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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/3124/2023

ACPR/162/2024 du 04.03.2024 sur OTMC/130/2024 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;RISQUE DE COLLUSION;BRIGANDAGE
Normes : CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/3124/2023 ACPR/162/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 4 mars 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire rendue le 16 janvier 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 29 janvier 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 16 janvier 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a prolongé sa détention provisoire jusqu'au 18 avril 2024.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de ladite ordonnance et à sa mise en liberté moyennant, le cas échéant, les mesures de substitution suivantes : dépôt des papiers d'identité (permis C, carte d'identité et passeport français), injonction de se présenter régulièrement à la police assortie d'une interdiction de quitter le périmètre [du quartier] D______ [GE] ou d'une assignation à résidence, port du bracelet électronique et interdiction de contacter toute personne impliquée dans la présente procédure; et, encore plus subsidiairement, à ce que la durée de la prolongation de sa détention n'excède pas un mois.

B.            Les faits pertinents suivants, résultant de l'ordonnance attaquée et non remis en cause par le recourant, ressortent de la procédure :

a. A______ a été appréhendé le 18 octobre 2023. Le surlendemain, le TMC a ordonné sa mise en détention provisoire jusqu’au 18 janvier 2024.

b. Il est soupçonné de brigandage aggravé (art. 140 al. 2, voire 3 et 4 CP), d'extorsion (art. 156 CP), de séquestration et enlèvement (art. 183 CP), de dommage à la propriété (art. 144 CP) et de violation de domicile (art. 186 CP), subsidiairement d'actes préparatoires délictueux en vue d'un brigandage (art. 260bis CP), pour avoir :

1) entre une date indéterminée et le 3 mai 2021 au moins, dans le but de dérober des valeurs, de concert avec des comparses à tout le moins E______ et F______, participé en tant que co-auteur, instigateur, subsidiairement complice, prêté assistance et à tout le moins effectué des actes préparatoires, en organisant, planifiant, réunissant les auteurs, désignant les victimes et leur logement, donnant des informations sur les valeurs s'y trouvant, sur les habitudes des victimes et l'intérieur du logement, planifiant le déroulement des faits, obtenant des clés, effectuant des repérages et observations, récupérant et/ou écoulant le butin, relativement à un homejacking au préjudice de G______ et H______, dans le cadre duquel à tout le moins deux auteurs : ont pénétré sans droit, le 3 mai 2021 vers 14h, dans l'appartement sis à la rue 1______ no. ______ à Genève, où vivaient alors G______ et son fils H______, ce dernier étant seul dans le logement; l'ont rejoint dans sa chambre, munis d'un coupe-papier et d'un spray au poivre; lui ont enfoncé sa capuche sur la tête et l'ont jeté sur le lit; lui ont ligoté les poignets et les jambes; l'ont immobilisé physiquement, un auteur appuyant sur lui avec son genou et tenant sa main sur l'arrière de la tête, tout en lui plantant l'ouvre-lettre dans le dos, sans le blesser, lui mettant la pression; l'ont menacé au moyen du coupe-papier mais également verbalement, lui demandant où était l'argent, l'effrayant de la sorte; ont tout retourné dans le dressing de G______ et ont dérobé dans le logement des valeurs, notamment la somme de CHF 12'000.- dissimulée dans une boîte à chaussures et des bijoux;

2) entre une date indéterminée et le 1er juin 2021 au moins, dans le but de dérober des valeurs, de concert avec des comparses tels que F______ et E______, participé en tant que co-auteur, instigateur, subsidiairement complice, prêté assistance et à tout le moins effectué des actes préparatoires, en organisant, planifiant, réunissant les auteurs, désignant les victimes et leur logement, donnant des informations sur les valeurs s'y trouvant, sur les habitudes des victimes et l'intérieur du logement, planifiant le déroulement des faits, faisant les guet, des repérages et observations, récupérant et/ou écoulant le butin, relativement à un homejacking du 1er juin 2021, date à laquelle trois auteurs, vers 16h, sont suspectés d'avoir pénétré sans droit dans l'appartement de I______ sis rue 2______ no. ______ à Genève, en s'engouffrant dans l'appartement au moment où sa fille J______, 9 ans, ouvrait la porte avec sa clé, en retenant la porte et poussant cette dernière, en masquant les yeux et la bouche de l'enfant, l'effrayant fortement, immobilisant de la même manière I______, la menaçant également et l'effrayant, puis d'avoir fouillé le logement à la recherche de valeurs, d'avoir dérobé notamment une boîte rectangulaire, avant d'être mis en fuite par les hurlements de I______;

3) entre une date indéterminée et le 10 février 2023 au moins, de concert avec d'autres individus, dont F______, participé en tant que co-auteur, instigateur, subsidiairement complice, prêté assistance et à tout le moins effectué des actes préparatoires, en organisant, planifiant, réunissant les auteurs, désignant les victimes et leur maison, donnant des informations sur les valeurs s'y trouvant, sur les habitudes des victimes et l'intérieur de la maison, planifiant le déroulement des faits notamment la téléphonie, des repérages et observations, relativement à un homejacking durant lequel trois auteurs cagoulés et gantés – K______, L______ et M______ – sont suspectés d'avoir agi comme suit, dans le but de dérober des valeurs :

- le 8 février 2023, vers 19h20, alors que N______, né en 1937, rentrait à son domicile sis route 3______ no. ______ à O______ [GE], agressé ce dernier par derrière, l'avoir maintenu, lui avoir asséné de forts coups de poings sur le haut du corps et sur le visage et l'avoir mis à terre, le frappant en lui mettant les mains dans le dos, et frappant sa tête par terre, d'avoir récupéré ses clés du logement et d'avoir pénétré sans droit dans la maison, le contraignant de les suivre;

- à l'intérieur de la maison, étranglé N______ afin de le faire parler, puis d'avoir ligoté N______ à une chaise et de l'avoir frappé en lui donnant des claques et des coups de poing, le blessant de la sorte, d'avoir fouillé la maison afin d'y rechercher des valeurs et démonté le lambris des murs, causant des dommages, cherchant un coffre-fort, respectivement à le dégonder au moyen d'outils et d'un ou plusieurs fusils de chasse;

- maîtrisé P______, née en 1945, qui se trouvait dans la maison, de l'avoir ligotée sur une chaise, de l'avoir violemment frappée, à plusieurs reprises, au niveau de la tête, lui causant des blessures;

- ordonné à N______ et P______ de leur remettre la clé du coffre, de les avoirs frappés pour qu'ils leur remettent la clé, de les avoir menacés afin de les contraindre à ouvrir le coffre, au moyen respectivement d'une paire de ciseau et d'un couteau de boucher, disant à N______ qu’ils allaient leur couper l'oreille et un doigt, lui disant qu'ils avaient toute la nuit, en parlant d'aller chercher un bidon d'essence pour mettre le feu, en disant à N______ "tu vas griller avec ta baraque", menaçant de mort P______, lui disant qu’ils allaient se servir du couteau de boucher si elle ne parlait pas, en la menaçant avec, et lui disant qu’il allaient chercher un estagnon d'essence et lui bouter le feu, effrayant les victimes de la sorte;

- entaillé l'oreille droite de N______ et l'oreille droite de P______ au moyen d'une paire de ciseaux, leur causant des blessures, puis d'avoir continué à les frapper, faisant tomber à terre N______, toujours attaché à une chaise, et d'avoir continué à lui asséner des coups de pieds;

- entravé N______ et P______ dans leur liberté et les avoir retenus prisonniers jusqu'à tout le moins 21h11, heure à laquelle une alarme est parvenue à la société en charge du système de sécurité qui a tenté d'appeler le couple, puis la police, déclenchant leur fuite, et dérobé dans le but de se les approprier et s’enrichir illégitimement, des bijoux notamment des bagues, le combiné téléphonique du domicile, et un téléphone portable appartenant à P______.

c. K______ et L______ ont été interpellés le 8 février 2023 aux alentours de la maison des plaignants N______ et P______.

F______ a été interpellé le 17 octobre 2023 en Suisse, suite à la délivrance d'un mandat d'amener. M______, Q______ et R______ ont également été interpellés le même jour par les autorités françaises.

d. S'agissant des faits du 8 février 2023 :

F______ a déclaré en substance qu'un dénommé "S______", employé de N______ et P______, et identifié par la suite comme étant le prévenu, lui avait proposé à réitérées reprises de commettre un vol au domicile de ces derniers puis lui avait demandé de trouver quelqu'un pour ce faire, que "S______" lui avait donné des indications et montré la maison en question, et avait insisté; qu'il avait alors pensé à un dénommé M______ qui s'était vanté devant lui de faire ce genre de choses; qu'il avait présenté, fin 2022 à Genève, "S______" à M______ en lien avec cette maison dans laquelle il devait y avoir de l'or et de l'argent; que ces derniers avaient ensuite eu d'autres contacts; qu'il avait montré la maison à plusieurs reprises à deux individus, lesquels lui avaient dit que selon "S______", c'était lui qui devait montrer la maison; que, lorsqu'il avait voulu se retirer, M______ et "S______" l'avaient convaincu de continuer en jouant sur le fait qu'il était en dépression; que c'était "S______" qui lui avait appris ce qu'il s'était passé dans la maison le jour des faits.

N______ a pour sa part déclaré que l'un des auteurs connaissait les lieux pour être descendu directement à la cave par les escaliers intérieurs.

A______ a contesté les faits. Il admettait que son surnom est "S______". Il travaillait pour N______ mais n'était jamais allé chez lui. Il connaissait F______ mais ignorait pour quelle raison celui-ci l'impliquait. Il ne lui avait jamais parlé ni montré la maison de son employeur.

F______, confronté au prévenu, a déclaré qu'il avait, le lendemain du homejacking, rencontré ce dernier qui lui avait parlé du fait que les individus avaient tapé l'homme et coupé son oreille. Le prévenu lui avait également dit que son patron lui avait révélé avoir chez lui de l'argent mais également des pièces d'or venant du Mexique – ce que N______ a confirmé.

Les analyses des données rétroactives de plusieurs raccordements téléphoniques ainsi que d'ADN, notamment, ont révélé, entre autres, que le raccordement vraisemblablement utilisé par le frère de K______ et L______, R______, était une ligne identifiée au nom de M______, dont l'ADN a été retrouvé sur des objets abandonnés non loin du domicile des plaignants après les faits; que de nombreux contacts téléphoniques avaient eu lieu entre les lignes de M______ et F______ entre le 15 janvier et le 10 février 2023; que plus aucun échange n'avait eu lieu entre les prénommés après cette date, F______ changeant ensuite de raccordement; qu'entre le 2 et le 3 février 2023, la ligne de Q______ avait par ailleurs été en relation avec le numéro suisse utilisé par F______.

e. S'agissant des faits du 3 mai 2021 :

G______ a fait part à la police de ses doutes au sujet du prévenu, un ami qu'elle connaissait sous le surnom de "S______". Celui-ci savait qu'elle avait un rendez-vous à l'extérieur à l'heure des faits et l'avait appelée plusieurs fois peu avant pour lui demander si elle était partie. L'intéressé lui avait par ailleurs dit avoir des problèmes d'argent en lien avec une dette de son fils. Il savait en outre que H______ détenait une somme d'argent dans sa chambre.

L'ADN du prévenu a été retrouvé sur des boîtes dans le dressing de G______.

Des contacts téléphoniques entre le précité et F______ le 3 mai 2021 à 13h43 et 13h47, soit avant et après l'appel du prévenu à G______ qui quittait son logement ont également été mis en évidence par la police, de même que plusieurs tentatives d'appel du prévenu à F______ juste après les faits.

F______ a admis avoir participé auxdits faits, indiquant que A______ lui avait remis les clés de l'appartement et qu'il avait agi avec E______; que le prévenu lui avait dit s'être rendu chez G______ la veille et avait fouillé le dressing.

Les analyses des données rétroactives du raccordement utilisé par A______ ont par ailleurs révélé qu'il avait été en contact avec celui de E______ durant quelques jours avant, pendant et après les faits ainsi qu'avec le raccordement de F______ également durant la journée du homejacking.

f. S'agissant des faits du 1er juin 2021 :

Le plaignant T______, époux de I______, a déclaré avoir pour clients de son restaurant "S______" et F______, le premier cité habitant au-dessus de son établissement. Un autre client, "U______", lui avait relaté avoir surpris une conversation entre eux lors de laquelle F______ avait dit qu'il (T______) avait beaucoup d'argent et des appartements et, en rigolant, qu'il fallait le braquer.

L'analyse rétroactive du raccordement utilisé par F______ le 1er juin 2021 a révélé un contact avec A______ à 14h10 et divers contacts avec des tiers jusqu'à 15h35 puis plus rien entre 15h35 et 17h23, soit durant la période autour du homejacking; que F______ avait eu de nombreux contacts avec E______ à la période des faits, notamment le soir de ceux-ci, étant précisé qu'il existait une ressemblance entre E______ et l'un des auteurs des faits, filmé par des caméras de vidéo-surveillance.

g. Entendu sur les faits de 2021, A______ les a entièrement contestés. Il savait cependant que F______ était l'auteur des faits du 3 mai 2021 et qu'il avait agi avec E______. Il avait certes dû trouver de l'argent à cette période pour régler une dette de son fils mais en avait reçu pour ce faire de sa mère. Ses contacts avec F______ le 1er juin 2021 étaient liés au fait qu'il lui réclamait de l'argent. Ceux avec E______ concernaient l'achat d'un vélo électrique.

Il a été confronté aux plaignants G______ et T______/I______ ainsi qu'à ses co-prévenus en décembre 2023 et janvier 2024, dont F______, qui l'a mis en cause également pour les faits du 3 mai 2021.

h. A______ est ressortissant français et portugais, marié, père d'un fils majeur né d'une précédente union, et au bénéfice d'un permis C. Il a indiqué vivre en Suisse depuis son mariage en 2009. Il travaillait comme homme à tout faire pour N______ et V______ (entretien de bâtiments locatifs). Son salaire variait entre CHF 2'500.- et CHF 3'000.- par mois. Sa mère et ses deux frères vivent en France.

Il a été condamné à trois reprises pour diverses infractions à la LCR et pour recel, la dernière fois le 19 septembre 2019.

C.            Dans son ordonnance querellée, le TMC a relevé que les charges étaient toujours suffisantes pour le maintien du prévenu en détention provisoire, au vu notamment des constatations policières, des données rétroactives, de la correspondance ADN, des déclarations des divers plaignants et de celles de F______ qui le mettait en cause. L'instruction se poursuivait avec l'analyse du téléphone de E______, le Ministère public devant par ailleurs obtenir le retour des actes actuellement en cours en France, entendre les prévenus, les confronter entre eux et à H______.

Il existait un risque de fuite, nonobstant le domicile en Suisse du prévenu, eu égard à sa nationalité franco-portugaise, au fait qu'il avait de la famille en France et qu'il était peu probable que N______ l'engage à nouveau, de sorte qu'il n'aurait plus d'emploi en Suisse. Ce risque était renforcé par la peine-menace et concrètement encourue ainsi que par la perspective d'une expulsion de Suisse. Les mesures de substitution proposées n'étaient pas aptes à le pallier à ce stade de la procédure, dès lors qu'elles ne l'empêcheraient pas de quitter la Suisse.

Le risque de collusion demeurait très concret, notamment vis-à-vis de L______, K______, F______, E______, M______, Q______ et R______ (non-détenu). Ainsi, l'audience de confrontation entre les prévenus en France, soit M______, Q______ et R______, n'avait apparemment pas encore eu lieu, de sorte qu'il convenait d'éviter que le prévenu ne puisse influencer leurs déclarations. Tel risque existait également vis-à-vis des plaignants N______ et P______, lesquels devraient vraisemblablement être réentendus, mais aussi vis-à-vis de H______ qui n'avait pas encore pu être confronté au prévenu. Une interdiction de contact avec les personnes impliquées serait clairement insuffisante pour pallier ce risque, le simple engagement du prévenu en ce sens ne présentant aucune garantie particulière et le respect de cette mesure ne pouvant pas être concrètement vérifié.

Enfin, le principe de la proportionnalité de la détention provisoire demeurait respecté à ce jour.

D.           a. À l'appui de son recours, A______ excipe une violation du droit d'être entendu. Le TMC avait "copié-collé" les motifs avancés par le Ministère public, lequel avait lui-même justifié sa demande de prolongation de la même manière que dans son préavis de refus de mise en liberté du 22 novembre 2023, ne tenant ainsi pas compte de ses "arguments nouveaux".

Les charges à son encontre ne s'étaient pas renforcées. Seul F______ le mettait en cause pour les faits du 8 février 2023. Or, il s'était contredit à plusieurs reprises. S'agissant du homejacking du 3 mai 2021, il avait justifié à la police la présence de son ADN au domicile de G______ par le fait qu'il l'avait aidée à réaménager son appartement, ce que cette dernière avait du reste admis. Quant au homejacking du 1er juin 2021, son implication ne reposait sur aucun élément, les déclarations de "U______" ne l'incriminant pas.

Le risque de fuite était exclu, son centre de vie se trouvait à Genève, où il vivait depuis bientôt 15 ans. Son permis C lui permettait de travailler dans le canton. Il n'avait plus de contact avec sa famille en France. Il estimait probable de pouvoir travailler à nouveau pour V______ une fois la procédure terminée, celle-ci n'ayant jamais eu de mauvaises critiques à son égard. Il était en outre suivi aux HUG pour un problème cardiaque et serait opéré à moyen terme. Il n'avait donc aucune raison de s'enfuir.

Le risque de collusion faisait également défaut. M______, auquel il n'avait pas été confronté, avait déclaré ne pas le connaître. Q______ était emprisonné en France. Quant à R______, tant le Ministère public que le TMC ne justifiaient pas en quoi il pourrait altérer la manifestation de la vérité en ce qui le concerne. Les plaignants N______ et P______ n'avaient fait valoir aucun élément à son encontre. Quant à H______, il ne l'avait jamais accusé ni impliqué dans les faits du 3 mai 2021.

Les mesures de substitution qu'il proposait étaient le cas échéant suffisantes pour pallier les risques en question.

Enfin, la durée de prolongation de sa détention provisoire de trois mois violait le principe de la proportionnalité, ce d'autant que la dernière audience appointée par le Ministère public était agendée au 26 mars 2024 et que l'audience de confrontation avec H______ était fixée au 13 février 2024.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais. Les charges étaient suffisantes et ne ressortaient pas uniquement des déclarations de F______ mais également, notamment, des vérifications policières au sujet des repérages préalables des auteurs en Suisse – leur véhicule ayant même été flashé par un radar à W______ [GE] – ainsi que des données rétroactives de la ligne de M______. L'existence d'informations transmises aux auteurs ayant pénétré dans la maison de N______ le 8 février 2023 était apparue dès le début de l'instruction. Le risque de fuite était très important. Il était peu probable que le prévenu puisse retourner travailler pour V______ à sa sortie. Quant à son traitement médical, non documenté, il n'était pas de nature à l'empêcher de quitter la Suisse. Le risque de collusion était très concret avec les autres prévenus, en Suisse ou en France, étant précisé qu'avant les interpellations du 17 octobre 2023, la prison avait intercepté un colis destiné à K______ qui contenait un téléphone portable caché dans une chaussure, et que l'épouse du prénommé avait reçu une lettre de menace indiquant que son mari devait se taire; la confrontation avec H______ n'avait enfin pas eu lieu.

c. Le TMC se réfère à son ordonnance sans autre commentaire.

d. Le recourant persiste dans son recours.

E. H______ n'a pas comparu à l'audience du 13 février 2024. Son audition a été refixée au 26 mars 2024.

À l'audience du 13 février 2024, N______ a déclaré être à présent sûr que le prévenu avait renseigné ses complices et était l'instigateur. Un des auteurs, lorsqu'il l'avait frappé, lui avait dit "on sait que tu as de l'or". Or, seul A______ était au courant et avait pu les informer. Il avait en effet assisté préalablement à l'agression, à une réunion entre lui et un ingénieur, à son bureau, évoquant des pièces d'or.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2.  La Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP) (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1.).

2. Le recourant reproche au TMC d'avoir fait un copier-coller en reprenant les motifs avancés par le Ministère public qui, eux-mêmes, étaient similaires à ceux ressortant de son préavis de refus de mise en liberté du 22 novembre 2023.

2.1. La garantie du droit d'être entendu, déduite de l'art. 29 al. 2 Cst., impose à l'autorité de motiver ses décisions, afin que les parties puissent les comprendre et apprécier l'opportunité de les attaquer, et que les autorités de recours soient en mesure d'exercer leur contrôle (ATF 136 I 229 consid. 5.2; 135 I 265 consid. 4.3; 126 I 97 consid. 2b). Il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs fondant sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause; l'autorité peut se limiter à ne discuter que les moyens pertinents, sans être tenue de répondre à tous les arguments qui lui sont présentés (ATF 139 IV 179 consid. 2.2 p. 183 ; 138 I 232 consid. 5.1; arrêts du Tribunal fédéral 1B_74/2014 du 7 avril 2014 consid. 2.1; 1B_62/2014 du 4 avril 2014 consid. 2.2).

2.2. En l'espèce, il n'apparaît pas que la motivation du premier juge sur les éléments topiques soit déficiente. Rien n'interdit en effet à l'autorité précédente de faire sienne la motivation présentée à l'appui d'une requête et n'a notamment pas à la reprendre sous une forme différente de celle présentée par le Ministère public (ACPR/280/2018 consid. 3).

Les griefs portés au Ministère public sont au demeurant inconsistants, le recourant n'énonçant pas quels nouveaux arguments n'auraient pas été pris en compte par cette autorité entre le 22 novembre 2023, date de sa prise de position refusant la mise en liberté de l'intéressé, et sa demande de prolongation de la détention provisoire, le 11 janvier 2024.

En tout état, la Chambre de céans dispose d'un plein pouvoir de cognition et le recourant a pu à nouveau faire valoir ses moyens ici, de sorte qu'une prétendue violation de son droit d'être entendu serait quoi qu'il en soit considérée comme réparée.

3. 3.1. Pour qu'une personne soit placée en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, il doit exister à son égard des charges suffisantes ou des indices sérieux de culpabilité, susceptibles de fonder de forts soupçons d'avoir commis une infraction (art. 221 al. 1 CPP). L'intensité de ces charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables. Au contraire du juge du fond, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge ni à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2).

3.2. En l'espèce, c'est à tort que le recourant estime que les charges pesant à son encontre ne justifient plus sa détention provisoire.

Il est formellement mis en cause par F______ s'agissant des faits du 8 février 2023 et du 3 mai 2021. Or, on peine à voir pour quel motif celui-ci l'impliquerait à tort. Selon le plaignant N______ lui-même, le prévenu, qui était son employé et disposait d'informations privilégiées, aurait renseigné les auteurs sur la configuration des lieux et la présence chez lui d'un coffre contenant des valeurs. Lors de la dernière audience, il a même déclaré en être à présent certain, l'intéressé ayant assisté à une réunion entre lui et son ingénieur évoquant des pièces d'or. À cela s'ajoutent les analyses des données rétroactives des raccordements téléphoniques qui ont notamment révélé de nombreux contacts préalables entre F______ notamment et M______, dont l'ADN avait été retrouvé sur des objets abandonnés non loin du domicile des plaignants. La plaignante G______ soupçonne quant à elle également le prévenu, qu'elle connaissait et qui était déjà venu chez elle, d'être impliqué dans les faits la concernant, celui-ci l'ayant appelée plusieurs fois peu avant l'heure des faits pour s'assurer qu'elle avait quitté son appartement, ce que les analyses téléphoniques ont corroboré, tout comme l'existence de contacts téléphoniques ou de tentatives d'appels entre le prévenu et F______ avant et après les faits.

Aucun nouvel élément à ce jour n'est venu amoindrir ces charges – qui sont d'une grande gravité – depuis la mise en détention provisoire prononcée le 20 octobre 2023.

4. Le recourant conteste tout risque de collusion.

4.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

4.2. En l'occurrence, le recourant nie intégralement les faits reprochés. Le risque qu'il entrave la manifestation de la vérité en cherchant à influencer ses comparses en France, M______, Q______ et R______, pour faire coïncider leurs versions, reste entier. Est également très élevé le risque qu'il ne cherche à intimider les plaignants G______ et N______, vu leurs liens, pour les faire revenir sur leurs déclarations.

En outre, à ce stade, il n'a pas encore pu être confronté au fils de la plaignante G______, H______, lequel sera entendu le 26 mars prochain.

L'acuité de ce risque ne saurait être palliée par aucune mesure de substitution. L'interdiction de contact proposée apparaît clairement insuffisante mais également difficilement contrôlable.

5. L'admission de ce risque dispense d'examiner si s'y ajoute le risque de fuite.

6. 6.1. À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible.

6.2. En l'occurrence, le prévenu a été appréhendé le 18 octobre 2023. L'instruction porte sur trois complexes de faits très graves et nécessite notamment des actes d'enquête en France, dont rien n'indique qu'ils seront exécutés avant le 26 mars 2024, date de la prochaine audience fixée. Eu égard à la peine concrètement encourue si le recourant devait être reconnu coupable des préventions retenues contre lui, la durée de la détention provisoire à ce jour et à l'échéance de la durée prononcée respecte ainsi le principe de la proportionnalité.

7. Le recours s'avère infondé et doit être rejeté.

8. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

9. Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

9.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

9.2. En l'espèce, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/3124/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

 

 

Total

CHF

985.00