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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/23030/2021

ACPR/662/2023 du 21.08.2023 sur OCL/952/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE CLASSEMENT;LÉSION CORPORELLE SIMPLE;VOIES DE FAIT;ABUS D'AUTORITÉ
Normes : CPP.319; CP.123; CP.126; CP.312

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23030/2021 ACPR/662/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 21 août 2023

 

Entre

A______, sans domicile connu, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de classement rendue le 30 juin 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 13 juillet 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 30 juin 2023, notifiée le 3 juillet suivant, par laquelle le Ministère public a classé sa plainte du 25 novembre 2021.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour suite de l'instruction.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Le 25 novembre 2021, A______, détenu à la prison de C______, a déposé plainte contre les gardiens l'ayant conduit en cellule forte le 18 octobre 2021. En substance, il reproche à ces derniers de lui avoir asséné de nombreux coups hors champs couverts par la vidéosurveillance. Après la fouille en cellule forte et durant son isolement, les gardiens l'avaient forcé à rester complètement nu. Il avait aussi été giflé et victime de clés d'épaule très douloureuses. Enfin, les gardiens avaient volé son collier et déchiré ses vêtements.

b. Le 31 mai 2022, l'Inspection générale des services de la police (ci-après: IGS), à qui le Ministère public avait confié l'enquête, a rendu un rapport circonstancié.

b.a. Selon le rapport d'incident du 18 octobre 2021, établi par D______, gardienne, E______, gardien-chef adjoint, avait décidé du placement de A______ en cellule forte ensuite d'insultes proférées à l'encontre de la prénommée. La conduite du détenu s'était effectuée sans contrainte jusqu'à l'ascenseur. Puis, comme A______ avait refusé de se retourner face à la paroi de l'ascenseur, les gardiens avaient été obligés d'utiliser la contrainte. A______ avait résisté. Deux coups de déstabilisation lui avaient été portés au niveau des côtes, puis ce dernier avait été amené au sol, en clé d'épaule, et menotté par derrière. Il avait insulté les gardiens et menacé de frapper le gardien F______. Lors de la fouille, A______ avait été amené au sol puis déshabillé de force. Il avait à nouveau insulté les gardiens et menacé F______. Le service médical avait été avisé.

A______ avait été menotté par le gardien G______, sur ordre du gardien principal H______. F______ avait fait usage de la force (clés de coude et d'épaule). Outre les gardiens précédemment mentionnés, I______ était également présent lors de cette intervention.

b.b. A______ a été sanctionné le jour-même de cinq jours de cellule forte.

Selon deux autres rapports d'incident des 18 et 19 octobre 2021 ainsi que les notifications de sanctions correspondantes, A______ avait encore insulté et menacé le personnel pénitentiaire.

L'intéressé n'a pas recouru contre ces décisions (cf. courriel du 10 février 2022 du gardien-chef adjoint de la prison de C______).

b.c. Selon le constat de lésions traumatiques du 19 octobre 2021 avec photographies, A______ présentait, à l'examen clinique, un érythème de la tempe gauche sans tuméfaction ni ecchymose, un érythème de la cuisse droite de trois centimètres de diamètre, une érosion du genou gauche et des lésions érythémateuses linéaires des deux poignets ainsi que des douleurs, notamment à la palpation de l'articulation acromio-claviculaire gauche et droite ainsi que de l'olécrane gauche.

b.d. Entendu par l'IGS, A______ a expliqué que, le jour des faits, il était sorti de sa cellule, avait été fouillé puis avait cheminé jusqu'à l'ascenseur. Une fois à l'intérieur, il s'était placé dans le coin, face aux gardiens. Un gardien, identifié comme étant F______, au sujet duquel il s'était déjà plaint au directeur, lui avait demandé de se retourner, alors que l'ascenseur était quasiment arrivé au quatrième étage. Ce dernier l'avait poussé et ses collègues étaient intervenus. Le gardien prénommé lui avait donné plusieurs coups de poing dans les côtes gauches. Ses collègues lui avaient aussi donné des coups de poing et de pied sur tout le corps alors qu'il était debout. Il ne se souvenait plus s'il avait reçu des coups au visage. Après, les gardiens l'avaient fait tomber. L'ascenseur s'était ouvert et il s'était relevé. Il avait écarté les bras pour que les gardiens le laissent tranquille mais ces derniers l'avaient à nouveau fait tomber et lui avaient mis les menottes.

En cellule forte, alors qu'il était menotté dans le dos, un gardien, identifié comme étant I______, l'avait fait tomber en effectuant un "balayage" et lui avait tordu le bras lui occasionnant ainsi une blessure au coude. Le côté droit de son visage était contre le sol et un gardien lui avait mis le pied sur le côté gauche de son visage. Un autre gardien avait posé son pied sur son omoplate gauche et un autre lui avait tenu les pieds avec ses pieds. Deux autres gardiens avaient tiré ses bras. Les gardiens, dont F______, l'avaient frappé. Il n'était toutefois pas en mesure d'apporter d'autres précisions sur leurs agissements. Il avait été déshabillé de force et ses vêtements déchirés. Ses jambes et ses mains avaient été entravées au moyen du survêtement de la cellule forte. Le nœud n'était pas serré afin qu'il puisse se libérer. Il avait été humilié d'avoir été forcé à rester nu.

Durant son séjour en cellule forte, son collier en or d'une valeur d'EUR 1'445.-, offert par son épouse, avait disparu. Il n'avait aucun certificat à fournir.

Il contestait avoir menacé F______.

b.e. Compte tenu des déclarations du plaignant, F______ et I______ ont été entendus en qualité de prévenus.

b.e.a. F______, membre de la brigade d'intervention et de surveillance de la prison de C______ (ci-après: BIS) a expliqué avoir emmené A______ en cellule forte, avec son groupe. Après être entré dans l'ascenseur, A______ avait refusé, malgré ses demandes répétées, de se placer face à la paroi, ce conformément à la procédure de sécurité en cas de conduite en cellule forte. Il avait donc saisi son bras gauche, en prise d'escorte, pour le retourner mais le détenu s'y était opposé. Ses collègues étaient intervenus pour le maitriser. Comme A______ avait plaqué ses bras contre son corps, il lui avait asséné deux frappes de déstabilisation au niveau des côtes gauches, ce qui avait permis de l'amener au sol puis de le menotter.

En cellule forte, A______, toujours très agité, avait été amené au sol, de manière contrôlée. Une fois démenotté, tout en étant maintenu au sol, ses habits lui avaient été retirés, sans être abîmés, afin qu'il puisse revêtir le training prévu à cet effet. A______ était complètement nu. Une fois que le dernier gardien avait relâché son étreinte, A______ s'était rué vers eux pour en découdre. La porte avait été fermée entre temps.

A______ n'avait pas été frappé mais maintenu au sol sans être écrasé. I______ n'avait pas "balayé" ni tordu le bras de ce dernier. Il ne se souvenait pas d'un collier porté par le détenu.

Il a déposé plainte contre A______ pour menaces et insultes.

b.e.b. I______, membre de la BIS à l'époque des faits, a expliqué avoir emmené A______ en cellule forte le
18 octobre 2021. Une fois dans l'ascenseur, F______ avait demandé au détenu de se mettre face à la paroi, conformément à la procédure de sécurité. A______ avait refusé, tout en s'opposant activement et en menaçant verbalement son collègue. Au vu de la situation, les gardiens avaient tenté de l'amener au sol. A______ ne s'était pas laissé faire. Les deux frappes de déstabilisation de F______ leur avaient permis de saisir les bras de A______, de l'amener au sol et de le menotter. Aucun autre coup ne lui avait été porté.

En cellule forte, avant de le démenotter, les gardiens lui avaient demandé s'il allait coopérer (fouille, mise des habits et effets personnels dans une caisse etc.). A______ leur avait répondu par la négative, précisant qu'il serait violent envers F______. Les gardiens l'avaient donc amené au sol, de manière contrôlée, soit à genou puis à plat ventre. Une fois couché, ils lui avaient enlevé le bas, l'avaient démenotté puis, alors qu'il était toujours maintenu, lui avaient enlevé le haut. Ses habits n'avaient pas été déchirés et il ne portait pas de collier. Lui-même avait été le dernier à le maintenir au sol. Dès qu'il l'avait lâché, A______ s'était rué en leur direction. Il contestait le balayage ou encore lui avoir tordu le bras. A______ avait été maintenu au sol sans être écrasé. Aucun coup ne lui avait été porté.

A______ avait menacé F______ de mort et l'avait insulté durant toute l'intervention.

b.f. L'IGS a entendu J______ en tant que personne appelée à donner des renseignements, lequel avait supervisé et assisté à toute l'intervention.

Selon le prénommé, le transfert s'était déroulé normalement jusque dans l'ascenseur, où le détenu avait refusé de se placer face à la paroi, malgré de multiples demandes. Il s'agissait d'une procédure standard effectuée en cas de transfert en cellule forte. A______ avait été amené au sol et menotté. Bien qu'il ne se souvienne pas spécifiquement des deux frappes de déstabilisation, il jugeait l'usage de la force et de la contrainte proportionnel et nécessaire à la maitrise de A______, compte tenu de son opposition active.

En cellule forte, les gardiens avaient demandé à A______ s'il allait être suffisamment calme pour se déshabiller. Vu son état d'excitation et pour des raisons de sécurité, il n'avait pas été démenotté avant sa fouille. Les gardiens l'avaient amené au sol de manière contrôlée, soit à genou puis à plat ventre. Aucun coup ne lui avait été porté et A______ n'avait pas été écrasé. Dès qu'il avait été relâché, A______ s'était précipité dans leur direction, les obligeant à refermer la porte rapidement.

b.g. Les enregistrements de vidéosurveillance versés à la procédure montrent qu'une palpation de sécurité de A______ a été réalisée à sa sortie de cellule. A______ ne semble pas porter de bijou en métal doré autour du cou. Les gardiens et A______ ont marché jusqu'à l'ascenseur dans le calme. Une fois dans l'ascenseur, A______ s'est placé face aux gardiens. Avant que l'ascenseur démarre, F______ – lequel porte un masque – a fait signe au détenu, avec ses mains, de se retourner. A______, qui porte également un masque, par un signe des mains du haut vers le bas, lui indique qu'il n'entend pas bouger. La porte de l'ascenseur se referme et F______ continue de demander à A______ de s'exécuter, en vain. F______ saisit alors le bras gauche de A______, lequel ne se laisse pas faire. D'autres gardiens agrippent le détenu dans le but de l'amener au sol mais ce dernier résiste. F______ tente de faire pression sur l'épaule droite de A______ après avoir lâché son bras gauche. N'y parvenant pas, il lui assène deux frappes de déstabilisation, soit une au niveau de l'omoplate gauche et l'autre dans le flanc gauche, ce qui permet aux autres gardiens de l'amener au sol. Le gardien principal H______ saisit les jambes de A______, qui tente de se relever; F______ maintient son bras gauche, avec l'aide d'un collègue, et G______ le droit, afin que A______ soit menotté. A______ est escorté par les gardiens en cellule forte. Certains gardiens entrent dans la cellule avec A______; le gardien-chef adjoint E______ observe l'intervention depuis l'entrée de celle-ci.

b.h. L'IGS a encore relevé que:

- tout le parcours relatif au transfert de A______ le
18 octobre 2021 était couvert par des caméras, à l'exception de l'intérieur de la cellule forte;

- l'ordre de service B 5 de la prison de C______ du 12 novembre 2018 sur le processus de placement en cellule forte – annexé au rapport – prévoit que lorsqu'un détenu fait de l'opposition passive ou active à un ordre licite, l'utilisation des moyens de contrainte est appliquée en dernier recours (ch. 3.2.1.). En outre, la fouille à nu et le fait de revêtir un training en cellule forte sont des étapes faisant partie de la mise en cellule forte (ch. 3.2.2.);

- selon son dépôt, A______ ne possédait aucun bijou à son arrivée à C______;

- contrairement à ses alléguations, A______ ne s'était jamais plaint du comportement de F______ à son égard (cf. courriel du 20 mai 2022 du gardien-chef adjoint);

- les dermabrasions et les érythèmes présentés par A______ étaient superficiels et certainement dus à des frottements. Leur nature venait confirmer ses explications, selon lesquelles les gardiens avaient dû faire usage de la force dans l'ascenseur et en cellule forte. Le constat médical ne relevait toutefois aucun hématome sur le corps de A______ et les frappes de déstabilisation n'avaient donné lieu à aucune lésion;

- le résultat de l'enquête semblait démontrer que les allégations de A______ envers les gardiens ne correspondaient pas au déroulement des faits.

c. Le 14 juin 2022, le Ministère public a ordonné l'ouverture d'une procédure pénale contre I______ et F______ pour abus d'autorité (art. 312 CP), lésions corporelles simples (art. 123 CP), vol (art. 139 CP) et dommages à la propriété (art. 144 CP).

Par avis du même jour, il a informé les parties de son intention de classer la procédure.

d. Dans le délai imparti, A______ a sollicité l'audition des gardiens précités ainsi que du directeur de la prison.

e. Le Ministère public a entendu les prévenus en l'absence de A______, qui avait refusé d'être convoyé au Ministère public, lesquels ont confirmé leurs déclarations.

À l'issue de l'audience, un délai au 13 février 2023 était imparti aux parties pour faire parvenir leurs demandes d'indemnité.

f. Des extraits de la procédure P/1______/2021, ouverte contre A______ ensuite de la plainte déposée le 18 octobre 2021 par F______, ont été versés à la procédure.

f.a. Entendus dans ce cadre, H______ et G______ ont, en substance, confirmé les déclarations de leurs collègues, soit notamment que A______ avait refusé de se retourner contre la paroi de l'ascenseur, conformément à la procédure de mise en cellule forte, puis qu'il avait résisté activement. F______ avait été contraint de lui asséner deux coups de déstabilisation pour qu'il puisse être maitrisé et amené au sol. En cellule forte, comme il se montrait récalcitrant, il avait été agenouillé puis amené au sol, où il avait été maintenu pour être fouillé. Une fois relâché, il avait foncé en direction de la porte.

f.b. Par jugement du 17 février 2023, entré en force, rendu ensuite de l'opposition qu'il a formée contre l'ordonnance pénale du 14 novembre 2022, A______ a été reconnu coupable de violence ou menace contre les fonctionnaires s'agissant des faits dénoncés par F______.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que les lésions constatées le 19 octobre 2021, qui n'atteignaient pas l'intensité nécessaire pour être qualifiées de lésions corporelles simples, avaient été causées par l'intervention des gardiens, dans l'ascenseur puis dans la cellule forte, qui avaient dû faire usage de la force physique pour maîtriser et menotter A______.

Les gardiens s'étaient limités aux actes strictement nécessaires (deux frappes de déstabilisation et des clés de bras pour le mettre au sol et le déshabiller) pour maitriser A______, lequel avait refusé de se placer face à la paroi de l'ascenseur, malgré leurs nombreuses demandes, puis de se déshabiller en cellule forte, contrairement au protocole prévoyant une fouille complète obligatoire dans ce cas. Leur tâche accomplie, les gardiens l'avaient relâché et avaient quitté la cellule. L'usage de la contrainte était dès lors légitime et proportionnel. Les blessures causées à A______ étaient couvertes par la mission des gardiens (art. 14 CP). Dans ce contexte, il n'y avait pas de place pour un quelconque abus d'autorité, ce d'autant plus que A______ avait été sanctionné pour son comportement et condamné pénalement.

Le Ministère public a aussi écarté les infractions de vol et de dommage à la propriété. Il a, pour le surplus, rejeté la réquisition de preuve de A______, soit l'interpellation du directeur de la prison de C______ quant à l'admissibilité du comportement des gardiens.

D. a. À l'appui de son recours, A______ expose que des faits constitutifs d'abus d'autorité et de lésions corporelles simples – et non de voies de fait – ressortaient des images de vidéosurveillance et des constats médicaux, dès lors qu'il avait présenté des "hématomes et des douleurs continues de toute la structure osseuse de l'épaule".

Bien qu'il ait été surpris de devoir s'astreindre à une mesure qu'il ne connaissait pas – soit de se mettre face à la paroi de l'ascenseur –, il s'était contenté d'exprimer son incompréhension, laquelle était légitime, dès lors qu'aucun motif ne justifiait cette mesure, compte tenu de son attitude calme. Les gardiens avaient motivé l'usage de la force au motif qu'il aurait été "agité" et constituait un danger. Or, il avait manifesté une résistance uniquement ensuite de son refus de se retourner. Cette mesure était d'autant plus dénuée de sens vu la durée du trajet en ascenseur (quelques secondes) et le fait que celui-ci était déjà arrivé à destination au moment où les gardiens lui avaient porté les coups de déstabilisation et l'avaient mis à terre.

Il réitère sa demande tendant à l'audition du directeur de la prison s'agissant de l'admissibilité du comportement des gardiens, dont il était responsable. En outre, comme le directeur était au courant des bonnes relations qu'il entretenait avec les gardiens, ce dernier pouvait témoigner de la non-nécessité de lui demander de se retourner face à la paroi de l'ascenseur, ce d'autant que cette obligation n'était spécifiée dans aucun règlement.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. La Chambre de céans constate que le recourant ne remet pas en cause l'ordonnance de classement querellée en tant qu'elle concerne les chefs de vol et de dommage à la propriété, dès lors qu'il ne développe aucun argument visant à démontrer la réalisation de ces infractions. Ce point n'apparaissant plus litigieux, il ne sera pas examiné plus avant dans le présent arrêt (art. 385 al. 1 let. a CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir classé sa plainte s'agissant des lésions corporelles simples et de l'abus d'autorité reprochés aux deux gardiens.

3.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a), lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b) ou lorsque des faits justificatifs empêchent de retenir une infraction contre le prévenu (let. c).

Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2 et les références citées).

3.2.1. Se rend coupable de lésions corporelles simples celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé (art. 123 ch. 1 CP).

3.2.2. Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 26 ; ATF 117 IV 14 consid. 2a p. 15 ss).

3.3. L'art. 312 CP réprime les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, auront abusé des pouvoirs de leur charge.

Cette disposition protège, d'une part, l'intérêt de l'État à disposer de fonctionnaires loyaux qui utilisent les pouvoirs qui leur ont été conférés en ayant conscience de leur devoir et, d'autre part, l'intérêt des citoyens à ne pas être exposés à un déploiement de puissance étatique incontrôlé et arbitraire. L'incrimination pénale doit être interprétée restrictivement, compte tenu de la formule très générale qui définit l'acte litigieux. L'auteur n'abuse ainsi de son autorité que lorsqu'il use de manière illicite des pouvoirs qu'il détient de sa charge, c'est-à-dire lorsqu'il décide ou contraint en vertu de sa charge officielle dans un cas où il ne lui était pas permis de le faire. L'infraction peut aussi être réalisée lorsque l'auteur poursuit un but légitime, mais recourt pour l'atteindre à des moyens disproportionnés (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa et b et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1351/2017 du 18 avril 2018 consid. 4.2).

Du point de vue subjectif, l'infraction suppose un comportement intentionnel, au moins sous la forme du dol éventuel, ainsi qu'un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite ou le dessein de nuire à autrui (arrêt du Tribunal fédéral 6B_699/2011 du 26 janvier 2012 consid. 1.1). Il faut admettre que l'auteur nuit à autrui dès qu'il utilise des moyens excessifs, même s'il poursuit un but légitime. Le motif pour lequel l'auteur agit est ainsi sans pertinence sur l'intention, mais a trait à l'examen de la culpabilité (arrêts du Tribunal fédéral 6B_579/2015 du 7 septembre 2015 consid. 2.2.1 et 6B_699/2011 du 26 janvier 2012 consid. 1.3.3). La jurisprudence retient un dessein de nuire dès que l'auteur cause par dol ou dol éventuel un préjudice non négligeable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_987/2015 du 7 mars 2016 consid. 2.6 ; 6B_831/2011 du 14 février 2012 consid. 1.4.2 ; 6S.885/2000 du 26 février 2002 consid. 4a/bb ; ATF 99 IV 13).

3.4.1. Aux termes de l'art. 14 CP, quiconque agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du présent code ou d'une autre loi. En ce qui concerne le devoir de fonction, c'est le droit cantonal qui détermine, pour les agents publics cantonaux, s'il existe un devoir de fonction et quelle en est l'étendue (ATF 121 IV 207 consid. 2a).

3.4.2. À Genève, l'art. 7 al. 1 let. a de la loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires (LOPP; RSG F 1 50) prévoit que le personnel pénitentiaire est chargé d'assurer les tâches de surveillance interne et externe, de maintien de l'ordre, de conduite et de sécurité intérieure au sein des établissements. Selon l'art. 27 du règlement sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires (ROPP; RSG F 1 50.01), les membres du personnel pénitentiaire ne peuvent employer la force et les moyens de contrainte qu'en dernier recours, lorsque toute autre mesure visant à rétablir l'ordre et la sécurité, tel le dialogue ou la négociation, a échoué (al. 1); le recours à la force et aux moyens de contrainte doit être conforme au principe de proportionnalité (al. 2).

L'art. 42 du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées (RRIP; RSG F 1 50.04) précise que les détenus doivent notamment observer les ordres du personnel pénitentiaire.

3.5. En l'espèce, le recourant soutient que les lésions qu'il a subies seraient constitutives de lésions corporelles simples et non de voies de fait. Or, contrairement à ce qu'il allègue, il ne ressort aucunement du constat médical du 19 octobre 2021 – le seul produit dans le cadre de la procédure – qu'il aurait présenté des hématomes ou des "douleurs continues de toute la structure osseuse de l'épaule" à la suite de l'intervention des gardiens. Ainsi, les lésions constatées, qui s'apparentent à de simples rougeurs et égratignures, n'atteignent pas le seuil d'intensité nécessaire pour être qualifiées de lésions corporelles simples.

Quoiqu'il en soit, indépendamment de la qualification de ces lésions – non pertinente en l'occurrence –, rien ne permet de retenir que celles-ci auraient été infligées dans les circonstances décrites par le recourant.

Il ressort de l'instruction, en particulier des images de la vidéosurveillance et des déclarations des prévenus, que le 18 octobre 2021, des gardiens – dont les prévenus – se sont présentés à la porte de la cellule du recourant pour le conduire en cellule forte, ensuite d'une sanction prononcée le même jour. La fouille effectuée devant sa cellule ainsi que le trajet les menant à l'ascenseur se sont déroulés dans le calme.

Une fois dans l'ascenseur, avant que celui-ci n'ait démarré, F______ a demandé au recourant de se placer face à la paroi. Le recourant, qui admet avoir refusé de s'exécuter, explique avoir exprimé son incompréhension face à une mesure qu'il ne connaissait pas et qu'il n'estimait pas légitime. Or, il n'appartient pas au recourant de juger de la nécessité d'un ordre donné par un gardien, au moment où celui-ci est donné, ce d'autant qu'il ressort des images de la vidéosurveillance que ce dernier semble lui avoir expliqué, voire, répété à plusieurs reprises de s'exécuter. En tout état, contrairement à ce que soutient le recourant, il n'apparait pas "dénué de sens" de demander à un détenu de se placer face à la paroi interne de l'ascenseur en cas de transfert en cellule forte, ce conformément à la pratique, pour des raisons de sécurité ou encore d'anticipation d'un geste brusque; on ne voit pas pourquoi pareille exigence des gardiens aurait dû pouvoir se fonder sur un règlement plus explicite que les dispositions précitées du ROPP et RRIP. Face à cette non-coopération du recourant, F______ a été contraint de saisir le bras gauche de ce dernier dans le but de l'amener à se retourner. Puis, ce n'est qu'en raison de la résistance du recourant que les autres gardiens sont intervenus. Compte tenu de l'opposition du recourant, qui avait notamment plaqué ses bras contre son corps pour empêcher les gardiens de le maitriser, F______ a été contraint d'asséner deux frappes de déstabilisation, soit une à l'omoplate gauche et une dans le flanc gauche, ce qui a permis de saisir ses bras et l'amener au sol, où il a encore continué de se débattre. Le recourant a finalement été menotté.

Une fois dans la cellule, les prévenus ont affirmé, de manière constante et concordante, que le recourant était toujours très excité. Ces déclarations ont été confirmées par l'ensemble des gardiens entendus. Aucun coup ne lui a été porté en ce lieu. Le recourant a été amené au sol en deux temps, où il a été maintenu, sans être écrasé, afin d'être fouillé.

Au vu de ce qui précède, ses blessures résultent manifestement de l'intervention des prévenus, soit plus précisément des frappes de déstabilisation de F______, des tentatives des gardiens de le maitriser, notamment dans l'ascenseur ou en cellule forte, lorsqu'il a été mis à genou puis à plat ventre et maintenu au sol pour être fouillé.

En conséquence, l'intervention des gardiens s'est limitée à la neutralisation du recourant, lequel s'était opposé à une injonction d'un des prévenus dans l'ascenseur puis n'a pas coopéré à sa fouille en cellule forte. Le recourant n'ayant pas obtempéré, les gardiens ont dû procéder fermement pour tenter de le maitriser. Ses blessures ont ainsi été provoquées dans le cadre de mesures licites et proportionnées. Les actes autorisés par la loi n'étant pas punissables (art. 14 CP), il n'existe pas de prévention pénale suffisante sur ce point.

Le recourant invoque également un abus d'autorité, mais les faits retenus ne révèlent pas d'acte par lequel les prévenus auraient abusé des pouvoirs qui leur étaient conférés puisque, compte tenu de la situation et devant la résistance opposée par le recourant, ils ont été contraints d'employer la force, pour tenter de le maitriser, l'escorter en cellule forte et procéder à sa fouille. Ainsi, la contrainte était rendue nécessaire par l'attitude du recourant. Aucun élément du dossier ne permet de penser que les gardiens auraient violé le principe de la proportionnalité ni qu'ils auraient eu l'intention de nuire au recourant, car ils se sont conformés aux pratiques et procédures internes applicables en la matière.

Compte tenu de ce qui précède, l'audition du directeur de la prison de C______ n'apparait pas pertinente pour juger du comportement des gardiens, ce d'autant que ce dernier n'a pas assisté aux faits. En outre, les bonnes relations qu'entretiendraient le recourant avec les gardiens, le fait qu'ils ne lui auraient jamais demandé de se retourner dans l'ascenseur lors de précédents transferts ou encore le calme dont il a fait preuve durant la première partie du trajet ne permettent pas de considérer que le recourant était en droit de s'opposer à un ordre, légitime, qui lui était donné par un gardien, ce quand bien même ladite pratique ne figure pas dans un règlement écrit.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.-, pour tenir compte de sa situation financière (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6.             La procédure étant close (art. 135 al. 2 CPP), il convient de fixer l'indemnisation du conseil juridique gratuit pour son activité.

6.1. À teneur de l'art. 135 al. 1 CPP, applicable par le renvoi de l'art. 138 CPP, le conseil juridique gratuit est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, le tarif est édicté à l'art. 16 RAJ (E 2 05 04); il prévoit une indemnisation sur la base d'un tarif horaire de
CHF 110.- pour un avocat-stagiaire (art. 16 al. 1 let. a RAJ). Seules les heures nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction, notamment, de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ).

6.2. En l'occurrence, l'avocat d'office n'a pas chiffré son intervention pour la procédure de recours.

Compte tenu de l'activité déployée, soit de l'écriture de recours, signée par l'avocat-stagiaire qui comprend 5 pages consacrées à la discussion juridique, et de l'issue du recours, qui a été rejeté, l'indemnité sera fixée à CHF 473.90, correspondant à quatre heures d'activité au tarif avocat-stagiaire, TVA à 7.7% comprise.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours arrêtés à CHF 500.-.

Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de
CHF 473.90 TTC.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/23030/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00