Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/19944/2023

ACPR/965/2023 du 12.12.2023 sur OTMC/3543/2023 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : RISQUE DE FUITE;MESURE DE SUBSTITUTION À LA DÉTENTION;PLACEMENT PSYCHIATRIQUE
Normes : CPP.221; CPP.237

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19944/2023 ACPR/965/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 12 décembre 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de mise en liberté rendue le 23 novembre 2023 par le Ministère public,

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


Vu :

-            l'arrestation provisoire de A______ intervenue le 14 septembre 2023 et sa mise en détention provisoire ordonnée par le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) le 17 septembre jusqu'au 15 décembre 2023 (OTMC/2743/2023);

-            la demande de mise en liberté avec mesures de substitution formée par le conseil du prévenu le 20 novembre 2023;

-            la prise de position du Ministère public du 22 novembre 2023, concluant au rejet de la demande de mise en liberté;

-            l'audition du prévenu le lendemain devant le TMC;

-            l'ordonnance du 23 novembre 2023, notifiée sur-le-champ, par laquelle le TMC a refusé la mise en liberté du prévenu (OTMC/3543/2023);

-            le recours formé le 4 décembre 2023 par le prénommé contre ladite ordonnance;

-            le courrier du TMC du 5 décembre 2023;

-            les observations du Ministère public du 6 décembre 2023;

-            la réplique de A______ du 8 décembre 2023.

Attendu que :

-            A______ n'a pas pu être auditionné lors de son arrestation en raison de son état psychique. Il a été hospitalisé aux urgences de psychiatrie des HUG et placé à des fins d'assistance du 15 septembre au 5 octobre 2023 à l'Unité D______ de [l'établissement] E______, avant d'être transféré à la prison de B______;

-                 selon l'expertise psychiatrique du 4 octobre 2023, ordonnée par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans le cadre du placement à des fins d'assistance, A______ présente une décompensation délirante d'une schizophrénie paranoïde;

-            il a été prévenu de séquestration et enlèvement (art. 183 ch. 1 et 2 CP), subsidiairement tentative de séquestration et enlèvement (art. 22 cum 183 ch. 1 CP), actes préparatoires délictueux de meurtre (art. 260bis al. 1 let. a CP), pour avoir à Genève, le 14 septembre 2023, vers 19h15, à hauteur du préau de l'école primaire F______, intentionnellement, enlevé l'enfant G______, né le ______ 2020, dans le but, par la suite, de le tuer, étant précisé qu'au moment des faits, la sœur de ce dernier, âgée de 16 ans, n'a pas été en mesure d'empêcher le prévenu de quitter les lieux avec son frère dans ses bras et que c'est grâce à l'intervention d'un témoin que le prévenu a lâché l'enfant, avant de prendre la fuite en courant, non s'en avoir au préalable tenté de frapper ledit témoin. Il lui est en outre reproché d'avoir empêché les policiers de procéder à sa fouille complète, soit un acte entrant dans le cadre de leurs fonctions (art. 286  CP);

-            A______ – qui dit avoir cru que l'enfant était son neveu – déclare l'avoir pris "pour le mettre en sécurité";

-                 le Ministère public a d'ores et déjà mis en œuvre l'expertise psychiatrique du prévenu;

-            A______, né en 1994, est ressortissant français, célibataire, domicilié à H______ [France], sans profession et au bénéfice de l’aide sociale. Sa famille et sa curatrice vivent également en France. Il souffre de schizophrénie et a été hospitalisé à plusieurs reprises dans des établissements psychiatriques fermés, pour la dernière fois début septembre 2023. Aucune inscription ne figure à son casier judiciaire suisse;

-            entendu par le TMC, il a notamment précisé être "disposé à revenir pour le jugement et, plus généralement, à déférer à toute convocation". Il accepterait également de rester dans un hôpital psychiatrique et de prendre son traitement;

-            dans son ordonnance querellée, le TMC considère que les charges sont graves et suffisantes en l'état de la procédure, au vu des constatations de police, des déclarations de la mère et de la sœur de l’enfant, celles du témoin, des circonstances de l'interpellation, du comportement oppositionnel du prévenu au poste de police, des indications données oralement au médecin venu l'ausculter et des déclarations dudit médecin. À cela s'ajoutait un risque de fuite concret et élevé – y compris sous la forme de disparition dans la clandestinité en Suisse et en France –, le prévenu étant de nationalité française, pays qui n'extrade pas ses ressortissants et dans lequel vit sa famille, sans attache avec la Suisse et ayant déclaré qu'en cas de mise en liberté, il comptait retourner vivre en France. Ce risque était renforcé par la peine-menace et concrètement encourue et la perspective d'une expulsion de Suisse. Le risque de collusion restait tangible, sous la forme de pressions, voire de représailles, à l'encontre des plaignants et témoins, étant précisé qu'une interdiction de contact pouvait toutefois être envisagée pour pallier ledit risque. Le risque de réitération demeurait concret et élevé, au vu des problèmes psychiatriques du prévenu, son séjour récent en hôpital psychiatrique en France et le fait qu'il n'avait vraisemblablement pas pris son traitement médicamenteux. Les mesures de substitution proposées par le prévenu ne permettaient pas de pallier les risques de fuite et réitération;

-            à l'appui de son recours, A______ conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et, à titre de mesures de substitution, à son placement à l'hôpital psychiatrique de I______ (ou tout autre établissement similaire); principalement, en milieu ouvert – avec obligation de suivre son traitement médicamenteux et interdiction de quitter la clinique –; subsidiairement, en milieu fermé – avec obligation de prendre tous les médicaments prescrits –. Il admettait à tout le moins une tentative d'enlèvement et considérait que certains faits se fondaient sur des preuves irrecevables, raison pour laquelle il avait formé un recours contre le refus du Ministère public de retirer diverses pièces de la procédure. Il n'y avait pas d'élément concret permettant de retenir un risque de collusion. Les risque de fuite et réitération – contestés – pouvaient être palliés par les mesures proposées dès lors qu'il avait montré être obéissant, docile et que la problématique du dossier était "bien plus médicale que pénale". Un éventuel retour en France n'aurait pas comme conséquence qu'il échappe à la justice compte tenu des accords d'entraide entre la Suisse et la France. Enfin, la détention risquait de péjorer son état sur le long terme et sa situation médicale commandait qu'il dispose le plus rapidement possible d'un suivi médical spécialisé et approprié à sa situation;

-            le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans autre remarque;

-            le Ministère public, dans ses observations, conclut au rejet du recours, sous suite de frais. Le risque de collusion était tangible, vu les audiences fixées et à venir, notamment la confrontation avec la mère et la sœur de l'enfant. Le risque de fuite restait concret et très important, pour les motifs déjà évoqués, étant précisé qu'avant de venir en Suisse, le recourant avait voyagé, en train, en Belgique et en Italie, sans but précis. Il en était de même du risque de réitération, au vu des problèmes psychiatriques du recourant, ses séjours hospitaliers qui ne semblaient pas l'avoir empêché d'agir le jour des faits, sa situation personnelle et sa tendance à ne pas suivre ou interrompre les traitements prescrits, ce qui provoquait des rechutes. Le prévenu était certes docile et respectueux en audience mais ce comportement s'expliquait par le fait que, depuis plusieurs semaines, il était stabilisé médicalement et prenait un traitement médicamenteux régulier. Il n'existait aucune mesure de substitution susceptible d'atteindre le but de la détention, en particulier le risque de fuite;

-            le recourant réplique et persiste dans ses conclusions. Les mesures de substitution proposées étaient adéquates et permettraient d'assurer sa médication régulière.

 

Considérant en droit que :

-            le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP);

-            le recourant ne conteste pas les charges portant sur la tentative d'enlèvement d'un mineur et il n'y a donc pas à s'y attarder, étant précisé que son recours en lien avec le retrait de pièces qui seraient inexploitables est pendant devant la Chambre de céans;

-            le recourant conteste le risque de fuite;

- selon l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention provisoire peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite. Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères, tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier le placement ou le maintien en détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 145 IV 503 consid. 2.2; 143 IV 160 consid. 4.3);

- on ne saurait suivre le recourant lorsqu'il prétend que le risque de fuite n'existe pas. De nationalité française, sans aucune attache en Suisse, pays dans lequel il est arrivé peu avant son interpellation, il n'a pas caché, devant le TMC, sa volonté de retourner chez lui en cas de libération. Compte tenu des infractions graves qui lui sont reprochées, le risque qu'il se soustraie à la justice suisse est ainsi très concret;

- l'admission de ce risque dispense d'examiner si s'y ajoutent les risques de collusion et de réitération;

- le recourant considère que des mesures de substitution doivent être prononcées et propose, à titre de mesure de substitution, son placement en hôpital psychiatrique – en milieu ouvert ou fermé –;


 

- conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst., concrétisé par l'art. 237 al. 1 CPP), le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si elles permettent d'atteindre le même but que la détention;

- en l'espèce, au vu de l'acuité du risque de fuite, on ne voit pas quelle mesure efficace serait suffisante. L'engagement du prévenu de revenir en Suisse pour se présenter aux audiences fixées, en sus d'être incontrôlable, ne reposerait que sur la seule volonté de l'intéressé. Son hospitalisation dans un établissement psychiatrique ouvert n'empêcherait pas le risque de fuite, qui pourrait se concrétiser sous forme de fugues. Enfin, la Chambre de céans a déjà statué sur le fait qu'un établissement de soins fermé ne peut constituer une mesure de substitution à la détention provisoire (ACPR/764/2023 du 3 octobre 2023 consid. 4.2. et références citées);

-            la durée de la détention provisoire ordonnée respecte le principe de proportionnalité, eu égard à la peine menace et concrète encourue;

-            le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté;

-            le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4);

-            le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office;

-            selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1);

-            en l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice de ce premier recours ne procède pas d'un abus;

-            l'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/19944/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

 

 

Total

CHF

985.00