Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/6908/2023

ACPR/673/2023 du 28.08.2023 sur ONMMP/1422/2023 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : DOMMAGES À LA PROPRIÉTÉ(DROIT PÉNAL)
Normes : CPP.310; CP.144

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6908/2023 ACPR/673/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 28 août 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______ [VD], représentée par Me Frédéric OLOFSSON, avocat, rue de Plane-Ville 22, 1955 Chamoson,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 6 avril 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 20 avril 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 6 précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a renoncé à entrer en matière sur sa plainte.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et à l'ouverture d'une instruction.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 6 janvier 2023, B______ s'est spontanément présenté à la police pour dénoncer son frère C______, avec qui il était en conflit depuis plusieurs années.

Le matin du jour-même, alors qu'il conduisait la voiture de son épouse, A______, il avait croisé C______ qui, après l'avoir vu, avait pris le chemin de leur propriété commune en restant au milieu de la voie de circulation. Il s'était alors déporté sur la gauche en donnant un coup de klaxon. Une fois à la hauteur de son frère, celui-ci s'était retourné et avait donné un coup de pied sur la portière avant droite de la voiture.

b. Le 11 suivant, A______ a déposé plainte contre C______ pour dommages à la propriété, réitérant les faits relatés par son époux. Elle n'était pas présente sur les lieux mais un voisin, D______, avait été témoin de la scène.

c. Entendu en qualité de prévenu le 15 février 2023, C______ a expliqué que le jour en question, il promenait son chien en direction de son domicile. Le chemin était une zone limitée à 30km/h, sans trottoir. Un véhicule, conduit par B______, avait soudainement klaxonné et s'était arrêté à 30cm de ses jambes et de son chien. Son frère avait agi volontairement pour "provoquer chez [lui] une réaction". Il avait alors mis un coup de pied sur le "flanc gauche" de la voiture, par réflexe, pour se protéger. Un voisin, E______, avait assisté à la scène.

d. D______ a confirmé avoir vu un homme donner un coup de pied dans la portière avant droite du véhicule conduit par B______.

Contacté par téléphone, E______ a expliqué n'avoir pas assisté à l'altercation. Il était arrivé alors que les deux frères discutaient entre eux.

e. Quatre photographies de la portière avant droite ont été versées à la procédure.

On y distingue, sur l'une, de grosses traces verticales aux reflets beiges, situées un peu au-dessus du bas de caisse. Sur les trois autres, les traces avaient disparu, laissant difficilement apercevoir des rayures, sans qu'il soit possible de déterminer s'il s'agissait de griffures dans la peinture ou de marques superficielles.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public relève que les déclarations des parties en cause étaient contradictoires et il ne pouvait être établi à satisfaction de droit que les traces présentes sur la carrosserie du véhicule résultaient du seul coup de pied donné par C______. Même si ce dernier ne niait pas l'avoir fait, un tel geste ne pouvait pas causer les traces en question. En outre, il ne pouvait pas être établi qu'il eut s'agît de réels dommages et non de marques pouvant être nettoyées.

D. a. Dans son recours, A______ affirme que l'enquête préliminaire avait permis d'établir avec certitude que C______ avait donné un coup de pied dans la portière. Les dégâts ainsi causés avaient nécessité des réparations, démontrant l'existence d'un dommage. Par ailleurs, la largeur des traces en question était de 10cm environ, tandis que les chaussures portées par C______ faisaient 12cm. Il était donc possible d'imputer à ce dernier les dégâts constatés.

Elle produit à l'appui de son recours:

- un devis de garagiste du 20 janvier 2023, d'un total de CHF 1'697.50 TTC, comprenant principalement des travaux de peinture sur le flanc droit de son véhicule, soit les portières avant et arrière;

- des photographies de traces sur la portière et de bottes noires, avec une règle superposée pour mesurer ces deux éléments;

- une photographie de C______, tenant son chien en laisse et, dans l'autre main, son téléphone portable pointé vers son vis-à-vis.

b. Par ses observations, le Ministère public confirme la teneur de son ordonnance, en soulignant que la facture produite par A______ portait sur des réparations effectuées sur les portières avant et arrière droites de la voiture.

c. Dans sa réplique, A______ explique que si les réparations avaient porté sur les deux portes à droites, c'était pour unifier la couleur de la carrosserie.

 

 

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Les pièces nouvelles produites sont également recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

2.             La recourante reproche au Ministère public de n'être pas entré en matière sur les faits dénoncés.

2.1. Selon l'art. 310 al. 1 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a).

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'un acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91).

2.2. Selon l'art. 144 al. 1 CPP, se rend coupable de dommages à la propriété quiconque, sans droit, endommage, détruit ou met hors d’usage une chose appartenant à autrui ou frappée d’un droit d’usage ou d’usufruit au bénéfice d’autrui.

L'auteur se rend coupable de dommages à la propriété dès qu'il cause un changement de l'état de la chose qui n'est pas immédiatement réversible sans frais ni effort et qui porte atteinte à un intérêt légitime (arrêt du Tribunal fédéral 6B_77/2017 du 16 janvier 2018 consid. 2.1).

2.3. En l'espèce, le mis en cause a admis avoir donné un coup de pied dans le "flanc gauche" du véhicule de la recourante.

À côté de cela, le mari de la recourante a déclaré que le mis en cause avait asséné ce coup dans la portière avant droite et un voisin – dont rien ne permet de douter de l'impartialité – a confirmé avoir vu un homme effectuer un tel geste. Des photographies dévoilent des marques sur cette partie de la voiture, qui pourraient avoir été laissées par un coup de pied. Enfin, la recourante a produit un devis d'un garagiste, d'un montant de CHF 1'697.50, portant sur des travaux de peinture sur le côté en question.

Face à ces éléments, des indices suffisants convergent vers les accusations de la plaignante, laissant penser que le mis en cause pouvait avoir commis un dommage à la propriété.

Partant, il était prématuré de rendre une ordonnance de non-entrée en matière.

3.             Fondé, le recours sera admis. L'ordonnance querellée sera annulée et la cause renvoyée au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction.

4.             L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP). Les sûretés versées par le recourant lui seront restituées.

5.             La recourante, partie plaignante, assistée d'un avocat, n'ayant ni chiffré ni a fortiori justifié l'indemnité requise pour ses frais de procédure, cette question ne sera pas examinée (art. 433 al. 2 CPP).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours.

Annule l'ordonnance querellée et renvoie la cause au Ministère public pour ouverture d'une instruction.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État et ordonne la restitution à A______ des sûretés versées (CHF 1'000.-).

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président, Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).