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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/24335/2023

ACPR/277/2024 du 22.04.2024 sur ONMMP/4406/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;DÉNONCIATION CALOMNIEUSE;PRÉSOMPTION D'INNOCENCE;CHOSE JUGÉE
Normes : CPP.310; CP.303

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24335/2023 ACPR/277/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 22 avril 2024

 

Entre

 

A______, domicilié ______ [GE], représenté par Mes Guglielmo PALUMBO et Gabrielle PERESSIN, avocats, HABEAS Avocats Sàrl, rue du Général-Dufour 20, case postale 556, 1211 Genève 4,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 7 novembre 2023 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 20 novembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 7 précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et à l'ouverture d'une instruction.

b. Le recourant a requis le bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite. Dans un rapport du 12 décembre 2023, le Greffe de l'assistance juridique a attesté que le précité n'était pas en mesure d'assumer par ses propres moyens les honoraires d'un conseil.

Il a été dispensé du versement de sûretés.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

La procédure P/1______/2018

a. Par acte d'accusation du 25 juin 2020, le Ministère public a reproché à A______, en substance, d'avoir:

- dans la nuit du 2 au 3 novembre 2014, après une fête, alors qu'il se trouvait dans la chambre de sa petite amie d'alors, B______, à la résidence C______ à Genève, contraint celle-ci à subir l'acte sexuel alors qu'elle avait clairement exprimé son refus (chiffre 1.1.1 de l'acte d'accusation);

- durant le mois de décembre 2014 et pendant trois semaines environ, à raison de cinq à six fois par jour, continué à avoir des relations sexuelles avec B______ alors qu'elle exprimait son refus, qu'il savait qu'en raison des croyances de celle-ci, elle était tenue de se marier avec la personne ayant pris sa virginité, la plaçant ainsi dans une situation de dépendance vis-à-vis de lui et qu'elle craignait qu'il agisse avec violence comme lors du premier viol (ch. ch. 1.1.2.1);

- dans une seconde étape, durant l'année 2015, à des dates indéterminées, à deux occasions différentes à tout le moins, forcé B______ à subir des rapports sexuels par voie anale, alors qu'elle lui avait clairement exprimé son désaccord (ch. 1.1.2.2).

b. Au cours de l'instruction, B______ avait d'abord situé approximativement le premier viol à fin octobre ou novembre 2014. Elle avait quitté A______ le lendemain ou le surlendemain, avant de se remettre avec lui quelques semaines plus tard car elle venait d'un milieu où les filles non vierges étaient considérées comme déshonorées et que A______ lui avait assuré qu'ils se marieraient. Le lendemain du viol, sa voisine de chambre, D______, était venue dans sa chambre pour lui dire: "Je ne suis pas ta mère ou ta sœur, mais j'ai entendu qu'il s'est passé quelque chose". En septembre 2017, elle avait retrouvé l'intéressée, qui lui avait alors confié avoir entendu qu'elle [B______] avait eu une relation sexuelle violente et avoir eu des doutes sur l'éventualité d'un viol (audition à la police du 11 avril 2018).

Lors de l'audience de jugement du 9 novembre 2020, B______ avait expliqué situer le viol entre fin octobre et début novembre 2014 mais que le témoignage de D______ et leurs échanges de mails lui avaient permis de fixer la date entre les 2 et 3 novembre 2014.

c. Par jugement du 13 novembre 2020 (JTCO/153/2020), le Tribunal correctionnel a reconnu A______ coupable de viol s'agissant du chiffre 1.1.1 de l'acte d'accusation et l'a acquitté s'agissant des chiffres 1.1.2.1 et 1.1.2.2.

Pour les faits reprochés durant le mois de décembre 2014, le Tribunal correctionnel a estimé que si B______ avait pu se sentir contrainte à subir l'acte sexuel, la condition subjective du viol faisait défaut, A______ pouvant ne pas avoir pris conscience de la situation. Quant aux rapports sexuels par voie anale, B______ avait indiqué n'avoir pas été particulièrement réticente la première fois et avoir eu peur de s'opposer à A______ les fois suivantes, de sorte qu'elle l'avait laissé faire. La condition subjective de la contrainte sexuelle faisait également défaut.

d. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision du 27 septembre 2021 (AARP/313/2021) et le recours formé par A______ contre cet arrêt a été rejeté par le Tribunal fédéral (arrêt 6B_1361/2021 du 25 août 2022).

e.a. Le 6 février 2023, A______ a déposé une demande de révision auprès de la Chambre pénale d'appel et de révision, concluant principalement à son acquittement.

Il avait découvert des éléments de preuve nouveaux, portant sur les faits ayant fondé sa condamnation, obtenus du téléphone portable qu'il possédait en 2014 et qu'il avait retrouvé récemment. Il avait ainsi pu récupérer les conversations durant la période litigieuse, notamment celles avec B______. Les messages permettaient d'établir qu'il se trouvait au domicile de sa tante le 2 novembre 2014 et qu'il y avait passé la nuit. Ceux échangés avec B______ permettaient, en outre, d'apporter un autre éclairage sur la nature de leur relation, de conforter l'absence de toute agression sexuelle ou de conflits entre eux et de rendre invraisemblable une rupture après le 3 novembre 2014.

e.b. A______ a produit à l'appui de sa demande les éléments suivants:

- un téléphone portable, sans carte SIM, dont il allègue qu'il lui appartenait au moment des faits;

- un document retranscrivant une série de messages échangés avec sa tante, E______, le 2 novembre 2014, entre 16:55:08 et 20:22:38, qui aurait été extraite dudit téléphone :

·         "[A______:] Coucou

·         [A______:] Vous allez faire la fondue à quelle heure aujourd'hui?

·         [A______:] ?

·         [E______:] A 8h30 ce soir

·         [A______:] Je suis dans le bus là

·         [A______:] Il est à poterie

·         [A______:] Donc j'arrive tout de suite"

- un document retranscrivant une série de messages échangés avec B______, soit notamment le 3 novembre 2014, entre 09:31:15 et 09:31:56, qui auraient été extraits dudit téléphone :

·         " [B______:] C'était bien hier? Y avais assez? Ah ah tu vas à la bibliothèque?

·         [A______:] Oui c'était parfait";

- quatre photographies qui auraient été prises le 9 novembre 2014 depuis son ancien téléphone et un relevé bancaire du mois de novembre 2014 dont il estime qu'ils démontreraient l'absence de rupture du couple après les faits litigieux.

e.c. Dans ses observations du 31 mars 2023 sur la demande de révision, B______ a conclu principalement à son rejet et, subsidiairement, "si par impossible la [Chambre pénale d'appel et de révision] venait à entrer en matière sur la demande de révision", à "condamner reconventionnellement Monsieur A______ de viol et de contrainte sexuelle s'agissant des actes visés sous chiffres 1.1.2.1 et 1.1.2.2 de l'acte d'accusation (dont la datation devra être modifiée)".

Elle a soutenu que l'instruction s'était fondée sur une prémisse erronée, à savoir que le premier viol avait eu lieu la nuit du 2 au 3 novembre 2014. Les messages produits par A______ avec la demande de révision lui avaient permis d'établir qu'en réalité, il avait eu lieu la nuit du 25 au 26 septembre 2014. Comme sa plainte avait été déposée quatre ans après les faits, elle n'avait pas été en mesure de le dater avec exactitude. Ces messages permettaient également de comprendre que le témoignage de D______, s'agissant de la nuit du 2 au 3 novembre 2014, corroborait les autres viols et contraintes sexuelles dénoncés, postérieurs au premier.

f. Par arrêt du 24 juillet 2023 (AARP/280/2023), la Chambre pénale d'appel et de révision a rejeté la demande de révision de A______.

Le téléphone portable en question avait été confié à un tiers avant d'être versé à la procédure, ce qui soulevait des doutes quant à son intégrité. Il n'était dès lors pas possible de s'assurer que le contenu des messages et/ou les métadonnées n'avaient pas été modifiés d'une quelconque manière, même accidentellement, voire si certains messages n'avaient pas été effacés, d'autant qu'aucune carte SIM n'avait été fournie et que des réparations avaient été effectuées sur le téléphone en Egypte. Par ailleurs, les messages soulignés par A______ ne prouvaient pas qu'il avait passé la nuit chez sa tante le jour des faits, respectivement qu'il ne se trouvait pas avec B______ la nuit du 2 au 3 novembre 2014. Le message envoyé par celle-ci le matin du 3 novembre 2014 ne démontrait pas non plus que les protagonistes n'avaient pas passé la nuit ensemble. La teneur des conversations entre l'ancien couple durant leur relation n'était pas propre à remettre en cause les constatations de faits des juges précédents, ni les accusations de B______ jugées crédibles par ceux-ci. Enfin, l'argument de A______ selon lequel la précitée buvait de l'alcool en contradiction avec les préceptes de sa religion, de sorte qu'elle n'en respectait sans doute pas d'autres, tel que la virginité avant le mariage, n'avait aucune pertinence.

g. Le Tribunal fédéral est actuellement saisi du recours de A______ contre cet arrêt. La cause est toujours pendante.

La procédure P/24335/2023

h. Le 2 octobre 2023, A______ a déposé plainte contre B______ du chef de dénonciation calomnieuse.

Revenant sur sa relation avec la précitée et sur la procédure, il a expliqué que, malgré les preuves contraires qu'il avait apportées dans le cadre de sa demande de révision, B______ continuait de dire qu'il l'avait agressée sexuellement la nuit du 2 au 3 novembre 2014. Elle avait également déclaré que le premier viol dont elle avait été victime avait eu lieu en septembre 2014. Il sollicitait que sa tante et ses cousins soient entendus au sujet de la soirée du 2 au 3 novembre 2014 et que son ancien téléphone soit examiné par la police.

i. À l'appui de sa plainte, il a versé à la procédure:

- une copie de l'extraction intégrale du téléphone portable produit à l'appui de sa demande de révision;

- les métadonnées de photographies déjà présentes dans la procédure P/1______/2018, visant à prouver que, contrairement à ce qu'elle alléguait, B______ ne suivait pas les préceptes de l'islam;

- des nouvelles photographies retrouvées dans le même téléphone;

- quatre témoignages écrits de sa tante et de ses cousin(e)s, attestant qu'il avait passé la soirée et la nuit chez celle-ci entre le 2 et le 3 novembre 2014;

- une attestation du 29 septembre 2023, signée par un médecin psychiatre, selon laquelle les accusations de viol à son encontre ne seraient pas compatibles avec sa personnalité.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public constate que A______ avait été reconnu coupable de viol par la Chambre pénale d'appel et de révision, par suite des faits dénoncés par B______. En outre, la demande de révision du précité avait été rejetée par cette même autorité et la cause était pendante par-devant le Tribunal fédéral. Ainsi, l'innocence de A______ n'avait pas été constatée et il faisait, de plus, l'objet d'un jugement de culpabilité définitif. Le dépôt d'une plainte pour dénonciation calomnieuse n'était pas une "voie de recours contre un jugement qui ne [pouvait] plus être contesté".

D. a. Dans son recours, A______ se plaint d'avoir été accusé, volontairement à tort, par B______ de l'avoir agressée sexuellement: 1) en lien avec une période temporelle pour laquelle il n'avait jamais été condamné, soit de septembre à novembre 2014, 2) en lien avec une période temporelle pour laquelle il avait certes été condamné mais pour laquelle il disposait désormais de preuves de son innocence et, 3) en lien avec des faits décrits aux chiffres 1.1.2.1 et 1.1.2.2 de l'acte d'accusation du 25 juin 2020 et pour lesquels il avait été définitivement acquitté. Toutes ces accusations, contenues dans la réponse de B______ à sa demande de révision du 6 février 2023, visaient à obtenir l'aggravation de sa condamnation.

b. Dans ses observations, le Ministère public souligne que la culpabilité de A______ avait été constatée par un jugement définitif s'agissant des faits s'étant déroulés dans la nuit du 2 au 3 novembre 2014. La démarche du précité était ainsi "appellatoire" en ce sens que par le biais d'une plainte pour dénonciation calomnieuse, il cherchait en réalité à remettre en cause un jugement entré en force après avoir échoué en utilisant les voies de droit ordinaires et extraordinaires. Pour les faits décrits aux chiffres 1.1.2.1 et 1.1.2.2 de l'acte d'accusation, le Tribunal correctionnel n'avait pas remis en doute leur survenance, mais avait uniquement écarté l'élément intentionnel. Enfin, la fausseté des allégations de B______ dans le cadre de la procédure de révision n'avait pas été constatée. Lesdites allégations s'inscrivaient dans un processus de "dévoilement complexe et en étapes" de la chronologie des faits et avaient pour but d'assurer la défense des intérêts de l'intéressée et non de provoquer l'ouverture d'une nouvelle poursuite pénale.

c. Dans sa réplique, A______ soutient que les faits pour lesquels il avait été condamné (nuit du 2 au 3 novembre 2014) étaient "ouvertement erronés". B______ soutenait dorénavant que le premier viol dont elle avait été victime ne datait pas de ce jour-là, tout en maintenant en avoir subi un autre ce soir-là, dans un contexte factuel complètement différent de celui retenu dans le jugement l'ayant condamné. Puisque le Ministère public avait fait le choix de ne pas le poursuivre par suite des nouvelles accusations de B______ du 31 mars 2023, cela confirmait sa propre innocence et confortait la nécessité d'ouvrir une procédure contre la précitée pour dénonciation calomnieuse, même s'il n'avait pas encore été formellement acquitté pour ces nouveaux faits dénoncés. L'élément intentionnel auquel se référait l'autorité intimée n'était plus d'actualité. En effet, il ne fallait pas s'intéresser à ce qui avait été retenu par le Tribunal correctionnel mais à l'intention de B______, en mars 2023, lorsqu'elle avait proféré de nouvelles accusations à son encontre, tout en ayant conscience qu'il avait été définitivement acquitté. L'absence d'un constat judiciaire sur ces accusations n'empêchait nullement l'ouverture d'une procédure pour dénonciation calomnieuse, afin de vérifier s'il était accusé à tort. B______ avait demandé "formellement et frontalement" sa condamnation [à lui], prenant ainsi le risque d'être poursuivie pour dénonciation calomnieuse. Elle avait agi en sachant qu'il n'avait jamais été accusé pour la période de septembre à novembre 2014, que l'état de fait de la nuit du 2 au 3 novembre suivant était "bouleversé par les nouvelles pièces produites" dans sa demande de révision et qu'il avait été acquitté de tout fait postérieur au premier rapport sexuel. Un grand nombres d'actes d'enquête était susceptible d'apporter la preuve de la fausseté des accusations de B______ dans ses écritures du 31 mars 2023, en particulier l'analyse de son ancien téléphone portable et l'audition des membres de sa famille présents le 2 novembre 2014.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant conteste le refus du Ministère public d'entrer en matière sur sa plainte.

2.1.       À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a. CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

2.2. Conformément à cette disposition, une procédure pénale peut être liquidée par ordonnance de non-entrée en matière lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre l'absence manifeste des éléments constitutifs d'une infraction que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé (arrêts du Tribunal fédéral 6B_488/2021 du 22 décembre 2021 consid. 5.3; 6B_212/2020 du 21 avril 2021 consid. 2.2; 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1).

2.3. L'art. 303 ch. 1 CP réprime notamment du chef de dénonciation calomnieuse quiconque aura dénoncé à l'autorité, comme auteur d'un crime ou d'un délit, une personne qu'il savait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale.

Sur le plan objectif, une dénonciation calomnieuse est composée de deux éléments, soit qu'une dénonciation soit faite et qu'elle fasse porter l'accusation sur une personne innocente. La dénonciation n'est calomnieuse que si la personne mise en cause est innocente, en ce sens qu'elle n'a pas commis les faits qui lui sont faussement imputés, soit parce que ceux-ci ne se sont pas produits, soit parce qu'elle n'en est pas l'auteur.  Est "innocent " celui qui a été libéré par un jugement d'acquittement ou par le prononcé d'un classement. Le juge de la dénonciation calomnieuse est, sauf faits ou moyens de preuve nouveaux, lié par une telle décision (ATF 136 IV 170 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_483/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1.1.1). Une dénonciation pénale n'est pas punissable du seul fait que la procédure pénale ouverte consécutivement à la dénonciation est classée. L'infraction n'est réalisée que si l'innocence de la personne dénoncée a été constatée dans une procédure précédente (ATF 136 IV 170 consid. 2.2).

Sur le plan subjectif, l'auteur doit savoir que la personne qu'il dénonce est innocente. Il ne suffit donc pas qu'il ait conscience que ses allégations pourraient être fausses. Il doit savoir que son affirmation est inexacte. Aussi, le dol éventuel ne suffit pas (ATF 136 IV 170 consid. 2.1 p. 176 et les références citées). En outre, seul l’auteur qui agit dans un dessein particulier – à savoir en vue de faire ouvrir une poursuite pénale – peut se rendre coupable de dénonciation calomnieuse. Cet article consacre ainsi une infraction subjectivement spéciale (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 19 ad art. 303).

2.4. En l'espèce, le recourant invoque la réalisation d'une dénonciation calomnieuse à l'aune de trois volets découlant de la réponse de la mise en cause à sa demande de révision: 1) les nouvelles accusations de viol (nuit du 25 au 26 septembre 2014), 2) les accusations relatives à la nuit du 2 au 3 novembre 2014, contre lesquelles il disposerait de preuves de son innocence et, enfin, 3) les accusations afférentes aux périodes pour lesquelles il a été acquitté.

Pour le premier volet, malgré ce que soutient le recourant, la condition objective constitutive de l'innocence constatée par un acquittement ou par la clôture de la procédure (par une décision de non-entrée en matière ou de classement) n'est pas remplie.

Ces faits sont, comme le recourant le souligne, inédits dans le cadre de la P/1______/2018 et n'ont, dès lors, jamais été examinés par les autorités pénales ni, a fortiori, jugés. Il n'y a donc pas de place pour un constat abstrait de l'innocence du recourant et le simple fait que le Ministère public n'ait pas ouvert de procédure à la suite de ces allégations de la mise en cause – invoquées à titre subsidiaire – ne saurait suffire à fonder l'innocence du recourant, au sens de l'art. 303 CP.

S'agissant du deuxième volet, le recourant fait actuellement l'objet d'une condamnation – entrée en force – pour infraction à l'art. 190 CP, en lien avec les faits dénoncés du 2 au 3 novembre 2014. Il soutient néanmoins avoir apporté les preuves de son innocence.

Cela étant, lesdites preuves ont été écartées par la Chambre pénale d'appel et de révision dans le cadre de l'arrêt rejetant sa demande de révision. Selon cette juridiction citée, l'intégrité des données récupérées n'était pas garantie; la teneur des messages échangés avec sa tante ou la mise en cause n'était pas concluante pour contredire les allégations – crédibles – de cette dernière; et les photographies visaient à démontrer des éléments sans pertinence pour la cause. Le recourant produit de nouvelles pièces à l'appui de sa plainte pour dénonciation calomnieuse, mais il perd de vue qu'il n'appartient pas aux autorités pénales saisies de celle-ci de revoir les faits d'une condamnation en force.

Tous ces éléments ne sont donc pas, en l'état, susceptibles de renverser la condamnation du recourant.

Pour le troisième volet, il est exact que le recourant a été acquitté des faits faisant l'objet des chiffres 1.1.2.1 et 1.1.2.2 de l'acte d'accusation. Cela étant, il ne peut être retenu que la mise en cause l'aurait intentionnellement accusé en le sachant innocent, ni qu'elle cherchait à faire ouvrir une instruction contre lui. Cela vaut d'ailleurs également pour les deux volets précédents.

En effet, la mise en cause a justifié ses nouvelles accusations relatives au mois de septembre 2014 par les messages produits par le recourant. Elle a ainsi précisé n'avoir pas su dater avec exactitude les événements au moment du dépôt de sa plainte, ce qui ressort d'ailleurs de ses premières auditions. Pour la nuit du 2 au 3 novembre 2014, la mise en cause a maintenu ses précédentes accusations; elle a toutefois cherché, dans l'hypothèse où la révision serait admise, à les intégrer parmi les autres "viols" et "contraintes sexuelles" faisant l'objet des chiffres 1.1.2.1 et 1.1.2.2 de l'acte d'accusation.

Ainsi, il apparaît que les convictions de la mise en cause sur la culpabilité du recourant sont les mêmes que celles qui l'ont guidée dans le cadre de la P/1______/2018 et qu'elle s'emploie encore à démontrer. Par le biais de sa réponse du 31 mars 2023, elle n'a fait que compléter, ou corriger, ses accusations, à l'aune d'éléments nouveaux.

En outre, la conclusion "reconventionnelle" de la mise en cause revêt un caractère subsidiaire, dans l'hypothèse où la demande en révision du recourant devait être admise. À titre principal, elle s'est limitée à conclure au rejet de ladite demande, sans exiger que la procédure soit réexaminée au sujet du "premier viol" qu'elle date dorénavant entre le 25 et le 26 septembre 2014.

Compte tenu de ce qui précède, les éléments constitutifs d'une dénonciation calomnieuse ne sont pas réalisés.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             Le recourant sollicite l’octroi de l’assistance judiciaire.

4.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP (dans sa version antérieure au 1er janvier 2024), la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b). La cause ne devant pas être dénuée de toute chance de succès, l'assistance peut être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la position du requérant est juridiquement infondée (arrêt du Tribunal fédéral 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1).

4.2. En l'occurrence, si l'indigence du recourant est attestée, son recours était voué à l'échec pour les motifs exposés plus haut, de sorte que les conditions à l'octroi de l'assistance judiciaire ne sont pas remplies.

La demande sera, partant, rejetée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, réduits à CHF 800.- pour tenir compte de sa situation financière (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

Le refus d'octroi de l'assistance juridique gratuite est rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance judiciaire.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Françoise SAILLEN AGAD et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/24335/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

715.00

Total

CHF

800.00