Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
PS/68/2023

ACPR/647/2023 du 17.08.2023 ( PSPECI ) , REJETE

Descripteurs : MESURE THÉRAPEUTIQUE INSTITUTIONNELLE;RISQUE DE RÉCIDIVE
Normes : CP.59

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/68/2023 ACPR/647/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 17 août 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu à l'Établissement pénitentiaire de B______, représenté par Me C______, avocate,

recourant,

 

contre la décision de refus de passage en milieu ouvert rendue le 25 mai 2023 par le Service de l'application des peines et mesures,

 

et

LE SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES ET MESURES, case postale 1629, 1211 Genève 26,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 9 juin 2023, A______ recourt contre la décision du 25 mai 2023, notifiée le 30 suivant, par laquelle le Service de l'application des peines et mesures (ci-après: SAPEM) a refusé son passage en milieu ouvert.

Le recourant conclut, avec suite de frais, préalablement, à l'octroi de l'assistance judiciaire, à la nomination de MC______ en qualité de défenseur d'office, et à ce que le SAPEM se voit enjoindre de verser l'intégralité du dossier à la présente procédure; principalement, à l'annulation de la décision querellée et à ce que son retour à l'unité D______ de la Clinique de E______ soit ordonné, sans délai; subsidiairement, à ce que le dossier soit renvoyé au SAPEM pour instruction complémentaire afin de procéder, dans les meilleurs délais, à un bilan de phase et/ou à l'actualisation du plan d'exécution de sa mesure et au prononcé d'une décision d'exécution en milieu ouvert.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par arrêt du 19 juin 2014 (AARP/335/2014), la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice a reconnu A______, ressortissant portugais, coupable de meurtre, mise en danger de la vie d'autrui, infraction à l'art. 33 LArm et infraction à l'art. 19 al. 1 LStup, le condamnant à une peine privative de liberté de dix ans et ordonnant qu'il soit soumis à un traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 CP.

b. Dans un rapport d'expertise psychiatrique du 15 mars 2018, A______ est décrit comme souffrant de schizophrénie paranoïde, de troubles mixtes de la personnalité, de troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation de dérivés du cannabis et d'opiacés. Le risque de récidive "d'actes violents" en rapport avec le trouble de la personnalité était "très faible à court terme" et dépendant de l'évolution des facteurs de risque environnementaux à plus long terme. La stabilisation de ses troubles était une priorité pour réduire le risque de récidive. Une mesure thérapeutique institutionnelle en milieu ouvert était recommandée.

c. Par jugement du 5 juillet 2018 (PM/497/2018), le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après: TAPEM) a levé la mesure de traitement ambulatoire au profit d'une mesure de traitement institutionnelle au sens de l'art. 59 CP.

d. Le 16 octobre 2018, le SAPEM a ordonné l'exécution de la mesure thérapeutique institutionnelle en milieu ouvert et octroyé à A______ un régime de sorties accompagnées.

Le 22 suivant, A______ a été transféré à l'unité D______ de la Clinique E______.

e. Lors de son séjour, plusieurs incidents ont été rapportés au SAPEM par le Service des mesures institutionnelles (ci-après: SMI) :

e.a. Les 4 et 11 mai 2022, A______ avait "fugué". Il avait de grandes difficultés à respecter le cadre des sorties seul sur le domaine. Lors de la première "fugue", il était revenu seul dans l'unité après une heure environ et, lors de la seconde, il avait consommé de la bière. A______ se trouvait en outre dans "un contexte sentimental difficile à élaborer pour lui qui le met[tait] en porte à faux avec les objectifs de [l'unité] D______".

e.b. Le 26 mai 2022, A______ avait agressé un autre patient, dans un contexte de rivalité à propos d'une résidente de l'unité avec laquelle il entretenait une liaison.

e.c. Le 29 juillet 2022, une dispute avait éclaté entre A______ et la résidente précitée, étant précisé qu'aucun témoin n'avait assisté à la scène et que les versions divergeaient entre les deux protagonistes. Selon l'équipe de soignants, la patiente s'était sentie agressée, tandis que selon A______, il voulait lui confisquer de l'argent pour l'empêcher d'acheter de l'alcool et ainsi la protéger. Le prénommé avait brûlé un billet de vingt francs, les deux s'étaient empoignés et la patiente serait tombée à terre, se blessant au visage. Elle n'avait pas souhaité porter plainte, "craignant des représailles", étant précisé que le même schéma s'était produit lors de l'épisode du 26 mai 2022. Face à "l'extrême banalisation" des faits par A______, associée à une forte tension psychique, il avait été décidé de le ré-admettre à l'unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire (ci-après: UHPP) – il y avait déjà séjourné du 3 au 21 juin 2022 par suite d'un placement à des fins d'assistance ("PAFA") en raison "d'un intense et persistant état de tension intérieure associé à une dangerosité pour autrui" –. Lors de l'annonce de cette décision, A______ avait pris la fuite, avant d'être ramené par la police environ une demi-heure plus tard. "[La Clinique] E______ représent[ait] un facteur de dangerosité supplémentaire dans son cas, en raison de relations complexes, faites notamment d'emprise et d'intimidation".

f. Dans un rapport du 8 août 2022, le SMI a constaté une détérioration de l'état psychique de A______, une baisse de sa collaboration et plusieurs cas d'agressivité vis-à-vis de certains soignants, lesquels craignaient pour leur sécurité en présence du prénommé, qui tiendrait "un discours d'allure plaquée, distancié des émotions et en discordance avec ses actes". A______ était anosognosique et se positionnait en tant que victime, se disant persécuté par ses thérapeutes. Le prénommé appréhendait un éventuel renvoi au Portugal, ce qui pouvait constituer un facteur de crise.

g. Le même jour, le SAPEM a ordonné la réintégration de A______ en milieu pénitentiaire fermé, à titre de mesure conservatoire.

Il a été transféré à la prison de F______, le 23 août 2022.

h. Entendu, par le SAPEM, le 12 août 2022, A______ a expliqué, s'agissant des faits survenus le 26 mai 2022, que son amie subissait des agressions répétées dans sa chambre par un patient, sans obtenir de l'aide du personnel soignant. Il avait réfléchi pour aboutir à la solution de donner "trois gifles à l'individu". Lors de son hospitalisation subséquente, il s'était rendu compte qu'il n'aurait pas dû agir de cette manière. À son retour de l'UHPP, il avait tenu ses engagements et adopté un bon comportement, comprenant qu'il ne pouvait pas rendre justice lui-même. En outre, il a contesté avoir agressé la patiente lors de l'incident du 29 juillet 2022. Celle-ci était alcoolisée et il avait voulu l'empêcher d'acheter davantage d'alcool, raison pour laquelle il avait brûlé le billet de vingt francs. Son amie avait pris des bijoux et une tablette lui appartenant dans le but de les échanger contre de l'alcool. Il avait récupéré ses objets et elle s'était agrippée à ses bras avant de tomber lorsqu'il avait cherché à se dégager. Enfin, ses fugues ne visaient pas à se soustraire à la mesure mais à rendre visite à son avocate.

i. Par arrêt du 16 août 2022, le SAPEM a révoqué sa décision du 16 octobre 2018 (cf. let. B.d. supra) et ordonné l'exécution de la mesure thérapeutique institutionnelle prononcée le 5 juillet 2018 (cf. let. B. c. supra) en milieu fermé, le risque de récidive devant être considéré comme concret et avéré.

j. Par arrêt du 21 septembre 2022 (ACPR/639/2022), la Chambre de céans a confirmé la décision susmentionnée.

k. Dans un compte rendu du 19 septembre 2022, le SMI a relevé que depuis son dernier rapport du 8 août 2022 (cf. let. B. f. supra), l'anosognosie de A______ s'était altérée. Ce dernier avait exprimé, à plusieurs reprises, des doutes quant à son diagnostic et au traitement médicamenteux dont il bénéficiait. Le lien entre ses difficultés psychologiques actuelles et le risque de passage à l'acte semblait difficile à identifier pour lui, qui attribuait à des causes externes la perte de maîtrise dont il avait récemment fait preuve.

l. Par jugement du 18 octobre 2022 (PM/1002/2022), le TAPEM a ordonné la poursuite du traitement institutionnel jusqu'au prochain contrôle annuel, étant rappelé qu'en l'état la mesure était valable jusqu'au 4 juillet 2023.

Lors de son audition par-devant le TAPEM, du même jour, A______ avait indiqué, concernant les deux incidents survenus à E______ – les 26 mai et 29 juillet 2022 –, regretter le fait de ne pas avoir su mieux gérer la situation et ses émotions.

m. Selon le compte rendu du 6 décembre 2022 d'un intervenant de la prison de F______, A______ était décrit comme un solitaire se comportant de manière adéquate et polie avec le personnel. Depuis le 20 septembre 2022, il travaillait à l'atelier de reliure, où il était "très volontaire et n'hésit[ait] pas à se dévouer". La qualité du travail fourni avait surpris en bien. Cependant, depuis son retour de congé maladie le 17 novembre 2022, le comportement de l'intéressé avait changé. Il avait le regard noir et montrait des signes de persécution, disant régulièrement être menacé de mort "par le secteur Sud" et qu'à "la nuit tombée, de la fumée sort[ait] des bouches d'aération de sa cellule ce qui l'empêch[ait] de respirer". Il avait également tendance à bâcler son travail désormais.

n. Dans un rapport du 16 décembre 2022, le Service de médecine pénitentiaire (ci-après: SMP) a noté que l'évolution globale du patient restait médiocre tant du point de vue de la gestion de la symptomatologie psychiatrique que de sa position face aux délits commis. Il nécessitait un cadre adapté à sa pathologie psychiatrique, que F______ ne pouvait lui offrir.

o. Le 19 décembre 2022, A______ a été transféré à B______.

p. Selon le rapport d'expertise psychiatrique du 14 février 2023, le discours de A______ était orienté par un idéal (l'image idéale) qu'il voulait avoir de lui et que l'autre ait de lui. Dans le cadre de sa prise en charge en milieu ouvert, les observations témoignaient d'un homme qui n'avait jamais été significativement et durablement "compensé" ou alors qui n'était pas "apaisé" lorsqu'il pouvait l'être. Le risque de violence était significativement lié à la stabilisation de son trouble psychique et à ses capacités à gérer des facteurs de stress. Le risque de récidive était faible lorsque A______ était stabilisé et modéré à élevé en cas de décompensation de son trouble conjugué à des évènements déstabilisant que le prénommé ne parvenait pas à traiter par la parole. Lors des actes commis en 2022, il présentait des signes de décompensation de sa schizophrénie et vivait une relation affective qui le fragilisait. Par ailleurs, le déroulement de la mesure – plusieurs épisodes de décompensation psychiatrique – avait mis en exergue qu'aucune médication prescrite n'était réellement/durablement efficace "sur la clinique de sa psychose" mais pouvait réduire significativement les débordements et envahissements anxieux et, de fait, contribuait à la réduction d'un risque de passage à l'acte. Les décompensations n'étaient pas, dans l'ensemble, à l'origine de passages à l'acte hétéro-agressif. De manière générale, A______ restait vulnérable et dépendant du cadre dans lequel il évoluait. Le risque de récidive se situait entre moyen et élevé; il convenait de poursuivre un travail autour de "la séparation/différenciation". L'obtention d'une stabilité psychique dans le cadre fermé de B______ et le travail actuel amorcé permettaient d'envisager – dans les 4 à 6 mois – un retour en milieu ouvert, lorsque les effets de ce travail seraient renforcés ou ancrés. Cependant, en l'état, le maintien de la mesure au sens de l'art. 59 CP restait indiqué et nécessaire.

q. Par courrier du 6 mars 2023, A______ a sollicité la poursuite de sa mesure en milieu ouvert. Se fondant sur l'expertise susmentionnée, il considérait que le risque de récidive existant – faible, modéré ou élevé – et la dangerosité inhérente à celui-ci – un éventuel passage à l'acte ne serait pas particulièrement violent – n'y faisaient pas obstacle. Par ailleurs, il nécessitait un cadre structurant. Or, celui offert par E______ était vraisemblablement plus adapté que celui de B______, du point de vue du traitement de ses troubles psychiques et physiques.

Enfin, il entendait poursuivre ses efforts afin que son état (physique et psychique) évolue favorablement. Il était conscient de devoir travailler sur les problématiques relevées par les experts et avait l'intention de s'investir pleinement avec ses soignants.

r. Dans son rapport du 23 mars 2023, le SMI a considéré qu'il était trop tôt pour apprécier l'évolution clinique de A______ vu son arrivée récente à B______. Il a néanmoins relevé que l'intéressé s'était rapidement adapté au cadre de l'établissement, participait de manière active et très ponctuelle aux activités individuelles. Peu après son arrivée et dans le cadre d'un réajustement thérapeutique, une symptomatologie délirante était apparue avec des idées de persécution. L'adaptation du traitement était toujours en cours. A______ restait partiellement anosognosique, tout en acceptant le traitement neuroleptique.

s. En parallèle à la demande de A______, différents préavis ont été rendus, dans le cadre de l'examen annuel de la mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l'art. 59 CP.

t.a. La direction de B______ a, le 24 avril 2023, préconisé le maintien de la mesure et la poursuite du séjour au sein de l'établissement. Le comportement de A______ était bon. Il en allait de même dans les relations avec ses pairs et les professionnels. Il travaillait au nettoyage, ainsi qu'à l'épicerie. Il n'avait pas fait de demande de formation. Une première réunion de réseau était prévue pour le 23 octobre 2023.

t.b. Le 4 mai 2023, le SAPEM a, quant à lui, préavisé favorablement la prolongation du traitement institutionnel, pour trois ans, durée qui semblait adéquate, proportionnée et nécessaire pour réaliser les objectifs de la mesure. Vu l'arrivée récente de A______ à B______, intervenue dans le cadre d'une réintégration en milieu fermé, le maintien de la mesure demeurait nécessaire afin de stabiliser l'état psychologique du prénommé et de poursuivre les objectifs thérapeutiques attendus, conformément à l'expertise psychiatrique du 14 février 2023.

C. Dans sa décision querellée, le SAPEM relève que depuis le retour en milieu fermé de A______, aucun bilan de phase n'avait été réalisé, en raison de son arrivée récente. Or, vu l'échec du placement en milieu ouvert, l'élaboration de ce document s'avérait nécessaire afin de déterminer la suite du régime progressif ainsi que les objectifs et conditions à respecter par le concerné.

S'agissant du risque de récidive, A______ restait de manière générale vulnérable et dépendant du cadre dans lequel il évoluait. Les recommandations des experts afin de réduire le risque et d'envisager un passage en milieu ouvert n'étaient, en l'état, pas réalisées. En outre, malgré son bon comportement au sein de l'unité et ses bonnes relations avec les intervenants, il restait partiellement anosognosique de son trouble, ne reconnaissant pas son dernier passage à l'acte. Il n'avait ainsi pas entamé un travail introspectif suffisant à ce jour.

Concernant le risque de fuite, A______ avait fait l'objet d'un renvoi de Suisse qu'il avait du mal à accepter et anticipait avec beaucoup d'inquiétude son retour au Portugal, qui interviendrait dès qu'il ne ferait plus l'objet d'un traitement institutionnel au sens de l'art. 59 CP. En outre, il avait pris la fuite le 3 août 2022, à l'évocation de son hospitalisation à l'UHPP, ne revenant qu'avec le concours de la police. Il risquait ainsi de se soustraire à la mesure pénale lorsqu'il n'était pas d'accord avec les décisions prises. Partant, en l'absence d'un travail thérapeutique suffisamment renforcé et d'une stabilité de son état clinique, le placement en milieu ouvert n'apparaissait pas compatible avec un risque de fuite.

D. a. Dans son recours, A______ constate que son état psychique était difficile à stabiliser entièrement malgré le respect des traitements et que des phases de décompensation existaient encore. Cependant, le risque de récidive ne pouvait être considéré comme qualifié et concret. Il était plutôt faible lorsque son état psychique était "bien compensé". Les évènements de 2022 devaient plutôt être considérés comme des difficultés passagères, ce qui était corroboré par, d'une part, le fait que les autorités n'avaient pas jugé nécessaire d'adapter le plan d'exécution de sa sanction ou d'effectuer de réunions de réseau après les évènements; et d'autre part, l'avis des experts selon lequel un retour en milieu ouvert était envisageable dans les 4 à 6 mois. D'ailleurs, auparavant, sa situation avait été gérée sans problème à E______. Quant à son anosognosie partielle et à l'absence de reconnaissance de son dernier passage à l'acte, il avait reconnu avoir "dérapé" et faisait tout pour que cela ne se reproduise plus.

Pour ce qui était du risque de fuite, il devait largement être relativisé car il n'avait jamais eu la ferme et durable intention de s'évader de E______. Vu ses problèmes de santé, il ne disposait d'ailleurs pas des facultés intellectuelles, physiques et psychiques lui permettant d'établir un plan de fuite et de le mener à bien. Le fait d'être parti en courant après l'annonce de son hospitalisation relevait d'un "coup de tête", lié à son état de détresse psychique. En outre, vu son état de santé, il lui était impossible de disparaître dans la clandestinité.

Les conditions du risque de récidive et de fuite n'étaient donc pas remplies.

Par ailleurs, il était nécessaire qu'un bilan de phase et/ou l'actualisation du plan d'exécution de sa mesure soit réalisé, dans les meilleurs délais, afin qu'une nouvelle décision soit rendue en tenant compte de ces éléments. Vu l'expertise du 23 février 2023 indiquant un retour possible en milieu ouvert dans les 4 à 6 mois, la première réunion de réseau, prévue le 23 octobre 2023, apparaissait fixée dans un délai disproportionné.

Enfin, étant indigent, il sollicite d'être mis au bénéfice de l'assistance juridique dans le cadre de la procédure de recours.

b. Dans ses observations, le SAPEM se réfère intégralement à sa décision. Si le cadre de E______ avait été suffisant avant l'année 2022 pour "gérer" les états de décompensation de A______, en l'absence d'évènements déstabilisants, cela n'avait pas été le cas lorsqu'il avait été fragilisé et déstabilisé par la nouvelle dynamique relationnelle rencontrée – relation sentimentale avec une autre patiente –. En outre, les incidents survenus en 2022 ne pouvaient être considérés comme des difficultés passagères. A______ avait commis des actes violents – les 26 mai et 29 juillet 2022 – sur d'autres patients et ce, alors qu'il se trouvait en milieu ouvert. Cela étant, bien que la médication administrée à A______ n'était pas en mesure de stabiliser son état de manière durable, elle permettait néanmoins de diminuer le risque de récidive violent ou non-violent. Par ailleurs, le fait pour le recourant d'avoir admis qu'il avait "dérapé" ne diminuait pas le risque de récidive, étant précisé qu'il adoptait un discours guidé par l'idéal. De plus, malgré qu'après l'incident du 26 mai 2022 il eût déclaré "se rendre compte qu'il n'aurait pas dû agir de cette manière", il avait usé de la violence une seconde fois le 29 juillet 2022.

Enfin, la décision querellée avait tenu compte de l'ensemble des éléments au dossier, en particulier le rapport d'expertise du 14 février 2023, les rapports des intervenants –SMI du 24 mars 2023 et direction de l'EPFC du 24 avril 2023 –. L'élaboration d'un bilan de phase n'aurait apporté aucune plus-value à son appréciation, ledit document se fondant sur les avis et observations des intervenants précités.

c. A______ n'a pas répliqué.

 

EN DROIT :

1. La Chambre de céans connaît, en vertu de l'art. 42 al. 1 let. a LaCP, des recours dirigés contre les décisions rendues par le département de la sécurité, ses offices et ses services. Conformément à l'article 40 LaCP (art. 439 al. 1 CPP), les articles 379 à 397 CPP s'appliquant par analogie. Pour le surplus, la loi sur la procédure administrative (LPA; RS E 5 10) est applicable (art. 40 al. 4 LaCP).

Le recours est en l'espèce recevable pour être dirigé contre une décision rendue par le SAPEM, dans une matière pour laquelle il est compétent (art. 40 al. 1 et 5 al. 1 let. d LaCP; art. 11 al. 1 let. e du Règlement sur l'exécution des peines et mesures - REPM), avoir été déposé dans le délai de dix jours à compter de sa notification (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et émaner du condamné visé par la décision querellée et qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de celle-ci (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre de céans étant nantie du dossier de l'autorité intimée, la conclusion préalable du recourant tendant à ce que le SAPEM verse celui-ci à la présente procédure est superfétatoire.

3.             Le recourant reproche au SAPEM de lui avoir refusé le passage en milieu ouvert.

3.1. Conformément à l'art. 59 al. 1 CP, lorsque l'auteur souffre d'un grave trouble mental, le juge peut ordonner un traitement institutionnel, si l'auteur a commis un crime ou un délit en relation avec ce trouble et qu'il est à prévoir que la mesure le détournera de nouvelles infractions en relation avec ce trouble.

En principe, le traitement institutionnel s'effectue dans un établissement psychiatrique approprié ou dans un établissement d'exécution des mesures (art. 59 al. 2 CP). Il peut toutefois aussi s'effectuer dans un établissement fermé, tant qu'il y a lieu de craindre que l'auteur ne s'enfuie ou ne commette de nouvelles infractions. Il peut aussi être effectué dans un établissement pénitentiaire au sens de l'art. 76 al. 2 CP dans la mesure où le traitement thérapeutique nécessaire est assuré par du personnel qualifié (art. 59 al. 3 CP).

L'art. 59 al. 3 CP subordonne le traitement dans un établissement fermé à un risque de fuite ou de récidive. Selon la jurisprudence, il doit s'agir d'un risque de récidive qualifié, puisque toutes les mesures supposent un risque de récidive (cf. art. 56 al. 1 let. b CP). Le risque est qualifié quand il est concret et qu'il est hautement probable que le condamné commette d'autres infractions dans l'établissement ou en dehors de celui-ci. Il s'agit d'un danger qui ne peut être combattu que par le placement dans un établissement fermé. Conformément au principe de la proportionnalité, l'exécution de la mesure dans un établissement fermé suppose une sérieuse mise en danger de biens juridiques essentiels (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1243/2017 du 13 mars 2018 consid. 1.1; 6B_319/2017 du 28 septembre 2017 consid. 1.1; 6B_845/2016 du 29 juin 2017 consid. 3.1.2). Le risque de récidive doit être concret et hautement probable, c'est-à-dire résulter de l'appréciation d'une série de circonstances. Il vise la dangerosité interne du prévenu. Ce sera, par exemple, le cas d'un condamné qui profère des menaces bien précises ou qui combat sciemment l'ordre de l'établissement; en revanche, l'art. 59 al. 3 CP ne devrait pas s'appliquer à de simples difficultés de comportement ou à l'insoumission vis-à-vis des employés de l'établissement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1243/2017 précité consid. 1.1; 6B_319/2017 précité consid. 1.1; 6B_538/2013 du 14 octobre 2013 consid. 3.1).

3.2. En l'espèce, le recourant considère ne pas présenter des risques qualifiés de récidive et de fuite, de sorte qu'il conviendrait d'ordonner son retour, sans délai, à E______. Pour cela, il se fonde notamment sur l'expertise du 14 février 2023, qui envisage un retour en milieu ouvert dans les 4 à 6 mois.

À cet égard, il est relevé que, conformément audit rapport, la possibilité d'un retour en milieu ouvert est soumise à deux conditions soit : à l'obtention, dans le cadre fermé, d'une stabilité psychique; et au renforcement ou l'ancrage des effets du travail amorcé autour de "la séparation/différenciation".

Or, aucune de ces deux conditions n'apparait remplie, en l'état.

En effet, d'une part, il ressort des documents postérieurs audit rapport que, malgré les nombreuses médications administrées, l'état du recourant n'était toujours pas stabilisé, à tout le moins, durablement. Actuellement encore, un traitement est en cours d'adaptation. Le recourant lui-même l'admet, en affirmant qu'en raison de ses multiples problèmes de santé, son état psychique est difficile à stabiliser entièrement et que des phases de décompensation existent encore.

D'autre part, s'agissant du travail autour de "la séparation/différenciation", il ressort du rapport d'expertise que ses effets n'étaient pas encore renforcés ni ancrés. Un peu plus d'un mois plus tard – le 23 mars 2023 –, le SMI a jugé prématuré d'apprécier l'évolution clinique du recourant, celui-ci restant, à tout le moins, partiellement anosognosique et ne reconnaissant pas son dernier passage à l'acte. Depuis lors, aucun élément au dossier ne permet de retenir que la situation du recourant a évolué favorablement à cet égard. Il apparaît, au contraire, qu'il reste partiellement anosognosique et que le travail entrepris n'a pas atteint les objectifs fixés par les experts. Le fait, pour le recourant, d'avoir reconnu avoir "dérapé" et entreprendre tout pour que cela ne se reproduise plus n'apparaît pas suffisant, étant précisé qu'il peut adopter un discours guidé par l'image idéale qu'il souhaite donner de lui.

Partant, on ne peut pas non plus considérer que la seconde condition posée par les experts soit remplie, de sorte qu'un passage en milieu ouvert est prématuré.

S'agissant du risque de récidive, il sera retenu, conformément à ladite expertise, qu'il est significativement lié à la stabilisation du trouble psychique du recourant et à ses capacités à gérer les facteurs de stress, en présence d'évènements déstabilisants. Ainsi, lorsque le prénommé est stabilisé, le risque est faible et, en cas de décompensation associée à des évènements déstabilisant, non traités par la parole, il est modéré à élevé.

Conformément à ce qui précède, en l'absence de stabilité de son état, le risque ne peut être considéré comme faible. Même si des rechutes seules ne sont pas à l'origine de passage à l'acte hétéro-agressif, il en va différemment lorsqu'elles sont associées à la survenance d'un évènement déstabilisant. Le recourant reste donc vulnérable et dépendant du cadre dans lequel il évolue. Or, lorsqu'il se trouvait en milieu ouvert, il a été fragilisé par la relation sentimentale qu'il entretenait avec une autre patiente, ce qui l'a mené à être impliqué dans deux incidents, avec usage de la violence physique – les 26 mai et 29 juillet 2022 –, évènements qui ont conduit à son placement en milieu fermé. Dans ces circonstances, le risque doit être considéré comme qualifié, d'autant plus au regard de l'infraction pour laquelle il a été condamné en 2014.

En outre, contrairement à ce que prétend le recourant, on ne voit pas que E______ apparaitrait comme un établissement plus adapté à ses troubles, les experts ayant relevé que l'intéressé n'y avait jamais été significativement et durablement "apaisé", lorsqu'il aurait pu l'être.

En conséquence, la deuxième hypothèse de l'art. 59 al. 3 1ère phrase CP – le risque de récidive – est réalisée. Au regard de ce qui précède, point n'est besoin d'examiner si le recourant présente aussi un risque de fuite.

Partant, un passage en milieu ouvert n'est pas compatible en l'état avec le besoin de protection de la collectivité. Le maintien en milieu fermé apparait toujours nécessaire, adéquat et proportionné à la situation de A______ et permet de garantir la poursuite de sa prise en charge dans le cadre de la mesure dont il fait l'objet.

Au vu de ce qui précède, on ne voit pas que l'élaboration d'un bilan de phase et/ou l'actualisation du plan d'exécution de sa mesure sollicitée soit de nature à apporter des éléments d'appréciation complémentaires probants eu égard aux avis et observations de l'ensemble des intervenants. On relèvera enfin que, dans le cadre de l'examen annuel de la mesure, la situation du recourant sera, à nouveau, examinée, d'ici à la fin de l'année, par l'ensemble des intervenants – octobre 2023 –, délai qui, contrairement à ce qu'allègue le recourant sans autre développement, n'est pas disproportionné.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6.             Le recourant sollicite l'assistance judiciaire pour le recours et la nomination de MC______ en qualité de défenseur d'office.

6.1. Après la condamnation, le droit de faire appel à un avocat est reconnu mais n'est pas conçu comme la base d'une reconnaissance pour des interventions systématiques d'un défenseur pendant l'application d'une peine ou d'une mesure privative de liberté (arrêt ACPR/451/2020 du 29 juin 2020 consid. 5.1; G. PALUMBO, L'avocat dans l'exécution des peines privatives de liberté : le cas particulier de la procédure disciplinaire, in RPS 132/2014 p. 92ss, pp. 94-95).

6.2. Conformément à l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire gratuite, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès; elle a droit en outre à l'assistance judiciaire gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert (arrêt du Tribunal fédéral 1B_74/2013 du 9 avril 2013 consid. 2.1 avec référence aux ATF 128 I 225 consid. 2.5.2 = JdT 2006 IV 47; 120 Ia 43 consid. 2a).

L'art. 135 al. 1 CPP prévoit que le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération et du canton for du procès. À Genève, le tarif des avocats est édicté à l'art. 16 RAJ et s'élève à CHF 200.- de l'heure pour un chef d'étude (al. 1 let. c). Seules les heures nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction, notamment, de la nature, l'importance et les difficultés de la cause, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ).

6.3. Dans le cas présent, le recourant, exécutant une mesure institutionnelle, est très vraisemblablement indigent – même s'il n'apporte aucune preuve à ce sujet –. Sa pathologie et l'importance de la cause, compte tenu de l'enjeu, commandent qu'il soit assisté d'un avocat.

Il en résulte que la demande de nomination de Me C______ en qualité d'avocate d'office sera accordée pour la procédure de recours.

L'état de frais produit par Me C______ détaille 5.75 heures comprenant un entretien avec le recourant (90 minutes), la prise de connaissance de la décision du SAPEM (15 minutes) et la rédaction du recours (240 minutes au total) au tarif horaire de CHF 200.-. Cette durée apparaît excessive compte tenu du mémoire de recours de douze page (pages de garde et de conclusions comprises), dont le développement juridique tient sur quatre pages et sera donc réduite de moitié.

Partant, sa rémunération sera arrêtée à CHF 807.75 (correspondant à 3h45 d'activité), TVA à 7.7% comprise.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Alloue à Me C______, à la charge de l'état, une indemnité de CHF 807.75 TTC.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au SAPEM.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 

Par ailleurs, le Tribunal pénal fédéral connaît des recours du défenseur d'office contre les décisions de l'autorité cantonale de recours en matière d'indemnisation (art. 135 al. 3 let. a CPP et 37 al. 1 LOAP). Le recours doit être adressé dans les 10 jours, par écrit, au Tribunal pénal fédéral, case postale 2720, 6501 Bellinzone.


 

PS/68/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

505.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

600.00