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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/130/2023

ACPR/49/2024 du 24.01.2024 ( PSPECI ) , REJETE

Descripteurs : MESURE THÉRAPEUTIQUE INSTITUTIONNELLE;TRAITEMENT FORCÉ;TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX;PROPORTIONNALITÉ
Normes : CP.59; REPM.4

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/130/2023 ACPR/49/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 24 janvier 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à l'Établissement pénitentiaire de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

 

contre la décision rendue le 21 novembre 2023 par le Service de l'application des peines et mesures,

 

et

LE SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES ET MESURES, route
des Acacias 78-82, 1227 Les Acacias, case postale 1629, 1211 Genève 26,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 4 décembre 2023, A______ recourt contre la décision du 21 novembre 2023, notifiée à une date que le dossier ne permet pas d'établir, mais, selon ses dires, le 23 suivant, par laquelle le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) a ordonné la mise en œuvre d'une médication sous contrainte à des fins d'exécution de sa mesure thérapeutique institutionnelle (art. 59 CP), pour une durée initiale maximale d'un an.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement, à l'octroi de l'assistance juridique et à la nomination de Me C______ en qualité de défenseur d'office ; principalement, à l'annulation de la décision querellée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant algérien né en 1993, a été condamné, par jugement du Tribunal correctionnel du 3 juin 2020, à une peine privative de liberté de 20 mois – sous déduction de 385 jours de détention avant jugement –, pour incendie intentionnel (art. 221 CP) et violence ou menace contre les fonctionnaires (art. 285 CP). Cette peine a été suspendue au profit d'une mesure thérapeutique institutionnelle (art. 59 CP). Le Tribunal a également prononcé son expulsion du territoire suisse au sens de l'art. 66a bis CP pour une durée de dix ans, précisant que l'exécution de la peine et de la mesure primait celle de l'expulsion.

En substance, il lui était reproché d'avoir :

le 1er juin 2018, au sein de la prison de D______, où il était détenu, bouté le feu à son matelas, provoquant ainsi un incendie d'une certaine importance, puis, à la suite de celui-ci, tenté de cracher sur les agents de détention et refusé de s'asseoir, contraignant ces derniers à faire usage de la force pour le maîtriser ;

le 6 avril 2018, frappé l'agent de détention venu le chercher en cellule pour le conduire auprès du service médical de la prison ; et

le 4 précédent, pointé un couteau en direction d'un agent de détention, avant de tenter d'asséner des coups de couteau à d'autres gardiens intervenus pour le maîtriser, puis s'être débattu, obligeant ces derniers à faire usage de la force pour le placer en cellule forte.

b. L'extrait de son casier judiciaire suisse (dans sa teneur au 6 novembre 2023), mentionne cinq autres condamnations entre mars 2016 et février 2022, pour entrée et séjour illégaux, tentative de vol, violation de domicile, contravention à la LStup, dommages à la propriété, vol, brigandage avec arme dangereuse, tentative de brigandage avec arme dangereuse, violence ou menace contre les autorités ou les fonctionnaires, empêchement d'accomplir un acte officiel et lésions corporelles simples.

c. A______ a fait l'objet d'une expertise psychiatrique par le Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après, CURML), dont les rapport et complément ont été respectivement rendus les 25 novembre 2019 et 31 mars 2020. Il en ressort qu'il souffre de schizophrénie paranoïde, assimilable à un grave trouble mental, de sévérité importante. Les actes qui lui étaient reprochés dès 2018 étaient en rapport avec son état mental et le risque de récidive d'actes violents envers autrui était "très élevé", les seuls facteurs protecteurs étant liés à sa prise en charge institutionnelle.

Un traitement médicamenteux au long cours (d'au minimum cinq ans) – prodigué en milieu fermé – était indispensable et susceptible de diminuer les symptômes psychotiques de la maladie et, par voie de conséquence, le risque de récidive. Une prise en charge psychothérapeutique régulière, principalement axée sur "l'acceptation et la compréhension" de la pathologie, était également nécessaire. "Totalement" anosognosique, l'expertisé ne reconnaissait pas les bénéfices, ni la nécessité d'un traitement médicamenteux, lequel devait donc lui être administré contre son gré et sous forme dépôt. Selon l'expert, "la forme injectable était celle permettant la meilleure observance" médicamenteuse. De plus, un traitement neuroleptique, "surtout sous forme dépôt", gardait toutes ses chances d'être mis en place même contre la volonté de l'intéressé.

d. A______ a été incarcéré à la prison de D______ du 22 décembre 2017 au 26 avril 2021, date à laquelle il a été transféré à l'Établissement fermé de B______.

e. Par décision du 4 août 2021, le SAPEM a ordonné l'exécution de la mesure institutionnelle en milieu fermé.

f. Par jugement du 5 octobre 2022, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) a ordonné la poursuite du traitement institutionnel jusqu'au prochain contrôle annuel et rappelé que la mesure était valable jusqu'au 30 octobre 2025.

g. Lors d'une réunion de réseau organisée à B______ le 25 janvier 2023, les médecins et différents intervenants concernés ont constaté que l'état clinique de A______ s'était stabilisé. Ce dernier, qui se montrait compliant à la médication prescrite (Cloxipol) – administrée per os quotidiennement –, répondait au traitement et n'était plus symptomatique. Adoptant un comportement adapté avec l'équipe soignante et le personnel de détention, il participait à diverses activités de groupe et à un programme de formation en prison (FEP). Un projet de sortie était néanmoins nécessaire avant la fin de sa prise en charge institutionnelle. Or, ses projets – excluant un retour en Algérie – étaient flous et irréalistes, de sorte que la stabilisation de son état psychique serait mise en péril par une libération conditionnelle de la mesure.

h. Selon le rapport de suivi médico-psychologique du Service des mesures institutionnelles (ci-après, SMI) du 3 mars 2023, A______ demeurait stable sur le plan psychique. Cela étant, il avait dû être hospitalisé durant cinq jours, à la suite de scarifications qu'il s'était infligées avec une lame de rasoir après la réunion de réseau du 25 janvier 2023. Il bénéficiait d'entretiens infirmiers, au cours desquels il faisait preuve d'un bon investissement. Lors des entretiens médico-infirmiers, il se montrait poli et respectueux, mais "élaborait peu". Il participait au groupe "Connaissance de la maladie" et avait une bonne compréhension de celle-ci. Il pouvait en reconnaître les symptômes et se considérait comme guéri, mais la situation demeurait fragile. Les relations avec "ses pairs" étaient adéquates. L'élaboration d'un projet de sortie clair et réaliste était indispensable afin qu'il puisse y être préparé. À ce stade, les objectifs du traitement étaient le maintien de la stabilité clinique et la préparation à la sortie de B______.

i. Une réunion de réseau s'est tenue à B______ le 28 juin 2023.

A______ restait stable sur le plan clinique, mais l'équipe médicale le soupçonnait de ne plus prendre son traitement. Il se présentait aux entretiens médico-infirmiers, mais se montrait peu collaborant. Son attention avait été attirée sur le fait qu'un traitement neuroleptique sous forme dépôt lui serait administré s'il persistait à présenter une mauvaise observance médicamenteuse.

D'après le suivi infirmier, aucune évolution significative n'avait été observée depuis la séance de réseau du 25 janvier 2023. L'état psychique de A______ s'était détérioré. Il avait cessé de participer à certaines activités groupales et faisait preuve d'un manque de motivation. Selon le résultat des analyses effectuées, il semblait reprendre sa médication. Cependant, son adhésion au traitement paraissait purement circonstancielle en vue de la séance de réseau.

Lors de la restitution dudit réseau du 28 juin 2023, l'intéressé a été informé du constat qu'il ne prenait plus sa médication, ce qu'il a contesté. Il a également nié "recracher" ses médicaments. L'importance de se conformer à son traitement lui a été rappelée.

j. À teneur du rapport du SMI du 31 juillet 2023 – ayant pour objet une demande de médication sous contrainte – l'état psychique de A______ était instable. Ce dernier présentait une mauvaise compliance médicamenteuse ; des comprimés avaient été trouvés lors de fouilles de sa cellule et les concentrations plasmatiques de son traitement étaient "infra-thérapeutiques".

S'il se rendait aux entretiens médico-infirmiers, son discours était néanmoins "pauvre". Il refusait par ailleurs de s'investir dans les activités proposées, avait cessé de participer au groupe "Connaissance de la maladie" et ne suivait plus les cours FEP. À cela s'ajoutait qu'il avait été sanctionné de dix jours de cellule forte, le 25 juillet 2023, pour avoir, la veille, été surpris en train de priser un produit dans sa cellule, bouté le feu à celle-ci et agressé physiquement un codétenu. De plus, il minimisait la portée de ses actes, voire les niait partiellement. Cette "crise" s'expliquait par sa mauvaise observance médicamenteuse et par la "longue période" d'incertitude traversée concernant son avenir.

D'un point de vue médical, un travail sur les facteurs protecteurs était entrepris, ce qui avait conduit à une optimisation du traitement médicamenteux, lequel devait désormais être administré sous forme dépôt. Compte tenu du refus de A______ de s'y soumettre, il était nécessaire de mettre en œuvre une médication sous contrainte. Le traitement – d'une durée de six à douze mois – permettrait de diminuer le risque de nouveaux passages à l'acte et de faire progresser l'intéressé dans l'exécution de sa mesure.

k. Le 4 août 2023, la direction de B______ a préavisé favorablement la demande de médication sous contrainte, dans la mesure où A______, qui peinait à prendre conscience de la gravité de ses récents agissements, se montrait peu compliant à la prise de son traitement par voie orale.

l. Par missive du même jour, elle a dénoncé les faits survenus le 24 juillet 2023 (cf. let B. j. supra) au Ministère public, en application de l'art. 33 LaCP.

m. En réponse à un courriel du SAPEM du 4 août 2023, lui demandant de fournir diverses informations, le SMI a, par e-mail du 14 suivant, expliqué avoir informé A______ de la demande de médication forcée, des effets positifs attendus du traitement, de ses potentiels effets secondaires – lesquels pouvaient être diminués à l'aide de médicaments correcteurs –, et des risques encourus en cas de refus de médication.

Un traitement neuroleptique par voie intramusculaire toutes les deux semaines (Cloxipol dépôt) était envisagé, l'intéressé bénéficiant actuellement du même traitement per os. L'efficacité de celui-ci, de même que sa nécessité seraient examinées régulièrement lors d'entretiens médico-infirmiers. Les paramètres vitaux de A______ seraient également mesurés et des contrôles biologiques effectués.

n. Le 5 septembre 2023, dans le cadre de l'examen annuel de la mesure, le SAPEM a préavisé favorablement la prolongation de la mesure thérapeutique institutionnelle.

o. Le 21 suivant, il a informé A______ de son intention de prononcer une médication sous contrainte à des fins d'exécution de la mesure et l'a invité à faire part de ses observations.

p. Par missive de son conseil du 3 octobre 2023, l'intéressé s'est opposé à une médication forcée, qui n'était, selon lui, ni indiquée ni justifiée, puisqu'il était disposé à prendre le traitement prescrit par voie orale et de manière volontaire.

q. Par jugement du 18 octobre suivant – confirmé par la Chambre de céans le 5 décembre 2023 (ACPR/935/2023) –, le TAPEM a ordonné la poursuite du traitement institutionnel jusqu'au prochain contrôle annuel.

C. Dans sa décision querellée, le SAPEM, se fondant notamment sur l'expertise psychiatrique et les rapports sus-évoqués, rappelle que A______ souffre d'un grave trouble mental, soit d'une schizophrénie paranoïde de sévérité importante, et qu'il est soumis à une mesure au sens de l'art. 59 CP. L'expert préconisait des soins en milieu institutionnel fermé ainsi qu'un traitement neuroleptique régulier au long cours, forcé si nécessaire, pour diminuer les symptômes psychotiques de la maladie et, partant, le risque de récidive violente, qualifié de "très élevé".

Or, depuis plusieurs mois, A______ présentait une mauvaise compliance à son traitement médicamenteux, ayant conduit à une péjoration de son état de santé psychique. Dans ces circonstances, une médication sous contrainte – sous la forme d'un traitement neuroleptique administré par injection – permettrait d'assurer son adhésion au traitement, de le faire progresser et diminuer le risque de récidive. Il se justifiait donc de l'ordonner, à des fins d'exécution de la mesure. Elle serait administrée pour une durée initiale d'une année, des réévaluations médicales devant intervenir tous les six mois en vue d'une éventuelle levée ou prolongation du traitement.

D. a. Dans son recours, A______ affirme être disposé à prendre la médication prescrite par voie orale et de manière volontaire, de sorte qu'un traitement par injection n'était ni nécessaire ni indiqué.

De plus, aucune mesure moins incisive n'avait été prise avant d'ordonner la médication querellée. Or, dans l'hypothèse où l'équipe médicale avait des doutes quant à son adhésion au traitement, il lui aurait appartenu d'organiser une "surveillance de la prise de médicaments", mesure qui aurait été apte à atteindre le but visé. Si, dans ce contexte, il avait été constaté que le traitement "n'était pas pris correctement", une mesure plus coercitive "aurait pu être discutée". La décision de médication sous contrainte était donc disproportionnée.

Pour le surplus, le traitement neuroleptique administré sous forme dépôt depuis juillet 2023 ne lui "convenait" pas, puisqu'il le plaçait dans un état léthargique.

"Erronée", la décision du SAPEM devait donc être annulée.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une décision de médication sous contrainte (art. 4 du Règlement sur l'exécution des peines et mesures – REPM; E 4 55.05) sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 42 al. 1 let. a de la Loi d'application du Code pénal – LaCP; E 4 10) et émaner de la personne visée par ladite mesure, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant soutient que les conditions d'une médication forcée ne sont pas réunies en l'espèce et que celle-ci contrevient au principe de la proportionnalité.

3.1.1. L'art. 4 REPM prévoit qu'une personne sous mesure des art. 59, 60, 61 ou 64 CP peut être traitée contre sa volonté au moyen d'une médication à des fins d'exécution de la mesure (al. 1). Le SAPEM est compétent pour ordonner la médication sous contrainte sur la base de toutes les pièces utiles, en particulier du rapport médical du psychiatre traitant. Ce rapport propose une durée initiale pour la médication sous contrainte, ainsi que les modalités de la réévaluation (al. 2). Avant que la médication sous contrainte soit ordonnée, la personne concernée est entendue si son état le permet (al. 3). La décision du SAPEM précise la durée de la médication sous contrainte (al. 4). La médication sous contrainte est administrée sous la responsabilité du psychiatre traitant, qui organise une surveillance adéquate de la personne concernée sur le plan médical. Le psychiatre traitant peut faire appel à l'assistance du personnel de sécurité de l'établissement (al. 5).

3.1.2. Le principe de la proportionnalité recouvre trois aspects. Une mesure doit être propre à améliorer le pronostic légal chez l'intéressé (principe de l'adéquation). En outre, elle doit être nécessaire. Elle sera inadmissible si une autre mesure, qui s'avère également appropriée, mais porte des atteintes moins graves à l'auteur, suffit pour atteindre le but visé (principe de la nécessité ou de la subsidiarité). Enfin, il doit exister un rapport raisonnable entre l'atteinte et le but visé (principe de la proportionnalité au sens étroit). La pesée des intérêts doit s'effectuer entre, d'une part, la gravité de l'atteinte aux droits de la personne concernée et, d'autre part, la nécessité d'un traitement et la vraisemblance que l'auteur commette de nouvelles infractions (arrêts du Tribunal fédéral 6B_608/2018 du 28 juin 2018 consid. 1.1 ; 6B_1317/2018 du 22 mai 2018 consid. 3.1 ; 6B_277/2017 du 15 décembre 2017 consid. 3.1 ; 6B_343/2015 du 2 février 2016 consid. 2.2.2 ; 6B_596/2011 du 19 janvier 2012 consid. 3.2.3). S'agissant de l'atteinte aux droits de la personnalité de l'auteur, celle-ci dépend non seulement de la durée de la mesure, mais également des modalités de l'exécution (arrêts du Tribunal fédéral 6B_438/2018 du 27 juillet 2018 consid. 3.1 ; 6B_1317/2017 du 22 mai 2018 consid. 3.1 ; 6B_277/2017 du 15 décembre 2017 consid. 3.1 ; 6B_1167/2014 du 26 août 2015 consid. 3.1 ; 6B_26/2014 du 24 juin 2014 consid. 3.1).

3.1.3. La médication sous contrainte constitue une atteinte grave à l'intégrité corporelle et psychique (art. 10 al. 2 Cst. et art. 8 ch. 1 CEDH); elle touche au cœur même de la dignité humaine (ATF 127 I 6 consid. 5 p. 10; 130 I 16 consid. 3 p. 18). En plus de l'exigence d'une base légale formelle (qui peut être constituée par l'art. 59 CP; cf. ATF 134 I 221 consid. 3.3.2 p. 228 in fine; 130 IV 49 consid. 3.3 p. 52; arrêt du Tribunal fédéral 6B_821/2018 du 26 octobre 2018 consid. 4.4), la licéité d'une telle atteinte présuppose une pesée aussi complète que soigneuse des intérêts en présence, tels la nécessité du traitement, les effets de l'absence de traitement, les alternatives possibles, ainsi que l'appréciation du risque auto- et hétéro-agressif (ATF 130 I 16 consid. 4 et 5), sans ignorer les effets secondaires persistant à long terme des neuroleptiques administrés sous contrainte (ATF 130 I 16 consid. 5.3 p. 21 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1091/2019 du 16 octobre 2019 consid. 4.1).

3.2. En l'espèce, il ressort de l'expertise psychiatrique du 25 novembre 2019 et de son complément du 31 mars 2020 – sur la base desquels la mesure institutionnelle au sens de l'art. 59 CP a été ordonnée –, que le recourant souffre d'une schizophrénie paranoïde, assimilable à un grave trouble mental, de sévérité importante. Le risque de récidive d'actes violents envers autrui a été qualifié de "très élevé" par l'expert, les facteurs de protection étant uniquement liés au cadre institutionnel. Il a en outre été relevé que le recourant était anosognosique et ne percevait ni la nécessité, ni l'utilité d'une médication. L'expert a dès lors préconisé la mise en place d'une mesure institutionnelle en milieu fermé, comprenant nécessairement un traitement médicamenteux régulier, de préférence sous forme dépôt, et un travail psychothérapeutique sur l'acceptation de la maladie. Le traitement médicamenteux était susceptible de diminuer les symptômes de la pathologie et, par voie de conséquence, le risque de récidive précité. L'expert a, par ailleurs, précisé que le traitement gardait toutes ses chances s'il était administré contre la volonté de l'intéressé.

Les rapports médicaux subséquents ont confirmé la nécessité d'un traitement neuroleptique. L'ensemble des médecins et intervenants concernés ont également attesté avoir observé – lorsque le recourant s'est montré compliant à son traitement – une nette amélioration de son état clinique et une diminution significative des symptômes de sa pathologie.

Cependant, il ressort des différentes pièces versées au dossier, que le recourant présente depuis plusieurs mois une mauvaise compliance médicamenteuse, ayant conduit à une dégradation de son état psychique. La séance de réseau du 28 juin 2023 a permis de constater une péjoration de sa santé, une mauvaise adhésion au traitement – l'équipe médicale le soupçonnant notamment de "recracher" ses médicaments –, un manque de collaboration lors des entretiens médico-infirmiers, une perte de motivation et une absence de participation aux activités groupales ainsi qu'aux formations. En outre, des comprimés ont été trouvés lors de fouilles de sa cellule et ses analyses sanguines ont révélé une mauvaise compliance à la prise de son traitement.

À cela s'ajoute que le recourant a été sanctionné le 25 juillet 2023 de dix jours de cellule forte pour avoir, la veille, mis le feu à sa cellule – où il a été surpris en train de priser un produit – et agressé physiquement un codétenu. Le SMI et la direction de B______ ont constaté chez l'intéressé une absence de prise de conscience de la gravité de ses actes, qui relèvent pourtant d'infractions pour lesquelles il a déjà fait l'objet de condamnations. Aussi, selon les médecins du SMI, sa mauvaise adhésion au traitement médicamenteux est principalement à l'origine de ces agissements.

Dans ces circonstances, et au vu de l'ensemble des éléments qui précède, il apparaît que les mesures mises en place avant la décision litigieuse étaient insuffisantes pour stabiliser le recourant et améliorer son pronostic légal.

En l'état, seule une médication sous contrainte semble à même de le faire progresser et de le soigner. En effet, aucune solution alternative ou moyen moins incisif n'apparaît susceptible de contenir le risque de réitération. Du reste, le recourant ne formule aucune proposition alternative concrète, hormis la mise en place d'une surveillance de la prise de médicaments par voie orale. Or, comme relevé ci-dessus, lorsque son traitement lui a été proposé sur une base volontaire, il s'est montré peu compliant et peu collaborant, et ce malgré les explications données par l'équipe médicale, l'avertissant qu'un traitement neuroleptique sous forme dépôt serait introduit s'il persistait dans son comportement. Un traitement par voie orale, même sous surveillance, ne permettrait pas de s'assurer de la prise effective des médicaments et d'empêcher le recourant de les recracher par la suite dans sa cellule.

Enfin, le recourant fait état d'effets secondaires qu'il impute aux neuroleptiques (état de léthargie). Cela étant, cette problématique est exorbitante au litige, lequel porte sur le bien-fondé de la décision de médication sous contrainte, et non sur l'adéquation du traitement médicamenteux prescrit, qui relève de la compétence de l'équipe médicale.

En définitive, au vu de sa mauvaise observance médicamenteuse, de la péjoration de son état de santé psychique, du risque de récidive élevé et de la dangerosité qu'il présente pour la collectivité s'il n'est pas soigné, c'est à bon droit que le SAPEM a estimé nécessaire d'ordonner une médication sous contrainte à des fins d'exécution de la mesure. Il est dans ce contexte relevé qu'une évaluation médicale interviendra tous les six mois et que, en fonction de l'évolution du trouble à soigner, une modification ou une levée de la mesure reste le cas échéant possible.

4.             Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant sollicite l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

5.1. Conformément à l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire gratuite, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès; elle a droit en outre à l'assistance judiciaire gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert (arrêt du Tribunal fédéral 1B_74/2013 du 9 avril 2013 consid. 2.1 avec référence aux ATF 128 I 225 consid. 2.5.2 p. 232 s. = JdT 2006 IV 47; 120 Ia 43 consid. 2a p. 44).

L'art. 135 al. 1 CPP prévoit que le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération et du canton du for du procès. À Genève, le tarif des avocats est édicté à l'art. 16 RAJ et s'élève à CHF 200.- de l'heure pour un chef d'étude (al. 1 let. c).

5.2. En l'occurrence, le recourant, détenu dans le cadre de l'exécution de sa mesure, est vraisemblablement indigent. Sa pathologie et l'importance de la cause, compte tenu de l'enjeu de la mise en œuvre d'une médication forcée, commandent qu'il soit assisté d'un avocat. Il sera ainsi fait droit à sa demande visant à lui octroyer l'assistance juridique pour la procédure de recours. Me C______ sera désigné à cet effet.

Ce dernier n'a pas produit d'état de frais pour la procédure de recours (art. 17 RAJ), ni chiffré ses prétentions. Eu égard à l'activité déployée, soit un recours de quatre pages (pages de garde et conclusions comprises), la rémunération totale sera fixée à CHF 430.80 correspondant à deux heures d'activité au tarif horaire de CHF 200.-, TVA à 7.7 % incluse (taux applicable jusqu'au 31 décembre 2023).

6.             Bien qu'au bénéfice de l'assistance juridique, le recourant, qui succombe, supportera les frais de la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP) ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4), qui seront fixés en totalité à CHF 500.- pour tenir compte de sa situation financière (art. 13 al. 1 du Règlement fixant les tarifs des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Alloue à Me C______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 430.80, TVA à (7.7% incluse), pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au SAPEM.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/130/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00