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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/26992/2022

ACPR/901/2023 du 14.11.2023 sur ONMMP/2283/2023 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Recours TF déposé le 15.12.2023, 7B_1006/2023
Recours TF déposé le 15.12.2023, 7B_1006/2023
Descripteurs : USURE(DROIT PÉNAL);HONORAIRES
Normes : CPP.115; CPP.118; CP.157

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/26992/2022 ACPR/901/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 14 novembre 2023

 

Entre

A______ et B______, représentés par Me C______, avocat, ______,

recourants,

contre l'ordonnance de refus de qualité de partie plaignante et de non-entrée en matière rendue le 9 juin 2023 par le Ministère public,

et

D______, représenté par Me E______, avocat, ______,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 22 juin 2023, A______ et B______ recourent contre l'ordonnance du 9 précédent, communiquée par pli simple, à teneur de laquelle le Ministère public a refusé, d'une part, de leur reconnaître le statut de partie plaignante et, d'autre part, d'entrer en matière sur leur plainte pénale déposée le 21 décembre 2022 contre D______, du chef, notamment, d'usure (art. 157 CP).

Ils concluent, sous suite de frais et dépens chiffrés à CHF 4'846.50, à l'annulation de cette décision, ledit statut devant leur être reconnu et la cause renvoyée au Procureur afin qu'il instruise l'infraction précitée.

b. Les recourants ont versé les sûretés en CHF 2'000.- qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

Des relations juridiques entre A______, B______, F______ SA et D______

a.a. F______ SA, société incorporée dans le canton de Zoug, est administrée, depuis 2019, par G______ et H______ (pièce 1 du chargé du 21 décembre 2022).

Ses actions sont détenues par la fondation de droit liechtensteinois I______, dont les dirigeants sont les deux prénommés et les bénéficiaires A______ – né en 1934, scientifique de formation (dans un domaine non précisé) – ainsi que B______ – né en 1938, actif dans le milieu du théâtre – (pièce 17, page 1, 6ème paragraphe, du chargé du 21 décembre 2022 ainsi que pièces 3, 7, 7ème paragraphe, et 28, page 2, du chargé du 25 avril 2023).

a.b. F______ SA détient un compte bancaire au Liechtenstein (pièces 2 à 6 du chargé du 21 décembre 2022).

b. Dès 1997, D______, avocat, a exercé plusieurs mandats en faveur, tantôt de A______ et B______, tantôt de F______ SA et I______ (pièces 4, 5, 20, 21 et 24 à 26 du chargé du 25 avril 2023).

c.a. À une date non déterminée, située entre 2019 et le printemps 2021, I______ a décidé, en accord avec ses bénéficiaires, de dissoudre, à moyen terme, F______ SA; le produit de la liquidation devait revenir à A______ et B______ (pièce 2 du chargé du 22 juin 2023 cum pièces 7 et 8 de celui du 25 avril 2023).

c.b. Ensuite de cette décision, F______ SA, d'une part, et A______ ainsi que B______, d'autre part, ont entrepris diverses démarches pour régulariser leurs situations fiscales respectives, en Suisse et en France (A______ étant domicilié dans ce dernier pays). Les deux derniers nommés ont mandaté D______ à cette fin (pièces 7, 8 et 24 à 26 du chargé du 25 avril 2023).

d.a. À une époque non précisée, mais antérieure au printemps 2021, l'étude au sein de laquelle œuvrait l'avocat prénommé, constituée sous forme de société anonyme, a ouvert, au nom de l'étude, auprès d'une banque, à Genève, trois comptes de régularisation, dont deux étaient intitulés "Régularisation France" et "Régularisation Suisse" (pièces 11, 13 et 14 du chargé du 25 avril 2023).

d.b. Ces deux dernières relations ont été alimentées par F______ SA (notamment pièces 13, 14 et 38, pages 1 et 2, du chargé du 25 avril 2023).

L'on ignore, à teneur des pièces du dossier, qui en est/sont le(s) ayant(s) droit économique(s).

d.b.a. D'après D______, ces comptes étaient destinés à recevoir, conformément aux instructions de F______ SA, I______ ainsi que A______ et B______, le produit de la liquidation de la société anonyme, "le paiement des impôts dus" et "la distribution finale du solde à ces deux derniers".

d.b.b. Aux dires de A______ et B______, l'étude de l'avocat prénommé détenait en son nom, mais pour leur compte, lesdites relations.

e.a. F______ SA a été dissoute en avril 2022. Ses anciens administrateurs (soit G______ et H______) en sont les liquidateurs (pièce 1 du chargé du 21 décembre 2022).

e.b. Le 25 mai suivant, I______ a décidé, en accord avec ses bénéficiaires, que le solde des avoirs, de l'ordre de CHF 6.5 millions, figurant sur les comptes de régularisation resterait à la disposition de F______ SA jusqu'à la fin de l'année 2024 pour être investi (circular board resolution du 25 mai 2022; pièce 8 du chargé du 25 avril 2023).

Cette somme devait, semble-t-il, servir à régler, en 2025, les derniers impôts dus par A______ et B______ (pièce 12 du chargé du 21 décembre 2022).

Des honoraires facturés par D______

f.a. Entre les 17 novembre 2020 et 14 décembre 2021, D______ a adressé à F______ SA, pour paiement, cinq notes d'honoraires, totalisant un peu plus de CHF 1'785'000.-, afférentes, principalement, à l'activité de régularisation fiscale déployée en faveur de A______ et B______ (pièces 30, 31, 33 et 36 du chargé du 25 avril 2023).

La société a accepté de prendre en charge ces factures, qu’elle a payées via son compte au Liechtenstein (pièces 4, page 2, 5 et 6 du chargé du 21 décembre 2022).

f.b. En 2020 et 2021, B______ a, tant en son nom qu'en celui de A______, qu'il était habilité à représenter (pièce 22 du chargé du 25 avril 2023) :

·         reçu de D______, concomitamment à F______ SA, à titre informatif, quatre des notes d’honoraires sus-évoquées (pièces 30, page 6, 31, page 5, ainsi que 36, pages 4 et 5, du chargé du 25 avril 2023);

·        requis et obtenu de l’avocat prénommé des précisions au sujet de deux d'entre elles (pièce 32 du chargé du 25 avril 2023);

·         signé un document faisant état du total de deux autres de ces factures (pièce 36, page 3, du chargé du 25 avril 2023).

g.a. Les 30 avril 2021 et 10 mai 2022, D______ a adressé à A______, soit pour lui B______, et à ce dernier, toujours en lien avec l’activité de régularisation déployée en leur faveur, quatre notes d'honoraires supplémentaires, totalisant CHF 994'200.- environ, qu'il les a invités à payer dès réception (pièces 34, page 3, et 35, page 3, du chargé du 25 avril 2023 ainsi que pièces 12 et 13 du chargé du 22 juin 2023).

L'avocat prénommé a prélevé les sommes qu’il a facturées sur les comptes "Régularisation[s] France [et] Suisse" les 11 juin 2021 et 13 mai 2022 (pièces 34, 35 et 40, pages 1 et 3, du chargé du 25 avril 2023).

g.b. B______ a :

·         apposé la mention manuscrite "bon pour accord" et sa signature sur deux de ces notes d'honoraires (pièces 12 et 13 du chargé du 22 juin 2023);

·        signé un extrait du compte bancaire "Régularisation Suisse" faisant état du prélèvement relatif à l’une de ces factures (pièce 35 du chargé du 25 avril 2023).

h. Aucune des notes d'honoraires sus-évoquées ne mentionne le détail des prestations effectuées par l’avocat prénommé, ni le temps (spécifique ou total) consacré à leur exécution.

 

 

De la fin des relations contractuelles avec D______

i. Durant le deuxième semestre 2022, A______ et B______ ont mandaté un avocat pour les représenter dans "toutes actions à l'encontre de [D______]" (pièces B et C du chargé du 22 juin 2023).

Le 11 octobre de cette même année, D______ a résilié les mandats qui le liaient à ses clients, eu égard à "la position excessive et infondée" de leur nouvel avocat (pièces 14 et 15 du chargé du 22 juin 2023).

j. Parallèlement, D______, F______ SA et I______ ont mis un terme à leurs rapports contractuels. Celui-là a demandé le transfert, sur des relations bancaires ouvertes au nom du nouveau conseil de celles-ci [différent de celui mandaté par A______ et B______], des avoirs détenus sur les comptes de régularisation (pièce 10 du chargé du 25 avril 2023).

k. En automne 2022, A______ et B______ ont informé les liquidateurs de F______ SA envisager de déposer une plainte pénale contre D______, en raison, notamment, des honoraires "démesurés" facturés par ce dernier (pièces 6 cum 28, page 3, du chargé du 25 avril 2023).

H______ leur a répondu, par missive du 29 septembre 2022, ne pas être disposé à signer une telle plainte, ajoutant que "tous les prélèvements [avaient] été validés" par leurs soins (pièce 6 du chargé du 25 avril 2023).

l. Le 17 novembre 2022, A______ et B______ ont invalidé pour "erreur essentielle, dol et crainte fondée" les signatures que D______ avait demandé à B______ d'apposer, a posteriori, sur les documents évoqués aux lettres B.f.b et B.g.b supra, l'avocat prénommé ayant affirmé à B______ que, s'il ne s'exécutait pas, "le processus de régularisation serait stoppé et [qu'il] cour[rait] un risque fiscal" (pièce 16 du chargé du 21 décembre 2022).

De la présente procédure

m. Le 21 décembre 2022, A______ et B______ ont porté plainte contre D______ du chef, notamment, d'usure.

En substance, l'avocat prénommé avait, dans le cadre des mandats de régularisation fiscale qu'ils lui avaient confiés, établi neuf factures [i.e. celles énumérées aux lettre B.f et B.g ci-dessus]. Il avait profité de leur inexpérience dans les domaines juridique et financier pour requérir, et obtenir, le paiement d'honoraires exorbitants, eu égard au type d'activité qu'imposait l'exécution de sa mission. Il avait, de plus, spontanément prélevé quatre des sommes réclamées sur les comptes "Régularisation[s] France [et] Suisse", les mettant, de la sorte, devant le fait accompli [à bien les comprendre].

Par ailleurs, le mis en cause avait, entre avril et juillet 2022, détourné, à son profit, des montants de CHF 341'123.30 et CHF 369'613.25 des deux relations bancaires sus-évoquées.

De tels agissements tombaient manifestement sous le coup l'art. 157 CP.

n. Invité par le Ministère public à se déterminer par écrit, D______ a contesté la qualité de partie plaignante de A______ et B______, au motif que les honoraires litigieux avaient été acquittés par F______ SA.

Sur le fond, la plainte était infondée. En effet, les sommes facturées étaient pleinement justifiées.

Il n'avait jamais effectué d'autres prélèvements, sur les relations "Régularisation[s] France [et] Suisse", que ceux destinés au paiement de ses honoraires, aux investissements des avoirs qui y étaient déposés, comme décidé par I______ en mai 2022, et au transfert, sur les comptes ouverts par le nouvel avocat de F______ SA, du solde de ces relations [allégués justifiés par la pièce 38, pages 1 et 2, du chargé du 25 avril 2023].

C. Dans sa décision déférée, le Procureur a considéré que A______ et B______ n’avaient pas subi de dommage direct du chef des faits dénoncés, les neuf factures querellées ayant été payées au moyen de fonds appartenant à F______ SA.

Les éléments constitutifs de l'infraction d'usure n'étaient pas réalisés, dès lors que, notamment, les honoraires réclamés, puis réglés, l'avaient été au su de, et en accord avec, B______.

D. a.a. À l'appui de leurs recours et réplique, auxquels ils joignent des pièces nouvelles, A______ et B______ affirment avoir reçu le 12 juin 2023 l'ordonnance précitée.

Ils revêtaient bien le statut de partie plaignante. En effet, d'après la doctrine, la personne en état de faiblesse, au sens de l'art. 157 CP, et celle qui subissait le dommage n'étaient pas obligatoirement les mêmes [affirmation à l'appui de laquelle ils citent un passage du Commentaire romand du code pénal]. Peu importait donc, in casu, que les honoraires litigieux aient été payés par F______ SA. Seule était déterminante la conclusion de mandats usuraires entre le mis en cause et eux-mêmes.

Sur le fond, le fait qu’ils avaient acquiescé aux honoraires litigieux n’excluait point l’application de la norme précitée; au contraire, l’accord du lésé constituait l’une des conditions de l’usure. L’avocat avait, aux fins d’obtenir un tel accord, exploité leur situation, pour les raisons exposées dans leur plainte, auxquelles s'ajoutaient, d'une part, leurs âges respectifs à l'époque des faits, critère qui les plaçait dans un état de "faiblesse présumée (cf. notamment AARP/255/2015)", et, d'autre part, les pressions exercées par l'avocat sur B______, destinées à l'amener à signer les factures querellées.

a.b. Par missive du 29 août 2023, A______ et B______ ont sollicité la suspension de la procédure de recours, au motif qu'ils avaient saisi la Commission en matière d'honoraires des avocats d'une requête; il était opportun d'attendre l'issue de cette cause, pertinente pour statuer sur le caractère usuraire des sommes concernées.

b. Les intimés concluent au rejet du recours.

b.a. Dans ses observations et duplique, auxquelles il joint des pièces nouvelles, D______ persiste, pour l'essentiel, dans les termes de ses précédentes déterminations. A______ et B______ échouaient à démontrer un quelconque état de faiblesse, dont lui-même aurait prétendument profité.

Il réclame l'octroi de dépens totalisant CHF 12'284.-.

b.b. Selon le Ministère public, rien n'attestait que les recourants auraient été diminués dans leur faculté d'analyse entre 2020 et 2022. "Quand bien même [ces derniers avaient] manifestement accordé des avantages pécuniaires disproportionnés par rapport à la contre-prestation, cela n'[était] pas suffisant pour conclure à une faiblesse de l[eur] capacité de jugement".

c. Les recourants ont spontanément adressé à la Chambre de céans une nouvelle écriture, sur laquelle D______ s'est déterminé.

Cette ultime détermination n'a pas été transmise aux parties, pour les raisons qui seront exposées ci-après (cf. consid. 1.5). Elle leur sera communiquée, pour information, avec le présent arrêt.

EN DROIT :

I. Premier volet du recours (refus de qualité de partie plaignante)

1. 1.1. L’acte y relatif a été déposé selon la forme et, en l'absence de respect des réquisits de l'art. 85 al. 2 CPP, dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), par les recourants, participants à la procédure (art. 105 al. 1 let. a CPP) qui se sont vu dénier la statut précité, refus qu'ils sont habilités à contester devant la Chambre de céans (art. 105 al. 2 et 393 al. 1 let. a CPP; ACPR/256/2023 du 6 avril 2023, consid. 1.1 et ACPR/652/2022 du 26 septembre 2022, consid. 1).

1.2. Pour que les recourants disposent d’un intérêt juridique (art. 382 CPP) à se voir reconnaître la qualité litigieuse, la présente procédure – où ils souhaitent exercer les droits liés à ce statut – doit se poursuivre.

Comme le sort du recours intenté contre la non-entrée en matière n’est, à ce stade du raisonnement, pas connu, un tel intérêt doit être admis.

1.3. L’acte est donc recevable sur ce premier aspect.

1.4. Il en va de même tant des observations, réplique et duplique, déposées sur invite de la Chambre de céans (art. 390 al. 2 et 3 CPP), que des pièces produites à leur appui (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

1.5. La recevabilité des écritures subséquentes peut demeurer en suspens, dès lors qu'elles ne font état d'aucun élément nouveau, déterminant pour l'issue du litige.

2. Les recourants estiment revêtir le statut de lésé en lien avec l’infraction d’usure dénoncée.

2.1. Selon l'art. 118 al. 1 CPP, on entend par partie plaignante (art. 104 al. 1 let. b CPP) le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale.

La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP; il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction, c’est-à-dire le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 147 IV 269 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_418/2022 du 17 janvier 2023 consid. 3.1).

Lorsqu'une infraction est perpétrée au détriment du patrimoine d'une personne morale, seule celle-ci subit un dommage, à l'exclusion de ses actionnaires ou ayants droit économiques, touchés par ricochet (arrêt du Tribunal fédéral 1B_438/2016 du 14 mars 2017 consid. 2.2.2).

2.2.1. L'art. 157 CP figure parmi les infractions contre le patrimoine.

Il sanctionne quiconque obtient, dans le cadre d'un contrat onéreux, une contreprestation disproportionnée, en exploitant la faiblesse de l'autre partie (arrêt du Tribunal fédéral 6B_649/2020 du 2 octobre 2020 consid. 2.1).

L'infraction est consommée au moment où l'auteur se fait promettre l’avantage usuraire (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2010, n. 24 et 26 ad art. 157 CP).

S’agissant d'une infraction de mise en danger, une atteinte effective au patrimoine n’est pas nécessaire (M. NIGGLI/ H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht I, 4ème éd., Bâle 2019, n. 2 ad art. 157; A. MACALUSO/ L. MOREILLON/ N. QUELOZ (éds.), Commentaire romand, Code pénal II, Bâle 2017, n. 1 ad art. 157).

2.2.2. D'après la doctrine, la personne en situation de faiblesse et celle qui subit le dommage pécuniaire ne sont pas nécessairement les mêmes (M. NIGGLI/ H. WIPRÄCHTIGER, op. cit., n. 35 ad art. 157; A. MACALUSO/ L. MOREILLON/ N. QUELOZ (éds.), op. cit., n. 33 ad art. 157; M. DUPUIS/ L. MOREILLON/ C. PIGUET/ S. BERGER/ M. MAZOU/ V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n 22 ad art. 157; B. CORBOZ, op. cit., n. 8 et 29 ad art. 157 CP).

À l'appui de cette assertion, deux des ouvrages susmentionnés citent l'ATF 82 IV 145 (à savoir le Commentaire romand du code pénal et le Petit commentaire afférent à ce même code) et deux autres l'ATF 80 IV 18 (i.e. le Commentaire bâlois et l'opus de B. CORBOZ).

Dans le premier de ces arrêts, le Tribunal fédéral a reconnu un médecin coupable d'usure pour avoir pratiqué un avortement à un tarif excessif (CHF 700.-), sa patiente – qui se trouvait dans un état de détresse, l'auteur de la grossesse étant marié et lui ayant dit qu'il ne paierait pas de pension en faveur d'un enfant illégitime – ayant dû contracter un emprunt de CHF 500.- pour s'acquitter de ceux-là, après avoir reçu CHF 200.- dudit auteur (consid. 2c).

Dans le second, la Haute Cour a jugé que lorsqu'un individu en situation de faiblesse disposait, en sa qualité de représentant d'une personne physique ou morale, des biens de celle-ci, seule cette dernière revêtait le statut de lésé au sens de l'art. 157 CP.

2.3.1. À la lumière de ces principes, la norme précitée protège, non la personne en situation de faiblesse, mais les avoirs dont elle est habilitée à disposer, qu'il s'agisse des siens propres (ATF 82 IV 145) ou de ceux d'un tiers (ATF 80 IV 18).

Le lésé est donc le débiteur de la prestation usuraire.

En revanche, la question de savoir qui s'acquitte, ensuite, d'une telle prestation n'est pas déterminante, l'art. 157 CP constituant une infraction de mise en danger du patrimoine, et non de résultat.

2.3.2. In casu, les recourants et l'intimé n'ont, lors de la conclusion des contrats de mandats qui les ont liés, pas prévu de rétribution forfaire en faveur du second.

L'intimé a chiffré unilatéralement ses honoraires, entre 2020 et 2022.

2.3.2.1. Il a requis de F______ SA le paiement de cinq de ses factures (totalisant CHF 1'785'000.- environ), laquelle a accepté de les prendre en charge.

Ce faisant, l'intimé et cette société ont conclu, en relation avec chacune desdites factures, une convention, indépendante des mandats sus-évoqués.

Les recourants n'ont donc jamais été les débiteurs de ces factures. Que B______ ait apposé sa signature sur un document faisant état du total de deux de ces notes d'honoraires (cf. lettre B.f.b, troisième point), respectivement qu’il ait approuvé le paiement des sommes concernées par F______ SA (cf. lettre B.k), n'y change rien.

Il s’ensuit que le statut de lésé doit être dénié aux recourants concernant ces cinq factures.

2.3.2.2. Les 30 avril 2021 et 10 mai 2022, l'intimé a adressé quatre notes d'honoraires (de l'ordre de CHF 994'200.- au total) aux recourants.

Ces derniers ayant, à ces époques, consenti à leur règlement (cf. à cet égard lettre B.g.b et les développements à l’appui du recours, résumés à la lettre D.), ils en étaient les débiteurs.

Leur patrimoine a donc pu être (temporairement) mis en danger du chef des sommes réclamées par l'avocat.

Le fait que l’intimé a ensuite prélevé ces sommes sur les comptes "Régularisation[s] France [et] Suisse" n'est pas déterminant, comme on l'a vu.

En conséquence, la qualité de partie plaignante des recourants doit être admise en lien avec ces quatre factures.

2.4. Les recourants évoquent, dans leur plainte, la commission de détournements, par l'intimé, sur les comptes bancaires sus-évoqués.

De tels actes étant exorbitants à l’infraction d’usure, seule objet du recours, il n’y a pas lieu d'admettre le statut de lésé des recourants les concernant.

À titre superfétatoire, l'intimé a établi, par pièce (cf. lettre B.n supra), l'inanité de cette accusation.

2.5. En conclusion, le premier volet du recours s'avère partiellement fondé.

La décision querellée doit donc être annulée dans la mesure où elle a refusé la qualité de partie plaignante aux recourants s’agissant des notes d'honoraires des 30 avril 2021 et 10 mai 2022.

II. Second volet (refus d'entrer en matière sur l'infraction à l'art. 157 CP)

3. 3.1. L’acte y relatif a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) contre une ordonnance sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 310 al. 2 cum 322 al. 2; 393 al. 1 let. a CPP).

3.2. Pour disposer d’un intérêt juridique (art. 382 CPP) à quereller cette décision, les recourants doivent revêtir le statut de partie plaignante (art. 104 al. 1 let. b CPP) en lien avec chacune des neuf notes d'honoraires litigieuses.

Il a été jugé ci-avant (cf. consid. 2.3) que tel était le cas pour quatre d'entre elles, à l’exclusion des cinq autres.

L'acte n’est donc recevable qu’en tant qu’il porte sur ces quatre premières factures.

4. Les recourants sollicitent la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé sur leur requête déposée auprès de la Commission en matière d'honoraires des avocats.

Comme les points à trancher par cette dernière autorité ne sont pas déterminants pour l'issue du litige (art. 314 al. 1 let. b CPP a contrario et art. 379 CPP), la cause est en état d'être jugée.

Il n'y a donc pas lieu de donner suite à cette demande.

5. Les recourants requièrent l'ouverture d'une instruction contre l'intimé du chef d'usure.

5.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation que les éléments constitutifs de l'infraction ne sont manifestement pas réunis.

Il suffit, pour prononcer une telle décision, qu'un seul desdits éléments ne soit pas réalisé (Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 8 ad art. 310).

5.2. L'usure suppose que l'auteur ait exploité, entre autres états, la faiblesse de jugement, l'inexpérience ou la gêne de sa victime, pour amener cette dernière à consentir à l’avantages usuraire (arrêt du Tribunal 6B_794/2021 du 21 mars 2022 consid. 5.3).

5.2.1. La faiblesse de jugement vise la personne qui, en raison de son âge, d'une maladie, d'une faiblesse congénitale ou d'une autre cause semblable est diminuée dans sa faculté d'analyser la situation, d'apprécier la portée de ce qu'elle fait, de former sa volonté et de s'y tenir (A. MACALUSO/ L. MOREILLON/ N. QUELOZ (éds.), op. cit., n. 24 ad art. 157).

Le simple fait d'accorder/de promettre des avantages pécuniaires disproportionnés par rapport à une contre-prestation ne suffit pas pour admettre un tel état (ibidem).

Dans l'arrêt AARP/255/2015 cité par les recourants, la Chambre pénale d'appel et de révision a confirmé la condamnation d'un individu du chef d'usure, pour avoir abusé de l'état de faiblesse d'un couple d'octogénaires. À cette fin, elle s'est fondée sur les déclarations des lésés, d’après lesquelles, notamment, l'intéressé s'était imposé dans leur logement pour leur offrir ses services, s'était montré insistant et "beau parleur", en leur imposant un rythme qu'ils n'étaient pas en mesure de suivre, et les avait placés dans une situation d'infériorité.

5.2.2. L'inexpérience doit, en principe, se rapporter au monde général des affaires, et non au contrat en cause (ATF 130 IV 106 consid. 7.3).

En présence d’affaires commerciales complexes, une méconnaissance dans un domaine particulier, tel que la bourse ou les produits dérivés, peut toutefois suffire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_10/2009 du 6 octobre 2009 consid. 3.4.2).

5.2.3. La gêne se définit comme une situation de détresse (préexistante à la commission de l’infraction et non créée par l'auteur) plaçant la victime dans un état d’infériorité par rapport au prévenu et ayant pour effet de restreindre sa liberté de décision (arrêt du Tribunal fédéral 5P.5/2006 du 12 juin 2006 consid. 8.2).

5.3. Lorsque l’auteur menace le lésé pour obtenir un avantage illicite, seule l'extorsion (art. 156 CP) peut entrer en ligne de compte (ibidem).

Pour qu'une telle infraction soit réalisée, il faut que le dommage évoqué par le prévenu soit sérieux, c'est-à-dire que la perspective de l'inconvénient soit propre, pour un destinataire raisonnable, à l'amener à adopter un comportement qu'il n'aurait pas eu sans la menace (arrêt du Tribunal fédéral 6B_543/2022 du 15 février 2023 consid. 6.1).

5.4. En l'espèce, les recourants allèguent s'être trouvés, lorsqu’ils ont acquiescé aux quatre notes d'honoraires encore litigieuses, dans l'une et/ou l'autre des situations de faiblesse sus-décrites.

5.4.1. D'après eux, leurs âges à l’époque de la réception de ces factures, soit plus de quatre-vingts ans, les auraient placés, de facto, dans un état de faiblesse de jugement.

Il n'en est rien. En effet, la capacité de discernement (art. 16 CC) d'un adulte est présumée, sauf indice(s) contraire(s) permettant d'en douter (arrêt du Tribunal fédéral 9C_493/2022 du 28 septembre 2023 consid. 4.2 in fine).

Pour cette raison, la Chambre pénale d'appel et de révision a, dans l'arrêt AARP/255/2015 susmentionné, examiné si l'âge avancé des lésés avait joué un rôle effectif sur la conclusion de l'accord en cause. Elle a estimé que tel était le cas, au vu de la perception de la situation décrite par les intéressés.

Les recourants n'allèguent pas, ni a fortiori ne rendent vraisemblable, qu'ils souffraient, les 30 avril 2021 et 10 mai 2022, dates d'établissement des notes d'honoraires querellées, de troubles spécifiques, propres à altérer leur faculté d’analyser celles-ci.

Le simple fait que les montants réclamés sont objectivement élevés est, à lui seul, insuffisant pour considérer que tel aurait été le cas.

B______ a du reste été en mesure, courant 2021, de requérir de l'intimé des explications au sujet de la quotité de deux des factures adressées à F______ SA (cf. lettre B.f.b, deuxième point). Cela dénote qu'il disposait, à cette époque, de toute sa lucidité.

Il a conservé celle-ci par la suite, puisqu'il a été en mesure, à l'instar de A______, de se plaindre auprès d’un nouvel avocat de la quotité des rétributions réclamées.

5.4.2. Les recourants prétendent que leur inexpérience dans les domaines juridique et fiscal ne leur aurait pas permis de déceler le caractère (prétendument) usuraire desdites rétributions.

Force est toutefois de constater qu’ils ne bénéficiaient pas de connaissances supplémentaires au moment où ils se sont adressés, pour contester ces rémunérations, à leur nouveau conseil.

Quoi qu'il en soit, les notes d'honoraires concernées ne détaillent point les prestations facturées. Elles ne contiennent, par conséquent, aucune information dont ils n'auraient pas été en mesure de saisir la portée.

5.4.3. B______ allègue s'être senti contraint d'acquiescer à ces notes d’honoraires, l'intimé lui ayant affirmé qu'à défaut "le processus de régularisation serait stoppé et [qu'il] cour[rait] un risque fiscal".

Ce faisant, il invoque, non l'existence d'une situation de gêne au sens de l'art. 157 CP, mais l'emploi d'une menace, comportement réprimé par l'art 156 CP.

À supposer que ces propos aient bien été tenus, l’on ne voit pas en quoi la perspective d'une résiliation, par l'intimé, de son mandat aurait fait encourir au prénommé un "risque fiscal"; en effet, il lui était loisible de désigner un nouvel avocat. De plus, B______ ne dit mot de l'état d'avancement dudit processus de régularisation, à l'époque de la menace alléguée.

Rien ne permet donc de retenir que le recourant aurait été (suffisamment) entravé dans sa liberté d’action du chef d’une telle menace.

5.4.4. Les recourants voient, dans le fait que l'intimé a prélevé sur les comptes de "Régularisation[s] France [et] Suisse" les quatre sommes litigieuses, une manœuvre répréhensible.

Ils perdent cependant de vue que l'art. 157 CP réprime exclusivement la conclusion d'une convention inéquitable, et non son exécution.

Leur grief est donc exorbitant à l'application de cette norme.

5.5. À cette aune, les conditions de l'art. 157 CP, voire 156 CP, ne sont pas réunies.

Infondé, le deuxième volet du recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.

III. Frais et indemnités

6. 6.1. Les recourants succombent sur l'essentiel de leurs conclusions (art. 428 al. 1, 1ère et 2ème phrases, CPP).

En conséquence, ils seront condamnés, solidairement (art. 418 al. 2 CPP), aux trois quarts des frais de la procédure, fixés en totalité à CHF 2'000.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), soit au paiement de CHF 1'500.-. Ce dernier montant sera prélevé sur les sûretés versées (CHF 2'000.-) et les CHF 500.- restants, restitués aux intéressés.

Le solde desdits frais (CHF 500.-) sera, quant à lui, laissé à la charge de l'État.

6.2. Corrélativement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_20/2022 du 19 avril 2023 consid. 5.1), les recourants peuvent prétendre à l'octroi de dépens en lien avec l'activité pour laquelle ils ont obtenu gain de cause – i.e. l'admission de leur qualité de partie plaignante s'agissant de quatre des neuf notes d'honoraires litigieuses –.

Ils réclament CHF 4'846.50 pour la rédaction d'un mémoire d'onze pages, correspondant à dix heures d’activité de chef d’étude, facturées au tarif horaire de CHF 450.-, TVA incluse.

Cette durée étant excessive, elle sera ramenée à quatre heures, temps qui paraît en adéquation avec le travail accompli.

Une somme de CHF 484.65 leur sera, ainsi, allouée (4 heures x CHF 450.- x 1/4, proportion dans laquelle ils ont obtenu gain de cause, majorées de la TVA à 7.7% [CHF 34.65]) et mise à la charge de l’État (art. 436 al. 3 CPP).

6.3. L'intimé peut également prétendre au versement d'une indemnité de procédure, ayant obtenu gain de cause sur trois quarts de ses conclusions.

Il chiffre à CHF 12'284.- ses dépens, correspondant à 25 heures d'activité pour la rédaction d'un mémoire de réponse (acte qui comporte vingt-et-une pages, dont la teneur reprend, pour l’essentiel, ses déterminations devant le Ministère public) ainsi que d'une duplique (écriture de six pages), facturées aux tarif horaires de CHF 600.- et CHF 450.-.

Cette durée est exagérée. Elle sera donc abaissée à 8 heures, temps qui paraît raisonnable pour, d'une part, adapter les arguments d’ores et déjà plaidés devant le Procureur aux spécificités du recours et, d'autre part, développer les aspects complémentaires nécessaires.

Une somme de CHF 2'907.90 lui sera, ainsi, allouée (8 heures x le tarif horaire usuel de CHF 450.- pour un chef d'étude [ACPR/670/2022 du 29 septembre 2022, consid. 4.1]) x 3/4, proportion dans laquelle il a obtenu gain de cause, TVA incluse (CHF 207.90) et mise à la charge de l’État (art. 432 al. 2 CPP a contrario, l'infraction d'usure se poursuivant d'office).

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet très partiellement le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Annule, en conséquence, l'ordonnance déférée en tant qu'elle refuse de reconnaître la qualité de partie plaignante de A______ et B______ en lien avec les notes d'honoraires des 30 avril 2021 et 10 mai 2022.

La confirme pour le surplus.

Condamne solidairement A______ et B______ aux trois quarts des frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 2'000.-, soit au paiement de CHF 1'500.-.

Dit que ce montant (CHF 1'500.-) sera prélevé sur les sûretés versées, le solde (CHF 500.-) devant être restitué aux prénommés.

Laisse le solde des frais (CHF 500.-) de la procédure de recours à la charge de l’État.

Alloue à A______ et B______, à la charge de l'État, une indemnité de procédure de CHF 484.65 (TVA à 7.7% incluse).

Alloue à D______, à la charge de l'État, une indemnité de procédure de CHF 2'907.90 (TVA à 7.7% incluse).

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, B______ et D______, soit pour eux leurs conseils respectifs, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

 

P/26992/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'895.00

Total

CHF

2'000.00