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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/24269/2022

ACPR/823/2023 du 23.10.2023 sur ONMMP/3272/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CONTRAINTE(DROIT PÉNAL);COMMANDEMENT DE PAYER
Normes : CPP.310; CP.181

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24269/2022 ACPR/823/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 23 octobre 2023

 

Entre

A______ SA, ayant son siège ______ [VD], représentée par Me Albert J. GRAF, avocat, avenue Alfred-Cortot 1, 1260 Nyon,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 21 août 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 1er septembre 2023, A______ SA recourt contre l'ordonnance du 21 août précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a notamment refusé d'entrer en matière sur ses plaintes.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance, à la jonction des "causes de la plainte pénale du 15 novembre 2022 et du 13 juin 2023", et au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'500.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.A______ SA est active dans le domaine de la construction et de toutes opérations immobilières.

B______ SÀRL a pour but l'exploitation d'un bureau d'architecture et la réalisation de projets immobiliers. C______ en est l'associé gérant, avec signature individuelle.

D______ SÀRL a pour but d'effectuer des mandats d'architecture. E______ en est l'associé gérant unique.

b. Le 9 avril 2013, ces trois sociétés ont conclu deux contrats d'entreprise, en lien avec le chantier de deux villas situées à l'avenue 1______ no. ______ à F______ [GE]. A______ SA intervenait comme "Entrepreneur", B______ SÀRL comme "Maître de l'Ouvrage et adjudicateur" et D______ SÀRL comme "Architecte et Direction des Travaux".

Les propriétaires des deux villas concernées sont G______, fils de C______, et sa femme pour l'une, et les époux H______ pour l'autre.

c. Le 15 novembre 2022, A______ SA a déposé plainte contre B______ SÀRL et G______ pour contrainte.

La réception des villas était survenue, sans objection quant à la qualité, en 2014. Le 22 février 2022, elle avait mis en demeure B______ SÀRL de lui payer la somme de CHF 68'647.60 pour des factures restées ouvertes consécutivement aux travaux. Avant cela, le 2 mars 2021, G______, sous la plume de son conseil, MI______, lui avait adressé un "avis de défauts tardifs", pour un dommage chiffré à CHF 120'000.-. Malgré son rejet de ces prétentions, le précité lui avait fait notifier, le 14 juin 2021, sans respecter l'élection de domicile chez son conseil, un commandement de payer d'un montant total de CHF 129'500.-. Cet "enchaînement des faits" démontrait que le fils et le père C______ agissaient de concert pour l'intimider aux fins de lui faire renoncer à ses créances contre B______ SÀRL. G______ avait introduit, le 24 novembre 2021, une demande en paiement pour des prétentions infondées et, au surplus, prescrites. À la suite de cette demande, elle avait appelé en cause B______ SÀRL pour faire valoir le solde de CHF 68'647.60. En guise de représailles, cette société lui avait fait notifier, le 13 octobre 2022, un commandement de payer d'un montant de CHF 293'147.60. Les motifs invoqués à l'appui de cette somme étaient infondés. Malgré les propositions en ce sens, G______ refusait de retirer sa poursuite contre une renonciation à invoquer la prescription.

d. Le 13 juin 2023, A______ SA a déposé une plainte pénale complémentaire contre G______.

Le précité refusait toujours de retirer la poursuite contre la garantie d'une renonciation à invoquer la prescription. Par ailleurs, G______ lui avait adressé, le 28 avril 2023, un nouvel avis de défauts "abusif, inventé, inexact, tardif et infondé", pour des travaux qu'elle n'avait même pas réalisés. Le 25 mai suivant, elle s'était vu notifier un troisième commandement de payer d'un montant de CHF 100'000.-. Elle faisait ainsi l'objet de trois poursuites pour "des dettes inexistantes", d'un montant total "fantaisiste" de CHF 522'647.60.

e. Entendu par la police le 9 juin 2023, G______ a déclaré avoir mandaté des sociétés pour obtenir des devis des travaux de réparation. Le premier devis effectué retenait un total de CHF 120'000.- et le second de CHF 100'000.-, soit le montant des poursuites intentées. Le contrat entre A______ SA et B______ SÀRL portait sur le terrassement, le béton et la maçonnerie. Au gré de la construction, l'architecte avait donné plus de travail à A______ SA, qui s'était occupée de la piscine, des parquets, et des aménagements extérieurs. Même s'il n'avait aucun lien avec B______ SÀRL, il avait néanmoins suivi le dossier de près. La société précitée avait réglé toutes ses factures à l'égard de A______ SA. Concernant le commandement de payer de B______ SÀRL, cette société avait estimé que s'il y avait des défauts sur sa maison, il devait y en avoir sur celle des époux H______, lesquels n'avaient rien demandé pour le moment. Craignant qu'un montant leur soit réclamé, suite à l'appel en cause de A______ SA, B______ SÀRL avait pris les devants.

f. Le 24 juillet 2023, A______ SA, représentée par J______, a expliqué à la police qu'en 2021, elle ne trouvait plus la trace des CHF 68'648.60 dus par B______ SÀRL. Elle avait donc demandé à cette dernière de confirmer le règlement du montant. À la suite de quoi, elle avait reçu une poursuite pour environ CHF 293'000.-. G______ ne pouvait pas agir directement contre elle, car ils n'étaient liés par aucun contrat. Elle avait toujours ouvert la possibilité de renoncer à invoquer la prescription mais G______ et B______ SÀRL refusaient de retirer leurs poursuites, dans le but de la contraindre. Les travaux effectués par ses soins, qui comprenaient notamment le terrassement, le crépis, l'isolation des façades, l'étanchéité du sous-sol ainsi que la structure et le carrelage de la piscine, étaient exempts de défaut.

g.a. Dans le premier commandement de payer établi par G______ le 14 juin 2021 (poursuite 2______) pour un montant total de CHF 129'500.-, l'intitulé des créances est:

(1) "Montants correspondants aux défauts causés par A______ SA à Monsieur G______ dans le cadre du contrat d'entreprise général ayant donné lieu à la construction de la villa de Monsieur G______ " (CHF 85'000.-),

(2) "Idem supra 1. Réfection des parquets et de la peinture" (CHF 30'000.-),

(3) "Idem supra 1. Réfection de la marbrerie" (CHF 5'000.-),

(4) "Subsidiairement" (CHF 4'500.-), et

(5) "Honoraires du Conseil" (CHF 5'000.-);

g.b. Dans le deuxième, établi par B______ SÀRL le 13 octobre 2022 (poursuite 3______) pour un montant total de CHF 293'147.60, les motifs invoqués sont:

(1) "Montants correspondants aux défauts majeurs causés par A______ SA dans le cadre du contrat d'entreprise générale […] ayant donné lieu à la construction de la villa des époux G______ (CHF 124'500.-) et des époux H______ (CHF 100'000.-). Les défauts ont été dolosivement dissimulés par A______ SA qui refuse de procéder elle-même à une réparation de ces défauts" (CHF 224'500.-), et

(2) "Dommage causé par notification d'un commandement de payer infondé et malveillant" (CHF 68'647.60);

g.c. Dans le troisième, établi par G______ le 13 juin 2023 (poursuite 4______) pour un montant de CHF 100'000.-, l'unique créance invoquée est: "Montants correspondants aux défauts majeurs causés par A______ SA dans le cadre de l'exécution du contrat d'entreprise concernant le bis sis no. ______ avenue 1______ [code postal] F______ [GE]".

h. Il ressort des autres documents versés à la procédure les éléments suivants:

- le 2 mars 2021, G______ a averti A______ SA que les travaux de sa maison, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur, n'avaient pas été effectués selon les règles de l'art et que des défauts majeurs, dissimulés, avaient été découverts. Deux rapports de sociétés venues pour des travaux de rénovation, l'une d'elles étant K______ SA, faisaient état des problèmes constatés, notamment au niveau des plaques d'isolation, de l'étanchéité ou encore du crépi. Le coût des dommages s'élevait à CHF 120'000.-;

- dans sa demande en paiement du 24 novembre 2021, G______, assisté par Me I______, a notamment conclu à ce qu'il soit dit que sa poursuite de juin 2021 "ira[it] sa voie";

- dans ses déterminations du 28 octobre 2022 sur l'appel en cause, B______ SÀRL a conclu, notamment, au paiement, par A______ SA, de CHF 120'000.- en sa faveur et au paiement de CHF 100'000.- en faveur des époux H______;

- le 28 avril 2023, G______ a transmis à A______ SA une "expertise complémentaire" de K______ SA, de laquelle il ressortait des "défauts cachés" en lien avec l'étanchéité des fondements de la villa et de la piscine. Le montant des travaux de réparation s'élevait à CHF 100'000.-;

- dans un courriel non daté, Me I______ a demandé à K______ SA "les devis qui justifient le montant de CHF 100'000.-". Dans ce même courriel, dont le destinataire principal n'est pas visible, Me I______ a encore écrit: "Aurais-tu une facture payée ou une demande de garantie sur ces travaux (même au nom de B______) ? N'importe quoi qui prouve que c'est bien A______ qui a fait ces travaux" et, plus loin, "S'agissant de la déclaration de renonciation à la prescription c'est en raison du fait qu'une autre poursuite serait vraiment préjudiciable à A______. G______ pourra envoyer cette poursuite au besoin";

- dans un courriel, non daté, E______ a expliqué que, selon lui, A______ SA avait réalisé le béton des travaux de la piscine et la pose de la terrasse, mais pas les plans et les installations techniques de la piscine, ni les travaux d'étanchéité extérieurs.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public mentionne, dans sa partie en fait, la plainte complémentaire du 13 juin 2023, de laquelle il ressortait notamment que G______ avait fait notifier un nouveau commandement de payer à A______ SA, pour un montant de CHF 100'000.-. Sur le fond, A______ SA, G______ et B______ SÀRL s'opposaient dans le cadre d'une procédure civile. Le deuxième nommé avait entrepris les démarches pour obtenir la mainlevée de son commandement de payer du 14 juin 2021, même si, par inadvertance, n'étant pas assisté d'un avocat, il n'avait pas formulé cette conclusion de manière formelle. La deuxième poursuite, introduite par B______ SÀRL, s'expliquait "plus difficilement" vu son caractère redondant mais elle conservait un lien avec le litige préexistant. Il était impossible d'affirmer le caractère "fantaisiste" de l'une ou l'autre des prétentions des parties. Cette question relevait de la seule compétence du juge civil. Par conséquent, il ne pouvait être retenu le caractère abusif pour l'une ou l'autre des poursuites engagées.

D. a. Dans son recours, A______ SA soutient que les conditions d'une tentative de contrainte étaient réalisées. Les prétentions réclamées par B______ SÀRL et G______ étaient aussi "infondées que scandaleuses" au vu des circonstances. Malgré la remise d'une renonciation à invoquer la prescription, les précités s'obstinaient, de concert, dans une manière d'agir "contraire au droit et illicite". Le second commandement de payer reçu de B______ SÀRL démontrait encore plus "le comportement malhonnête". Le Ministère public éludait que cette société n'avait jamais fait valoir de prétentions avant d'être appelée en cause dans la procédure civile, ni qu'elle usurpait les droits des époux H______. Pour sa demande en paiement du 24 novembre 2021, G______ était bel et bien assisté d'un avocat, contrairement à ce que retenait le Ministère public. Cette "mauvaise constatation inutile des faits" était fondamentale dans la qualification de la tentative de contrainte dès lors que la mainlevée de l'opposition n'avait pas été formellement requise. En tout état, B______ SÀRL et G______ avaient manifestement abusé de leurs droits en lui notifiant plusieurs commandements de payer. En outre, n'ayant pas eu de poursuites auparavant, recevoir des commandements de payer pour un total de CHF 591'295.20 représentait "une source incontestable de tourments et de poids psychologique", liés aux inconvénients et à l'atteinte à sa réputation en découlant. L'ordonnance querellée consacrait encore une constatation incomplète et erronée des faits, notamment en éludant sa plainte complémentaire du 13 juin 2023. Cela consacrait également une violation de la maxime d'instruction et du principe de l'unité de la procédure.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

 

 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante se plaint d'une constatation inexacte des faits.

Plus particulièrement, la recourante reproche au Ministère public d'avoir éludé sa plainte complémentaire du 13 juin 2023, laquelle aurait dû être versée au dossier pour y faire partie intégrante en vertu de la maxime d'instruction et du principe de l'unité de la procédure.

Dans la mesure où la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1.), les éventuelles constatations inexactes auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

Cela étant, ses griefs découlent manifestement d'une méconnaissance du dossier et de l'ordonnance querellée. En effet, cette décision mentionne et résume sa plainte complémentaire du 13 juin 2023, laquelle est, par ailleurs, comprise et référencée dans le dossier en mains de la Chambre de céans. Il n'y a donc pas de procédures distinctes pour les plaintes des 15 novembre 2022 et 13 juin 2023; les deux sont traitées dans le cadre de la présente.

3.             La recourante reproche au Ministère public de n'être pas entré en matière sur ses plaintes.

3.1. Selon l’art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation que les éléments constitutifs d’une infraction ne sont manifestement pas réunis.

Cette disposition s’interprète à la lumière du principe in dubio pro duriore, selon lequel le procureur ne peut clore une procédure que quand il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables. Ce magistrat et la juridiction de recours disposent, à cet égard, d'un pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1177/2022 du 21 février 2023 consid. 2.1).

3.2. Se rend coupable de contrainte au sens de l'art. 181 CP, quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

La contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite, soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est illicite, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux mœurs (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1).

Lorsque la victime ne se laisse pas intimider et n'adopte pas le comportement voulu par l'auteur, ce dernier est punissable de tentative de contrainte (art. 22 al. 1 CP; ATF 129 IV 262 consid. 2.7; 106 IV 125 consid. 2b).

3.3.  Pour une personne de sensibilité moyenne, faire l'objet d'un commandement de payer d'une importante somme d'argent est, à l'instar d'une plainte pénale, une source de tourments et de poids psychologique, en raison des inconvénients découlant de la procédure de poursuite elle-même et de la perspective de devoir peut-être payer le montant en question. Un tel commandement de payer est ainsi propre à inciter une personne de sensibilité moyenne à céder à la pression subie, donc à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action (arrêt du Tribunal fédéral 6B_614/2021 du 20 avril 2022 consid. 7.2).

Un acte de contrainte – ou de tentative de contrainte – peut éventuellement être réalisé au travers de la notification d'un commandement de payer si celui-ci est illicite en soi. Tel sera le cas lorsque le soi-disant créancier n'est pas fondé à réclamer la somme objet de la poursuite ou encore lorsque le commandement de payer repose sur un document faux ou falsifié (arrêts du Tribunal fédéral 6B_281/2013 du 16 juillet 2013 consid. 1.1.2 et 6B_447/2014 du 30 octobre 2014 consid. 2.2). Toujours du point de vue de l'illicéité intrinsèque du commandement de payer, peut également réaliser l'infraction de contrainte le fait d'en faire notifier plusieurs fondés sur une même cause ou encore pour des montants fantaisistes (A. MACALUSO, Les actes de poursuite selon la LP peuvent-ils être constitutifs d'une contrainte pénale?, in: JdT 2019 II 89, p. 95).

L'infraction de contrainte peut également être réalisée si le commandement de payer est en soi licite, car il repose sur une cause fondée, des documents véridiques et concerne un montant proportionné, mais constitue néanmoins, dans les circonstances de l'espèce, un moyen de pression abusif (ATF 115 III 18 consid. 3, arrêt du Tribunal fédéral 6B_1396/2021 du 28 juin 2022 consid. 3.1, A. MACALUSO, ibid.). Le fondement de la créance invoquée, le montant indiqué sur le commandement de payer et le contexte de sa notification sont autant d'éléments pertinents dans l'appréciation des circonstances du cas d'espèce. S'agissant du fondement de la créance déduite en poursuite, il suffit que la situation juridique ne soit pas d'une clarté indiscutable pour admettre la licéité, sous l'angle de l'infraction de contrainte, du commandement de payer (R. JORDAN, Les poursuites injustifiées: point de situation, in Revue de l'avocat 2017 p. 131 s. et les arrêts cités).

3.4. En l'espèce, la première (n° 2______) et la troisième poursuite (n° 4______) ont été initiées à la suite et sur la base de rapports privés, sollicités et transmis à la recourante par le mis en cause, faisant état de défauts dans la réalisation des travaux effectués sur la villa par celle-ci. Les deux commandements de payer incluent ainsi, parmi les créances listées, les coûts du dommage chiffré par lesdits rapports, soit CHF 120'000.-, respectivement CHF 100'000.-, auxquels s'ajoutent deux autres postes accessoires ("Subsidiairement" et "Honoraires du Conseil") équivalant à CHF 9'500.-.

La recourante peut, certes, contester l'existence des défauts allégués de l'ouvrage; il n'en demeure pas moins que les prétentions que le mis en cause a fait valoir avec ces poursuites n'apparaissent pas dénuées de tout fondement.

La deuxième poursuite (n° 3______) intentée par la société mise en cause repose sur trois motifs: la même créance que celle précédemment évoquée, les hypothétiques défauts que pourraient faire valoir les époux propriétaires de l'autre villa concernée par les travaux, et, enfin, sur la notification d'un commandement de payer "malveillant" par la recourante.

Selon les déclarations du mis en cause, B______ SÀRL avait fait notifier ce commandement de payer pour "prendre les devants" à la suite de son appel en cause dans la procédure civile, en anticipant d'éventuels défauts de la seconde villa. En outre, ladite société estimait avoir soldé ses factures à l'égard de la recourante.

Dans ces circonstances également, les motifs invoqués à l'appui des créances listées dans le commandement de payer litigieux trouvent une explication.

La société mise en cause a, certes, fait valoir, dans son commandement de payer, des prétentions au nom de tiers ne s'étant pas manifestés auprès de la recourante. Elle a néanmoins prolongé sa démarche sur le fond, en prenant également des conclusions au nom des intéressés dans ses déterminations sur son appel en cause. Le mis en cause a également agi sur le fond en lien avec sa première poursuite et rien ne laisse à penser qu'il n'en ira pas de même – si tel n'est pas déjà le cas – pour la troisième. Enfin, les courriels versés au dossier mettent en évidence une intention des mis en cause de démontrer, pièces à l'appui, que la recourante était responsable des défauts constatés, ce qui renforce le caractère non abusif des poursuites intentées. Enfin, la notification d'un commandement de payer en faisant fi d'une élection de domicile chez un avocat ne suffit pas pour établir un moyen de contrainte.

Compte tenu de ce qui précède, les démarches des mis en cause n'apparaissent pas illicites, ni abusives. Les montants réclamés et l'itération d'une créance identique entre deux commandements de payer de créanciers différents ne modifient pas ce constat et peuvent se justifier dans le cadre du procès civil tripartite entre les protagonistes, où chacun cherche à sauvegarder ses droits.

En résumé, les conditions d'une tentative de contrainte n'apparaissent pas réalisées.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait être traité d'emblée sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

5.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Condamne A______ SA aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'500.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/24269/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'415.00

Total

CHF

1'500.00