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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/115/2023

ACPR/22/2024 du 16.01.2024 ( PSPECI ) , REJETE

Normes : CP.76

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/115/2023 ACPR/22/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 16 janvier 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à l'établissement fermé de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

 

contre la décision de refus de passage en milieu ouvert rendue le 5 octobre 2023 par le Service de l’application des peines et mesures,

et

SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES ET MESURES, case postale 1629, 1211 Genève 26,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 16 octobre 2023, A______ recourt contre la décision du 5 octobre 2023, par laquelle le Service de l’application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) a refusé son passage en milieu ouvert.

b. Le recourant conclut à l’annulation de la décision et à son passage en milieu ouvert. Il a sollicité l’assistance judiciaire et conclut, à ce titre, à une indemnité de CHF 807,75.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, né en 1976, ressortissant suisse, purge actuellement vingt-cinq peines privatives de liberté prononcées entre janvier 2019 et juin 2021, soit douze condamnations pour vols, tentatives de vols, dommages à la propriété et violations de domicile, ainsi que treize conversions d'amendes.

b. Il est incarcéré à l'établissement fermé de B______ (ci-après, B______) depuis le 26 août 2021.

c. Les deux tiers des peines qu'il exécute actuellement sont intervenus le 8 juillet 2023, la fin étant fixée au 18 juin 2024. Sa libération conditionnelle a été rejetée par jugement du Tribunal d’application des peines et des mesures du 9 août 2023, puis par arrêt de la Cour du 25 septembre 2023.

d. Selon le plan d'exécution de la sanction (ci-après, PES) validé le 21 mars 2022 par le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM), A______ attribuait ses agissements à des facteurs externes et se positionnait le plus souvent en victime du système. Il se montrait critique uniquement concernant sa consommation d'alcool, sans toutefois rester abstinent, hormis durant sa détention. Il ne possédait aucun diplôme et n'avait jamais été réellement inséré professionnellement. Afin de réduire les risques de se retrouver confronté à une précarité financière, il était important qu'il développe dès que possible un projet professionnel réaliste, qu'il pourrait concrétiser à sa sortie. Son incapacité à s'engager dans une prise en charge thérapeutique durant des années représentait un important facteur en sa défaveur. Il peinait en effet à se remettre en question et à faire confiance aux professionnels de la santé mentale. S'il pouvait compter sur le soutien de sa famille, il était important qu'il retrouve son indépendance en habitant seul. Il souhaitait désormais une vie inscrite dans la légalité, notamment par le biais d'une réinsertion socioprofessionnelle. Au bénéfice d'une rente de l'assurance-invalidité (ci-après, AI) à 50%, il souhaitait travailler dans la mesure de ses capacités physiques.

Le PES prévoyait le passage en milieu ouvert en été 2023, pour évaluer son comportement, puis la libération conditionnelle afin de permettre sa réinsertion.

e. Le 16 août 2023, B______ a préavisé négativement le passage en milieu ouvert. A______ faisait l’objet de nombreuses sanctions disciplinaires et il montrait peu d’assiduité au travail. Ainsi, s’il honorait le remboursement des frais judiciaires auxquels il était astreint, les nombreuses sanctions disciplinaires montraient une certaine difficulté à respecter le règlement interne de l’établissement. Il ne démontrait par ailleurs ni investissement ni régularité au sein des ateliers dans lesquels il travaillait.

f. Les sanctions disciplinaires suivantes ressortent du dossier pour la seule année 2023 :

- 28 février 2023, tentative de falsification des tests toxicologiques ;

- 3 mars 2023, refus de travailler ;

- 11 mai 2023, consommation de stupéfiants ;

- 15 août 2023, consommation de stupéfiants ;

- 6 septembre 2023, comportement inadéquat envers un agent ;

- 3 octobre 2023, consommation de stupéfiants.

g. Par arrêt du 25 septembre 2023, la Cour a confirmé le refus de libération conditionnelle en raison d’un risque de récidive élevé. D’une part, les nombreuses sanctions disciplinaires démontraient sa difficulté à respecter les règles. D’autre part, le parcours judiciaire de A______ dénotait un entêtement dans la délinquance de nature à justifier un pronostic défavorable.

C. Dans sa décision querellée, le SAPEM a refusé d’autoriser le passage en milieu ouvert, dès lors que les conditions de son octroi n’étaient que partiellement réalisées. Si le condamné se montrait régulier dans son suivi thérapeutique et dans le remboursement des frais de justice, il ne montrait aucun intérêt pour le travail effectué. Il était qualifié de « revendicateur, impoli et désagréable ». Le risque de récidive était en outre important, comme l’avait retenu, en dernier lieu, la Cour dans son arrêt du 25 septembre 2023.

D. a. Dans son recours, A______ invoque une violation de l’art. 76 CP et relève qu’un refus de libération conditionnelle ne devait pas entraîner un refus de passage en milieu ouvert. Les conditions du PES étaient remplies : il travaillait ; les sanctions disciplinaires prononcées ne concernaient jamais une atteinte à l’intégrité physique ; le SPI était favorable au passage en milieu ouvert ; il était régulier dans son suivi thérapeutique et dans le remboursement des frais de justice. Les sanctions disciplinaires ne devaient pas être prises en compte car il avait été suffisamment puni. Il fallait éviter une « sortie sèche ».

b. Le SAPEM, tout en se rapportant à justice, relève qu’il n’existait aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause le refus de passage en milieu ouvert. A______ continuait à montrer un comportement transgressif. Rien ne montrait qu’il serait capable d'adapter sa conduite dans un régime plus ouvert.

c. Par courrier du 8 novembre 2023, A______ a renoncé à répliquer.

EN DROIT :

1.         Conformément à l'art. 128 al. 2 let. a et al. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ ; RS E 2 05), la Chambre de céans exerce les compétences que le CPP et la loi d'application du Code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP ; RS E 4 10) lui attribuent. En vertu de la délégation figurant à l'art. 439 CPP, le législateur genevois a attribué à la Chambre pénale de recours la compétence de statuer sur les recours dirigés contre les décisions rendues par le Département de la sécurité et de l'économie (DSE), ses offices et ses services, les art. 379 à 397 CPP s'appliquant par analogie (art. 42 al. 1 let. a LaCP).

En l'espèce, le recours est recevable pour être dirigé contre une décision rendue par le SAPEM (art. 40 al. 1 et 5 al. 2 let. e LaCP ; art. 11 al. 1 let. e Règlement sur l'exécution des peines et mesures du 19 mars 2014 [REPM ; RS E 4 55.05]), avoir été déposé dans la forme et le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al 1 CPP) et émaner du condamné visé par la décision querellée et qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision entreprise (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant reproche au SAPEM de lui avoir refusé le passage en milieu ouvert.

2.1.       À teneur de l'art. 75 CP, l'exécution de la peine privative de liberté doit améliorer le comportement social du détenu, en particulier son aptitude à vivre sans commettre d'infractions. Elle doit correspondre autant que possible à des conditions de vie ordinaires, assurer au détenu l'assistance nécessaire, combattre les effets nocifs de la privation de liberté et tenir compte de manière adéquate du besoin de protection de la collectivité, du personnel et des codétenus (al. 1). Le règlement de l'établissement prévoit qu'un plan d'exécution est établi avec le détenu. Le plan porte notamment sur l'assistance offerte, sur la possibilité de travailler et d'acquérir une formation ou un perfectionnement, sur la réparation du dommage, sur les relations avec le monde extérieur et sur la préparation de la libération (al. 3). Le détenu doit participer activement aux efforts de resocialisation mis en œuvre et à la préparation de sa libération (al. 4).

Le plan d'exécution individuel fixe les objectifs de l'exécution et ses différentes étapes pour le cas d'espèce. Il doit en outre coordonner les tâches des différents intervenants impliqués dans l'exécution des peines, tels que les autorités d'exécution et le service de probation (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2ème ed., Bâle 2017, n. 11 ad art. 75).

La participation active du détenu aux efforts de resocialisation est la condition d'une ouverture vers une exécution plus souple de la peine. Cette exigence constitue un élément d'appréciation pertinent de son comportement en détention. Le comportement du détenu influe en effet sur l'octroi des congés (art. 84 al. 6 CP), sur l'exécution de la peine sous forme de travail externe (art. 77a CP) et sur la libération conditionnelle (art. 86 ss CP). En revanche, le condamné qui ne participe pas activement aux efforts de resocialisation et ne respecte donc pas, de manière fautive, le plan d'exécution peut être sanctionné disciplinairement en vertu de l'art. 91 CP (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), op.cit., n. 17 ad art. 75).

2.2.       Les allégements dans l'exécution sont des adoucissements du régime de privation de liberté, notamment le transfert en établissement ouvert, l'octroi de congés, l'autorisation de travailler ou de loger à l'extérieur ainsi que la libération conditionnelle (art. 75a al. 2 CP).

2.3.       À teneur de l'art. 76 CP, les peines privatives de liberté sont exécutées dans un établissement fermé ou ouvert (al. 1). Le détenu est placé dans un établissement fermé ou dans la section fermée d'un établissement ouvert s'il y a lieu de craindre qu'il ne s'enfuie ou ne commette de nouvelles infractions (al. 2).

L'exécution ouverte est considérée comme la règle, alors que l'exécution fermée constitue l'exception (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), op.cit., n. 3 ad art. 76).

Les établissements fermés se caractérisent, par opposition aux établissements ouverts, par un niveau de sécurité élevé, que ce soit dans l'infrastructure du bâtiment accueillant le détenu, dans l'organisation et la formation du personnel pénitentiaire ou dans l'intensité des restrictions qui sont faites à la liberté de mouvement du détenu. Les établissements ouverts offrent aux condamnés un régime d'exécution plus souple, qui permet à ces derniers de travailler ou de pratiquer une activité durant la journée et de ne passer que leur temps libre et de repos en détention (R. ROTH / L. MOREILLON (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème ed., Bâle 2021, n. 4 et 5 ad art. 76 CP).

2.4.       Selon le règlement relatif aux établissements ouverts ou fermés d'exécution des peines et des sanctions disciplinaires du 25 juillet 2007 (REPSD; F 1 50.08), les actes prohibés sont répertoriés à l'art. 44. À ce titre, il est notamment interdit à la personne détenue d'introduire dans l'établissement, de détenir ou de consommer de l'alcool, des stupéfiants et des médicaments, sous quelque forme que ce soit (let. a), et, d'une façon générale, d'adopter un comportement contraire au but de l'établissement (let. j).

2.5.       En l’espèce, il est établi que le recourant entreprend un suivi thérapeutique et rembourse ses frais de justice. En revanche, son comportement en détention est très problématique. Outre son peu d’assiduité au travail, il fait l’objet de sanctions disciplinaires incessantes. Ce ne sont pas moins de six sanctions qui ont ainsi été prononcées en 2023, tant pour des refus de travailler, que de la consommation de stupéfiants ou encore de l’irrespect envers le personnel.

À ce refus persistant des règles et du cadre, il faut en outre ajouter la présence d’un risque de récidive élevé, qui a déjà été retenu par la Cour dans son arrêt du 25 septembre 2023. Il faut d’ailleurs noter que cet arrêt n’a pas amené le recourant à changer son comportement. Au contraire, il a été sanctionné une nouvelle fois le 3 octobre 2023 pour consommation de stupéfiants.

Ces éléments amènent à retenir que le recourant n’est toujours pas prêt à exécuter sa peine en milieu ouvert, au vu de son refus obstiné de se soumettre aux règles de détention. Seul un comportement irréprochable au premier trimestre 2024 pourrait, le cas échéant, permettre d’envisager un passage en milieu ouvert au deuxième trimestre 2024, afin d’éviter la sortie « sèche » crainte par le recourant.

En l’état, la décision querellée est conforme à l’art. 76 CP

3.             Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 400.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), étant précisé que même lorsqu'il obtient l'assistance judiciaire, le recourant débouté peut être condamné à prendre à sa charge les frais de la procédure dans la mesure de ses moyens (arrêt du Tribunal fédéral 6B_380/2013 du 16 janvier 2014, consid. 5).

5.             Après la condamnation, le droit de faire appel à un avocat est reconnu mais n’est pas conçu comme la base d’une reconnaissance pour des interventions systématiques d’un défenseur pendant l’application d’une peine ou d’une mesure privative de liberté.

6.             Conformément à l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire gratuite, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès; elle a droit en outre à l'assistance judiciaire gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert (arrêt du Tribunal fédéral 1B_74/2013 du 9 avril 2013 consid. 2.1 avec référence aux ATF 128 I 225 consid. 2.5.2 p. 232 s. = JdT 2006 IV 47; 120 Ia 43 consid. 2a p. 44).

L'art. 135 al. 1 CPP prévoit que le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération et du canton du for du procès. À Genève, le tarif des avocats est édicté à l'art. 16 RAJ et s'élève à CHF 200.- de l'heure pour un chef d'étude (al. 1 let. c).

En l'occurrence, le recourant, détenu dans le cadre de l’exécution d’une peinte, est très vraisemblablement indigent. Au vu de la concomitance du refus de la libération conditionnelle et de la décision refusant le passage en milieu ouvert, le recours à l’assistance d’un avocat se justifiait. Partant, Me C______ sera désigné à cette fin pour la procédure de recours.

L'avocat d'office a chiffré son intervention pour la procédure de recours à CHF 807,75 TTC. Ce montant étant raisonnable, il sera alloué.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 400.-.

Désigne Me C______ comme avocat d’office de A______ dans la présente procédure de recours.

Alloue à Me C______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 807,75 (TVA 7.7% incluse).

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au SAPEM.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juge et Monsieur Stéphane GRODECKI, juge suppléant ; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/115/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

315.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

400.00