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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/21008/2016

ACPR/93/2024 du 09.02.2024 sur OCL/1504/2023 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 18.03.2024, 7B_316/2024
Descripteurs : LÉSÉ;CORRUPTION ACTIVE;CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;FOR DE LA POURSUITE;ESCROQUERIE;BLANCHIMENT D'ARGENT;COMPÉTENCE RATIONE LOCI
Normes : CPP.118; CP.322septies; CP.3; CP.8; CPP.8; CP.146; CP.7

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21008/2016 ACPR/93/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 9 février 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], représenté par Me Marc BONNANT et Me Karim S. RAMADAN, avocats, Étude Bonnant & Associés, chemin Kermély 5, case postale 473, 1211 Genève 12,

recourant,

contre l'ordonnance de classement et de refus de réquisitions de preuves rendue le 3 novembre 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 16 novembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 3 novembre 2023, notifiée le 6 suivant, par laquelle le Ministère public, après avoir rejeté ses réquisitions de preuves et prononcé le classement de la procédure, a levé le séquestre sur les documents figurant sous chiffre 1 de l'inventaire du 1er février 2017 [recte, 30 janvier 2017] et ordonné leur restitution à l'un des prévenus.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement, à l'octroi de l'effet suspensif et, principalement, à l'annulation de l'ordonnance querellée, cela fait, au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il poursuive l'instruction et procède aux actes d'instruction sollicités.

b. Le 17 novembre 2023, la Direction de la procédure a fait droit à la demande d'effet suspensif, maintenant ledit séquestre jusqu'à droit jugé sur le recours, et a requis, et obtenu, du recourant le paiement de sûretés (CHF 2'000.- ; OCPR/70/2023).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. La SOCIÉTÉ B______ (ci-après, B______) – société de droit malien, dont C______ (ci-après, C______) est le président-directeur général – a acquis de la République du Mali dans les années 90 les droits d'extraction de la concession sur une mine dénommée "D______" (ci-après, mine D______).

E______ – société de droit malien – a été créée par B______ en vue de l'exploitation de ladite mine.

b. En 2005, C______, F______ – le conseiller financier du précité – et deux autres personnes ont créé le fonds canadien G______ (ci-après, G______), afin de financer la construction d'une usine sur la mine D______. Ledit fonds s'est vu attribuer 25% des actions de E______.

c. Aux dires de A______, en 2010, F______ avait acquis les actions de H______ AG (ci-après, H______) – société dormante incorporée en Allemagne – puis, à la suite de deux augmentations de capital, avait transféré les actions de cette société à G______. En contrepartie H______ avait reçu dudit fonds 25% des actions de E______.

d. À teneur d'un article de presse du 27 février 2012, versé au dossier, le 25 précédent, une inauguration officielle de D______ avait eu lieu en présence notamment du chef d'État malien et de nombreux hauts dignitaires, à l'occasion de laquelle l'or en fusion coulait dans un moule afin d'être transformé en lingot.

e. Aux termes d'un contrat d'apport conclu entre H______ et B______ le 9 mars 2012, la première nommée s'obligeait à émettre 5 millions d'actions en faveur de la seconde. En contrepartie, B______ s'engageait à céder une créance détenue à l'encontre de E______, correspondant à une livraison escomptée de 48'000 onces d'or provenant de D______.

f. Par courrier du 7 novembre 2016 adressé au Ministère public de Genève, A______ – alléguant être domicilié à I______ [Émirats Arabes Unis] – a déposé plainte pénale contre F______, ressortissant suisse et français, pour escroquerie (art. 146 CP), voire blanchiment d'argent (art. 305bis CP).

En substance, le précité avait – lors des rencontres au Mali et à I______ 2012 – insisté pour qu'il acquière des actions H______, mettant en avant que D______ avait été officiellement inaugurée en ______ 2012 et que plusieurs sociétés – dont J______ et un groupe marocain, spécialisé dans la production et la valorisation de métaux – avaient, ou auraient, investi dans ladite mine. Fin janvier 2014, il [A______] avait dès lors acquis, hors bourse, 1'000'000 actions H______ au prix d'EUR 1'250'000.-. Or la mine D______ n'ayant en réalité pas été exploitable, les actifs de la société précitée n'avaient aucune valeur. Qui plus est, d'après ses investigations, le groupe marocain n'avait jamais envisagé d'investir dans H______. Il était probable que le produit de l'escroquerie ainsi commise à son encontre ait été crédité sur le compte de la société K______ – contrôlée par F______ – auprès de la banque L______ à Genève.

À titre de mesures d'instruction, il a sollicité notamment la saisie de la documentation bancaire du compte précité (ci-après, compte 1______), ainsi que des comptes aux noms de M______ LTD (ci-après, compte 2______) et N______ LTD (ci-après, compte 3______) auprès de la banque L______.

Il avait également déposé au nom de H______ une plainte pénale en France pour escroquerie, abus de confiance et recel.

g. Par pli du 5 septembre 2017, A______ a déposé un complément de plainte contre F______ et O______ – responsable de la division "Strategy and Marketing Organisation" au sein de J______ – pour corruption d'agents publics étrangers (art. 322septies CP).

En substance, il leur reprochait d'avoir – au moyen de montages financiers complexes – participé pour le compte de la société précitée à l'acquisition des actions H______, le montant d'investissement ayant en réalité été destiné à payer des officiels maliens dans le but d'obtenir leur accord pour la vente d'hélicoptères militaires. Par ailleurs, F______ avait mis en avant "le prétendu investissement" de J______ pour le convaincre d'acquérir des actions H______.

h. F______ et O______ ont été prévenus, pour le premier d'infractions aux art. 146 et 322septies CP et, pour le second, de corruption d'agents publics étrangers (PP 200'039 et 200'062).

i. Le 30 janvier 2017, lors d'une perquisition au domicile de O______, la police a saisi "divers courriers de J______, un schéma, un mail et autres courriers" figurant sous ch. 1 de l'inventaire du même jour.

j. Il ressort de la documentation bancaire produite par L______ que les comptes 1______, 2______ et 3______ ont été clôturés en 2013 (PP 101'833 et classeur C.2).

k. Entendu par le Ministère public les 20 juin 2016 et 21 juin 2018, A______ a déclaré avoir payé l'acquisition des actions H______ par le débit d'un compte bancaire aux Emirats Arabes Unis (ci-après, EAU). Les fonds avaient ensuite été transférés sur un compte de la [banque] P______ (ci-après, P______). Interrogé sur la plainte pénale déposée en France, il a précisé que plusieurs acquéreurs des actions H______ – dont lui-même – s'étaient constitués parties civiles. L'enquête suivait son cours, mais aucun des plaignants n'avait encore été interrogé.

l. Auditionné en qualité de prévenu par le Procureur les 29 juin 2016, 24 novembre et 7 décembre 2017, F______ a précisé que Q______ PSC (ci-après, Q______) – [société d'investissement financier ayant son siège à R______ / Émirats Arabes Unis] – avait vendu pour le compte de C______ à A______ un million d'actions H______ au prix d'EUR 1.25 l'action.

Il s'est présenté aux deux dernières audiences, après avoir obtenu des sauf-conduits.

m. Le 21 juin 2018, le Ministère public a accordé aux parties un délai pour se déterminer sur le for de l'escroquerie.

n. Par courrier du 12 octobre 2018, A______ a considéré qu'il existait un for en Suisse, dans la mesure où les fonds obtenus frauduleusement avaient vraisemblablement été versés sur des comptes bancaires ouverts en les livres de la banque L______ à Genève. K______ et M______ LTD – sociétés ayant procédé à la vente des actions H______ – détenaient également des comptes auprès de ladite banque. Par ailleurs, S______ – actionnaire d'une autre société ayant organisé le négoce des actions précitées – l'avait rencontré à deux reprises à Genève et avait été particulièrement insistant pour qu'il investisse dans la mine D______. Enfin, il avait déposé deux plaintes pénales en Suisse, dès lors que la procédure ouverte à T______ [France] – laquelle portait sur le même contexte des faits – était "au point mort". Or tel n'était plus le cas, dans la mesure où l'affaire avait été reprise activement par un nouveau juge d'instruction.

o. Par courrier du même jour, F______ a conclu à l'absence d'un for en Suisse, dans la mesure où les actions litigieuses avaient été créditées, en janvier 2014, sur un compte ouvert aux EAU auprès de P______, laquelle détenait des comptes de compensation pour les transactions en EUR auprès de la banque U______ au Luxembourg. Par ailleurs, le produit de la vente avait été crédité sur le compte de B______ auprès de Q______ aux EAU. Enfin, aucun intermédiaire financier suisse n'avait participé à la vente des actions litigieuses.

À l'appui de son courrier, il a produit notamment:

-                        un échange de courriels des 27 et 28 janvier 2014 avec le mandataire de A______, d'après lequel un million d'actions H______ devait être crédité sur un compte ouvert en les livres de P______ et le montant de EUR 1'250'000.- viré sur un compte de Q______ auprès de [la banque] V______ (ci-après, V______) à R______ (classeur F.2.1, pièce 2) ;

-                        les relevés du compte de Q______ auprès de V______ faisant état de la vente de 1'000'000 d'actions H______ le 29 janvier 2014 (classeur F.2.1, pièce 3).

p. Le 31 octobre 2019, les autorités françaises ont adressé une demande d'entraide à la Suisse visant à obtenir des documents bancaires concernant les sociétés Q______, K______, M______ LTD et N______ (classeur C.6).

Il ressort de la requête que leurs investigations portaient également sur les faits résumés sous B.a à B.f. D'après les plaignants, des manœuvres frauduleuses avaient été commises pour inciter à l'émission de cinq millions d'actions [H______], alors qu'aucun projet d'usine n'avait été finalisé ni ne pouvait l'être dans un délai raisonnable. De même, les investissements nécessaires à l'exploitation de la mine avaient servi à d'autres causes.

q. Le 29 janvier 2020, le groupe J______ a conclu avec le Procureur de la République une Convention judiciaire d'intérêt public (classeur C.5) aux termes de laquelle le premier nommé s'engageait à verser une amende d'intérêt public d'EUR 2'083'137'455.-. D'après son ch. 38, le Parquet National Financier avait engagé des poursuites pénales contre J______ pour des faits de corruption d'agents publics étrangers et de corruption privée commis entre 2004 et 2016. "Une partie des fonds semble avoir été employée dans le cadre d'un investissement minier en Afrique dans lequel l'intermédiaire concerné apparaît avoir été financièrement intéressé […]. [L]a participation de J______ dans la structure en cascade détenant une partie de cette mine a entraîné une perte quasi intégrale, après une dépréciation rapide et considérable des actifs sous-jacents […]" (ch. 116).

r. Par courrier du 16 juin 2022, le Ministère public a notifié aux parties un avis de prochaine clôture de l'instruction et son intention de classer la procédure.

s. Par pli du 14 juillet 2022, A______ s'est opposé au classement au motif que les conditions de l'art. 8 al. 3 CPP n'étaient pas remplies. La procédure pénale diligentée en France n'était pas ouverte contre O______ et J______ – lesquels avaient participé à l'escroquerie commise à son encontre – mais uniquement contre C______ et F______. En tout état de cause, il convenait de procéder à l'audition de plusieurs personnes – qu'il énumérait – afin de déterminer l'implication des deux premiers nommés dans les faits d'escroquerie. Enfin, s'agissant du volet "corruption", la Convention judiciaire d'intérêt public du 29 janvier 2020 ne visait pas les faits dénoncés dans sa plainte du 5 septembre 2017.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a considéré que les faits ayant trait à l'infraction d'escroquerie faisaient déjà l'objet d'une instruction active de la part des autorités françaises, lesquelles avaient adressé une demande d'entraide à la Suisse. Rien n'empêchait de surcroit le plaignant – constitué partie civile – de dénoncer également J______ et O______ auxdites autorités. En ce qui concernait les faits potentiellement constitutifs de corruption d'agents publics étrangers, ceux-ci étaient visés par la Convention judiciaire d'intérêt public du 29 janvier 2020, étant précisé que A______ ne revêtait pas la qualité de partie plaignante dans ce volet. Enfin, il convenait de rejeter ses réquisitions de preuves, au vu du motif de classement retenu.

D. a. Dans son recours, A______ reprend en substance les arguments soulevés dans son courrier du 14 juillet 2022. La procédure ouverte en Suisse portait sur des faits "plus étendus", eu égard à l'implication de J______ et de O______ dans l'escroquerie commise à son encontre. Qui plus est, en renonçant à poursuivre le dernier nommé, domicilié à Genève, le Ministère public avait violé le principe d'économie de procédure, dans la mesure où de nombreux actes d'instruction avaient déjà été exécutés. Enfin, la procédure en France était au "point mort", dès lors que le juge d'instruction avait été dessaisi de l'affaire en été 2023 et qu'aucun acte d'instruction n'avait été ordonné depuis presqu'un an.

À l'appui de son recours, il produit notamment un courrier de son conseil en France, duquel il ressort en substance que le juge d'instruction avait procédé à l'audition de plusieurs personnes – dont le plaignant, F______ et un représentant de J______ – et ordonné une saisie conservatoire et le dépôt d'une caution.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             2.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du plaignant, qui est partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP).

2.2. Il convient d'examiner si le recourant dispose de la qualité pour recourir en tant qu'il conteste le classement sur l'infraction visée à l'art. 322septies CP.

2.2.1. La partie dont émane le recours doit pouvoir se prévaloir d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

Revêt la qualité de partie, le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure comme demandeur au civil ou au pénal (art. 104 al. 1 let. b et 118 al. 1 CPP). Le lésé est celui dont les droits sont directement touchés par une infraction (art. 115 al. 1 CPP). Pour déterminer si une personne revêt un tel statut, il convient d'interpréter le texte de la disposition pénale enfreinte afin de savoir quel est le titulaire du bien juridique protégé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1185/2019 du 13 janvier 2020 consid. 2.1).

2.2.2. Les art. 322ter ss CP protègent exclusivement l'objectivité et l'impartialité du processus décisionnel étatique, soit des intérêts publics (arrêt du Tribunal fédéral 6B_511/2019 du 14 janvier 2020 consid. 1.4 et les références citées ; M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd. Bâle 2017, n. 9 ad rem. prél. aux art. 322ter à 322decies CP) et non un intérêt individuel, tel que l'intégrité corporelle, le patrimoine, voire l'honneur (ACPR/313/2020 du 15 mai 2020 consid. 4.3).

2.2.3. En l'espèce, le recourant n'est pas titulaire du bien juridique protégé et n'apparaît donc pas atteint directement dans ses droits par les actes de corruption d'agents publics étrangers allégués, prétendument commis par J______.

Il n'a, dès lors, pas qualité pour recourir contre le classement sur ces accusations. Son recours est ainsi irrecevable sur ce point.

Il est recevable pour le surplus.

2.3. Les pièces nouvelles produites devant la juridiction de céans sont également recevables, la jurisprudence admettant la production de faits et de moyens de preuve nouveaux en deuxième instance (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.2).

3.             La question de l'existence d'un for en Suisse se pose.

3.1.       Si l'une des conditions d'exercice de l'action publique fait défaut – ce qui doit être examiné d'office et à tous les stades de la procédure –, la poursuite pénale ne peut être engagée, ou, si elle a été déclenchée, elle doit s'arrêter. L'autorité doit clore le procès par une décision procédurale, notamment une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement (art. 310 al. 1 let. b et 319 al. 1 let. d CPP; G. PIQUEREZ / A. MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3ème éd., 2011, p. 537, n. 1553 et 1555).

L'absence de for en Suisse est un empêchement de procéder (arrêt du Tribunal fédéral 6B_266/2020 du 27 mai 2020 consid. 2).

3.2.       Aux termes de l'art. 3 al. 1 CP, le code pénal suisse est applicable à quiconque commet un crime ou un délit en Suisse. Cette disposition reprend le principe de base applicable en droit pénal international qui est celui de la territorialité, en vertu duquel les auteurs d'infractions sont soumis à la juridiction du pays où elles ont été commises (ATF 121 IV 145 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 6B_21/2009 du 19 mai 2009 consid. 1.1).

Un crime ou un délit est réputé commis tant au lieu où l'auteur a agi ou aurait dû agir qu'au lieu où le résultat s'est produit (art. 8 al. 1 CP).

Le lieu où l'auteur a agi ou aurait dû agir est le lieu où il a réalisé l'un des éléments constitutifs de l'infraction. Il suffit qu'il réalise une partie – voire un seul – des actes constitutifs sur le territoire suisse ; le lieu où il décide de commettre l'infraction ou le lieu où il réalise les actes préparatoires (non punissables) ne sont toutefois pas pertinents (ATF 144 IV 265 consid. 2.7.2).

3.3.1. En matière d'escroquerie (art. 146 CP), le Tribunal fédéral considère que cette infraction est un délit matériel à double résultat: le premier est constitué par l'appauvrissement de la victime, le second est l'enrichissement dont seul le dessein – à l'exclusion de la réalisation – est un élément constitutif de l'infraction. Tant le lieu où s'est produit, respectivement devait se produire le résultat recherché par l'auteur constituent le lieu du résultat au sens de l'art. 8 CP (ATF 141 IV 336 consid. 1).

L'appauvrissement se produit au lieu où se situent les valeurs patrimoniales dont se dessaisit la dupe, soit, cas échéant, au siège de la banque auprès de laquelle celle-ci possède les avoirs en question (A. DYENS, Territorialité et ubiquité en droit pénal international suisse, Bâle 2014, p. 915 et ss).

À côté du lieu d'appauvrissement de la victime ou celui de l'enrichissement de l'auteur figurent également le lieu de survenance de l'erreur, soit celui où la dupe est amenée à se forger une représentation erronée de la situation de fait (A. DYENS, op. cit., p. 282), et le lieu où se trouve l'auteur au moment où il réalise la tromperie astucieuse (arrêt du Tribunal fédéral 6B_635/2018 du 24 octobre 2018 consid. 2.1.3).

3.3.2. En matière de blanchiment, le lieu de l'acte se définit comme le lieu où le blanchisseur accomplit l'acte d'entrave. Si ce dernier est accompli en Suisse, la compétence territoriale est donc fondée au regard du lieu de l'acte au sens de l'art. 8 CP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_880/2018 du 31 octobre 2018 consid. 4.1). Un rattachement territorial fondé sur le lieu de survenance du "résultat" est également envisageable en matière de délit de mise en danger abstraite (cf. ATF 141 IV 336 consid. 1.2 p. 339; arrêt 6B_659/2014 du 22 décembre 2017 consid. 6.1.2). Il s'agirait alors, de manière générale, du lieu où se répercutent les conséquences de l'acte d'entrave sur les valeurs patrimoniales faisant l'objet du blanchiment (A. DYENS, op. cit., n. 1084).

3.3.3. À teneur de l'art. 7 al. 1 CP, le code pénal suisse est applicable à quiconque commet un crime ou un délit à l'étranger, sans que soient réalisées les conditions prévues aux articles précédents, si l'acte est aussi réprimé dans l'État où il a été commis ou que le lieu de commission de l'acte ne relève d'aucune juridiction pénale (let. a), si l'auteur se trouve en Suisse ou qu'il est remis à la Suisse en raison de cet acte (let. b) et si, selon le droit suisse, l'acte peut donner lieu à l'extradition, mais que l'auteur n'est pas extradé.

3.4. En l'espèce, l'enrichissement de l'auteur ne s'est pas produit en Suisse, la somme d'EUR 1'250'000.- ayant été créditée sur un compte de la société Q______ auprès de V______ à R______ [Émirats Arabes Unis]. Contrairement à ce que soutient le recourant, le produit de l'escroquerie n'aurait pas été crédité sur les comptes 1______, 2______ et 3______ ouverts auprès de la banque L______, dans la mesure où ceux-ci ont été clôturés en 2013 et que la transaction litigieuse a eu lieu en janvier 2014. De surcroît, il ne ressort pas des pièces du dossier – et le recourant, qui s'est exprimé sur la problématique de for devant le Ministère public, ne le prétend du reste pas – que les fonds litigieux auraient transité sur un compte de Q______ en Suisse.

En outre, l'appauvrissement est intervenu aux EAU, lieu où se situait le compte bancaire débité. De même, le recourant résidait dans ledit pays au moment des faits et rien ne permet de retenir que F______ aurait agi, ou utilisé les fonds transférés, en Suisse.

En ce qui concerne le lieu de survenance de l'erreur, force est de constater que l'inauguration officielle de la mine de D______ a eu lieu au Mali. Par ailleurs, ce serait dans ce pays – ainsi qu'à I______ [Émirats Arabes Unis] – que F______ aurait mis en avant que plusieurs sociétés – dont J______ et un groupe marocain spécialisé dans la production et la valorisation de métaux – avaient investi dans la mine précitée. Le recourant allègue certes avoir rencontré à deux reprises à Genève l'actionnaire d'une société ayant organisé le négoce des actions H______, mais ne prétend nullement que c'était dans ladite ville qu'il aurait été amené à se forger une représentation erronée de la situation de fait.

Enfin, l'application de l'art. 7 CP ne permet pas de fonder un for en Suisse. En effet, rien n'indique que F______ se trouve en Suisse, dès lors qu'il s'est présenté aux audiences après avoir obtenu des sauf-conduits. Qui plus est, la France n'extrade pas ses ressortissants, de sorte que l'intéressé, de nationalité française, ne paraît pas pouvoir être remis à la Suisse.

La compétence suisse faisant défaut, il existe donc un empêchement de procéder au sens de l'art. 319 al. 1 let. d CPP.

Le for suisse serait-il admis, que le recours serait néanmoins infondé pour les motifs suivants.

4. 4.1. À teneur de l'art. 319 al. 1 let. e CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsque l'on peut renoncer à toute poursuite ou à toute sanction en vertu de dispositions légales.

Cette disposition renvoie notamment à l'art. 8 al. 3 CPP, selon lequel le ministère public peut renoncer à engager une poursuite si l'infraction fait déjà l'objet d'une procédure à l'étranger et qu'aucun intérêt prépondérant de la partie plaignante ne s'y oppose. Cette dernière condition vise l'intérêt du plaignant à ce que ses prétentions civiles, ou dans les cas particulièrement graves à ce que sa plainte pénale, soient traitées. L'intérêt public au classement l'emporte cependant lorsque, dans un cas bagatelle sur le plan pénal, le caractère minime de l'intérêt privé à la poursuite est patent (arrêt du Tribunal fédéral 6B_431/2013 du 18 décembre 2013 consid. 3.3).

4.2. En l'occurrence, le Ministère public a été saisi d'une procédure initiée et conduite parallèlement en France, fondée sur le même complexe de faits, ce qui ressort également de la demande d'entraide du 31 octobre 2019. Le recourant lui-même a soutenu dans son courrier du 12 octobre 2018 que la procédure ouverte à T______ [France] portait sur le même contexte de faits, mais qu'il avait déposé plainte en Suisse parce que celle-ci stagnait, ce qui ne serait plus le cas. Que le recourant estime que J______ – et un de ses employés – aient été impliqués dans l'escroquerie commise à son encontre ne permet pas de parvenir à une conclusion différente. Comme le soutient à juste titre le Ministère public, rien n'empêche le recourant de dénoncer également les précités aux autorités françaises. À cet égard, l'ordonnance querellée ne viole pas le principe de l'économie de procédure, dans la mesure où le Ministère public n'a pas ouvert une instruction contre J______ et O______ pour le volet escroquerie.

En outre, la procédure suisse ne paraît pas plus avancée que la procédure française, dans la mesure où le juge d'instruction français a procédé à plusieurs auditions – dont celles d'un représentant de J______ et de F______ –, sollicité par la voie d'une commission rogatoire des pièces utiles à son enquête et ordonné une saisie conservatoire.

Par ailleurs, le recourant s'y est constitué partie civile, de sorte que rien ne permet de retenir que ses prétentions civiles ne seraient pas traitées. De même, le temps écoulé depuis les derniers actes d'instruction – pouvant s'expliquer par le changement de magistrat – ne permet pas sans autres indices concrets de porter une appréciation sur l'efficacité des autorités d'instruction et d'en déduire, comme le fait le recourant, que ses intérêts ne seront pas pris en considération.

Les conditions de l'art. 8 al. 3 CPP doivent ainsi être considérées comme réalisées.

5. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés à CHF 2'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours arrêtés à CHF 2'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/21008/2016

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'915.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

2'000.00