (ch. 7 à 10 précités), mais pas des mesures visées aux chiffres 11 à 13 de l'ordonnance du 11 août 2022.

h.c. Par arrêt du 31 août 2023, la Chambre civile de la Cour de justice a levé toutes les mesures ordonnées par le TPI le 11 août 2022, soit également l'interdiction de disposer du compte joint des époux.

h.d. Par arrêt du 7 février 2024 (5A_791/2023), le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours formé par A______ contre l'arrêt de la Chambre civile.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public refuse d'ordonner la défense d'office en faveur de A______, dès lors que, selon le rapport de l'assistance juridique du 12 octobre 2023, il était en mesure de régler, par ses propres moyens, les honoraires d'un avocat, son disponible mensuel étant supérieur au minimum vital en vigueur à Genève, ainsi qu'au vu des montants dont il disposait sur ses différents comptes bancaires.

D. a.a. Par courrier du 22 octobre 2023, complété par pli du 8 novembre 2023, A______ conteste disposer des moyens financiers suffisants pour se défendre convenablement, arguant que la décision querellée violerait possiblement l'art. 6 CEDH.

Sa situation financière était précaire. Il était sans revenu depuis décembre 2021 et le compte joint détenu avec son épouse avait été bloqué. Il avait clôturé son compte bancaire auprès de F______ et possédait un solde de CHF 1'400.- sur son compte ouvert auprès de E______. Il était en outre débiteur des sommes de CHF 5'390.- envers E______ et de CHF 30'000.- envers l'étude [d'avocats] G______ en faveur de laquelle il avait signé une reconnaissance de dette ("acknowledgement of debt") le 25 septembre 2023.

En raison de ses difficultés financières, il avait sollicité l'assistance de l'Hospice général et recevait un soutien de l'association H______. Cette dernière lui fournissait un logement d'urgence et un appui financier, psychologique et social, depuis le 20 octobre 2022.

a.b. À l'appui, il a notamment produit un courriel de E______, daté du 22 septembre 2023, l'informant que la banque n'avait pas été instruite de débloquer le compte joint et que, dans cette mesure, elle ne pouvait procéder à cette action.

b. Le Ministère public indique s'en rapporter à justice s'agissant de l'octroi de l'assistance juridique en faveur de A______, précisant que le seul élément nouveau apporté par le précité depuis le rapport du greffe de l'assistance juridique était l'information selon laquelle il avait pris rendez-vous avec l'Hospice général.

c. Dans sa réplique du 24 novembre 2023, A______ persiste, en substance, dans les conclusions de son recours.

Concernant le montant "substantiel" qui se trouvait sur l'un de ses comptes, soit environ CHF 195'000.-, il s'agissait d'une somme qui lui était "inaccessible", dans la mesure où il s'agissait d'un compte joint avec sa femme, laquelle avait le contrôle sur ces fonds. Il pourrait toutefois s'acquitter des frais d'un défenseur si ces fonds lui "étaient accessibles".

Il avait perdu le soutien de son avocat, le 23 novembre 2023, en raison du fait qu'il n'avait pas pu payer l'acompte demandé.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas lui avoir accordé une défense d'office.

2.1.1. En dehors des cas de défense obligatoire, la direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts (art. 132 al. 1 let. b CPP).

Il s'agit de conditions cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_667/2011 du 7 février 2012 consid. 1.2)

2.1.2. La condition de l'indigence est réalisée si la personne concernée ne peut assumer les frais du procès sans entamer les moyens nécessaires à son entretien et à celui de sa famille (ATF 144 III 531 consid. 4.1; 135 I 221 consid. 5.1).

Pour déterminer l'indigence, il convient de prendre en considération l'ensemble de la situation financière du requérant au moment où la demande est présentée, celui-ci devant indiquer de manière complète et établir autant que possible ses revenus, sa situation de fortune et ses charges. Il y a lieu de mettre en balance, d'une part, la totalité des ressources effectives du requérant et, d'autre part, l'ensemble de ses engagements financiers. Concernant ces derniers, seules les charges réellement acquittées sont susceptibles d'entrer dans le calcul du minimum vital. Des dettes anciennes, sur lesquelles le débiteur ne verse plus rien, ne priment pas l'obligation du justiciable de payer les services qu'il requiert de l'État (ATF 135 I 221 consid. 5.1).

Le soutien de la collectivité publique n'est en principe pas dû, au regard de l'art. 29 al. 3 Cst., lorsque la part disponible permet d'amortir les frais judiciaires et d'avocat en une année au plus, pour les procès relativement simples, et en deux ans pour les autres (ATF 141 III 369 consid. 4.1; 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_383/2017 du 23 novembre 2017 consid. 2).

2.2.       En l'espèce, le refus du Ministère public de désigner un avocat d'office au recourant est motivé par le fait que celui-ci n'aurait pas démontré son impécuniosité. Il convient par conséquent d'examiner si la condition de l'indigence est réalisée.

En l'occurrence, le recourant indique ne pas disposer des moyens financiers suffisants pour s'acquitter des frais d'un défenseur, notamment dans la mesure où il ne percevait pas de revenu depuis le mois de décembre 2021 et que ses économies se trouvaient sur un compte joint bloqué. Or, s'il est vrai que le précité a eu l'interdiction de disposer de cet argent par décision du 11 août 2022, cette mesure a été levée par arrêt de la Chambre civile du 31 août 2023, soit avant même le dépôt de sa demande d'assistance judiciaire datée du 22 septembre 2023.

Au moment du dépôt de sa demande, le recourant était ainsi en mesure de pouvoir accéder au compte bancaire précité, dont le solde s'élevait à environ CHF 195'000.- selon ses propres dires. À cet égard, le courriel de E______ produit par le recourant n'y change rien, dans la mesure où il lui appartenait de faire le nécessaire pour que ladite décision soit exécutée par l'établissement bancaire dans les meilleurs délais.

Vu l'importance de la somme précitée, et même à considérer que l'intégralité de celle-ci n'appartiendrait pas au recourant dans la mesure où il s'agit de l'épargne des deux époux, force est de constater que ce dernier disposait des moyens financiers suffisants pour s'acquitter des frais d'un défenseur au moment de sa demande, ce qu'il a au demeurant lui-même reconnu dans son courrier du 24 novembre 2023. Il n'est, dans cette mesure, pas nécessaire de procéder à un calcul précis de son minimum vital.

Quant à la dette de CHF 30'000.- alléguée par le recourant et pour laquelle il indique avoir signé une reconnaissance de dette le 25 septembre 2023, il ne produit aucune facture permettant d'attester de son existence, respectivement de l'exactitude de son montant, pas plus qu'il ne fournit la preuve qu'il s'acquitterait de celle-ci depuis la signature du document précité. Dans ces circonstances, il ne peut en être tenu compte dans le cadre du présent examen.

Au vu de ce qui précède, le recourant n'était pas indigent au moment du dépôt de sa demande. L'une des conditions de l'art. 132 al. 1 let. b CPP faisant défaut, la défense d'office du recourant pouvait être refusée par le Ministère public.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).