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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11310/2020

ACPR/174/2024 du 11.03.2024 sur OCL/1592/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE CLASSEMENT;ACTE D'ORDRE SEXUEL SUR UN INCAPABLE DE DISCERNEMENT;CONTRAINTE SEXUELLE;VIOL;RÉSISTANCE;CONTRAINTE(DROIT PÉNAL);CONSENTEMENT DU LÉSÉ
Normes : CP.191; CP.189; CP.190; CPP.319.al1.letb

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11310/2020 ACPR/174/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 11 mars 2024

 

Entre

A______, représentée par Me Sophie BOBILLIER, avocate, BOLIVAR BATOU & BOBILLIER, rue des Pâquis 35, 1201 Genève,

recourante,

contre l'ordonnance de classement rendue le 17 novembre 2023 par le Ministère public,

et

B______, représenté par Me Valérie MALAGOLI-PACHE, avocate, VMP Avocats, avenue Perdtemps 3, case postale, 1260 Nyon 1,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 30 novembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 17 précédent, notifiée le 20 du même mois, à teneur de laquelle le Ministère public a classé sa plainte pénale déposée le 25 juin 2020 contre son ex-époux, B______, pour actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de résistance (art. 191 CP), contrainte sexuelle (art. 189 CP) et viol (art. 190 CP).

Elle conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision, la cause devant être retournée au Procureur afin qu’il renvoie le prénommé en jugement, ainsi qu'au constat d'une violation des art. 3 et 8 CEDH.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ et B______, ressortissants suisses, respectivement enseignante et pasteur retraités, ont entretenu une relation amoureuse dès le mois de juin 2012.

La prénommée, résidente de C______ [VD], s’est progressivement installée au domicile de son compagnon, à Genève. Le couple s’est marié en été 2014.

A______ a souffert d’un cancer, diagnostiqué en décembre 2014, ayant nécessité un traitement chirurgical (intervenu à la fin de ce même mois), puis trente-deux séances de radiothérapie (effectuées en février et mars 2015).

La précitée a quitté le logement familial au mois de mars 2016 et les conjoints ont divorcé à la fin de cette même année.

b.a. Le 16 juin 2016, A______ a déposé une plainte pénale contre B______, lui reprochant de l’avoir, à réitérées reprises, soit à tout le moins entre les printemps 2014 et 2016, injuriée et frappée. En particulier, le prénommé lui avait asséné des coups et gifles, qui lui avaient causé maintes lésions (P/1______/2016).

À l’appui de ses allégués, elle a produit, d’une part, des photographies faisant état d’hématomes sur les bras, les poignets, une cuisse ainsi que le cou et, d’autre part, des certificats médicaux, établis en mars 2014, octobre 2014, janvier 2015, août 2015 et mars 2016, attestant de deux fractures (l’une de l’ulna droit [mars 2014] et l’autre de la main droite [janvier 2015]), d’une tuméfaction sur la joue avec hématome et perte d’une couronne dentaire ainsi que d’un hématome sur la face dorsale du bras droit.

Entendu par la police, puis le Ministère public, B______ a reconnu avoir eu plusieurs disputes avec la plaignante, lors desquelles ils s'étaient mutuellement insultés et frappés.

Considérant que les faits dénoncés étaient avérés, le Procureur a, par ordonnance pénale du 3 mars 2017, déclaré le prénommé coupable d’infractions aux art. 123 et 177 CP, renvoyant A______ à agir par la voie civile s'agissant de ses prétentions.

B______ n’a pas formé opposition à cette ordonnance.

b.b. En été 2017, A______ a déposé une demande en paiement contre son ex-époux devant le Tribunal de première instance, réclamant le versement, entre autres sommes, de CHF 7'000.- à titre de réparation du tort moral occasionné par les violences sus-décrites (C/2______/2017).

Cette juridiction a retenu, dans son jugement du 19 novembre 2018, que les agissements du défendeur avaient causé à la prénommée une grande souffrance – tant physique que psychique – ayant nécessité un suivi physiothérapeutique, psychothérapeutique et psychiatrique, avec la prise occasionnelle d'anxiolytiques. Ces éléments témoignaient de l'intensité de l'atteinte, même si les souffrances éprouvées ne pouvaient être mises exclusivement en relation avec les violences subies. Le principe de l’octroi d’une indemnité pour tort moral devait donc être admis. Au vu des circonstances de l’espèce, une somme de CHF 2'000.- était allouée à l’intéressée (JTPI/17892/2018).

c.a.a. Le 25 juin 2020, A______ a déposé une seconde plainte pénale contre B______ du chef de la commission d’infractions contre son intégrité sexuelle (art. 191, 189 et 190 CP; P/11310/2020).

En substance, elle y exposait que, concurremment aux faits objets de la cause P/1______/2016, elle avait été victime de violences sexuelles, à réitérées reprises. Elle n’avait, jusqu’alors, pas osé en parler, ayant eu besoin de temps et de réflexion pour initier une procédure. B______ avait, pour lui imposer les actes décrits ci-après, usé et abusé de "son emprise, alimentée par les violences physiques et psychiques" décrites dans sa première plainte. Ce dernier lui avait régulièrement imposé des actes sexuels, "qui se déroulaient de manière violente et dénigrante". Ainsi : il l’avait souvent obligée à le masturber jusqu'à ce qu'il éjacule sur elle; il l’avait forcée à entretenir des relations sexuelles, en dépit de refus clairement exprimés; il lui avait fréquemment ordonné "de le regarder pendant l’acte", alors que ses "yeux (…) haineux" se trouvaient à quelques centimètres d’elle, ce qui était "particulièrement intimidant, humiliant et [lui] faisait peur, au point de [la] tétaniser"; il ne s’était jamais soucié de lui donner du plaisir, uniquement "d’assouvir ses besoins"; il était arrivé qu’il lui dise, après l’avoir frappée, "« [o]n va faire l’amour », comme si rien de violent ne s’était passé".

Elle a proposé, pour étayer ses allégués, l’audition des parties et de divers témoins.

c.a.b. À l’appui de sa plainte, A______ a produit un rapport médical établi le 13 mai 2020 par deux médecins du "Centre D______". Aux termes de ce document, la précitée était suivie depuis octobre 2019. Elle exposait avoir subi des violences psychologique, physique et sexuelle de la part de B______. Elle était en proie à des cauchemars et des flash-backs. Elle s'était identifiée à des victimes d'agressions sexuelles en lisant deux livres autobiographiques, rédigés par des femmes ayant subi des viols conjugaux, ce qui lui avait permis de trouver les mots justes pour évoquer son propre ressenti. Elle décrivait les rapports intimes avec son ex-mari comme ayant été "machinaux", brutaux, sans préliminaire ni caresse ou tendresse et fréquemment sans consentement. Elle s’était sentie humiliée lors de ceux-ci.

c.b. Entendu par la police, B______ a contesté les faits qui lui étaient reprochés, selon lui "[s] de l'imagination" de A______. Cette dernière avait toujours consenti aux rapports sexuels qu’ils avaient entretenus. Il ne l’avait jamais forcée, respectant son choix lorsqu’elle ne souhaitait pas avoir de relation. A______ n'avait nullement émis, avant ou après leurs ébats, d'objection quant à leurs rapports ou à ses demandes intimes.

c.c. Par ordonnance du 17 décembre 2020, le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur les faits nouvellement dénoncés.

La Chambre de céans a confirmé cette décision le 18 mars 2021 (ACPR/179/2021).

Saisi d'un recours de A______, le Tribunal fédéral a annulé l'arrêt précité, au motif qu'aucun élément du dossier ne permettait, à ce stade, de privilégier la version de l’un ou l’autre des ex-époux. Si les preuves requises par la plaignante n'étaient pas de nature à établir de manière formelle les faits dénoncés, puisque ceux-ci s'étaient déroulés dans l'intimité du couple, elles étaient néanmoins susceptibles d'apporter un éclairage pour apprécier les déclarations des protagonistes (cause 6B_488/2021 du 22 décembre 2021).

À cette suite, la Chambre de céans a renvoyé la cause au Procureur pour qu'il ouvre une instruction contre B______ (ACPR/41/2022 du 24 janvier 2022).

c.d. Le Ministère public a tenu trois audiences, les 16 juin et 5 décembre 2022 ainsi que 24 février 2023, lors desquelles il a entendu les ex-conjoints, hors confrontation directe, ainsi que des témoins.

c.d.a. A______ a déclaré qu'au début de sa relation avec B______, "tout se passait bien"; le prénommé était un homme charmeur et agréable, avec lequel elle entretenait des relations sexuelles consenties, empreintes de tendresse.

En automne 2012, B______ lui avait demandé de le masturber, au motif qu'il ne parvenait plus à éjaculer en elle, pensant toujours à sa précédente compagne, dont il était séparé depuis peu. Elle s'était exécutée; il éjaculait sur elle, ce qui la "dérangeait". En deux occasions, il lui avait pris la main et l'avait placée sur son pénis pour lui "montrer comment" procéder. "Ce n'était pas quelque chose [qu'elle] faisai[t] avec joie, [et elle] était mal à l'aise". "En bon saint-[b]ernard, parce [qu'elle] l'aimai[t], [elle avait] tout accepté". Après avoir joui, B______ se rendait à la salle de bain, la laissant "sur le carreau", sans aucun échange avec elle, ce qui lui "était très désagréable". Elle avait évoqué cette situation, qui avait duré deux mois environ, avec le prénommé ainsi qu'un ami du couple; ce dernier avait recommandé à B______ de prendre une photo de l'ex-compagne concernée et de la brûler, ce que ce dernier avait fait. À cette suite, il ne lui avait plus demandé de le masturber.

Leurs relations sexuelles s'étaient "dégradées petit à petit", à partir de l'année 2013.

En mars et avril 2014, elle portait un plâtre au bras droit, B______ lui ayant fracturé un os. Les viols avaient débuté à cette période. La première agression avait eu lieu un soir, alors que tous deux étaient couchés; le prénommé avait manifesté l'envie d'entretenir une relation sexuelle; elle lui avait répondu : "non, j'ai mal, je n'ai pas envie, je ne sais pas où mettre mon bras"; ce nonobstant, B______, qui pesait 94 kg, s'était positionné sur elle, qui en "faisai[t] 48"; elle avait "" mettre son bras blessé sur l'oreiller, à angle droit, et le prénommé avait placé une main sur son poignet gauche; elle ne l'avait pas repoussé, "vu le calibre"; ils avaient entretenu un rapport sexuel complet. Les semaines suivantes, six autres relations similaires avaient eu lieu, sans toutefois que B______ lui maintienne le poignet gauche, cela étant "acquis". Aucune de ces relations n'avait été harmonieuse; B______ se "vid[ait]", puis partait, sans qu'il n’y ait d'échange amoureux; de son côté, elle "faisait la morte" et attendait que "cela passe"; elle avait parfois "fait des mouvements corporels pour lui montrer [s]a désapprobation". Si elle avait conscience, à cette époque, que de tels rapports n'étaient "pas norma[ux]", elle n'avait toutefois réalisé qu'en 2019, après avoir entamé une thérapie, qu'il s'agissait de viols.

Le mariage avait eu lieu quelques semaines plus tard, en été 2014. Elle avait hésité, jusqu’au dernier moment, à "dire oui", n’ayant pas envie d’épouser "cet homme violent". 

Lors la nuit de noces, B______ n'avait pas souhaité entretenir de rapport sexuel; elle avait été "tolérante" et avait "demandé à l'hôtel une nuit supplémentaire", mais il ne s'était à nouveau rien passé.

Après l'union, le couple avait entretenu des relations sexuelles, cependant sans tendresse.

Elle avait, à cette époque, le sentiment d’être "acquise" à son mari et de ne plus pouvoir quitter le domicile. B______ ne l'avait jamais violentée ni menacée durant leurs rapports intimes; il ne lui tenait pas non plus les mains ni ne l’empêchait de partir. Il arrivait au prénommé de lui demander de le regarder pendant l'acte et, lorsqu'elle voyait ses yeux "exorbités", elle se rappelait des moments où il la frappait. Il avait parfois manifesté l'envie d'entretenir des relations quelques heures seulement après l'avoir tapée, "comme si de rien n'était"; c'était sa manière de se "rabibocher" et de se faire excuser. Comme cela était impensable pour elle, elle ne lui répondait pas et "faisai[t] par exemple le repas".

En décembre 2014, elle avait souffert d'un cancer du sein. Après son opération, B______ ne l'avait pas accueillie au domicile comme il l'aurait dû, ni ne l'avait aidée durant sa convalescence. Leurs relations sexuelles pendant cette période n'étaient pas harmonieuses. Elle n'en voulait pas, étant alors fatiguée et "dans un autre état", mais elle les ressentait comme "obligatoires". B______ venait la rejoindre dans le lit; il y avait alors "un moment de vide dans son esprit"; elle le sentait se positionner sur elle et faire des va-et-vient; elle "tournai[t] la tête" et attendait que l'acte, qui durait entre deux et trois minutes, se termine. Elle était soulagée lorsqu'il se retirait. Il n'y avait, durant ces rapports, ni caresse, ni partage.

Elle estimait avoir subi, en tout, vingt ou trente viols, sans pouvoir les dater précisément. Chacun d'eux avait été différent, en ce sens qu'elle se sentait agressée, soit par la violence avec laquelle B______ la pénétrait, soit par le fait qu'il l'obligeait à le regarder. Le prénommé se concentrait exclusivement sur son propre plaisir; elle avait l'impression d'être sa "pute de luxe".

Elle avait peur de son ex-époux, un climat d'angoisse et de terreur s'étant progressivement installé au sein du foyer. Tous les soirs, elle se demandait si elle allait passer "à la casserole" ou avoir une nuit tranquille. Il lui était parfois arrivé, "[q]uand [elle] sentai[t] que cela allait finir en obligation de sexe", d'aller dormir au salon, dans la voiture ou à l'hôtel plutôt que dans la chambre à coucher, seul lieu où se déroulaient les viols.

Elle n’avait pas évoqué avec ses "amis du canton de Vaud" les viols dénoncés, ayant eu honte d’en parler; du reste, elle avait "très vite été isolée" après avoir emménagé à Genève.

c.d.b. Prévenu d'infractions aux art. 191, 189 et 190 CP, B______ a exposé que le récit de A______ ne correspondait pas du tout à "la réalité [qu'il avait] vécue".

Leurs relations sexuelles avaient toujours été consenties et accompagnées de préliminaires; pour lui, elles n'étaient pas "à sens unique". Au début, elles avaient eu lieu à l'initiative de chacun des conjoints, puis, avec le temps, c'était plutôt lui qui les avait sollicitées. Il n'avait pas le souvenir que son ex-femme aurait refusé d'entretenir des relations; toutefois, si elle l'avait fait, il n'aurait pas insisté.

Le couple avait effectivement pratiqué la masturbation, mais il ne se rappelait pas avoir accompagné la main de A______ à ces occasions.

Ils avaient entretenu un unique rapport intime entre mars et avril 2014, période où la prénommée portait un plâtre. La relation ne s'était "pas bien passé[e]", en ce sens qu'il avait compris, pendant l'acte, que "cela ne (…) plaisait pas [à A______ et qu'il ne] devai[t] plus insister"; il s'était alors arrêté.

A______ avait changé de personnalité après le mariage; elle l'avait coupé de tous ses contacts, en particulier avec ses petits-enfants, et "contrôlait [s]on téléphone"; elle avait tenté de l'isoler. Leur union se dégradant, les relations sexuelles avaient été moins fréquentes.

Ils n'en avaient presque plus entretenu après avoir appris que A______ souffrait d'un cancer. Lui-même avait proposé son aide à cette dernière durant la convalescence, mais elle avait refusé, le tenant pour responsable de sa maladie.

Il contestait avoir fait peur à A______ durant la vie commune; peut-être avait-elle interprété les choses de cette manière, mais ce n'était pas ce qu'il souhaitait.

c.d.c. Le Ministère public a entendu, entre autres témoins, le docteur E______.

Ce psychiatre a exposé avoir suivi A______ et B______ [entre janvier et juillet 2015], dans le cadre d'une thérapie de couple. Tous deux avaient du mal à communiquer et à se mettre d'accord. Il avait perçu, chez A______, un certain désespoir lié au fait que son conjoint ne parvenait pas à répondre à ses attentes; quant à B______, il souffrait de ne pas y arriver. La prénommée s'exprimait dans un registre affectif plus large que son mari et avait, sur le plan de la dynamique du couple, tendance à "bousculer" ce dernier. La "question des relations intimes" avait été abordée, mais il n'en avait pas de souvenir précis; ce n'était toutefois pas "le fond du problème". La thérapie avait cessé après quelques séances, n'ayant pas abouti.

c.e. Lors de l'enquête, A______ a formulé les demandes et doléances suivantes auprès du Ministère public :

·      cette autorité avait omis d'accuser réception de sa plainte, comme elle l'avait pourtant sollicité dans cet acte (lettre de relance du 8 septembre 2020);

le Procureur a donné suite à cette requête le 23 du même mois;

·      ce magistrat était invité à caviarder ses coordonnées personnelles, figurant sur certaines pièces du dossier, cela afin d'éviter que B______ en ait connaissance (missive du 12 octobre 2020);

aucune mesure ne semble avoir été prise en ce sens;

·      le Ministère public l'avait fréquemment interrompue lors de l'audience du 16 juin 2022, pour procéder aussi bien à l'audition de témoins qu'à la dictée du procès-verbal, ce qui lui avait fait "perdre le fil de ses pensées et [l'avait] coup[ée] dans son effort de remémoration"; elle priait donc cette autorité de prendre, à l'avenir, le procès-verbal à la volée et de ne relire un passage qu'une fois qu'elle aurait terminé de répondre à une question (plis des 22 juin et 2 décembre 2022);

le Procureur ayant repris la direction de la procédure en automne 2022 lui a signifié que les modalités de son audition demeureraient identiques, étant précisé qu'il ferait "de son mieux pour ne pas l'interrompre et privilégier ainsi un récit aussi libre que possible" (page 2 du procès-verbal d'audience du 5 décembre 2022);

·      la conduite de la procédure, ponctuée de temps morts, avait manqué de célérité (lettre du 1er juin 2023).

c.f.a. Le 7 juin 2023, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait classer la cause.

c.f.b. En automne suivant, A______ a produit deux rapports médicaux établis les 2 août et 6 septembre 2023 par des thérapeutes du Centre D______. Aux termes de ces documents, l'intéressée présentait une symptomatologie de stress post-traumatique liée aux violences conjugales qu'elle avait endurées et ressentait "un sentiment de non-réparation par rapport aux préjudices" qu'elle avait subis. Elle était suivie à raison d'une ou deux séances par mois.

C. Dans sa décision déférée, le Ministère public, appréciant la crédibilité des déclarations des parties, a considéré que B______ était demeuré constant dans ses dénégations. La version de la plaignante, bien que précise concernant ses ressentis et frustrations, était toutefois peu détaillée s'agissant, notamment, du nombre d'actes (d'ordre) sexuel(s) litigieux et de la date de leur survenance.

Les éléments constitutifs des infractions dénoncées n'étaient pas réalisés. Tout d'abord, rien ne permettait de retenir que A______ aurait été, du fait de son état de santé, dans l'incapacité totale de résister aux actes dénoncés (art. 191 CP). Ensuite, l’on ne pouvait déduire des explications de l'intéressée qu’elle se serait trouvée, lors de la commission desdits actes, dans une situation de contrainte, d'une intensité suffisante, à laquelle elle n’aurait pas été en mesure de résister (art. 189 et 190 CP).

À cette aune, le prononcé d'un classement s'imposait.

D. a. Dans son recours, A______ se plaint d'une violation du principe in dubio pro duriore; les déclarations de son ex-conjoint étant moins crédibles que les siennes, corroborées par les éléments médicaux du dossier, le renvoi en jugement du prévenu s'imposait.

L'absence de mise en accusation de B______ faute de l'élément constitutif de la contrainte enfreignait, d'une part, la Convention du Conseil de l'Europe du 11 mai 2011 sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Convention d'Istanbul; RS 0.311.35) et, d'autre part, les art. 3 et 8 CEDH, la Cour européenne des droits de l'Homme ayant déduit de ces dispositions l'obligation, pour les États, d'incriminer et de punir tout acte sexuel non consenti, y compris lorsque la victime n’opposait aucune résistance à l'auteur.

Quoi qu’il en soit, les conditions des trois infractions dénoncées étaient réunies, dès lors que : l'état de fatigue induit par son traitement de radiothérapie avait "largement contribué à son incapacité de résister au prévenu"; la différence de force physique entre B______ et elle-même avait été "un facteur amplifiant l'emprise" que ce dernier avait sur elle; il régnait, au sein du foyer, un climat de terreur, du fait des violences physiques/psychiques décrites dans la cause P/1______/2016, d'une intensité telle qu'il aurait été vain, voire dangereux, pour elle, de tenter de résister aux assauts de son ex-époux – configuration qui s’apparentait à une affaire dans laquelle le Tribunal fédéral avait admis l'existence d'une contrainte psychique (arrêt 6B_159/2020 du 20 avril 2020) –; elle était isolée à Genève, ne connaissant personne chez qui elle aurait pu se réfugier; le prénommé avait passé outre les refus qu'elle avait parfois manifestés, verbalement ou physiquement; son ex-mari avait reconnu – en affirmant s'être rendu compte, lors d'une relation qui ne s'était "pas bien passé[e]", qu'il ne devait "plus insister" – lui avoir intentionnellement imposé des rapports sexuels non consentis.

Le Ministère public n'avait pas suffisamment respecté, durant l'instruction, ses droits de victime garantis par la CEDH. En effet, les "modalités de la procédure" s'étaient révélées particulièrement pénibles pour elle, le Procureur n'ayant pas, ou que difficilement, donné suite à ses demandes (cf. à cet égard lettre B.c.e supra), pourtant légitimes. En particulier, l'"absence de respect du principe de [la] célérité" l'avait placée dans "une attente et une tension infernale[s]", l'empêchant de poursuivre sa psychothérapie dans des conditions idéales, affectant ainsi sa convalescence. De plus, le magistrat initialement chargé de l'enquête avait, lors de l'audience du 16 juin 2022, mis en doute son récit, au travers de questions. Une violation des art. 3 et 8 CEDH devait donc être constatée.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision de classement, sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 322 al. 2 cum 393 al. 1 let. a CPP), et émaner de la plaignante, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let.  b CPP) qui a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé (art. 382 CPP) à voir poursuivre les infractions alléguées contre son intégrité sexuelle (art. 115 CPP).

2.             La juridiction de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les actes manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             La recourante conteste que les conditions pour le prononcé d'un classement soient réunies.

3.1. En vertu de l'art. 319 al. 1 let. b CPP, la cause doit être classée quand les éléments constitutifs d’une infraction ne sont pas réalisés.

Cette norme s’interprète à la lumière du principe in dubio pro duriore, lequel impose, dans les procédures où l'accusation repose essentiellement sur le récit de la victime, auquel s'oppose celui de l’auteur, et que ces récits sont d’une crédibilité équivalente, que le prévenu soit mis en accusation. Cela vaut en particulier pour les infractions commises contre l'intégrité sexuelle (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 du 10 juin 2021 consid. 2.1 et 2.2).

3.2. Celui qui, sachant qu'une personne est incapable de discernement ou de résistance, en aura profité pour commettre sur elle un acte (d'ordre) sexuel, enfreint l'art. 191 CP.

Cette incapacité doit être totale. Si la victime conserve une résistance partielle, qui est surmontée par l'auteur, seule l'application de l’art. 189 ou 190 CP est envisageable (ATF 148 IV 329 consid. 3.2).

3.3. L'art. 189 CP sanctionne quiconque, notamment en usant de menace ou de violence envers une personne, en exerçant sur elle des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, la contraint à subir un acte d'ordre sexuel.

L'auteur qui, dans les mêmes circonstances, contraint une femme à subir l'acte sexuel se rend coupable de viol (art. 190 CP).

3.3.1. Ces deux dispositions supposent que le prévenu contraigne la victime, en surmontant ou déjouant la résistance que l'on peut raisonnablement attendre d'elle. À défaut d'une telle contrainte, d'une intensité suffisante, et même si la lésée ne souhaite pas entretenir un acte (d'ordre) sexuel, il n'y a pas de viol/contrainte sexuelle (arrêt du Tribunal fédéral 6B_800/2022 du 16 août 2023 consid. 13.1).

Dans un arrêt publié aux ATF 148 IV 234, le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir si la teneur actuelle des art. 189 et 190 CP (en lien avec la condition de la contrainte) répondait aux réquisits de la Convention d'Istanbul, cet instrument international ne créant pas de droits subjectifs pour la personne qui l'invoque (consid. 3.1 et 3.7.1).

Il a rappelé, dans ce même arrêt, que la Cour européenne des droits de l'Homme déduisait des art. 3 et 8 CEDH une obligation, pour les États contractants, de punir tout acte sexuel non consenti, y compris lorsque la victime n’opposait aucune résistance à l'auteur; pour autant, cette juridiction n'avait jamais constaté que les législations étrangères examinées par ses soins, dont la formulation ne s'écartait pas sensiblement de ce que prévoit le droit suisse, violait ces articles (consid. 3.2 et 3.7.2 in fine). Quoi qu'il en soit, le principe de la légalité obligeait de prendre en compte l'élément constitutif de la contrainte, la suppression de cette condition relevant de la compétence du législateur (consid. 3.5 et 3.8).

3.3.2. La contrainte au sens des art. 189 et 190 CP peut consister dans l’utilisation volontaire de la force physique sur la victime, afin de la faire céder. Il n'est pas nécessaire que la lésée soit mise hors d'état de résister. Une certaine intensité est toutefois requise, en ce sens que la force employée doit être plus importante que ce qu'exige, ordinairement, l'accomplissement de l'acte (d’ordre) sexuel. Selon les circonstances le fait, pour l'auteur, de maintenir la victime avec la force de son corps, de la renverser à terre, de lui arracher ses habits ou de lui tordre un bras derrière le dos, peut suffire (ATF 148 IV 234 précité, consid. 3.3). La lésée n'a pas à résister à la violence par tous les moyens; en particulier, elle n'a pas à engager un combat ou à accepter des blessures; elle doit néanmoins manifester clairement et énergiquement au prévenu qu'elle ne consent pas à des actes (d’ordre) sexuel(s) (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1260/2019 du 12 novembre 2020 consid. 2.2.2).

La contrainte peut également consister dans l'exercice de pressions psychiques. Ainsi en va-t-il lorsque la lésée se trouve dans une situation sans issue, sans que l'auteur ait recouru à la force physique ou à la violence. En pareille configuration, il n'est pas nécessaire que la victime ait été mise hors d'état de résister (ibidem). Les pressions doivent revêtir une intensité particulière et rendre la soumission compréhensible (arrêt du Tribunal fédéral 6B_159/2020 du 20 avril 2020 consid. 2.4.1). La Haute Cour a admis l'existence de telles pressions dans le cas d'une femme qui avait été violée par son époux, aux motifs que : l’intéressée ne parlait pas le français et était très isolée; son conjoint avait exercé sur elle, durant de nombreuses années, une constante autorité; il avait fait régner une ambiance tyrannique au sein du foyer; il avait régulièrement frappé son épouse et l'avait menacée de violences, voire de mort (arrêt du Tribunal fédéral 6B_159/2020 cité par la recourante, consid. 2.4.2).

3.3.3. Sur le plan subjectif, l'auteur doit savoir que la victime n'est pas consentante ou en accepter l'éventualité. Ainsi en va-t-il lorsque cette dernière donne des signes évidents et déchiffrables de son opposition, reconnaissables pour le prévenu, tels des pleurs, des demandes d'être laissée tranquille, le fait de se débattre ou d'essayer de fuir (ATF 148 IV 234 précité, consid. 3.4).

3.4. En l'espèce, il sied de déterminer si, sur la base de la description donnée par la recourante du déroulement des actes (d'ordre) sexuel(s) litigieux, description supposée avérée pour les besoins du raisonnement, il existe une prévention suffisante de la réalisation des trois infractions dénoncées, justifiant le renvoi en jugement du prévenu.

Aux dires de la plaignante, ces actes ont consisté en des : masturbations imposées à l’automne 2012; viols commis en mars et avril 2014; viols perpétrés à compter du mois de décembre suivant.

3.5. La recourante ne prétend pas, en lien avec l'infraction à l’art. 191 CP, qu'elle aurait été, en 2012, par suite de son état de santé, physiquement inapte à s'opposer aux demandes de masturbation du prévenu.

Elle ne soutient pas davantage qu'elle se serait trouvée, au moment des viols allégués, en raison de l'immobilisation de son bras droit dans un plâtre (mars et avril 2014), puis de la fatigue inhérente à son traitement de radiothérapie (février et mars 2015), dans l'incapacité totale d'y résister.

Aucun des certificats médicaux versés au dossier n'atteste, du reste, une telle impossibilité.

Il s'ensuit que l’un des réquisits de cette disposition – soit l’incapacité de discernement ou de résistance – n’est pas réuni.

3.6. D'après la recourante, la condition de la contrainte, ancrée aux art. 189 et 190 CP, contreviendrait à divers accords internationaux.

Elle ne peut toutefois déduire aucun droit subjectif de la Convention d'Istanbul (cf. consid. 3.3.1), de sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur ses griefs à cet égard.

Quant à l'éventuelle incompatibilité des deux normes pénales précitées avec les art. 3 et 8 CEDH, elle ne saurait conduire à renoncer, in casu, à l'application de l'élément constitutif de la contrainte, pour les motifs jugés dans l'ATF 148 IV 234, exposés au considérant 3.3.1 supra.

3.7. Concernant l’infraction à l’art. 189 CP, la plaignante expose avoir masturbé le prévenu à plusieurs reprises en 2012, à la demande de ce dernier. Bien que cette pratique la "dérange[ât]", elle l'avait acceptée, "[e]n bon saint-[b]ernard [et] parce [qu'elle] l'aimai[t].

Elle a donc consenti à exécuter ces actes; qu'elle ait pu les regretter par la suite, parce que son partenaire la laissait, immédiatement après avoir joui, "sur le carreau", n'y change rien, les conditions d'une infraction devant être réalisées au moment de sa commission.

Par ailleurs, la recourante n'allègue pas que le prévenu, une fois informé du malaise qu'induisait pour elle cette situation, lui aurait imposé de continuer à le masturber, en dépit de refus clairement exprimés par ses soins.

À cette aune, les éléments constitutifs de la disposition susvisée ne sont pas réunis.

3.8. S’agissant de l’infraction à l’art. 190 CP, la plaignante affirme avoir entretenu avec l’intimé, entre les printemps 2014 et 2016, des relations sexuelles aussi bien consenties qu’imposées.

Elle quantifie ces dernières à vingt ou trente, dont sept seraient survenues avant le mariage.

3.8.1. En ce qui concerne la condition de la contrainte, le prévenu n’a, aux dires de la plaignante, jamais usé de menaces et/ou de violences physiques lors des rapports litigieux.

La recourante évoque, certes, une différence de "calibre" entre les partenaires; il ne résulte toutefois pas de son récit que l’intimé aurait utilisé son poids pour la faire céder.

Le fait que le prévenu a placé, à une reprise, une main sur le poignet gauche de l’intéressée (alors que son bras droit était plâtré), ne permet pas (encore) de retenir qu’il aurait employé, à cette occasion, une force d’une intensité particulière; dans ces circonstances, le refus que la plaignante dit avoir verbalisé d’entretenir cette relation ne suffit pas pour admettre l’existence d’un viol.

Il s’ensuit que les deux premières formes de contrainte envisagées par l’art. 190 CP ne sont pas réalisées.

Reste la question des pressions d’ordre psychique.

Il ressort de la cause P/1______/2016 que l’intimé a, dès le mois de mars 2014, agressé la recourante à plusieurs reprises, physiquement et verbalement. Ce comportement était propre à induire chez l’intéressée, outre d’importantes souffrances, un sentiment de peur vis-à-vis de son ex-mari.

Pour autant, l’on ne peut retenir qu’elle se trouvait dans une situation sans issue, dès lors que : elle n’allègue pas avoir été dépendante, à un quelconque moment, sur le plan financier, du prévenu; elle est de nationalité et de culture suisses; sa crainte à l’égard de l’intimé – résultant, d’une part, des agressions susvisées et, d’autre part, de la commission de sept viols (allégués) au printemps 2014 – n’était pas telle qu'elle l'aurait dissuadé d’épouser l’intéressé en été 2014; cette même crainte ne l’a pas non plus empêchée d’accepter d’entretenir des rapports sexuels avec le prévenu après l’union; elle a été en mesure de trouver de l’aide auprès de médecins à la suite de certains des épisodes de violence susmentionnés – thérapeutes auxquels elle n’a pas rapporté l’existence d’actes sexuels imposés –; elle a été décrite, par le psychiatre ayant suivi les parties entre janvier et juillet 2015 – période où elle effectuait des séances (fatigantes) de radiothérapie –, comme ayant tendance (sur le plan de la dynamique du couple) à "bousculer" son ex-mari – suivi lors duquel elle n’a pas non plus évoqué l’existence d’actes sexuels imposés –.

Replacée dans ce contexte, la situation de la recourante ne peut être assimilée, par son intensité et ses effets, à un climat de psycho-terreur permanent, constitutif de contrainte psychique.

Aussi l’intéressée était-elle en mesure d'opposer un minimum de résistance aux vingt/trente relations litigieuses, ce qu’elle affirme ne pas avoir fait.

3.8.2. S’agissant de l’élément subjectif de l’infraction, la plaignante n’allègue pas avoir verbalisé son désaccord avec lesdites relations – à une exception, traitée ci-avant, au troisième paragraphe du considérant 3.8.1 –.

Il ne ressort pas non plus de ses déclarations qu’elle aurait (clairement) manifesté son opposition d'une autre manière, ayant, durant la plupart des rapports, "fai[t] la morte" et/ou "tourn[é] la tête", attendant que "cela passe".

Si elle affirme avoir, en certaines occurrences, "fait des mouvements corporels pour (…) montrer [s]a désapprobation", elle n'explicite toutefois pas ses gestes, ni les raisons pour lesquelles son partenaire devait les comprendre comme l'expression d’une opposition.

Contrairement à l’opinion de la recourante, le fait que l’intimé a déclaré avoir réalisé, en une occasion, qu'un rapport ne lui "plaisait pas", ne permet pas de retenir qu’il aurait identifié un désaccord, mais uniquement déploré son manque d’engouement.

Enfin, la plaignante ne précise pas ce qui, dans son attitude, aurait dû permettre au prévenu de distinguer les rapports consentis qu'elle affirme avoir eus avec lui durant l'union – à des dates/périodes qu’elle ne précise pas –, de ceux dont elle se plaint actuellement.

L’on ne peut donc considérer que l’intimé savait son ex-épouse opposée aux vingt/trente relations incriminées, ni qu'il aurait accepté une telle éventualité.

3.8.3. Il s’ensuit que les réquisits de l'art. 190 CP – soit la contrainte et l’intention – ne sont pas réalisés.

3.9. En conclusion, le prononcé d'un classement se justifie.

Comme ce constat se fonde sur le récit de la plaignante, l'on peut se dispenser d'examiner si la version de cette dernière est ou non plus crédible que celle de l’intimé, à l'aune du principe in dubio pro duriore.

Le recours doit donc être rejeté sur ce premier aspect.

4. La recourante prétend que le Ministère public n'aurait pas suffisamment respecté, lors de l'instruction, ses droits de victime garantis par la CEDH.

4.1. La Cour européenne des droits de l'Homme a déduit de l'art. 8 de cette convention l'obligation, pour les États, de mener une enquête effective en cas d'allégations de viol(s), garantissant aussi bien la sécurité des victimes qu'une prise en charge adéquate de celles-ci durant la procédure, cela afin de les protéger d’une victimisation secondaire. Cette enquête doit être conduite avec une diligence et une célérité raisonnables (arrêt J.L. contre Italie, n° 5671/2016, du 27 mai 2021, § 118 et 119).

4.2. In casu, le Ministère public a veillé à ce que la recourante ne soit pas directement confrontée au prévenu lors de ses auditions, conformément à l'art. 152 al. 3 CPP.

Il a tenu compte de certaines de ses doléances, puisqu'il a accusé réception de sa plainte le 23 septembre 2020 et a fait en sorte, lors des deuxième et troisième audiences, de ne pas l’interrompre afin de "privilégier (…) un récit aussi libre que possible".

La recourante ne rend pas vraisemblable qu'il aurait été nécessaire, dans l’optique de protéger son intégrité physique, de caviarder ses coordonnées personnelles sur les pièces du dossier, en application de l'art. 108 al. 1 let. b CPP.

L'enquête a duré vingt-deux mois (la Chambre de céans ayant retourné la cause au Ministère public le 24 janvier 2022, qui l'a classée le 17 novembre 2023), délai qui apparaît raisonnable, cinq personnes ayant été entendues durant cette période. Contrairement à l'opinion de la recourante, la procédure n'a pas subi de temps morts significatifs – ce par quoi l'on entend une inactivité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1345/2021 du 5 octobre 2022 consid. 2.1) –. En effet, des intervalles de quatre à six mois ont séparé les principaux actes d’enquête effectués par le Procureur (réception du dossier le 24 janvier 2022, tenue d'audiences les 16 juin et 5 décembre 2022 ainsi que 24 février 2023, établissement d'un avis de prochaine clôture le 7 juin 2023, puis prononcé de l'ordonnance entreprise). Il s'ensuit que les difficultés évoquées par la plaignante de poursuivre sa thérapie parallèlement à la présente procédure ne peuvent être attribuées à un retard critiquable du Ministère public.

Enfin, l'on ne décèle, à la lecture du procès-verbal de la première audience (appointée le 16 juin 2022) ni attitude irrespectueuse ou intimidante de la part du Procureur envers la recourante, ni démarche visant à décourager cette dernière; les questions posées étaient pertinentes et tendaient, pour certaines, à recentrer les déclarations de l'intéressée sur l’objet du litige.

À cette aune, une violation de la CEDH doit être niée.

Le recours est donc également infondé sur ce second aspect.

5. La recourante succombe (art. 428 al. 1 CPP).

Elle supportera, en conséquence, les frais envers l’État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), somme qui sera prélevée sur les sûretés versées.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ et B______, soit pour eux leurs conseils respectifs, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

 

P/11310/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

905.00

Total

CHF

1'000.00