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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/27031/2022

ACPR/994/2023 du 22.12.2023 sur OMP/10443/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : RESTITUTION DU DÉLAI
Normes : CPP.94

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/27031/2022 ACPR/994/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 22 décembre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], agissant en personne,

recourant,

contre l'ordonnance de refus de restitution de délai rendue le 5 juin 2023 par le Ministère public,

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 19 juin 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 5 juin 2023, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé de restituer le délai d'opposition à l'ordonnance pénale du 31 janvier 2023.

Le recourant conclut à l’annulation de l'ordonnance querellée et à l'octroi de la restitution de délai.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant suisse né en 1952, a été entendu par la police le 12 décembre 2022, en qualité de prévenu, pour avoir, le 5 septembre 2022, injurié et frappé le propriétaire d'un tea-room et déchiré son pull ainsi que, le 14 septembre 2022, agressé une dame dans le tram.

b. Par ordonnance pénale du 5 juin 2023, le Ministère public a condamné A______ à une peine pécuniaire de 20 jours-amende et à une amende de CHF 800.-, pour injure (art. 177 al. 1 CP), dommages à la propriété d'importance mineure (art. 144 al. 1 et 172ter CP) et voies de fait (art. 126 al. 1 CP).

c. Selon le suivi des envois recommandés de la Poste suisse, le pli contenant l'ordonnance pénale a été envoyé le 1er février 2023, arrivé à l'office de retrait le lendemain et distribué le 23 février 2023 à A______, après prolongation du délai de garde postale.

d. Par lettre de son conseil du 2 mars 2023, A______ a formé opposition à l’ordonnance pénale et formulé une requête en restitution du délai. Il avait, par ordre du 17 janvier 2023, fait prolonger le délai de garde jusqu'au 22 février 2023 et ignorait si une procédure était formellement ouverte contre lui. À l’appui, il a produit un courrier écrit de sa main selon lequel, suite à son audition, le policier l'a informé "qu'il remettra le rapport au juge en précisant qu'il ne savait pas quelle suite le juge donnera à ce rapport".

e. Le Ministère public a, par ordonnance sur opposition tardive du 8 mars 2023, transmis la procédure au Tribunal de police et conclut à l'irrecevabilité de l'opposition.

f. Par lettre de son conseil adressée au Tribunal de police le 3 avril 2023, A______ a ajouté qu'il n'avait été auditionné qu'une seule fois par la police – sans être assisté d'un avocat –. En outre, il n’avait pas été convoqué par le Ministère public et ne pouvait pas s'attendre à recevoir une ordonnance pénale dans un laps de temps aussi court après son audition.

g. Par ordonnance du 18 avril 2023, le Tribunal de police a constaté l'irrecevabilité, pour cause de tardiveté, de l'opposition à l'ordonnance pénale, cette dernière étant assimilée à un jugement entré en force. Le juge a précisé qu'il n'était pas de sa compétence d'examiner la demande de restitution de délai (art. 94 CPP).

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a retenu que l'opposition formée par A______ le 3 mars 2023 avait déjà été jugée comme tardive par le Tribunal de police, au vu de la notification de l’ordonnance pénale intervenue le 9 février 2023. Les conditions d'une restitution de délai pour former opposition n'étaient pas réunies en l'absence d'explications sur les motifs qui l'auraient empêché de relever son courrier ou de désigner un tiers pour le faire pendant son absence.

D. a. Dans son recours, A______ considère que l'ordonnance pénale lui a été notifiée le 23 février 2023, date à laquelle il en avait pris connaissance. Il avait été empêché de respecter le délai d'opposition car il avait dû se rendre aux Etats-Unis pour aider son épouse et ne pouvait se douter qu'un acte judiciaire lui serait notifié durant son absence. Comme il n'était pas assisté d'un avocat, il ne pouvait pas non plus savoir que les délais commençaient à courir malgré la garde de son courrier et il n'avait dès lors aucune raison de mandater un tiers pour s'en occuper.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours et maintient les termes de son ordonnance.

c. Le recourant n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant fait grief au Ministère public de ne pas lui avoir restitué le délai d'opposition.

2.1. Les communications écrites des autorités pénales sont en général notifiées par recommandé (art. 85 al. 2 CPP). Le prononcé est réputé notifié si son destinataire ne l'a pas retiré dans les sept jours à compter d'une tentative de remise infructueuse, à condition qu'il ait dû s'attendre à une telle remise (art. 85 al. 4 let. a CPP). Tel sera le cas chaque fois qu'il est partie à une procédure pendante (ATF 134 V 49 consid. 4 p. 51 ; 130 III 396 consid. 1.2.3 p. 399). En outre, le délai de garde de sept jours n'est pas prolongé lorsque La Poste permet de retirer le courrier dans un délai plus long, par exemple à la suite d'une demande de garde. Des accords particuliers avec La Poste ne permettent pas de repousser l'échéance de la notification, réputée intervenue à l'échéance du délai de sept jours (ATF 127 I 31 consid 2b p. 35 ; arrêt 1P.81/2007 du 26 mars 2007 consid 3.2).

2.2. Selon l'art. 94 al. 1 CPP, une partie peut demander la restitution d'un délai imparti pour accomplir un acte de procédure si elle a été empêchée de l'observer et si elle est de ce fait exposée à un préjudice important et irréparable. Elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n'est imputable à aucune faute de sa part.

La restitution de délai ne peut intervenir que lorsqu'un événement, par exemple une maladie ou un accident, met la partie objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par elle-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêts du Tribunal fédéral 6B_401/2019 du 1er juillet 2019 consid. 2.3; 6B_365/2016 du 29 juillet 2016 consid. 2.1 et l'arrêt cité). Elle ne doit être accordée qu'en cas d'absence claire de faute (arrêt 6B_125/2011 du 7 juillet 2011 consid. 1).

Par empêchement non fautif, il faut comprendre toute circonstance qui aurait empêché une partie consciencieuse d’agir dans le délai fixé (ACPR/196/2014 du 8 avril 2014). Il s'agit non seulement de l’impossibilité objective, comme la force majeure, mais également l’impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou à l’erreur (Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 10 ad art. 94 CPP).

2.3. En l'espèce, l'ordonnance pénale, expédiée le 1er février 2023, est réputée avoir été notifiée le 9 février 2023, à l’échéance du délai de garde postal de sept jours. Le délai pour la contester est arrivé à échéance le 20 février 2023. L’opposition, formée le 2 mars suivant est donc tardive, ce qu'a constaté le Tribunal de police.

Le recourant soutient avoir été, sans sa faute, empêché de former opposition plus tôt.

Même sans l'assistance d'un avocat, le recourant devait, de bonne foi, s'attendre à recevoir un prononcé de la part des autorités après sa récente audition par la police, en qualité de prévenu, en lien avec deux plaintes pénales déposées à son encontre, que ce soit un avis de procédure ou une décision concernant cette affaire. Or, le fait d'être en déplacement à l'étranger – au demeurant, non justifié par pièce – n'est pas suffisant à établir qu'il aurait été dans l'incapacité, dans les dix jours suivant la notification de l'ordonnance pénale, de former opposition à celle-ci, par une lettre, qui n'avait pas besoin d'être motivée (art. 354 al. 2 CPP), ou de charger une personne de le faire pour son compte. Finalement, l'argument qu'il avance, à savoir qu'il ignorait que le délai avait commencé à courir malgré la garde de son courrier, ne constitue pas un empêchement au sens de l'art. 94 CPP, ce d'autant que le recourant pouvait consulter un avocat avant son départ à l'étranger, ce qu'il a du reste fait, tardivement.

Il s'ensuit que le recourant n'a pas rendu vraisemblable avoir été empêché, en raison d'un événement l'ayant objectivement ou subjectivement mis dans l'impossibilité d'agir par lui-même ou par l'intermédiaire d'une tierce personne, de recevoir le pli contenant l'ordonnance pénale et former opposition dans le délai légal.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/27031/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

-

CHF

Total

CHF

600.00