Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/16182/2023

ACPR/122/2024 du 16.02.2024 sur OMP/24072/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ADMINISTRATION DES PREUVES;CONSULTATION DU DOSSIER;REJET DE LA DEMANDE
Normes : CPP.101

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16182/2023 ACPR/122/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 16 février 2024

 

Entre

A______, domicilié ______, France, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre la décision de refus de consultation du dossier rendue le 18 décembre 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 1er janvier 2024, A______ recourt contre la note manuscrite du 19 décembre 2023, apposée sur sa lettre du même jour, communiquée par courriel le lendemain, par laquelle le Ministère public a refusé qu'il consulte la procédure.

Le recourant conclut, avec suite de frais et indemnité de procédure, à l'annulation de la décision précitée et à ce qu'il soit autorisé à accéder au dossier complet de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ a été entendu par la police le 22 octobre 2023 sur l'agression dont C______ exposait, dans sa plainte du 25 juillet 2023, avoir été victime le 13 mai 2023.

b. Dans ce cadre, la police a en outre procédé à des auditions de personnes, les 16 août, 4 et 8 décembre 2023.

c. Le 18 décembre 2023, le Ministère public a ouvert une instruction contre A______, des chefs de tentative de meurtre (art. 22 cum 111 CP) et lésions corporelles graves (art. 122 CP).

d. Préalablement, une défense d'office avait été ordonnée en faveur de A______, et Me B______ désigné à cet effet.

e. Par lettre du 18 décembre 2023, le Ministère public a informé le défenseur de A______ qu'il envisageait d'appointer une audience de confrontation et, dans cette perspective, l'a invité à lui transmettre les noms et coordonnées des éventuels témoins dont son client sollicitait l'audition. À toutes fins utiles, il a précisé que le dossier n'était pas consultable à ce stade.

f. Par lettre du lendemain, le conseil de A______ a accusé réception du pli du Ministère public de la veille. Afin d'être en mesure de répondre, il demandait une copie du dossier.

C. Dans la note querellée, apposée sur la lettre du conseil de A______, le Ministère public a répondu, de manière manuscrite, en ces termes : "Comme indiqué dans mon courrier auquel vous faites référence, le dossier n'est pas consultable à ce stade (art. 101 al. 1 CPP)".

D. a. Dans son recours, A______ fait valoir que cinq mois s'étaient écoulés entre les faits et son audition par la police. Les témoins et protagonistes avaient été entendus après son audition. Il était ainsi vraisemblable que le Ministère public avait délégué ces auditions à la police. La première condition de l'art. 101 al. 1 CP était donc remplie. En outre, l'accès au dossier avant la confrontation entre les parties n'aurait aucune incidence sur la manifestation de la vérité, puisqu'il avait déjà été entendu, ainsi que les autres protagonistes. À ce stade, il était impensable qu'il modifie ses déclarations en fonction de celles du plaignant, une telle modification lui étant vraisemblablement préjudiciable. Le Ministère public n'avançait aucun élément concret et objectif susceptible d'entraver la procédure. Les preuves principales avaient été administrées. En effet, le Ministère public lui avait demandé la liste de ses éventuels témoins, ce qui signifiait qu'à ce stade de l'instruction, le Procureur n'envisageait pas d'auditionner d'autres témoins que l'instruction aurait révélés. Il ne voyait donc pas quelles preuves importantes restaient à être administrées justifiant une restriction d'accès au dossier.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme prescrite (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. La question de la tardiveté du recours se pose. En effet, le Ministère public a décidé, dans sa lettre du 18 décembre 2023, de refuser l'accès au dossier. Cette décision a été reçue par le recourant le lendemain.

En demandant, le 19 décembre 2023, une copie du dossier, alors qu'il savait que l'accès à la procédure lui était refusé, le recourant a artificiellement fait courir un nouveau délai contre une décision qui avait été rendue la veille et contre laquelle il aurait dû recourir au plus tard le 29 décembre 2023.

Expédié le 1er janvier 2024, le recours paraît tardif.

Cette question sera toutefois laissée indécise, le recours étant quoi qu'il en soit infondé pour les raisons qui suivent.

2.             2.1. Selon l'art. 101 al. 1 CPP, les parties peuvent consulter le dossier d'une procédure pénale pendante, au plus tard après la première audition du prévenu et l'administration des preuves principales par le ministère public ; l'art. 108 est réservé.

Les deux conditions sont cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1B_667/2011 du 7 février 2012 consid. 1.2).

La manifestation de la vérité et le bon déroulement de l'enquête sont des intérêts publics prépondérants, qui ont amené le législateur à clairement refuser de reconnaître de manière générale au prévenu un droit de consulter le dossier dès le début de la procédure. Au contraire, une restriction est admissible pour éviter de mettre en péril la recherche de la vérité matérielle ou d'exposer les éléments de preuve principaux avant terme, ou pour parer au risque de collusion (ATF
137 IV 172 consid. 2.3; M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, Schweizerische Strafprozessordnung / Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2ème éd., Bâle 2014, n. 14 ad art. 101 CPP).

La première audition peut s'étendre à plusieurs audiences si, en raison de la richesse factuelle de la cause, celles-ci sont nécessaires afin que le prévenu puisse se prononcer sur l'ensemble des charges retenues. En d'autres termes, les audiences subséquentes ne peuvent être assimilées à une première audition que si elles servent à entendre le prévenu pour la première fois sur des faits relevant de sa mise en prévention (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, Schweizerische Strafprozessordnung / Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, Bâle 2014, n. 14 ad art. 101).

La seconde condition cumulative est l’administration des preuves principales par le ministère public. Cette notion indéterminée doit être interprétée au cas par cas et de manière restrictive, afin que les parties puissent disposer le plus rapidement possible de l’accès au dossier (A. DONATSCH / V. LIEBER / S. SUMMERS / W. WOHLERS (éds), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), 3e éd., Zürich 2020, n. 5 ad art. 101; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 4b ad art. 101).

Cela étant, si les preuves principales peuvent être administrées sans limitation dans le temps dans un certain nombre de cas, par exemple, lors de la découverte, en cours de procédure, de témoins, dont l'audition, voire la confrontation avec le ou les prévenus ainsi qu'avec d'autres témoins, s'avère nécessaire à la recherche de la vérité matérielle – qui est le but de toute procédure pénale (art. 6 CPP ; FF 2006 1105) –, il convient de ne pas perdre de vue que les parties à la procédure, en particulier le prévenu, ont le droit, à teneur de l'art. 101 al. 1 CPP, de consulter le dossier dès que ledit prévenu a été entendu par le ministère public et dès l'achèvement de l'administration des preuves principales et, qu'en matière de détention, le principe de célérité, prévu à l'art. 5 al. 2 CPP, s'applique tout particulièrement. L'administration des preuves principales par le ministère public doit ainsi être effectuée aussi rapidement que le permet le bon déroulement de l'instruction (ACRP/295/2011 du 18 octobre 2011).

2.2. En l'espèce, le temps écoulé entre les faits, survenus en mai 2023, et l'audition du recourant par la police, en octobre 2023, ne joue aucun rôle ici, étant relevé que la plainte a été déposée en juillet 2023. Il en va de même de l'audition de certaines personnes, par la police, en août et début décembre 2023, celles-ci ayant tout au plus été requises par le Ministère public en application de l'art. 309 al. 2 CPP.

En effet, le Ministère public a ouvert l'instruction le 18 décembre 2023 et, le même jour, a informé le recourant de son intention de procéder à une audience de confrontation. Ainsi, à ce stade, aucune des conditions de l'art. 101 al. 1 CPP n'est réalisée, puisque le recourant, prévenu, n'a jamais été entendu par le Ministère public, qui n'a, en outre, pas encore procédé à l'administration des preuves principales. On ne se trouve donc pas dans un cas où l'enquête serait à ce point avancée que la restriction d'accès au dossier ne se justifierait plus (cf. ACPR/201/2022 du 22 mars 2022).

En l'occurrence, le Ministère public est, au stade actuel de la procédure, en droit de limiter son accès au recourant. Il n'y a donc pas à suivre ce dernier dans ses conjectures sur les intentions du Ministère public en lien avec l'instruction de la cause, ni à déterminer si, comme il l'allègue, sa connaissance des éléments de la procédure n'aurait aucune incidence sur la manifestation de la vérité.

3.             Infondé, le recours doit ainsi être rejeté, ce que la Chambre pénale de recours pouvait constater d'emblée, sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/16182/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'000.00

 

 

 

Total

CHF

1'085.00