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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/5766/2020

ACPR/873/2023 du 08.11.2023 sur OCL/876/2021 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;PERSONNE PROCHE;HOMICIDE PAR NÉGLIGENCE;MÉDECINE;ÉTABLISSEMENT HOSPITALIER;FAUTE PROFESSIONNELLE;CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;RÉCUSATION
Normes : CPP.117; CPP.118.al4; CPP.121.al1; CPP.382; CP.117; CPP.56.letf; CPP.58

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5766/2020 ACPR/873/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 8 novembre 2023

 

Entre

A______ et B______, domiciliés ______,

C______, domiciliée ______,

D______, domicilié c/o E______, ______,

tous représentés par Me Pierre GABUS, avocat, Gabus Avocats, boulevard des Tranchées 46, 1206 Genève,

recourants et requérants,

contre l'ordonnance de classement du 30 juin 2021 et la décision de refus de reprise de la procédure préliminaire du 14 juillet 2023 rendues par le Ministère public et en récusation,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé,

F______, Procureure, p.a. Ministère public, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

citée.

 


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 11 juillet 2023, A______ et B______ ainsi que D______ et C______ recourent contre l'ordonnance du 30 juin 2021, notifiée le même jour par "versement au dossier" puis communiquée à eux sous pli simple le 1er juillet 2023, par laquelle le Ministère public a classé la procédure P/5766/2020.

Les recourants concluent, sous suite de frais et dépens, préalablement à l'octroi de l'assistance juridique en faveur de D______ et C______ et à la suspension de la procédure de recours dans l'attente de l'issue de leur demande de réouverture de la procédure préliminaire; principalement, à l'annulation de l'ordonnance querellée et, cela fait, au renvoi de la cause au Ministère public pour poursuite de l'instruction; subsidiairement, à la restitution du délai de recours.

b. Par acte déposé le 24 juillet 2023, A______ et B______ ainsi que D______ et C______ recourent contre la décision du 14 juillet 2023, communiquée sous pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé la réouverture de l'instruction de la cause.

Les recourants concluent, sous suite de frais et dépens, préalablement à la jonction des recours des 11 et 24 juillet 2023 et à l'octroi de l'assistance judiciaire à D______ et C______; principalement, à la récusation de la Procureure F______, à l'annulation de la décision entreprise et, cela fait, au renvoi de la cause au Ministère public pour poursuite de l'instruction.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le ______ mars 2020, G______, né le ______ 1966, est décédé à son domicile, à H______, d'infarctus intervenu le lendemain de sa sortie du service de cardiologie des Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG), où il avait subi une opération à la suite d'un premier infarctus survenu le ______ mars précédent. Il a laissé ses enfants D______ et C______, nés respectivement le ______ 2004 et le ______ 1998, ainsi que ses parents A______ et B______.

b. Par décision du même jour, le Ministère public a ordonné la mise en sûreté du corps du défunt au Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : CURML) aux fins de procéder à une autopsie et à des examens toxicologiques.

c. Dans son rapport préliminaire du 9 avril 2020, le CURML attribue la cause probable du décès à un infarctus rompu du ventricule gauche du cœur avec tamponnage cardiaque.

d. Par courrier du 14 avril 2020, I______, magistrate au sein du Pouvoir judiciaire genevois agissant à titre privé, a informé le Ministère public intervenir en qualité de "proche parent", à la demande de la famille du défunt, afin d'accéder aux résultats de l'autopsie et désigner à cette fin le Dr J______.

Elle a produit une procuration, signée le 6 avril 2020 par C______, intervenant pour le compte de l'hoirie de feu G______, selon les pouvoirs conférés par E______, mère et représentante légale de D______, l'autre héritier du défunt, alors mineur. Selon ce document, C______ et l'hoirie précitée chargeaient leur parente I______ d'accomplir en leur nom "toute démarche utile ensuite du décès", ce qui comprenait notamment le pouvoir d'agir auprès des différentes institutions pour communiquer l'avis de décès, de même qu'auprès de l'Office cantonal des assurances sociales relativement aux droits des orphelins.

e. Le 22 avril 2020, le Ministère public a informé I______ avoir adressé au Dr J______ une copie du rapport préliminaire du CURML.

f. Le 14 janvier 2021, I______ a requis du Ministère public la transmission au Dr J______ du rapport définitif d'autopsie dès réception de celui-ci, observant que neuf mois s'étaient écoulés depuis le rapport intermédiaire du 9 avril 2020.

g. Dans le rapport d'autopsie médico-légale du 26 janvier 2021, le CURML confirme que le décès est dû à une tamponnade cardiaque consécutive à un infarctus rompu du myocarde, localisé dans le territoire d'irrigation d'une branche de l'artère circonflexe. Cette dernière présentait une sténose serrée, avec rupture de plaque. Le rapport précise que les éléments qu'il contient peuvent "si nécessaire et sur mandat spécial […] être ultérieurement confrontés aux données cliniques pour une éventuelle évaluation de la prise en charge médicale (expertise en responsabilité médicale)".

h. Le 27 janvier 2021, le Ministère public a transmis une copie dudit rapport au Dr J______, en l'invitant à en expliquer le contenu à la famille sans en délivrer de copie.

i. Le 15 février 2021, la Procureure F______ – qui avait repris trois jours plus tôt la procédure – a ouvert une instruction pour homicide par négligence (art. 117 CP) contre inconnu, dans le cadre du décès de G______.

j. Le même jour, elle a ordonné le séquestre du dossier médical du patient auprès des HUG ainsi qu'un rapport du ______ [fonction] de cardiologie sur la prise en charge de G______.

k. Le 1er juin 2021, les HUG ont transmis au Ministère public les dossiers médicaux de G______ du service des urgences ainsi que du service de cardiologie.

l. Dans un rapport du même jour, le Prof. K______, ______ [fonction] de cardiologie des HUG, mandaté par le Ministère public, a conclu que la prise en charge et le traitement médical de G______ avaient été, selon lui, "parfaitement conforme[s] aux bonnes pratiques de la médecine".

C. a. Dans l'ordonnance de classement querellée, le Ministère public retient que les conditions de réalisation de l'infraction à l'art. 117 CP faisaient défaut. Le rapport d'autopsie, le dossier médical et le rapport relatif à la prise en charge médicale du patient ne relevaient aucun élément pouvant laisser penser à des manquements quant au traitement médical et à la prise en soins de G______ avant son décès. Dite ordonnance a été uniquement versée au dossier (art. 88 al. 4 CPP).

b. Par courriers adressés les 18 mai 2022 et 13 juin 2023 aux HUG, D______, C______, A______ et B______, par leurs conseils, ont fait valoir que les soins prodigués à G______ n'avaient pas été appropriés et que la responsabilité de l'établissement était engagée.

c. Par courrier du 14 juin 2023, lesdits conseils ont informé le Ministère public avoir été constitués au soutien des intérêts de D______, C______ ainsi que A______ et B______, et ont requis l'accès au dossier de la procédure.

d. Le 29 juin 2023, le Ministère public a communiqué aux précités une copie de l'ordonnance de classement rendue le 30 juin 2021.

e. Par courrier du 11 juillet 2023, D______, C______ ainsi que A______ et B______ se sont constitués parties plaignantes au civil et au pénal, et ont requis la réouverture de la procédure préliminaire. Ils ont requis la récusation de la Procureure F______, qui avait occupé des postes à responsabilité au sein des HUG pendant plus de dix ans, à savoir conseillère juridique puis responsable du service juridique et enfin directrice des affaires juridiques jusqu'en juillet 2019.

Ils ont produit un rapport médical établi le 17 novembre 2021 par le Dr L______, cardiologue, qui, sur la base du dossier du défunt, concluait à une erreur de diagnostic – aucune dilatation du vaisseau cible n'ayant été effectuée –, à une erreur de traitement – un stent ayant été mis en place à un endroit inutile, mettant en péril tout le territoire de la circonflexe – et à une erreur de suivi – le patient n'ayant pas suffisamment été observé après l'opération dans une unité de soins intensifs.

f. a. Dans sa décision querellée relative à la reprise de la procédure préliminaire, la Procureure F______ retient que la réouverture de l'instruction de la cause sur la base du rapport médical du 17 novembre 2021 du Dr L______ ne se justifiait pas. Ledit rapport n'indiquait pas les éléments du dossier médical examiné, ni ne tenait compte du rapport d'expertise médico-légale.

f. b. Par ailleurs, la précitée considère que rien ne justifiait sa récusation : le défunt était décédé le ______ 2020 tandis qu'elle-même avait pris ses fonctions de procureure le ______ 2019, sans avoir eu connaissance dans le cadre de son activité précédente de la prise en soins du défunt aux HUG ni des circonstances de son décès. De plus, la procédure lui avait été attribuée le 12 février 2021. Elle a ainsi transmis le courrier du 11 juillet 2023 à la Chambre de céans.

D. a. a. Dans leur recours contre l'ordonnance de classement, D______, C______ et A______ et B______ déclarent se constituer parties plaignantes au civil et au pénal et exposent, à l'appui de la recevabilité de leur acte, avoir appris l'existence de la présente procédure pénale dans le cadre de leurs correspondances avec les HUG. En violation de l'art. 118 al. 4 CPP, ils n'avaient pas été informés de la possibilité de se constituer parties plaignantes. L'ordonnance querellée ne leur avait pas été notifiée à l'époque, de sorte que c'était sans leur faute qu'ils n'avaient pas recouru en temps voulu. Sur le fond, le rapport du 17 novembre 2021 du Dr L______ soulignait trois erreurs dans la prise en soins du patient. Le rapport d'autopsie médico-légale du 26 janvier 2021 mettait, quant à lui, en exergue la problématique de la prise en charge médicale, évoquant une éventuelle responsabilité du corps médical. En outre, la procédure préliminaire était entachée de graves irrégularités, dès lors que F______ aurait dû se récuser compte tenu de son emploi précédent. Enfin, à l'appui de leur demande d'assistance judiciaire, D______ et C______ exposent avoir obtenu l'assistance judiciaire sur le plan civil.

a. b. Le Ministère public conclut à l'irrecevabilité du recours et, sur le fond, à son rejet. Les recourants ne s'étaient pas constitués parties plaignantes durant la procédure préliminaire, bien qu'ils eussent connaissance de la procédure pénale, comme en attestait le courrier du 14 avril 2020 de leur représentante. De plus, cette dernière était magistrate au sein du Pouvoir judiciaire genevois, de sorte qu'elle était à même d'informer les héritiers du défunt de la possibilité de se constituer parties plaignantes. L'ordonnance de classement avait ainsi été valablement notifiée par versement au dossier, de sorte que le recours déposé quelque deux ans plus tard était tardif. Sur le fond, ni le rapport préliminaire du 9 avril 2020 ni le rapport "d'expertise" final du 26 janvier 2021 du CURML ne contenaient d'élément mettant en cause la prise en charge médicale des HUG. La formule, dont se prévalaient les recourants, consistant à préciser que les éléments du rapport "d'expertise" pouvaient ultérieurement être confrontés aux données cliniques pour une éventuelle évaluation de la prise en charge médicale, était standard. En outre, dans son rapport du 1er juin 2021, le Prof. K______ ne relevait aucun élément problématique dans la prise en charge médicale et le traitement de G______. Enfin, le rapport du Dr L______, à M______ [VS], – d'une page – ne constituait pas une expertise médicale et il était permis de s'interroger sur d'éventuels liens entre celui-ci et la représentante de l'hoirie, au vu de leur patronyme, ce qui remettait en cause l'objectivité du rapport.

b.a. Dans leur recours contre le refus de reprise de la procédure préliminaire, D______, C______, A______ et B______ font valoir que le rapport médical du 17 novembre 2021 du Dr L______ constituait un fait nouveau, le Ministère public n'en ayant pas eu connaissance lors du prononcé du classement. Il en allait de même de leur courrier du 13 juin 2023 aux HUG.

b.b. Dans ses déterminations, concernant tant le recours précité que la demande de récusation, la Procureure fait valoir que cette dernière est tardive, les recourants admettant avoir eu connaissance le 1er juillet 2023 de son identité. Même à admettre sa recevabilité, aucun motif ne justifiait sa récusation, vu son entrée en fonction au Ministère public le ______ 2019, soit 18 mois avant la reprise du dossier. S'agissant du refus de reprendre la procédure préliminaire, le Dr L______ – qui ne précisait pas, dans son rapport, sur quels éléments il se fondait – ne faisait que substituer sa propre opinion à celle du Ministère public. Ce rapport et les courriers adressés aux HUG sur la base de celui-ci ne constituaient ainsi pas des faits nouveaux au sens de l'art. 323 al. 1 CPP.

c. Dans leur réplique commune aux deux recours, D______, C______ ainsi que A______ et B______ allèguent que si le Ministère public considérait I______ – qui n'était pourtant intervenue que ponctuellement pour obtenir un document – comme leur représentante, il aurait dû lui notifier l'ordonnance de classement, ce qu'il n'avait pas fait. De plus, le Ministère public avait violé son devoir d'information selon l'art. 118 al. 4 CPP, de sorte qu'on ne pouvait leur reprocher d'avoir agi tardivement, faute d'avoir eu connaissance de l'ouverture d'une procédure pénale. Sur le fond, la formule concluant le rapport d'autopsie n'avait rien d'usuelle et impliquait l'audition des personnes ayant pris en charge G______ aux HUG ainsi que des auteurs dudit rapport. Le rapport du 1er juin 2021 du Prof. K______, qui était "juge et partie" en sa qualité de ______ [fonction] de cardiologie des HUG, n'avait pas de poids, tandis que celui du Dr L______ mettait en exergue, de manière claire et motivée, trois erreurs médicales. Il en allait de même de leur courrier du 13 juin 2023 aux HUG les récapitulant. Or, ce dernier était inconnu du Ministère public lors du prononcé du classement. Enfin, le fait qu'ils avaient été privés de la possibilité de participer à la procédure justifiait à lui seul l'annulation de l'ordonnance de classement et la reprise de l'instruction. Pour les mêmes motifs, les conditions de l'art. 323 CPP étaient réalisées.

EN DROIT :

1.             Les recourants ont déposé deux recours dirigés contre deux décisions distinctes, ainsi qu'une requête de récusation. Ces actes émanent des mêmes personnes, concernent la même procédure et sont fondés sur les mêmes griefs, la motivation des recours étant en partie fondée sur un motif de récusation prétendument réalisé de la Procureure. Par conséquent, il se justifie, par économie de procédure, de les joindre et de les traiter par un seul arrêt.

2.             Les recours ont été déposés selon la forme prescrite (art. 385 al. 1 CPP) et concernent des ordonnances sujettes à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

3.             Se pose en premier lieu la question de savoir si les recourants, en tant que proches du défunt, ont la qualité pour recourir, sous l'angle de l'art. 116 al. 2 CPP, ainsi que de l'art. 121 al. 1 CPP.

3.1.1. Selon l'art. 116 al. 2 CPP, on entend par proches de la victime son conjoint, ses enfants, ses père et mère et les autres personnes ayant avec elle des liens analogues. Cette disposition confère aux proches de la victime un statut de victime indirecte. On ne saurait toutefois en déduire une présomption d'atteinte commune qui leur conférerait ipso iure la qualité de partie. L'art. 116 al. 2 CPP s'appréhende en lien avec les art. 117 al. 3 et 122 al. 2 CPP, qui subordonnent la qualité de partie des proches à des prétentions civiles propres. À défaut de telles prétentions, la qualité de partie des proches leur est déniée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1105/2016 du 14 juin 2017 consid. 2.2).

En vertu de l’art. 117 al. 3 CPP, les personnes assimilées à la victime jouissent des mêmes droits procéduraux que la victime directe constituée partie plaignante. Toutefois, cette disposition exige du proche de la victime qu’il puisse faire valoir des prétentions civiles propres directement contre l’auteur de l’infraction. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils, à savoir principalement les prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 141 IV 1 consid. 1.1). En revanche, n'appartiennent pas à cette catégorie les prétentions fondées sur le droit public (ATF 125 IV 161 consid. 2b). Ainsi, lorsque le prévenu est un agent de l’Etat dont la responsabilité civile est exclusivement assumée par la collectivité, les proches de la victime ne disposent pas de prétentions civiles à l’encontre du prévenu et, partant, ne peuvent pas se constituer partie plaignante (Y. JEANNERET / A. KUHN, Précis de procédure pénale, 2018, n. 7024).

3.1.2. En application de l'art. 61 al. 1 CO, les cantons sont libres de soumettre au droit public cantonal la responsabilité du personnel médical travaillant dans un hôpital public pour le dommage ou le tort moral qu'il cause dans l'exercice de sa charge (ATF 133 III 462 consid. 2.1). Dans le canton de Genève, les art. 2 al. 1 et 9 de la loi genevoise du 24 février 1989 sur la responsabilité de l'Etat et des communes (LREC; RS/GE A 2 40) – applicable aux HUG en vertu de l'art. 5 al. 2 de la loi genevoise du 19 septembre 1980 sur les établissements publics médicaux (LEPM; RS/GE K 2 05) – prévoient que les corporations et établissements de droit public dotés de la personnalité juridique répondent du dommage résultant pour les tiers d'actes illicites commis soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence par leurs fonctionnaires ou agents dans l'exercice de leur travail (cf. arrêts du Tribunal fédéral 4A_329/2012 et 4A_333/2012 du 4 décembre 2012, consid. 2.1).

3.2.1. À teneur de l'art. 121 al. 1 CPP, si le lésé décède sans avoir renoncé à ses droits de procédure, ceux-ci passent à ses proches au sens de l'art. 110 al. 1 CP dans l'ordre de succession.

Les proches d'une personne sont son conjoint, son partenaire enregistré, ses parents en ligne directe, ses frères et sœurs germains, consanguins ou utérins ainsi que ses parents, frères et sœurs et enfants adoptifs (art. 110 al. 1 CP). Les héritiers légaux les plus proches sont les descendants (art. 457 al. 1 CC), à défaut les père et mère (art. 458 al. 1 CC).

Les bénéficiaires du transfert de ces droits peuvent agir à choix sur les plans pénal et civil, cumulativement ou alternativement (arrêt du Tribunal fédéral 1B_11/2017 du 26 avril 2017 consid. 2.2; ATF 142 IV 82 consid. 3.2).

3.2.2. À teneur de l'art. 382 al. 3 CPP, si le prévenu, le condamné ou la partie plaignante décèdent, leurs proches au sens de l'art. 110 al. 1 CP peuvent, dans l'ordre de succession, interjeter recours ou poursuivre la procédure à condition que leurs intérêts juridiquement protégés aient été lésés.

La notion d’intérêt juridiquement protégé au sens de cette disposition ne doit pas être interprétée trop restrictivement, dès lors que la seule qualité de lésé au sens de l’art. 115 al. 1 CPP suffit pour se prévaloir d’un tel intérêt, indépendamment de la prise effective de conclusions civiles. Ainsi, les héritiers les plus proches d'un défunt directement lésé par l'infraction dénoncée peuvent se constituer parties plaignantes sur la base de l'art. 121 al. 1 CPP et justifier d’un intérêt juridiquement protégé à l’annulation d'une ordonnance de classement conformément à l’art. 382 al. 1 CPP, indépendamment de la question de savoir s'ils ont été lésés eux-mêmes par l'infraction dénoncée (ATF 146 IV 76 consid. 2.2.2).

3.3. En l'espèce, D______ et C______, enfants du défunt, ainsi que A______ et B______, parents de celui-ci, revêtent la qualité de proches au sens de l'art. 116 al. 2 CPP. Ils ne sont pas pour autant légitimés à ce seul titre à élever des prétentions propres à l'encontre du ou des éventuel(s) responsable(s) du décès de leur père, respectivement de leur fils, dès lors qu'un proche au sens de l'art. 116 al. 2 CPP doit pouvoir justifier de prétentions civiles propres par adhésion à la procédure pénale pour pouvoir bénéficier des mêmes droits que la victime (cf. art. 117 al. 3 CPP).

Or, le personnel soignant mis en cause travaille aux HUG, de sorte que sa responsabilité est régie par la LREC, qui instaure une responsabilité de droit public excluant toute action directe contre l'auteur d'un préjudice.

A______ et B______ ne disposent ainsi pas de prétentions civiles propres à faire valoir par adhésion à la procédure pénale. Partant, faute de disposer de la qualité pour recourir, leurs recours sont irrecevables.

Il en va différemment de D______ et C______, en tant qu'héritiers légaux les plus proches de G______ (art. 457 al. 1 CC), dont les droits de procédure leur sont transférés de jure en application de l'art. 121 al. 1 CPP, sans que ceux-ci doivent justifier d'un intérêt juridique propre. Il s'ensuit que les enfants du défunt peuvent se constituer demandeurs au pénal et au civil (art. 382 al. 1 CPP).

4. Subsiste la question de savoir si D______ et C______ ont agi en temps utile à l'encontre de l'ordonnance de classement du 30 juin 2021.

4.1.1. Selon l'art. 396 al. 1 CPP, le recours contre les décisions notifiées par écrit ou oralement est motivé et adressé par écrit, dans le délai de dix jours, à l'autorité de recours.

4.1.2. À teneur de l'art. 118 al. 4 CPP, si le lésé n’a pas fait spontanément de déclaration, le ministère public attire son attention dès l’ouverture de la procédure préliminaire sur son droit d’en faire une.

Le CPP n’envisage pas la sanction d’une omission par le ministère public de son obligation d’informer la partie plaignante. Il convient de faire application du principe de la bonne foi et d’admettre que le lésé n’a pas à pâtir d’une telle omission, pour autant cependant qu’on ne puisse lui reprocher d’avoir omis d’agir en temps utile en dépit de l’inaction du ministère public (ainsi, le lésé représenté par un avocat ne pourra pas se prévaloir de sa bonne foi). Le cas échéant, la "sanction" consistera à faire en sorte que l’attention du lésé soit finalement attirée sur ce point et que la possibilité lui soit alors donnée de se constituer partie plaignante, même postérieurement à la clôture de la procédure préliminaire. Cette réparation au profit du lésé de bonne foi ne saurait aller au-delà de ses droits procéduraux : l’inobservation d’un délai de droit matériel (par exemple la prescription) compromet irrémédiablement la situation juridique du lésé. On doit toutefois admettre au titre d’exception à ce qui précède que le lésé puisse se constituer partie plaignante à l’occasion d’un recours dirigé contre la décision mettant un terme à la procédure préliminaire lorsque ce dernier n’a pas eu la possibilité de se constituer partie plaignante antérieurement, ce qui pourra être le cas – outre la violation par le ministère public de son obligation d’informer – lorsque le ministère public rend d’entrée de cause une ordonnance de non-entrée en matière. Dès lors, ce n’est qu’en cas d’abus manifeste et de violation grave du principe de la bonne foi que le ministère public devra s’interdire de rouvrir la procédure sur la base d’éléments provenant de la partie plaignante ou de la victime non partie plaignante, les deux situations étant d’ailleurs différentes puisque la partie plaignante a manifesté sa volonté de participer à la procédure alors que la victime non-partie plaignante s’en est abstenue jusqu’au moment où elle change d’avis. Dans les deux cas, toutefois, il y a un changement d’attitude qui ne doit pas heurter brutalement le principe de la bonne foi (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand du Code de procédure pénale, Bâle 2019, n. 22 ad art. 323).

4.2. En l'occurrence, il n'est pas contesté que les recourants n'ont pris connaissance de l'ouverture formelle de la procédure et de son classement qu'à réception du courrier du Ministère public du 29 juin 2023, en raison de l'omission par ce dernier de son obligation d'informer les lésés de leur possibilité de se constituer partie plaignante. Or, rien ne permet de retenir que les recourants avaient connaissance de leurs droits de procédure ; l'intervention ponctuelle d'une juriste membre de la famille élargie du défunt a en effet eu pour unique but d'accéder au rapport d'autopsie et non de représenter l'hoirie dans le cadre de la procédure pénale, ce que l'intéressée n'était de toute manière pas habilitée à faire, cette prérogative appartenant aux seuls avocats. Partant, les recourants – présumés de bonne foi (art. 3 al. 1 CC) – n'ont pas à pâtir de l'omission du Ministère public.

Par conséquent, le recours interjeté par D______ et C______ le 11 juillet 2023 contre l'ordonnance de classement querellée, qui leur a été communiquée sous pli simple le 1er juillet 2023, est intervenu en temps utile (art. 396 al. 1 CPP), de sorte qu'il est recevable.

5. Les recourants D______ et C______ font grief au Ministère public d'avoir classé leur plainte contre inconnu pour le chef d'homicide par négligence.

5.1. À teneur de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne notamment le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'après la clôture de l'instruction (art. 318 al. 1 CPP), aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a), ou lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

De manière générale, les motifs de classement sont ceux qui déboucheraient à coup sûr ou du moins très probablement sur un acquittement ou une décision similaire de l'autorité de jugement (Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 p. 1255). Le principe "in dubio pro duriore", qui découle du principe de la légalité, s'applique (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2). Il signifie qu'en principe, un classement ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave (ATF 138 IV 86 consid. 4.1.2; 137 IV 285 consid. 2.5).

En cas de doute quant à la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2). L'établissement de l'état de fait incombe principalement au juge matériellement compétent pour se prononcer sur la culpabilité du prévenu. Le ministère public et l'autorité de recours n'ont dès lors pas, dans le cadre d'une décision de classement d'une procédure pénale, respectivement à l'encontre d'un recours contre une telle décision, à établir l'état de fait comme le ferait le juge du fond. Des constatations de faits sont admises au stade du classement, dans le respect du principe "in dubio pro duriore", soit dans la mesure où les faits sont clairs, respectivement indubitables, de sorte qu'en cas de mise en accusation ceux-ci seraient très probablement constatés de la même manière par le juge du fond. Tel n'est pas le cas lorsqu'une appréciation différente par le juge du fond apparaît tout aussi vraisemblable. Le principe "in dubio pro duriore" interdit ainsi au ministère public, respectivement à l'autorité de recours, confrontés à des preuves non claires, d'anticiper sur l'appréciation des preuves par le juge du fond. L'appréciation juridique des faits doit en effet être effectuée sur la base d'un état de fait établi en vertu du principe "in dubio pro duriore", soit sur la base de faits clairs (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_127/2019 du 9 septembre 2019 consid. 4.1.2).

À ce stade de la procédure, c'est donc l'acquittement qui doit apparaître comme l'issue la plus probable pour que le ministère public puisse prononcer un classement, ce qui signifie a contrario qu'en cas de doute, le renvoi en jugement doit être privilégié (arrêt du Tribunal fédéral 1B_24/2012 du 18 juillet 2012 consid. 2.2.2).

5.2. L'art. 117 CP réprime le comportement de quiconque, par négligence, aura causé la mort d'une personne.

La réalisation de l'infraction suppose la réunion de trois conditions : le décès de la victime, une négligence et un lien de causalité entre cette négligence et la mort (ATF 122 IV 145 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_170/2017 du 19 octobre 2017 consid. 2.2).

Pour qu'il y ait négligence (art. 12 al. 3 CP), il faut que l'auteur ait, d'une part, violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible et que, d'autre part, il n'ait pas déployé l'attention et les efforts que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir (arrêt du Tribunal fédéral 6B_170/2017 précité).

Il faut ensuite qu'il existe un rapport de causalité entre la violation fautive du devoir de prudence et le décès de la victime. En cas de violation du devoir de prudence par omission, il faut procéder par hypothèse et se demander si l'accomplissement de l'acte omis aurait, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, évité la survenance du résultat qui s'est produit, pour des raisons en rapport avec le but protecteur de la règle de prudence violée. Pour l'analyse des conséquences de l'acte supposé, il faut appliquer les concepts généraux de la causalité naturelle et de la causalité adéquate. L'existence de cette causalité dite hypothétique suppose une très grande vraisemblance; autrement dit, elle n'est réalisée que lorsque l'acte attendu ne peut pas être inséré intellectuellement dans le raisonnement sans en exclure, très vraisemblablement, le résultat. La causalité est ainsi exclue lorsque l'acte attendu n'aurait vraisemblablement pas empêché la survenance du résultat ou lorsqu'il serait simplement possible qu'il l'eût empêché (arrêt du Tribunal fédéral 6B_170/2017 consid. 2.2).

5.3. En l'espèce, le Ministère public considère que les rapports des 9 avril 2020 et 26 janvier 2021 du CURML ainsi que celui du 1er juin 2021 du médecin-______ [fonction] de cardiologie ne contiennent aucun élément soulignant une éventuelle erreur dans la prise en soins de G______ au sein des HUG. Or, à teneur des dossiers médicaux du défunt, celui-ci présentait des facteurs de risques cardio-vasculaires connus.

Bien que complet, le rapport d'autopsie médico-légale se limite à déterminer la cause du décès; il n'avait pas pour but d'évaluer la prise en charge médicale de l'intéressé, comme cela est d'ailleurs souligné dans sa conclusion, relative à la nécessité d'examens complémentaires pour évaluer cette dernière. Le rapport du médecin-______ [fonction] de cardiologie des HUG ne s'apparente pas à une expertise portant sur une telle prise en charge du patient mais à des observations basées sur le dossier médical. De plus, il a été rédigé par le responsable du service mis en cause.

Quant au rapport du 17 novembre 2021 du Dr L______, il met en évidence l'hypothèse d'erreurs médicales dans le diagnostic, le traitement et le suivi du patient. En tant que ce rapport ne constitue qu'un simple allégué, il n'a certes pas valeur d'expertise. Force est cependant de constater qu'il met en exergue des éléments possiblement problématiques, à savoir l'absence de dilatation du vaisseau cible et de suivi enzymatique, la pose d'un stent au mauvais emplacement et la durée trop courte du séjour post-opératoire en soins intensifs. Or, les rapports du CURML et du médecin-______ [fonction] de cardiologie ne traitant pas directement de ces questions, on ne saurait d'emblée considérer les critiques du Dr L______ comme infondées à ce stade.

En l'absence d'expertise sur la question spécifique de la prise en charge du patient et au regard des constatations médicales opposées sur cette question, il subsiste en l'état des doutes raisonnables quant à l'adéquation de ladite prise en soins aux règles de l'art médical, laquelle aurait pu entraîner le décès de G______.

Au regard de ce qui précède, et compte tenu de la gravité des faits dénoncés, la cause sera ainsi renvoyée au Ministère public pour qu'il ordonne une expertise médicale.

6. D______ et C______ estiment que la Procureure chargée de l'affaire doit être récusée, tandis que cette requête, en tant qu'elle émane des parents de G______, est irrecevable, faute pour ces derniers de revêtir la qualité de parties.

6.1.1. Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3). En matière pénale, une requête de récusation doit être formée au plus tard dans les six à sept jours qui suivent la connaissance du motif de récusation (arrêts du Tribunal fédéral 1B_26/2022 du 8 février 2022 consid. 2.2; 1B_118/2020 du 27 juillet 2020 consid. 3.2). Une partie de la doctrine considère qu'une requête déposée jusqu’à dix jours après ladite connaissance devrait encore être considérée comme recevable en l’absence de circonstances concrètes exigeant une réaction plus rapide (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand du Code de procédure pénale, Bâle 2019, n. 8 ad art. 58).

6.1.2. En l'espèce, si la Procureure F______ a repris le dossier le 12 février 2021, ce n'est qu'à réception de l'ordonnance de classement, le 1er juillet 2023, que D______ et C______ ont su que la magistrate précitée était chargée de la procédure. Formulée le 11 juillet 2023, on peut considérer que leur requête n'est pas encore tardive.

6.2. À teneur de l'art. 56 let. f CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d'autres motifs que ceux évoqués aux lettres a à e de cette disposition, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention. Cette disposition correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 Cst. et 6 CEDH. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles de l'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 143 IV 69 consid. 3.2).

L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011; ATF 136 III 605 consid. 3.2.1, p. 609; arrêt de la CourEDH Lindon, § 76). Il y a prévention lorsque le magistrat donne l'apparence que l'issue du litige est d'ores et déjà scellée, sans possibilité de revoir sa position et de reprendre la cause en faisant abstraction de l'opinion précédemment exprimée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_425/2017 du 24 octobre 2017 consid. 3.4). Un seul comportement litigieux peut suffire à démontrer une apparence de prévention, ce qu'il faut apprécier en fonction des circonstances (cf. l'arrêt 1C_425/2017 précité, consid. 3.3).

Même s'ils apparaissent systématiques, les refus d'instruire ne constituent pas des motifs de récusation. La conduite de l'instruction et les décisions prises à l'issue de celle-ci doivent être contestées par les voies de recours ordinaires (arrêt du Tribunal fédéral 1B_292/2012 du 13 août 2012 consid. 3.2 ; ACPR/21/2013 du 16 janvier 2013). Reprocher à une autorité de faire son travail ne constitue pas non plus un grief de nature à fonder sa récusation (ATF 138 IV consid. 2.2.2.; ACPR/39/2013 du 29 janvier 2013). La procédure de récusation n'a pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises notamment par la direction de la procédure (ATF 143 IV 69 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_305/2019 et 1B_330/2019 du 26 novembre 2019 consid. 3.4.1).

Le simple fait qu'un magistrat doit traiter le cas d'un ancien employeur ne constitue pas un motif de récusation, à moins que l'ancien employeur continue à exercer sur l'intéressé un ascendant exceptionnel (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand du Code de procédure pénale, Bâle 2019, n. 31 ad art. 56). Cela étant, sous l'angle de l'apparence, il convient d'apprécier la durée des relations professionnelles avec une partie et l'écoulement du temps entre la fin de ces dernières et la reprise d'un dossier. Le cas d'un procureur ayant repris un dossier seize mois après la fin d'une relation professionnelle de près de cinq ans en qualité de stagiaire, de collaborateur puis d'associé d'une étude d'avocat représentant l'une des parties est de nature à susciter, sous l'angle de l'apparence, un doute légitime de la part de l'autre partie au procès pénal (arrêt du Tribunal fédéral 1B_20/2014 et 1B_22/2014 du 24 janvier 2014 consid. 3). En revanche, la récusation d'un juge présidant une chambre du Tribunal des baux et loyers n'est pas justifiée par le seul motif qu'il a travaillé, quelque quinze ans auparavant, comme avocat d'une association de défense des locataires pour laquelle il avait cessé toute activité et n'avait pu connaître de la cause (ATF 138 I 1 consid. 2.3). De même, le fait pour un procureur d'avoir travaillé 2 ans et 10 mois dans l'étude du mandataire du prévenu n'est pas suffisant, en l'absence d'éléments concrets, pour retenir l'existence d'un rapport d'amitié justifiant la récusation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_315/2020 du 23 septembre 2020 consid. 5.3.2).

6.3. En l'espèce, entrée en fonction le ______ 2019, F______ n'a pas pu avoir connaissance des faits litigieux, survenus [au mois de] mars 2020, dans le cadre de son emploi aux HUG. De plus, le fait qu'une partie soit un ancien employeur ne constitue pas, en tant que tel, un motif de récusation. Il y a lieu d'examiner les circonstances de chaque cas.

En l'occurrence, la citée a repris le dossier près de dix-huit mois après avoir quitté les HUG, pour qui elle avait travaillé durant dix ans selon les allégations non contestées des requérants. Or, la durée importante des rapports de travail ayant lié la Procureure à l'une des parties à la procédure et l'intervalle relativement court entre la fin desdits rapports de travail et la reprise du dossier litigieux suffisent, à l'aune de la jurisprudence susmentionnée, à faire naître l'existence d'une apparence de prévention.

Au vu de ce qui précède, la requête de récusation sera ainsi admise.

7. Fondé, le recours du 11 juillet 2023 contre l'ordonnance de classement rendue le 30 juin 2021 doit être admis; partant, l'ordonnance querellée sera annulée. Compte tenu du sort dudit recours, celui du 24 juillet 2023 contre le refus de reprise de la procédure préliminaire devient sans objet.

8. A______ et B______, qui succombent sur tous les aspects de leur recours et requête de récusation, seront condamnés, conjointement et solidairement (art. 418 al. 2 CPP), aux frais de la présente instance, fixés en ce qui les concerne à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 let. b et c du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

9. D______ et C______ sollicitent d'être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire.

9.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b). L'assistance judiciaire comprend (art. 136 al. 2 CPP), outre l'exonération des frais de procédure (let. a), la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante l'exige (let. c).

La cause du plaignant ne devant pas être dénuée de toute chance de succès, l'assistance peut être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la position du requérant est juridiquement infondée (arrêt du Tribunal fédéral 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1).

9.2. En l'espèce, l'impécuniosité de D______ et C______, jeunes adultes ayant obtenu l'assistance judiciaire sur le plan civil, semble avérée. Les intéressés s'étant constitués parties plaignantes, tant sur le plan pénal que civil, leurs prétentions civiles – bien que non encore formellement déposées – n'apparaissent pas vouées à l'échec, au vu de l'issue du recours.

La nécessité d'un conseil juridique gratuit sera admise.

Partant, l'assistance judiciaire leur sera accordée, au sens de l'art. 136 al. 2 let. a et b CPP, et Me Pierre GABUS désigné en qualité de conseil juridique gratuit (art. 136 al. 2 let. c CPP) avec effet au 11 juillet 2023, date du dépôt de la demande.

10. D______ et C______ étant au bénéfice de l'assistance judiciaire et obtenant entièrement gain de cause, les frais afférents aux recours et à la requête de récusation les concernant seront laissés à la charge de l'État (art. 136 al. 2 let. b CPP).

11. Il n'y a pas lieu de fixer à ce stade l'indemnité due au conseil juridique gratuit (art. 135 al. 2 et 138 al. 1 CPP), la procédure n'étant pas terminée.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Joint les recours des 11 et 24 juillet 2023 et la demande de récusation.

Déclare irrecevables les recours et la requête de récusation formés par A______ et B______.

Admet le recours formé le 11 juillet 2023 par D______ et C______ contre l'ordonnance de classement du 30 juin 2021, l'annule en conséquence et renvoie la cause au Ministère public pour qu'il procède dans le sens des considérants.

Déclare sans objet le recours formé le 24 juillet 2023 par D______ et C______.

Admet la requête de récusation formée par D______ et C______.

Prononce la récusation de F______, Procureure, dans la procédure P/5766/2020.

Condamne A______ et B______ aux frais de la procédure de recours les concernant, fixés à CHF 1'000.-.

Met D______ et C______ au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite, avec effet au 11 juillet 2023, et désigne Me Pierre GABUS en qualité de conseil juridique gratuit.

Laisse les frais de l'instance concernant D______ et C______ à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux parties, soit pour elles leur conseil respectif, au Ministère public ainsi qu'à F______, Procureure.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/5766/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

-

CHF

Total

CHF

1'000.00